Vu 1°), sous le n° 177 174, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 janvier 1996 et 29 janvier 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain Z..., demeurant ... ; M. Z... demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 29 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a déclaré inéligible pendant un an à compter de la date à laquelle ledit jugement deviendra définitif ;
- rejette la saisine de la commission nationale des comptes de campagne ;
Vu 2°), sous le n° 177 198, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 janvier 1996 et 28 février 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Sébastien X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 29 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a déclaré inéligible en qualité de conseiller municipal de la commune de Woippy pendant un an à compter de la date à laquelle ledit jugement deviendra définitif ;
- rejette la saisine de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;
- condamne l'Etat à lui verser une somme de 12 060 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu 3°), sous le n° 177 200, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 janvier 1996 et 28 février 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Sébastien X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 29 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1995 pour l'élection au conseil municipal de la commune de Woippy ;
- rejette la protestation de M. Z... ;
- condamne M. Z... à lui verser une somme de 12 060 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 96-300 du 10 avril 1996 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Rousselle, Maître des Requêtes,
- les observations de Hennuyer, avocat de M. Alain Z..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Sébastien X...,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes présentées par M. Z... et par M. X... sont relatives au déroulement des mêmes opérations électorales des 11 et 18 juin 1995 pour l'élection au conseil municipal de la commune de Woippy ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 177 174 présentée par M. Z... :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral : "Pendant l'année précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où l'élection a été acquise, un candidat à cette élection ne peut avoir recueilli des fonds en vue du financement de sa campagne que par l'intermédiaire d'un mandataire nommément désigné par lui, qui est soit une association de financement électorale, soit une personne physique dénommée "le mandataire financier". Un même mandataire ne peut être commun à plusieurs candidats" ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 10 avril 1996 : "Pour l'élection des conseillers municipaux dont le dépôt des candidatures a été antérieur au 5 février 1996, l'interdiction faite par l'article L. 52-5 du code électoral à un candidat d'être membre de sa propre association de financement ne s'applique qu'au candidat tête de la liste. Pour la même élection, un candidat tête de liste peut avoir désigné un des membres de la liste comme mandataire financier. Ces dispositions de portée interprétatives s'appliquent aux instances en cours devant les juridictions administratives ; elles ne portent pas atteinte à la validité de décisions juridictionnelles devenues définitives." ;
Considérant que pour déclarer M. Z... inéligible pendant un an à compter de la date à laquelle le jugement deviendra définitif, le tribunal administratif de Strasbourg, par son jugement n° 951 724 bis du 29 décembre 1995, antérieur à la loi précitée du 10 avril 1996, s'est fondé sur la circonstance que M. Jean-Marie A..., candidat de la liste "Agir ensemble pour Woippy" conduite par M. Z..., a exercé les fonctions de mandataire financier de cette même liste ; qu'il ressort toutefois de l'instruction que M. Z..., candidat tête de liste, n'a pas exercé personnellement les fonctions de mandataire financier de sa liste ; que par suite, et en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 10 avril 1996, il ne tombe pas sous le coup de l'interdiction résultant des articles L. 524 et L. 52-6 du code électoral ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Z... est fondé à demander l'annulation du jugement n° 951 724 bis en date du 29 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l'a déclaré inéligible pour une durée d'un an aux fonctions de conseiller municipal ;
Sur les conclusions de M. Z... relatives au remboursement des dépenses électorales :
Considérant qu'il n'appartient pas au juge de l'élection de se prononcer sur les conclusions de M. Z... relatives au remboursement forfaitaire des dépenses électorales par l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 52-11-1 du code électoral ;
Sur les requêtes nos 177 198 et 177 200 présentées par M. X... :
Considérant que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le 6 octobre 1995 le compte de campagne de M. Sébastien X..., candidat conduisant la liste "Woippy pour le progrès et la solidarité", par le motif tiré de ce que la prise en charge par la commune de Woippy du bulletin d'informations municipales "Woippy magazine" devait être regardée comme un avantage consenti par une personne morale de droit public en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral précité ; que, par ailleurs, à l'appui de sa protestation, M. Z... a invoqué, notamment, un grief tiré de la méconnaissance des dispositions du second alinéa de l'articleL. 52-1 résultant selon lui de la diffusion du bulletin "Woippy magazine" ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : "A compter du premier tour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin." ; qu'il ressort de l'instruction que si les numéros du bulletin d'informations municipales "Woippy magazine" distribués, selon la périodicité usuelle de ce bulletin, avant les élections, comportent des articles valorisant l'action de M. X... maire sortant et un compte-rendu d'inauguration de réalisations municipales et d'actions en cours, le contenu et l'orientation des rubriques ou articles ne constituent pas des éléments d'une campagne de promotion publicitaire au sens de l'article L. 52-1, 2ème alinéa précité ; que l'analogie entre les rubriques figurant dans cette publication et les thèmes développés dans la profession de foi de M. X... ne sont pas de nature à conférer au bulletin municipal le caractère d'une campagne de promotion publicitaire au sens dudit article ;
