Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 septembre et 2 décembre 1997 au secrétariat de la section du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Max X..., demeurant au lieu dit Tomo, à Boulouparis (98800) Nouvelle-Calédonie ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 10 juin 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 8 novembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 39 000 000 FCFP en réparation du préjudice résultant du blocage de la route d'accès à la mine de Tontouta ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Edouard Philippe, Auditeur,
- les observations de Me de Nervo, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que pour rejeter la demande de M. X..., tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 39 000 000 FCFP en réparation du dommage qu'il a subi à la suite du blocage de la route d'accès à la mine de Tontouta, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur ce que "les dommages résultant de l'abstention des autorités administratives ne sauraient, en tout état de cause, engager la responsabilité de l'Etat, en l'absence de faute, que si cette abstention excède une certaine durée ; qu'il résulte de l'instruction que le barrage en cause a été mis en place le 15 juin 1992 et levé le 3 juillet suivant ; que, dans les circonstances de l'espèce et à supposer même que le préjudice ait été spécial comme propre au requérant, il ne saurait être regardé comme anormal compte tenu de la nature des matériaux transportés et du fait que le barrage a été levé dix-huit jours après sa mise en place" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983, rendu applicable aux territoires d'outre-mer par l'article 27-II de la loi n° 86-29 du 9 janvier 1986 : "L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ..." ;
Considérant qu'ainsi que le soutient M. X... dans le dernier mémoire qu'il a produit devant le Conseil d'Etat, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les conditions d'application des dispositions précitées de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 étaient réunies ; que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, qui a implicitement mais nécessairement écarté le moyen d'ordre public tiré de l'existence d'une responsabilité sans faute de l'Etat sur le fondement de ces dispositions a méconnu celles-ci ; que, par suite, M. X... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt en date du 10 juin 1997 par lequel la cour administrative de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nouméa du 8 novembre 1995 rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de l'indemnisation à accorder à M. X... pour compenser le préjudice qu'il a subi en raison du blocage de la route d'accès à la mine de Tontouta en fixant cette indemnité à une somme de 200 000 FCFP ;
Sur les conclusions du secrétaire d'Etat à l'outre-mer tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'Etat la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt en date du 10 juin 1997 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 8 novembre 1995 du tribunal administratif de Nouméa sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 200 000 FCFP.
Article 3 : L'Etat versera à M. X... une somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Les conclusions du secrétaire d'Etat à l'outre-mer tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Max X... et au ministre de l'intérieur.