Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 16 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE GENNEVILLIERS (Haut-de-Seine), agissant par son maire en exercice ; la COMMUNE DE GENNEVILLIERS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler sans renvoi l'arrêt du 16 novembre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, à la demande de la commune de Puteaux a, d'une part, annulé le jugement du 10 juillet 1998 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a annulé la délibération du 29 juillet 1996 par laquelle le conseil municipal de Puteaux a décidé de procéder à l'acquisition d'un immeuble sur le territoire de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS au ... et, d'autre part, annulé l'arrêté du 21 août 1996 du maire de Gennevilliers ordonnant la fermeture immédiate du logement-foyer sis à ladite adresse ;
2°) d'autre part, de condamner l'office à lui verser une somme de 30 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Delion, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la commune de Puteaux,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une délibération du 29 juillet 1996, le conseil municipal de Puteaux a décidé d'acquérir un bâtiment situé sur le territoire de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS pour y reloger une quinzaine d'agents municipaux d'origine étrangère, qui devaient quitter leur logement situé à Puteaux ; que ces personnes ont emménagé dans ce bâtiment au mois d'août 1996 ; que la commune de Puteaux a parallèlement entrepris divers travaux d'aménagement et de confort dans ce bâtiment pour en faire un foyer-logement de travailleurs immigrés ; que par deux arrêtés du 21 août 1996, le maire de Gennevilliers a ordonné la fermeture immédiate de ce foyer et la cessation des travaux engagés ; que, saisi par les deux communes, le tribunal administratif de Paris a d'une part, annulé la délibération du 29 juillet 1996 et a d'autre part, rejeté les conclusions tendant à l'annulation des deux arrêtés du 21 août 1996 ; que, par un arrêt du 16 novembre 2000, la cour administrative d'appel de Paris, sur la requête de la commune de Puteaux, après avoir annulé ce jugement en tant qu'il avait annulé la délibération du 29 juillet 1996 et refusé d'annuler l'arrêté du 21 août 1996 ordonnant la fermeture de l'établissement, a rejeté les conclusions de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS dirigées contre la délibération du 29 juillet 1996, a annulé l'arrêté du 21 août 1996 du maire de Gennevilliers ordonnant la fermeture du foyer-logement mais a rejeté les conclusions de la commune de Puteaux tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 août 1996 ordonnant la suspension des travaux ; que la COMMUNE DE GENNEVILLIERS se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il statue sur la légalité de la délibération du 29 juillet 1996 et de l'arrêté du 21 août 1996 de son maire ordonnant la fermeture de l'établissement ;
Sur le pourvoi :
Considérant que, devant les juges du fond, la COMMUNE DE GENNEVILLIERS faisait valoir que la délibération du 29 juillet 1996 du conseil municipal de Puteaux allait d'une part, aggraver les déséquilibres sociaux et urbains qu'elle connaît en raison du grand nombre de travailleurs immigrés déjà installés sur son territoire et, d'autre part, accroître ses charges financières ; qu'ainsi, cette commune justifiait d'un intérêt suffisant pour attaquer cette délibération ; que, par suite, en jugeant que la COMMUNE DE GENNEVILLIERS ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour contester la délibération litigieuse, la cour administrative d'appel a fait une erreur de qualification juridique ; que la COMMUNE DE GENNEVILLIERS est donc fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la délibération du 29 juillet 1996 ;
Considérant que, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la cour a accueilli les conclusions de la commune de Puteaux dirigées contre l'arrêté de fermeture de l'établissement sans se prononcer préalablement sur la fin de non recevoir opposée par la COMMUNE DE GENNEVILLIERS en première instance, tirée de ce que le maire de Puteaux n'avait pas été régulièrement habilité à ester en justice ; qu'en omettant de statuer sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité ; que, par suite, la COMMUNE DE GENNEVILLIERS est fondée à demander, dans cette mesure également l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions de la COMMUNE DE GENNEVILLIERS tendant à l'annulation de la délibération du 29 juillet 1996 :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Puteaux le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
