Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet et 22 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS A APPELLATIONS D'ORIGINE, dont le siège est 12, rue Sainte Anne à Paris (75001), le COMITE INTERPROFESSIONNEL DES VINS D'ALSACE, dont le siège est Maison des Vins d'Alsace, 12, avenue de la Foire aux Vins, BP 11217 à Colmar Cedex (68012), le CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE BORDEAUX, dont le siège est 1, cours du XXX Juillet à Bordeaux Cedex (33075), le CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DU LANGUEDOC, dont le siège est 6, place des Jacobins, BP 221 à Narbonne Cedex (11102), le COMITE NATIONAL DU PINEAU DES CHARENTES, dont le siège est 112, avenue Victor Hugo à Cognac Cedex (16121), le CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DU ROUSSILLON, dont le siège est 19, avenue de Grande-Bretagne à Perpignan (66000), le CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE PROVENCE, dont le siège est Maison des Vins à Les Arcs-sur-Argens (83460), l'INTERPROFESSION DES VINS A.O.C COTES DU RHONE et VALLEE DU RHONE, dont le siège est Hôtel du Marquis de Rochegude, 6, rue des Trois Faucons à Avignon Cedex 1 (84024), l'UNION INTERPROFESSIONNELLE DES VINS DU BEAUJOLAIS, dont le siège est 210, en Beaujolais, BP 317 à Villefranche Cedex (69661), le CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE LA REGION DE BERGERAC, dont le siège est 1, rue des Récollets à Bergerac Cedex (24104), l'INTERLOIRE, dont le siège est 12, rue Etienne Pallu, BP 61921 à Tours Cedex 1 (37019), le BUREAU INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE BOURGOGNE, dont le siège est 12, boulevard Bretonnière, BP 150 à Beaune Cedex (21204) ; le COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS A APPELLATIONS D'ORIGINE et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé respectivement par le Premier ministre et par le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les demandes des organisations requérantes en dates des 17, 20, 21 et 31 mars 2005, 1er et 11 avril 2005, 9 mai 2005, 21 et 23 juin 2005 et 20 juillet 2005 tendant à ce que le Gouvernement procède à la notification à la Commission européenne, en application du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, du dispositif autorisant l'institution de cotisations par les organisations interprofessionnelles prévu par l'article L. 632-6 du code rural ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre une décision de notification de ce dispositif, sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) subsidiairement, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur le point de savoir si le financement des actions menées par les organisations interprofessionnelles agricoles, au moyen des cotisations prélevées sur les membres des professions les composant, constitue une aide d'Etat ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 88 ;
Vu le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 [88] du Traité CE ;
Vu le code rural, notamment son article L. 632-6 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Daussun, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat du COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS A APPELLATIONS D'ORIGINE et autres,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne : "... 3. La Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale." ;
Considérant qu'il appartient au Gouvernement, pour l'application des stipulations précitées du Traité instituant la Communauté européenne, de notifier à la Commission les projets tendant à instituer ou à modifier des aides ; que le Gouvernement doit aussi, notamment quand il est saisi d'une demande en ce sens, notifier à la Commission les textes relatifs à des aides qui n'auraient pas fait l'objet d'une notification avant leur adoption, alors que le droit communautaire impose cette notification ;
Considérant que la décision par laquelle le Premier ministre ou un ministre refuse de notifier un texte au titre de la réglementation communautaire des aides d'Etat se rattache à l'exercice par le Gouvernement d'un pouvoir qu'il détient seul aux fins d'assurer l'application du droit communautaire et le respect des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes ; qu'une telle décision est, y compris lorsque le texte en cause est de nature législative, susceptible d'être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir ; qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un tel recours, de déterminer si le texte dont la notification est demandée est relatif à une aide d'Etat dont la Commission doit être informée ;
Considérant, en revanche, que le juge administratif ne peut connaître d'une contestation dirigée contre la décision de notifier un acte au titre des aides d'Etat, qui n'est pas détachable de la procédure d'examen par la Commission ;
Considérant que les douze organisations interprofessionnelles requérantes demandent l'annulation des décisions implicites de rejet opposées par le Premier ministre et par le ministre de l'agriculture et de la pêche à leurs demandes tendant à ce que le Gouvernement notifie à la Commission, en application des stipulations de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, le dispositif prévu par l'article L. 632-6 du code rural permettant l'institution, dans le cadre d'organisations interprofessionnelles reconnues, de cotisations obligatoires pour tous les membres des professions composant ces interprofessions ;
Considérant que l'article L. 632-6 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date des refus opposés aux organisations requérantes, dispose : "Les organisations interprofessionnelles reconnues, mentionnées aux articles L. 632-1 et L. 632-2, sont habilitées à prélever, sur tous les membres des professions les constituant, des cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixée aux articles L. 632-3 et L. 632-4 et qui, nonobstant leur caractère obligatoire, demeurent des créances de droit privé... " ;
Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 632-6 du code rural ont pour seul effet d'autoriser les organisations interprofessionnelles reconnues qu'elles régissent à instituer des cotisations obligatoires pour financer des mesures définies dans le cadre d'accords tendant à la réalisation des objectifs énoncés à l'article L. 632-3 du code rural, qui sont conclus au sein des interprofessions et qui ont fait l'objet d'une extension par arrêté ministériel à tous les membres des professions composant l'interprofession ; qu'ainsi, ce sont les arrêtés procédant à l'extension des accords interprofessionnels instituant des cotisations obligatoires que le Gouvernement devrait seuls notifier, dans l'hypothèse où ils institueraient des aides d'Etat au sens des stipulations des articles 87 et 88 du Traité ; que, dès lors, et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes, les organisations requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'en refusant de notifier à la Commission les dispositions précitées du code rural, le Premier ministre et le ministre de l'agriculture auraient méconnu les stipulations de l'article 88 du Traité ; que, par suite, leur requête doit être rejetée ;
Considérant qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions des organisations requérantes aux fins d'injonction ainsi que celles qui tendent à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS A APPELLATIONS D'ORIGINE et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS A APPELLATIONS D'ORIGINE.
Copie en sera adressée au COMITE INTERPROFESSIONNEL DES VINS D'ALSACE, au CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE BORDEAUX, au CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DU LANGUEDOC, au COMITE NATIONAL DU PINEAU DES CHARENTES, au CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DU ROUSSILLON, au CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE PROVENCE, à l'INTERPROFESSION DES VINS A.O.C COTES DU RHONE et VALLEE DU RHONE, à l'UNION INTERPROFESSIONNELLE DES VINS DU BEAUJOLAIS, au CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE LA REGION DE BERGERAC, à l'INTERLOIRE, au BUREAU INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE BOURGOGNE, au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de la pêche.