Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 septembre 1998 et 8 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Louis X..., demeurant dans l'... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 16 juillet 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 11 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 2 mars 1995 du maire de Narbonne le mettant en demeure de démolir des installations édifiées sur le domaine public, d'autre part, à l'annulation de cette décision et à la condamnation de la commune de Narbonne à lui verser la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Stefanini, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Boullez, avocat de M. X... et de Me Odent, avocat de la commune de Narbonne,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X..., propriétaire à Narbonne d'un immeuble dans lequel il exploite un café-restaurant, a bénéficié de l'autorisation, délivrée en 1966 à titre précaire et révocable, de cimenter et recouvrir d'un auvent de canisses une surface formant terrasse de 152 m , appartenant à la commune de Narbonne ; que, toutefois, par lettre du 2 mars 1995, le maire lui a fait savoir que cette installation constituait une occupation sans autorisation du domaine public et lui a demandé de procéder dans un délai de quinze jours à sa démolition et à l'évacuation des matériaux afin de restituer au domaine public son état initial ; que, par le même courrier, le maire lui a indiqué qu'à défaut pour lui de déférer à cette mise en demeure, la commune de Narbonne serait dans l'obligation d'engager des poursuites à son encontre ; que cette lettre a eu pour effet de mettre fin, avec un préavis de quinze jours et sous la menace de poursuites, à la possibilité pour M. X... d'occuper la partie du domaine public communal dont il s'agit ; qu'en estimant "que cette lettre ne constitue pas, en elle-même, dans les termes où elle est rédigée, une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir", la cour administrative d'appel de Bordeaux a donné aux faits de la cause une qualification juridique erronée ; que, dès lors, M. X... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à tort que, pour rejeter comme irrecevables les conclusions de M. X... tendant à l'annulation de la décision contenue dans la lettre en date du 2 mars 1995 du maire de Narbonne, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que cette lettre ne pouvait, dans les termes où elle était rédigée, être regardée comme comportant une décision administrative faisant grief et susceptible en conséquence de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 11 octobre 1995 doit, dès lors, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant que les autorisations d'occupation du domaine public sont accordées à titre précaire et révocable ; que, par suite, la circonstance, à la supposer établie, que M. X... était titulaire, avant l'intervention de la décision attaquée, d'une autorisation d'occupation de la partie du domaine public communal correspondant à la terrasse qui jouxte l'immeuble "Le Miramar" dont il est propriétaire, est sans influence sur la légalité de la décision par laquelle le maire de Narbonne lui a demandé de démolir ses installations et de restituer au domaine public son état initial ; que, dès lors, le moyen tiré par le requérant de ce qu'il aurait été titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public communal ne peut qu'être écarté ;
Considérant que les décisions relatives au domaine public ne sont pas régies par le code de l'urbanisme ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 110 de ce code concernant l'harmonisation des actions des collectivités publiques en matière d'utilisation de l'espace est en tout état de cause inopérant à l'encontre d'une décision prise pour assurer laprotection du domaine public ;
Considérant que si M. X... soutient que la décision contenue dans la lettre du 2 mars 1995 du maire du Narbonne conduit à une discrimination entre lui-même et d'autres propriétaires occupant le domaine public communal dans les mêmes conditions que lui, de telles circonstances, à les supposer établies, sont sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;
Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contenue dans la lettre en date du 2 mars 1995 par laquelle le maire de Narbonne l'a mis en demeure de démolir des installations édifiées sur le domaine public communal ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner M. X... à payer à la commune de Narbonne la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce que la commune de Narbonne, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;
Article 1er : L'arrêt en date du 16 juillet 1998 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Le jugement en date du 11 octobre 1995 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Narbonne tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis X..., à la commune de Narbonne et au ministre de l'intérieur.