Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 avril 1991 et 2 août 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Abdelghani X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler le jugement du 5 avril 1990 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 1988, par lequel le ministre de l'intérieur lui a enjoint de quitter le territoire français ;
2° d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3° de prononcer le sursis à exécution de cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil et notamment son article 374 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Piveteau, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission prévue à l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée avait, lors de sa réunion du 20 juin 1988 visée à l'arrêté d'expulsion, connaissance de toutes les condamnations pénales mentionnées dans les motifs dudit arrêté ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté serait fondé sur des condamnations pénales postérieures à la réunion de la commission manque en fait ;
Considérant que la légalité d'une décision doit s'apprécier à la date à laquelle celle-ci a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 14 décembre 1988 a méconnu les dispositions de la loi n° 89-548 du 2 août 1989 est inopérant ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986 : "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 ... 3°) L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ; 4°) L'étranger qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ou depuis plus de dix ans et qui n'a pas été condamné définitivement pour crime ou délit à une peine au moins égale à six mois d'emprisonnement sans sursis ou un an avec sursis ou à plusieurs peines d'emprisonnement au moins égales, au total, à ces mêmes durées (....)" ;
Considérant, d'une part, que si M. X... avait, peu de temps après qu'une prcédure d'expulsion lui ait été notifiée, reconnu un enfant français né le 9 août 1986 à Albertville (Savoie), il ne ressort des pièces du dossier ni qu'il exerce sur cet enfant naturel l'autorité parentale qui revient, sauf décision contraire, en vertu des principes posés par le code civil et notamment son article 374, à la mère de l'enfant qui l'a également reconnu, ni qu'il subvienne effectivement à ses besoins ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, M. X... avait été condamné à plusieurs peines d'emprisonnement sans sursis d'une durée totale supérieure à six mois ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées de l'article 25 pour soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'un arrêté d'expulsion ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... s'est, à plusieurs reprises de 1979 à 1988, rendu coupable de vol, de recel de vol et d'infraction à la législation sur les stupéfiants, constatés et sanctionnés par la justice pénale ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur pouvait, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, estimer que la présence de M. X... sur le sol français représentait une menace pour l'ordre public ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le mesure prise à l'encontre de M. X..., qui, à la date de l'arrêté attaqué, avait notamment perdu tout contact avec son enfant et la mère de celui-ci, ait pu porter atteinte à une vie familiale effective ; que, dès lors, elle ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique.