Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 novembre 2003 et 15 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Jean X, demeurant ... ; M. et Mme X demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 26 juin 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 23 novembre 2000 du tribunal administratif d'Orléans rejetant leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une indemnité de 735 000 francs en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de la mise en service de la route nationale 60 à la suite des travaux de doublement de cette voie ;
2°) de régler le litige au fond en condamnant l'Etat à leur verser la somme de 220 288,83 euros en réparation de ces préjudices, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Francis Girault, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de M. et Mme X,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme X se pourvoient contre l'arrêt du 26 juin 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur demande d'annulation du jugement du 23 novembre 2000 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à les indemniser du préjudice qu'ils ont subi du fait de la mise en service du doublement de la route nationale 60 ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé devant elle par M. et Mme X sans se prononcer sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que le courrier adressé par le directeur départemental de l'équipement du Loiret au maire de la commune de Donnery le 13 juillet 1993 d'une part et la lettre du ministre de l'équipement au député du Loiret en date du 24 août 1994 d'autre part avaient interrompu le délai de la prescription quadriennale ; qu'ainsi sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur requête, M. et Mme X sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dispose : La prescription est interrompue par : (…) Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dés lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le courrier adressé par le directeur départemental de l'équipement du Loiret au maire de la commune de Donnery le 13 juillet 1993 se borne à rappeler des études de niveau de bruit réalisées en 1991 et 1993, sur différents sites riverains de la RN60 comprenant entre autres la propriété de M. et Mme X ; que le ministre de l'équipement s'est limité, par sa lettre en date du 24 août 1994, à accuser réception de l'intervention du 22 juillet 1994 du député du Loiret portant à sa connaissance la situation de M. et Mme X ; qu'aucun de ces courriers n'a le caractère d'une communication de l'administration relative au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance litigieuse et n'a donc interrompu le cours de la prescription quadriennale ;
Considérant que la lettre du ministre de l'équipement en date du 14 novembre 1994, adressée au député du Loiret en réponse à son intervention, se borne à indiquer que les époux X ont la possibilité de saisir le juge administratif aux fins d'établir l'existence et le montant du préjudice résultant des travaux routiers ; que, si cette lettre mentionne ces travaux ainsi que la déclaration d'utilité publique qui les a précédés, elle ne peut davantage être regardée comme se prononçant au sens de l'article 2 précité de la loi du 31 décembre 1968, sur le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement de la créance dont se prévalent M. et Mme X ; que, par suite, cette lettre n'est pas une communication écrite de l'administration de nature à interrompre le délai de la prescription quadriennale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de nouveaux faits interruptifs à compter de la décision préfectorale en date du 13 janvier 1992, rejetant la demande d'indemnité de M. et Mme X, la prescription quadriennale pouvait leur être opposée à partir du 1er janvier 1997 ; que, par suite, c'est à bon droit que le préfet du Loiret a opposé cette prescription à la demande d'indemnisation présentée le 8 mars 1997 par M. et Mme X aux services de l'Etat ; que, dés lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions de M. et Mme X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante la somme demandée par M. et Mme X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 26 juin 2003 est annulé.
Article 2 : La requête présentée devant la cour administrative d'appel de Nantes par M. et Mme X et leurs conclusions présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jean X et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.