Considérant qu'ainsi que cela a été dit ci-dessus la COMMUNE DE GENNEVILLIERS avait intérêt à contester la délibération du 29 juillet 1996 ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que, placée dans l'obligation de restituer à l'Etablissement public pour l'aménagement de la Défense le terrain sur lequel était installé le bâtiment hébergeant ses employés, la commune de Puteaux recherchait une solution au relogement de ces agents ; qu'ainsi il ne ressort pas des pièces du dossier que la délibération litigieuse aurait eu pour objet réel d'éloigner ces agents de son territoire et serait ainsi entachée de détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Puteaux est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce moyen pour annuler la délibération attaquée ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la COMMUNE DE GENNEVILLIERS à l'encontre de cette délibération ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une note exposant les motifs de l'achat du bâtiment susévoqué a suffisamment informé le conseil municipal avant sa délibération ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales doit être écarté ;
Considérant que l'article 4 de la loi du 13 juillet 1991 ne prévoit de concertation avec les habitants que pour les opérations d'aménagement définies à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; que le projet litigieux n'est pas au nombre de ces opérations ; que dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions de cet article doit être écarté ;
Considérant qu'eu égard notamment au caractère ponctuel de l'opération, aux circonstances qui en sont à l'origine, au faible nombre de personnes concernées et à la localisation respectives de leurs lieux d'habitation et de travail la délibération litigieuse n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît ni le principe de "cohésion sociale" énoncé à l'article 1er de la loi du 13 juillet 1991, ni les dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de le mettre en oeuvre ;
Sur les conclusions de la commune de Puteaux dirigées contre l'arrêté du 21 août 1996 ordonnant la fermeture de l'établissement :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de Puteaux a été régulièrement habilité à ester en justice contre l'arrêté attaqué par une délibération du conseil municipal en date du 12 juin 1995 ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation : "Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux, la fermeture des établissements exploités en infraction aux dispositions du présent chapitre peut être ordonnée par le maire ou par le représentant de l'Etat dans le département dans les conditions fixées aux articles R. 123-27 et R. 123-28. La décision est prise par arrêté après avis de la commission de sécurité compétente. L'arrêté fixe, le cas échéant, la nature des aménagements et travaux à réaliser ainsi que les délais d'exécution" ; que ces dispositions imposent à l'autorité compétente, sauf motif d'urgence dûment établi, de recueillir l'avis de la commission de sécurité compétente et d'inviter le propriétaire à procéder aux travaux nécessaires pour assurer la sécurité du public avant de prononcer la fermeture d'un établissement ; qu'il est constant que la COMMUNE DE GENNEVILLIERS n'a pas accompli ces formalités préalables ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du rapport d'expert en date du 25 septembre 1996 établi à la demande du juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre et des motifs de l'arrêté attaqué, que la fermeture du foyer ait revêtu un caractère d'urgence ; que cet arrêté est donc illégal ; que par suite la commune de Puteaux est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 août 1996 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la COMMUNE DE GENNEVILLIERS à verser à la commune de Puteaux la somme de 2 300 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Puteaux, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à la COMMUNE DE GENNEVILLIERS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 16 novembre 2000 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 10 juillet 1998 du tribunal administratif de Paris sont annulés en tant qu'il statuent sur la légalité de la délibération du 29 juillet 1996 du conseil municipal et de l'arrêté du 21 août 1996 du maire de Gennevilliers.
Article 2 : L'arrêté du 21 août 1996 du maire de Gennevilliers est annulé.
Article 3 : La demande de la COMMUNE DE GENNEVILIERS tendant à l'annulation de la délibération du 29 juillet 1996 est rejetée.
Article 4 : La COMMUNE DE GENNEVILLIERS est condamnée à verser à la commune de Puteaux une somme de 2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par la COMMUNE DE GENNEVILLIERS est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE GENNEVILLIERS, à la commune de Puteaux, au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.