Vu, enregistré le 11 mai 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 5 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Dijon, avant de statuer sur la demande de M. X..., tendant à l'annulation de la décision du préfet de la région de Bourgogne, préfet de la Côte d'Or, en date du 5 avril 1991 rejetant sa demande tendant à ce qu'une carte de résident lui soit délivrée et l'informant qu'il devra quitter le territoire français dans le délai d'un mois, en soumettant à son examen la question suivante : En présence d'un mariage présentant les apparences formelles de la régularité, le préfet est-il en situation de compétence liée pour délivrer le titre de séjour prévu à l'article 15-1° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ou dispose-t-il d'un pouvoir d'appréciation lui permettant d'estimer que ledit mariage est entaché d'un vice du consentement révélant une tentative de fraude à la loi ?
Vu les pièces du dossier transmises par le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 et notamment son article 12 ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés du décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 2 août 1989 : "La carte de résident est délivrée de plein droit sans que puissent être opposées les dispositions des articles 6 et 9 de la présente ordonnance : 1°) au conjoint étranger d'un ressortissant de nationalité française ... ".
La question de savoir si le préfet, compétent pour délivrer la carte de résident, peut, indépendamment de toute décision judiciaire, refuser de tenir compte d'un mariage contracté dans le seul but d'obtenir un titre de séjour doit être examinée à partir des considérations suivantes :
1) Un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire.
2) Il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé.
3) Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ces compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice desdites compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers.
Tel est le cas pour la mise en oeuvre de l'article 15 précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui n'a pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si le mariage d'un étranger avec un ressortissant de nationalité française est opposable aux tiers, dès lors qu'il a été célébré et publié dans les conditions prévues aux articles 165 et suivants du code civil et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'il n'a pas été dissous ou déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi de façon certaine lors de l'examen d'une demande présentée sur le fondement de l'article 15-1°, que le mariage a été contracté dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser à l'intéressé, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la carte de résident.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Dijon, à M. X... et au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique. Il sera publié au Journal officiel de la République française.