Vu le recours, enregistré le 26 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 18 décembre 2002 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a accordé à la société Raffypack une réduction de base imposable à l'impôt sur les sociétés de 723 333 F au titre de l'année 1990 et de 2 750 000 F au titre de l'année 1991 et réformé en ce sens le jugement du 29 mai 1998 du tribunal administratif de Melun ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Aurélie Robineau-Israël, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Raffypack,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1990 à 1992, l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la société Raffypack, d'une part la valeur du fonds de commerce repris de la société Raffy mais non porté en comptabilité, et d'autre part, la différence entre la valeur vénale et le coût d'acquisition des matériels achetés à cette même société ; que, par un jugement en date du 29 mai 1998, le tribunal administratif de Melun a réduit les valeurs retenues pour ce fonds de commerce et ces matériels mais a rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société Raffypack ; que, par un arrêt en date du 18 décembre 2002, la cour administrative d'appel de Paris a déchargé la société Raffypack des suppléments d'impôt relatifs à l'acquisition de matériels à prix minorés et a rejeté le surplus des conclusions de la requête ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a accordé à la société Raffypack cette décharge partielle ;
Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (…) ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : Pour les immobilisations acquises à titre onéreux par l'entreprise, du coût d'acquisition (…) Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale (…) ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que, dans le cas où le prix de l'acquisition d'une immobilisation a été volontairement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité faite par le vendeur à l'acquéreur, l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine de l'immobilisation, comptabilisée par l'entreprise acquéreuse pour son prix d'acquisition, pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi son actif net dans la mesure de l'acquisition faite à titre gratuit, laquelle, au demeurant, correspond, si le vendeur est une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés, à un revenu distribué imposable entre les mains de l'acquéreur en vertu du c) de l'article 111 du code général des impôts ; qu'en jugeant que les dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III faisaient obstacle à une telle correction, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est donc fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a, par ses articles 1, 2 et 3, réduit la base imposable de la société Raffypack ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans cette mesure, de régler l'affaire au fond ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que la société Raffypack soutient que la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que le débat oral et contradictoire mené par le vérificateur l'a été avec l'expert ;comptable de la société, qui n'était pas mandaté pour la représenter ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'ensemble des pièces de procédure ont été adressées par l'administration fiscale au président directeur général de la société Raffypack, lequel a signé les réponses de la société ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'exige que l'expert comptable qui assiste le contribuable au cours de la procédure soit expressément mandaté par celui-ci ;
Considérant que si la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, opposable à l'administration en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, prévoit qu'en cas de désaccord avec le vérificateur, le contribuable peut faire appel à l'interlocuteur départemental, une faculté dont a fait usage en l'espèce la société Raffypack, cette charte n'oblige l'administration ni à notifier le nom de l'interlocuteur départemental ni à informer le contribuable du remplacement de l'interlocuteur en cours de vérification ;
Considérant, enfin, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à l'administration, après que le contribuable a rencontré l'interlocuteur départemental au sujet d'une première notification de redressement, de lui adresser une seconde notification, dès lors que celle ;ci intervient dans le délai de reprise et que le contribuable a pu bénéficier, s'agissant de ces nouveaux redressements, de l'ensemble des garanties prévues par la loi ;
Sur le bien ;fondé des impositions :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des évaluations faites par la société Raffypack à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, que la différence entre la valeur vénale et le prix d'acquisition des matériels cédés par la société Raffy à la société Raffypack s'élève à 723 333 F (110 971 euros) pour 1990 et à 2 750 000 F (419 234 euros) pour 1991 ; qu'eu égard à la communauté d'intérêts unissant les actionnaires de ces deux sociétés, qui appartiennent au même groupe familial, ces écarts doivent être regardés comme des libéralités volontairement consenties, de manière occulte, par la société Raffy à la société Raffypack ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci ;dessus que la société Raffypack est imposable à raison de ces sommes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que la société Raffypack n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge des suppléments d'impôt auxquels elle a été assujettie du fait de l'acquisition de matériels à prix minorés ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société Raffypack demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 18 décembre 2002 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il a déchargé la société Raffypack des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1990 et 1991 du fait de l'acquisition de matériels à prix minorés.
Article 2 : Les conclusions de la société Raffypack, présentées devant la cour administrative d'appel de Paris, tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1990 et 1991 du fait de l'acquisition de matériels à prix minorés sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société Raffypack tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Raffypack.