Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 mai 2011), que M. et Mme X... ont donné à bail, à effet du 1re février 1984, à M. et Mme Y... des caves destinées à la culture des champignons ; que, la SCI Sciber, aux droits de Mmes Christiane, Catherine et Véronique X... (les consorts X...), elles-mêmes aux droits de M. et Mme X..., leur ayant délivré un congé fondé sur l'âge de la retraite, M. et Mme Y... ont sollicité, sur le fondement du texte précité, la restitution par les consorts X... de la somme qu'ils avaient payée en vertu d'une convention conclue le 6 mars 1984 portant cession d'éléments d'exploitation agricole ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que les méthodes de culture, procédés et savoir-faire, à supposer qu'ils soient propres au cédant et que leur connaissance ne soit pas directement accessible au public, ne pouvaient constituer des éléments cessibles de l'exploitation agricole ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher en quoi les méthodes de culture ou savoir-faire ne pouvaient constituer des éléments cessibles de l'exploitation agricole lors d'un changement d'exploitant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Y... et les condamne à payer aux consorts X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour les consorts X...
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR condamné solidairement les exposantes au paiement de la somme de 53. 357, 16 €, outre intérêts au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les frais à moyen terme à compter du 8 mars 1984 sur la somme de 22. 867, 35 €, du 21 janvier 1985 sur celle de 8. 460, 92 €, du 19 février 1986 sur la même somme, du 11 février 1987 sur la même somme et du 8 janvier 1988 sur la somme de 5. 107, 05 € ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article L. 411-74 du Code rural, sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30. 000 € ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir, une remise d'argent ou de valeur non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci et les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme ; que l'action en répétition exercée en application de l'alinéa 2 étant distincte de l'action civile née de l'infraction pénale prévue par l'alinéa 1 du même texte, son succès n'est pas conditionné par la démonstration de l'existence d'une contrainte et d'une intention délictuelle au moment de la signature de l'acte de cession mais implique seulement que soit rapportée la preuve du caractère indu des sommes qui ont été versées ; qu'en l'espèce, les sommes payées par les époux Y.../ Z... aux époux X.../ A... en exécution de l'acte de cession de biens mobiliers du 6 mars 1984, comme celles complémentaires qui auraient été remises hors les stipulations de celui-ci, ont, ou auraient fait l'objet de versements intervenus à l'occasion d'un changement d'exploitant de la champignonnière sise à Laigneville mise en valeur dans les caves affermées aux appelants par acte authentique du 21 décembre 1983 ; que les dispositions de l'article L. 411-74 du Code rural ont ainsi vocation à s'appliquer ; que les époux Y.../ Z..., qui ne contestent pas la légitimité des sommes payées au titre du matériel et outillage de cave figurant au chapitre I de l'état détaillé annexé à l'acte de cession (234. 000 F ou 35. 673, 07 €) soutiennent que sont injustifiées d'une part, les sommes versées au titre des « agencements et installations divers à caractère mobilier » (50. 000 F ou 7. 622, 45 €), des « méthodes de cultures, procédés, know how de l'exploitation » (200. 000 F ou 30. 489, 80 €), des « autres éléments cessibles en matière de droit rural et plus particulièrement les droits de créance que le preneur acquiert contre le propriétaire en fonction d'améliorations culturales » (100. 000 F ou 15. 244, 90 €) tels que figurant au chapitre II de l'état détaillé précité et, d'autre part, celles ayant fait l'objet de versements complémentaires en espèces (450. 000 F ou 68. 602, 06 €) ; que selon les consorts X..., les « agencements et installations divers à caractère mobilier évalués à la somme de 50. 000 F (7. 