Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 avril et 10 août 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Jacques Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler une décision de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins en date du 9 décembre 1997 en tant que la section des assurances sociales a, d'une part, rejeté l'appel formé par M. Y... contre une décision de la section des assurances sociales du conseil régional de l'Ordre des médecins de Provence-Côte d'Azur-Corse en date du 25 janvier 1996 infligeant au requérant la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant six mois et, d'autre part, mis à la charge du requérant un tiers des frais de l'instance ;
2°) de condamner le Conseil national de l'Ordre des médecins à lui verser la somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;
Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié ;
Vu le décret n° 79-506 du 28 juin 1979 ;
Vu le décret n° 87-944 du 25 novembre 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pignerol, Auditeur,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de M. Y..., de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du Conseil national de l'Ordre des médecins et de la SCP Gatineau, avocat de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour rejeter l'appel formé par M. Y... contre la décision de la section des assurances sociales du conseil régional de l'Ordre des médecins de Provence-Côte d'Azur-Corse en date du 25 janvier 1996 lui infligeant une sanction disciplinaire, la section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins s'est fondée, en premier lieu, sur ce que ce praticien, alors qu'il exerçait les fonctions de chef de service dans un établissement relevant de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, avait méconnu les dispositions de l'article 26 du décret du 28 juin 1979 portant code de déontologie médicale, applicable à la date des faits, aux termes desquelles "tout compérage entre médecins et pharmaciens, auxiliaires médicaux ou toutes autres personnes est interdit" ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Y... avait attesté et facturé l'exécution d'actes qui avaient été en réalité effectués de manière habituelle sur des assurés sociaux, du mois de décembre 1992 au mois de mai 1993, par M. X..., chirurgien-dentiste, dans le cadre de l'activité libérale que le requérant avait été autorisé à exercer au sein de son service ; que le caractère habituel de cette activité est de nature à autoriser la qualification de compérage de celle-ci sans qu'il soit besoin de rechercher si le requérant en retirait un bénéfice ; que l'appréciation ainsi portée qui ne repose ni sur une erreur ni sur une dénaturation des faits n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à prétendre qu'en énonçant que les faits relevés à son encontre présentaient le caractère de compérage, la section des assurances sociales aurait fait une inexacte application des dispositions réglementaires précitées ;
Considérant que, la section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins s'est fondée, en second lieu, sur ce que M. Y... avait également méconnu les dispositions de l'article 32 du décret du 28 juin 1979, alors en vigueur, qui interdisent à un médecin "toute facilité accordée à quiconque se livre à l'exercice illégal de la médecine" ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le requérant avait sciemment permis à M. X... d'examiner lui-même des assurés sociaux et de pratiquer sur eux des actes thérapeutiques relevant de l'exercice de la médecine, alors que ce chirurgien-dentiste ne possédait pas les titres l'habilitant à effectuer des actes de cette nature ; qu'en estimant que le requérant n'était pas personnellement présent lors de l'exécution de ces actes, notamment des actes d'infiltration, la section des assurances sociales s'est livrée à une appréciation des faits qui ne peut être discutée devant le juge de cassation ; que, dès lors, elle n'a pas donné aux faits une qualification erronée au regard des dispositions réglementaires précitées ;
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie : "Sont amnistiés les faits commis avant le 18 mai 1995 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles ... - Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exclus du bénéfice de l'amnistie ... les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur" ; qu'en estimant que les faits relevés à l'encontre de M. Y... constituaient un manquement à l'honneur et à la probité et étaient, par suite, exclus du bénéfice de l'amnistie, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, dont la décision est suffisamment motivée sur ce point, a fait une exacte application des dispositions législatives précitées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins en date du 9 décembre 1997 ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, d'une part, le Conseil national de l'Ordre des médecins n'a pas la qualité de partie dans la présente instance ; que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit condamné à payer la somme que M. Y... demande pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le requérant, sur le fondement de ces dispositions, à verser la somme de l5 000 F à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : M. Y... est condamné à payer la somme de 15 000 F à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Jacques Y..., au Conseil national de l'Ordre des médecins, à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouchees-du-Rhône, au médecin conseil, chef du service du contrôle médical auprès de la caisse primaire centrale d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'emploi et de la solidarité.