Considérant d'autre part qu'aux termes des dispositions de l'article L. 52-8 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 19 janvier 1995 : " ... Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ..." ; qu'aux termes de l'article L. 52-15 du même code : "La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne ( ...). Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant, après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection ( ...)" ; que l'article L. 118-3 dans sa rédaction résultant de la loi susvisée du 10 avril 1996 dispose que : "Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ..." ; qu'enfin, selon l'article L. 234, applicable à l'élection des conseillers municipaux : "Peut être déclaré inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit" ;
Considérant que si les dispositions précitées de l'article L. 52-8 ont pour effet, à compter du 21 janvier 1995, date de publication de la loi du 19 janvier 1995, d'interdire aux personnes morales, qu'il s'agisse de personnes publiques ou de personnes morales de droit privé à l'exception des partis ou groupements politiques, de consentir à un candidat des dons en nature ou en espèces sous quelque forme et de quelque montant que ce soit, ni l'article L. 52-15 ni aucune autre disposition législative n'oblige la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à rejeter le compte d'un candidat faisant apparaître qu'il a bénéficié de la part de personnes morales d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8 ; qu'il appartient à la commission, sous le contrôle du juge de l'élection, d'apprécier si, compte tenu notamment des circonstances dans lesquelles le don a été consenti et de son montant, sa perception doit entraîner le rejet du compte ; qu'en l'espèce, il ressort de l'instruction que si "les bulletins d'informations municipales "Woippy magazine" comportent des passages constituant des éléments de propagande conférant à leur diffusion à la charge de la commune le caractère d'un don émanant d'une personne morale au sens des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, la partie de ces bulletins comportant des éléments de propagande ne représente qu'une demi-page, qui correspondà un coût d'environ 5 000 F seulement, auquel il convient toutefois d'ajouter 1 500 F de frais de distribution ; qu'ainsi la perception par M. X... du don prohibé correspondant à la diffusion de ce bulletin n'était pas, eu égard au plafond des dépenses fixé pour cette élection qui s'élève à 157 531 F et aux dépenses qu'il a déclarées qui étaient de 54 600 F, de nature à justifier le rejet de son compte de campagne par la commission et par voie de conséquence qu'il soit déclaré inéligible en application de l'article L. 118-3 précité du code électoral et que son élection soit annulée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que ni le grief tiré de l'article L. 52-1 ni celui tiré de l'article L. 52-8 ne justifiaient que par le jugement n° 951-724 ter du 29 décembre 1995 il fût déclaré inéligible et ni que par le jugement n° 951 724 du même jour son élection fût annulée ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus la diffusion du bulletin "Woippy magazine" n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 52-1 susvisé du code électoral ; que l'intégration de la part du coût de cette diffusion correspondant à des dépenses électorales ne conduit pas à un dépassement du plafond autorisé ;
Considérant que le tract intitulé "Woippy autrement", comportant la photo et le nom de M. Y..., candidat arrivé en troisième position au 2ème tour des élections et qualifié par les colistiers de M. X... de candidat d'extrême droite, et appelant à voter et faire voter pour M. Z... n'ayant pu nuire à M. Z... ni induire en erreur les électeurs, sa diffusion ne peut être regardée comme une manoeuvre de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1995 pour l'élection des conseillers municipaux de la commune de Woippy et l'a déclaré inéligible ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat et M. Z... à verser à M. X... une somme de 5 000 F chacun au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les jugements n° 951 724, 951 724 bis et 951 724 ter du 29 décembre 1995 du tribunal administratif de Strasbourg sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 177 174 de M. Z... est rejeté.
Article 3 : La protestation de M. Z... devant le tribunal administratif de Strasbourg etles saisines de ce tribunal par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sont rejetées.
Article 4 : Les élections municipales qui se sont déroulées à Woippy (Moselle) les 11 et 18 juin 1995 sont validées.
Article 5 : L'Etat d'une part et M. Z... d'autre part verseront chacun la somme de 5 000 F à M. X... en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à M. Z..., à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.