622, 45 €) » par l'acte de cession du 6 mars 1984 correspondraient à « des bungalows, aérothermes et dispositifs électriques qui étaient en place » dans les caves données à bail aux époux Y.../ Z... lors de leur entrée en jouissance » ; qu'en l'état de cette affirmation que ne corrobore aucune des pièces produites aux débats, la Cour relève, d'une part, que les éléments d'équipements ainsi désignés se trouvant dans les caves affermées, leur valorisation, sans alors aucune désignation précise, au titre du chapitre II (autres éléments) de l'état détaillé annexé à l'acte de cession, n'est pas cohérente avec l'économie de la convention des parties qui valorise le matériel, outillage et équipement (bascules, balances, pompes, etc.) servant à l'exploitation desdites caves au titre du chapitre I de cet état, d'autre part, que figurent au nombre des éléments cédés énumérés à ce dernier chapitre qui les valorisent à 100. 000 F (15. 244, 90 €) une pompe à chaleur et la ventilation sans qu'il soit démontré par les intimés que celles-ci sont distinctes « des aérothermes » qu'elles évoquent et qu'elles sont précisément des appareils autonomes de chauffage comprenant un ventilateur et une batterie de chauffe ou un échangeur pulsant directement de l'air chaud dans un local à chauffer et encore, qu'il ressort, sans aucune ambiguïté, du rapport d'expertise de Monsieur B..., invoqué par les consorts X... au soutien de leurs dires, que la S. C. I. CRISBER, représentée par sa gérante, Madame Véronique X..., épouse C..., a excipé, lors de la libération des caves par les preneurs, du caractère d'immeuble par destination des installations électriques (p. 4) et que l'expert a été invité à examiner les bungalows situés dans les lieux loués afin de déterminer s'ils avaient fait l'objet d'un défaut d'entretien locatif (p. 12), ce qui exclut que les éléments en cause aient été cédés aux époux Y.../ Z... en 1984 ; qu'il s'ensuit que les consorts X... qui ne contestent pas le versement par les appelants de la somme de 50. 000 F (7. 622, 45 €) stipulée à l'acte du 6 mars 1984, lequel est au demeurant établi par les énonciations du contrat de prêt du 6 mars 1984 et les documents bancaires produits par les appelants, ne démontrent pas l'existence d'une contrepartie à celui-ci ; qu'il y a lieu à répétition ; qu'en l'absence, à la date de la convention des parties, d'un fonds agricole dont la création n'a été rendue possible que par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 et est encadrée par les dispositions du décret n° 2006-989 du 1er août 2006, les « méthodes de culture, procédés, know how (savoir-faire) », à supposer qu'il soit propre aux cédants et que leur connaissance ne soit pas directement accessible au public, ne pouvait constituer des éléments cessibles de l'exploitation agricole ; que la somme de 200. 000 F (30. 489, 80 €) payée à ces titres par les époux Y.../ Z... présente un caractère indu au sens de l'article L. 411-74 du Code rural ; qu'il en est de même de la somme de 100. 000 F (15. 244, 90 €) payée par les appelants au titre, selon l'acte de cession, des « autres éléments cessibles en matière de droit rural et plus particulièrement les droits de créance que le preneur acquiert contre le propriétaire en fonction d'améliorations culturales », dès lors que les améliorations au fonds loué, comme les fumures et arrière-fumures incorporées au sol qui n'en constituent que l'une des variétés, sont en application de l'article L. 411-69 du Code rural à la charge du seul bailleur et ne peuvent, sauf les exceptions prévues par les articles L. 411-75 et L. 411-76, alinéa 4, du Code rural et sans application en l'espèce, être mises à celle du preneur entrant (…) ; que les consorts X... seront condamné solidairement à payer aux époux Y.../ Z... la somme de 53. 357, 16 € (350. 000 F) ; qu'il résulte de l'acte de cession des biens mobiliers et du contrat de prêt, tous deux en date du 6 mars 1984, que la cession intervenue entre les époux X.../ A... et les époux Y.../ Z... est intervenue pour un prix global de 1. 000. 000 F comprenant pour 350. 000 F à un indu, dont 800. 000 F payés comptant et le surplus au moyen d'un prêt consenti par les cédants, étant observé que le recours à celui-ci n'a été rendu nécessaire qu'à raison de la valorisation illégitime de certains des éléments énumérés à l'acte de cession, remboursables en cinq annuités de 55. 500 F payables le 31 janvier des années 1985 à 1989 ; qu'il apparaît ainsi, alors que le prix auquel les cédants pouvaient prétendre se limiter à 650. 000 F alors que le premier paiement de 800. 000 F effectué par les appelants le 8 mars 1984 comprenait un indu de 22. 867, 35 € ; qu'il est par ailleurs établi par les relevés de banque produits aux débats qu'ils ont procédé au règlement des annuités convenu au titre du prêt que les époux X.../ A... leur avaient consenti les 25 janvier 1985, 19 février 1986, 11 février 1987, 8 janvier 1988 (le paiement fait à cette date couvrant la totalité de l'indu) et 20 février 1989 ; que les intérêts au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme seront accordés aux époux Y.../ Z... à compter du 8 mars 1984 sur la somme de 22. 867, 35 €, sur la somme de 8. 460, 92 € à compter du 21 janvier 1985, sur la somme de 8. 460, 92 € à compter du 19 février 1986, sur la somme de 8. 640, 92 € à compter du 11 février 1987 et sur celle de 5. 10è, 05 € à compter du 8 janvier 1988 ;
