Vu le recours, enregistré le 1er décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 15 novembre 2005, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'arrêté du 2 septembre 2005 par lequel le préfet de Loire-Atlantique a mis en demeure la société Barbazanges Tri Ouest d'assurer ou de faire assurer, dans un délai de quatre mois, l'élimination de 443 tonnes de pneumatiques usagés stockés sur le dépôt situé dans la zone industrielle des Vallées, à Rougé (44660) ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Henrard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Barbazanges Tri Ouest,
- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour suspendre l'arrêté contesté du 2 septembre 2005, par lequel le préfet de Loire-Atlantique a mis en demeure la société Barbazanges Tri Ouest d'assurer ou de faire assurer, dans un délai de quatre mois, l'élimination de 443 tonnes de pneumatiques usagés, confiées par celle-ci à la société SOFRED en vue de leur broyage et de leur valorisation et stockés sur le dépôt qui était exploité par cette entreprise à Rougé (Loire-Atlantique), le juge des référés a considéré qu'était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision le moyen tiré de l'incompétence du préfet pour mettre en oeuvre les pouvoirs prévus par l'article L. 541-3 du code de l'environnement ;
Considérant, d'une part, qu'en vertu du III de l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, l'exploitant doit placer le site de l'installation dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et qu'il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles 34-2 et 34-3 du même décret ; que, pour assurer le respect de cette obligation de remise en état, le préfet peut mettre en oeuvre, à l'encontre de l'exploitant ou du détenteur de l'installation, les mesures prévues à l'article L. 514-1 du code de l'environnement ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'environnement : « Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets (...) » ; que selon l'article L. 541-3 du même code : « En cas de pollution des sols, de risque de pollution des sols, ou au cas où des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable (...) » ; qu'enfin, l'article L. 541-4 précise notamment que : « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent sans préjudice des dispositions spéciales concernant notamment les installations classées pour la protection de l'environnement (...) » ;
Considérant qu'il résulte du rapprochement de ces dispositions que les articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement ont créé un régime juridique destiné à prévenir ou a remédier à toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement causée par des déchets, distinct de celui des installations classées pour la protection de l'environnement, ; qu'à ce titre, l'article L. 541-3 confère à l'autorité investie des pouvoirs de police municipale la compétence pour prendre les mesures nécessaires pour assurer l'élimination des déchets dont l'abandon, le dépôt ou le traitement présentent de tels dangers ; que ces dispositions ne font toutefois pas obstacle à ce que le préfet, d'une part, en cas de carence de l'autorité municipale dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés au titre de la police des déchets, prenne sur le fondement de celle-ci, à l'égard du producteur ou du détenteur des déchets, les mesures propres à prévenir toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, d'autre part, lorsque les déchets sont issus de l'activité d'une installation classée pour la protection de l'environnement, exerce à l'encontre de l'exploitant ou du détenteur de celle-ci, pour assurer le respect de l'obligation de remise en état prévue par l'article 34-1 précité du décret du 21 septembre 1977, les compétences qu'il tire de l'article L. 514-1 du code de l'environnement ;
Considérant que la circonstance que la société Barbazanges Tri Ouest, qui ne pouvait être regardée comme l'exploitant ou le détenteur de l'installation classé exploitée par la société SOFRED, avait passé un contrat avec celle-ci en vue du broyage et de la valorisation des pneumatiques usagés, ne l'exonérait pas de ses obligations au titre de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, auxquelles elle ne pouvait être regardée comme ayant satisfait qu'au terme de l'élimination des déchets en cause ; que, dès lors que la carence de l'autorité municipale dans l'exercice de ses pouvoirs de police n'était pas établie ni même alléguée devant le juge des référés, il résulte de ce qui a été dit plus haut que les dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'environnement ne pouvaient fournir la base légale de l'arrêté contesté du 2 septembre 2005 ; qu'il suit de là que le juge des référés, en considérant qu'était de nature à créer un doute sérieux le moyen tiré de la méconnaissance de cette dernière disposition, n'a pas entaché d'erreur de droit l'ordonnance attaquée ;
Considérant que le juge des référés n'était pas tenu, pour apprécier si le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 541-3 du code de l'environnement était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté préfectoral contesté, de rechercher de sa propre initiative si le préfet aurait légalement pu prendre les mesures de mise en demeure, objet de cet arrêté, sur le fondement des dispositions de l'article L. 514-1 du même code ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait ainsi commis le juge des référés doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours du ministre doit être rejeté ; qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à la société Barbazanges Tri Ouest de la somme de 3 000 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Barbazanges Tri Ouest une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Barbazanges Tri Ouest et au ministre de l'écologie et du développement durable.