Vu, 1°/ sous le n° 200116, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 septembre 1998 et 26 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION ORLEANAISE POUR UN NOUVEAU TRANSPORT URBAIN dont le siège est ... ; l'ASSOCIATION ORLEANAISE POUR UN NOUVEAU TRANSPORT URBAIN demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 juillet 1998 portant déclaration d'utilité publique des acquisitions et travaux nécessaires à la réalisation de la première ligne de tramway de l'agglomération orléanaise sur le territoire des communes de Fleury-les-Aubrais, Orléans, Olivet (Loiret) et comportant mise en compatibilité des plans d'occupation des sols desdites communes ;
- d'ordonner qu'il soit sursis à son exécution ;
- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 30 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu, 2°/ sous le n° 200117, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er octobre 1998 et 29 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Antoinette X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 juillet 1998 en tant qu'il prévoit la réalisation d'un parc de stationnement sur un terrain lui appartenant, au n° 102 de la rue Kléber, à Fleury-les-Aubrais ;
- d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du décret attaqué ;
- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 8 442 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 et le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;
Vu la loi n° 82-153 du 30 décembre 1982 et le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;
Vu l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de la Verpillière, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de l'ASSOCIATION ORLEANAISE POUR UN NOUVEAU TRANSPORT URBAIN,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête n° 200116 de l'ASSOCIATION ORLEANAISE POUR UN NOUVEAU TRANSPORT URBAIN et la requête n° 200117 de Mme Antoinette X... sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les interventions de la communauté de communes de l'agglomération orléanaise :
Considérant que la communauté de communes de l'agglomération orléanaise a intérêt au maintien du décret attaqué ; qu'ainsi, ses interventions sont recevables ;
Sur la requête n° 200116 de l'ASSOCIATION ORLEANAISE POUR UN NOUVEAU TRANSPORT URBAIN :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions des articles R. 11-14-7 et R. 11-14-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, combinées à celles de l'article R.123-35-3 du code de l'urbanisme, que l'enquête publique doit être annoncée par voie d'affiches au moins dans toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu et que, dans les mairies de ces communes, un dossier et un registre doivent être tenus à la disposition du public ; que, par suite, l'administration n'a pas commis d'irrégularité en procédant à ces formalités dans les seules communes de Fleury-les-Aubrais, Orléans et Olivet sur le territoire desquelles devait être entreprise la construction de la ligne Nord-Sud du tramway de l'agglomération orléanaise, et non dans les dix-sept autres communes du syndicat à vocation multiple de l'agglomération orléanaise ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire applicable à la date du décret attaqué n'imposait, préalablement à la déclaration d'utilité publique d'un projet d'infrastructure de transport en milieu urbain, l'élaboration du plan de déplacements urbains prévu par l'article 28 de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 14 de la loi du 30 décembre 1982 : "Les grands projets d'infrastructures et les grands choix technologiques sont évalués sur la base de critères homogènes permettant de procéder à des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport et entre différents modes ou combinaisons de modes. Ces évaluations sont rendues publiques avant l'adoption définitive des projets concernés" ; que le document inclus dans le dossier soumis à l'enquête publique et intitulé "Evaluation socio-économique" contient l'ensemble des éléments qui, en vertu de l'article 4 du décret du 17 juillet 1984, doivent obligatoirement figurer dans l'évaluation prévue par l'article 14 précité de la loi du 30 décembre 1982 ; que s'il résulte des dispositions des articles 2, 3 et 4 de ce décret que l'évaluation d'un grand projet d'infrastructures dont la réalisation est prévue en plusieurs tranches doit porter sur la totalité du projet et doit précéder la première tranche, ces dispositions ne sont pas applicables en l'espèce, dès lors que la première ligne (nord-sud) du tramway d'Orléans, dont la réalisation a été déclarée d'utilité publique par le décret attaqué, peut être construite et exploitée indépendamment de la seconde ligne (est-ouest), et constitue donc, par elle-même, un grand projet d'infrastructures ayant sa finalité propre, bien que la construction des deux lignes ait été envisagée dans une même délibération du comité syndical du syndicat intercommunal à vocation multiple de l'agglomération orléanaise ;
Considérant, en quatrième lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, les informations du dossier d'enquête relatives aux textes applicables et à la procédure administrative ne sont pas insuffisantes ou erronées ; qu'ainsi, les dispositions de l'article R. 11-14-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'ont pas été méconnues ;