ALORS D'UNE PART QUE la mise en oeuvre de l'action en répétition suppose la preuve d'une intention délictuelle et d'une contrainte exercée sur le preneur entrant ; que les exposants faisaient valoir l'irrecevabilité de la demande dès lors que les époux Y... n'établissaient pas une contrainte, leurs allégations d'absence de contrepartie étant contestées, et ce d'autant que le bail a été régularisé par acte notarié le 21 décembre 1983, la prise de possession étant fixée au 1er février 1984 et que la cession d'actif est intervenue le 6 mars 1984, soit deux mois et demi après la conclusion du contrat de bail ; qu'ayant relevé que le contrat de bail a été reçu par notaire le 21 décembre 1983, la jouissance commençant le 1er février 1984, que par acte sous seing privé du 6 mars 1984 les exposants ont cédé aux époux Y... divers éléments, puis affirmé que l'action en répétition exercée en application de l'alinéa 2 de l'article L. 411-74 du Code rural étant distincte de l'action civile née de l'infraction pénale prévue à l'alinéa 1, son succès n'est pas conditionné par la démonstration de l'existence d'une contrainte et d'une intention délictuelle au moment de la signature de l'acte de cession mais implique seulement que soit rapportée la preuve du caractère indu des sommes qui ont été versées, cependant que les exposants contestaient l'absence de contreparties, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en affirmant qu'en l'absence, à la date de la convention des parties, d'un fonds agricole dont la création n'a été rendue possible que par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 et est encadrée par les dispositions du décret n° 2006-989 du 1er août 2006, les « méthodes de culture, procédés, know how (savoir-faire) », à supposer qu'ils soient propres aux cédants et que leurs connaissance ne soit pas directement accessibles au public, ne pouvaient constituer des éléments cessibles de l'exploitation agricole, que la somme de 200. 000 F (30. 489, 80 €) payée à ce titre par les époux Y.../ Z... présente un caractère indu au sens de l'article L. 411-74 du Code rural, la Cour d'appel qui se prononce par un motif inopérant a violé ledit texte ;
ALORS DE TROISIÈME PART QU'en affirmant qu'en l'absence à la date de la convention des parties d'un fonds agricole dont la création n'a été rendue possible que par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 et est encadrée par les dispositions du décret n° 2006-989 du 1er août 2006, les « méthodes de culture, procédés, know how (savoir-faire) », à supposer qu'ils soient propres aux cédants et que leurs connaissance ne soit pas directement accessibles au public, ne pouvaient constituer des éléments cessibles de l'exploitation agricole, que la somme de 200. 000 F (30. 489, 80 €) payée à ce titre par les époux Y.../ Z... présente un caractère indu au sens de l'article L. 411-74 du Code rural, sans préciser d'où il résultait que les méthodes de culture, procédés, « know how » (savoir-faire) ne pouvaient constituer des éléments cessibles de l'exploitation agricole en dehors du cadre légal issu de la loi du 5 janvier 2006, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 411-74 du Code rural ;
ALORS ENFIN QUE les exposants faisaient valoir que si le savoirfaire de même que les actifs cédés sous le vocable « fumure et arrière-fumure » n'avaient pas existé, les époux Y..., alors qu'ils n'y étaient pas contraints, étaient déjà dans la place, n'auraient pas accepté d'en payer le prix, que tous ces éléments ont été passés en charge, voire amortis pour ceux qui pouvaient l'être dans la comptabilité réelle des époux Y... qui en contestent le bien-fondé après en avoir opéré la déduction fiscale ; qu'en ne recherchant pas si les preneurs entrants avaient opéré les déductions fiscales, excluant qu'à hauteur de ces déductions ils puissent prétendre à une répétition de l'indu, sauf à s'enrichir sans cause, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;