Vu la requête, enregistrée le 12 février 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Pierre X..., demeurant "chez Bacle",, Merillac-le-Franc à La Rochefoucauld (16110) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 3 décembre 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 12 avril 1989 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de La Rochefoucauld soit condamnée à lui verser la somme de 100 800 F en réparation de dommages causés à ses cultures au cours de l'année 1985 par des pigeons provenant de ladite commune ;
2°) de statuer sur le fond du litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fougier, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Guinard, avocat de M. Pierre X... et de Me Copper-Royer, avocat de la commune de La Rochefoucauld,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 131-2 du code des communes : "La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend, notamment ( ...) 8° le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ( ...)" ;
Considérant que pour écarter la demande de M. X..., agriculteur, tendant à ce que la commune de La Rochefoucauld soit condamnée à réparer les dommages causés à ses cultures par la multiplication de pigeons vivant en liberté sur le territoire de ladite commune, la cour administrative d'appel de Bordeaux a relevé que, dans les circonstances de l'affaire : "la commune ne peut être regardée comme ayant commis une faute lourde seule de nature à engager sa responsabilité" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la responsabilité de la commune pouvait être engagée sur le terrain de la faute simple, elle a entaché sa décision d'erreur de droit ; que l'arrêt attaqué doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que du fait des dommages causés par la multiplication des pigeons sur le territoire de la commune de La Rochefoucauld, un procédé contraceptif destiné à réduire leur nombre a été mis en oeuvre à la suite d'une délibération du conseil municipal du 18 mai 1984 ; que si les mesures édictées puis exécutées de ce chef n'ont pu empêcher que des dommages surviennent au printemps de l'année 1985 aux cultures de M. X..., la commune ne peut être pour autant regardée comme ayant commis une faute simple, au regard de la finalité de la police municipale, dans l'édiction de mesures appropriées aux "événements fâcheux" qui pourraient être occasionnés par la divagation de pigeons ou une faute lourde dans l'exécution de ces mesures ;
Considérant que les pigeons vivant en liberté sur le territoire d'une commune ne constituent pas, contrairement à ce que soutient le requérant, la propriété de cette collectivité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à ce que la commune soit déclarée responsable des dommages dont il fait état ;
Considérant que la commune de La Rochefoucauld, n'ayant pas la qualité de partie perdante en cause d'appel, elle ne saurait être condamnée à payer à M. X... la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 3 décembre 1991 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. X... dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 12 avril 1989 ensemble ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de La Rochefoucauld au paiement de la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X... à la commune de La Rochefoucauld, au ministre de l'intérieur et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.