Considérant, en cinquième lieu, que l'estimation sommaire des dépenses, présentée en application du 5° du I de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, est suffisamment détaillée et n'est pas manifestement sous-évaluée ; qu'il n'y avait pas lieu d'y inclure les dépenses afférentes à des ouvrages distincts de la première ligne de tramway ; que la circonstance que n'y figurent pas des dépenses relatives à des ouvrages, dont la réalisation a été décidée après l'enquête, mais qui ne remettent pas en cause l'économie générale du projet, n'est pas constitutive d'une irrégularité ; qu'enfin, le fait que les dépenses ont été estimées aux conditions économiques de janvier 1995 alors que l'enquête s'est déroulée du 16 décembre 1996 au 31 janvier 1997, a été sans incidence sur la régularité de la procédure suivie en raison du faible niveau de l'inflation durant la période considérée ;
Considérant, en sixième lieu, que l'étude d'impact jointe au dossier de l'enquête publique contient une description suffisante de l'état initial du site ; qu'elle explique pourquoi la solution du tramway a été préférée au renforcement de la desserte ferroviaire par la SNCF ou à la création d'un réseau d'autobus en site propre ; quelle expose correctement et complètement les effets du projet sur l'environnement, notamment la qualité de l'air, sur la circulation, le stationnement et l'activité commerciale en centre ville, ainsi que sur le patrimoine historique ; que le coût des mesures compensatoires n'est pas manifestement sous-évalué ; qu'enfin, elle n'avait pas à apprécier les impactsde la seconde ligne de tramway, celle-ci constituant une opération distincte ayant sa finalité propre ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 n'ont pas été méconnues ;
Considérant, en septième lieu, que la commission d'enquête a subordonné son avis favorable à la réalisation de certaines conditions ; que l'une de ces conditions au moins, portant sur la non utilisation du pont George V, n'a pas été remplie ; que cette circonstance, si elle a conduit l'administration à regarder l'avis comme défavorable et à faire déclarer l'utilité publique du projet par décret en Conseil d'Etat, est en revanche, par elle-même, sans incidence sur la légalité dudit décret ;
Considérant, en huitième lieu, qu'une opération ne peut être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet déclaré d'utilité publique a pour objet d'augmenter la capacité du réseau de transports en commun de l'agglomération orléanaise ; que ce projet revêt un caractère d'utilité publique ; qu'eu égard tant à l'importance de l'opération qu'aux précautions prises, les inconvénients que présente le projet retenu du point de vue, notamment, de ses répercussions sur les conditions de circulation et de stationnement des automobiles, ne peuvent être regardés comme excessifs par rapport à l'intérêt qu'il présente ; que, dès lors, ni ces inconvénients, ni le coût de l'ouvrage ne sont de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;
En ce qui concerne les conclusions de l'ASSOCIATION ORLEANAISE POUR UN NOUVEAU TRANSPORT URBAIN tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'ASSOCIATION ORLEANAISE POUR UN NOUVEAU TRANSPORT URBAIN la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
En ce qui concerne les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'ASSOCIATION ORLEANAISE POUR UN NOUVEAU TRANSPORT URBAIN à payer à l'Etat la somme demandée par le ministre de l'intérieur au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
Sur les conclusions de la communauté de communes de l'agglomération orléanaise tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que la communauté de communes de l'agglomération orléanaise, simple intervenante, n'est pas partie à l'instance enregistrée sous le n° 200116 ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à la condamnation de l'ASSOCIATION ORLEANAISE POUR UN NOUVEAU TRANSPORT URBAIN à lui verser la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Sur la requête n° 200117 de Mme X... :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
Considérant que dans sa requête sommaire, seule présentée dans le délai du recours contentieux, Mme X... demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 28 juillet 1998 "en tant qu'il déclare d'utilité publique l'expropriation de son terrain" ; que, cependant, la réalisation d'un ensemble de parcs de stationnement le long de la ligne de tramway est nécessaire pour compenser les places de stationnement dont la construction de l'ouvrage entraînera la suppression ; que, par suite, les conclusions susanalysées qui tendent à l'annulation partielle d'un acte dont les dispositions forment un ensemble indivisible, ne sont pas recevables ;
En ce qui concerne les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
En ce qui concerne les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner Mme X... à payer à l'Etat, la somme demandée par le ministre de l'intérieur au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
Sur les conclusions de la communauté de communes de l'agglomération orléanaise tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que la communauté de communes de l'agglomération orléanaise, simple intervenante, n'est pas partie à l'instance enregistrée sous le n° 200117 ; qu'ainsi les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à la condamnation de Mme X... à lui verser la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les interventions de la communauté de communes de l'agglomération orléanaise sont admises.
Article 2 : Les requêtes de l' ASSOCIATION ORLEANAISE POUR UN NOUVEAU TRANSPORT URBAIN et de Mme X... sont rejetées, ainsi que les conclusions du ministre de l'intérieur et de la communauté de communes de l'agglomération orléanaise tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION ORLEANAISE POUR UN NOUVEAU TRANSPORT URBAIN, à Mme Antoinette X..., à la communauté de communes de l'agglomération orléanaise, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.