Vu le pourvoi, enregistrée le 14 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE KPMG, dont le siège est 3, Cours du Triangle à Puteaux (92800) ; la SOCIETE KPMG demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 14 février 2006 de la Chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables infirmant une décision du 29 novembre 2004 de la chambre régionale de discipline de Bourgogne Franche-Comté prononçant une sanction de suspension d'une durée de trois mois à l'encontre de M. Hubert A, et renvoyant ce dernier des fins de la poursuite disciplinaire ;
2°) de lui adjuger l'entier bénéfice de ses écritures au fond ;
3°) de mettre la charge de la société Actigest et de M. A, la somme de 5.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant statut de la profession d'expert-comptable ;
Vu le décret n° 70-147 du 19 février 1970 relatif à l'ordre des experts comptables et des comptables agréés ;
Vu le code des devoirs professionnels des experts-comptables ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Hoynck, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SOCIÉTÉ KPMG et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Actigest et de M. Hubert A,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SOCIETE KPMG et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Actigest et de M. Hubert A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. , salarié de la société KPMG, a démissionné de cette entreprise pour rejoindre, au terme de son préavis, le cabinet d'expertise comptable Actigest, dont le gérant est M. A ; qu'à la suite du transfert de clients dont M. avait la charge au sein de la société KPMG vers la société Actigest, la chambre régionale de discipline de Bourgogne Franche-Comté, saisie de plaintes présentées par la société KPMG et par le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Bourgogne, a, par une décision du 29 novembre 2004, prononcé une sanction de suspension d'une durée de trois mois à l'encontre de M. A ; que statuant sur appel de ce dernier, la Chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a, par une décision du 14 février 2006, infirmé la décision de la chambre régionale et renvoyé M. A des fins de la poursuite disciplinaire ; que la société KPMG, qui était, en sa qualité de plaignant, partie à l'instance d'appel en application de l'article 62 du décret du 19 février 1970, se pourvoit régulièrement en cassation contre cette décision ;
Considérant que la société KPMG soutient que, dès lors que sa plainte était dirigée non seulement contre M. A mais également contre la société Actigest, la Chambre nationale était tenue de se prononcer sur les fautes déontologiques reprochées à cette dernière société à l'occasion de l'examen de l'appel présenté par M. A ; que toutefois la Chambre nationale, qui n'était saisie que de l'appel de M. A, n'aurait pu sans méconnaître les règles qui s'imposent à toute juridiction disciplinaire d'appel, aggraver la situation de la société Actigest, faute pour la société KPMG d'avoir interjeté appel contre la décision de la chambre régionale en tant qu'elle ne statue pas sur la plainte dirigée contre la société Actigest ; qu'il suit de là que la société KPMG n'est pas fondée à soutenir que la Chambre nationale a omis de statuer sur une partie de la plainte dont elle était saisie ;
Considérant qu'il ressort des écritures d'appel de la société KPMG que celle-ci a soutenu que M. A avait nécessairement connaissance de la clause de respect de clientèle liant M. à son ancien employeur et que cet élément était l'un de ceux constitutifs d'une captation de clientèle caractérisée ; que contrairement à ce que soutient la société requérante, la Chambre nationale, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a pas omis de se prononcer sur le grief tiré du détournement de clientèle ; que la Chambre, après avoir relevé qu'aucune preuve ni commencement de preuve d'une manoeuvre en vue de détourner cette clientèle n'avait été apportée à l'encontre de M. A lui-même, n'a pas inexactement qualifié les faits de la cause en estimant que la seule circonstance que l'embauche de M. par la société Actigest s'était accompagnée du transfert d'un nombre important de clients de la société KPMG vers la société Actigest ne permettait pas, par elle-même, d'établir une manoeuvre constitutive d'une faute ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code des devoirs professionnels de l'Ordre des experts-comptables alors applicable : Les membres de l'Ordre se doivent assistance et courtoisie réciproques./ Ils doivent s'abstenir (...) de toutes démarches, offres de services et, d'une façon générale, de toutes manoeuvres susceptibles de nuire à la situation de leurs confrères. / Celui qui a un dissentiment professionnel avec un confrère doit d'abord tenter de se réconcilier avec lui ; s'il n'a pu y réussir, il peut en aviser le président du Conseil régional (...) ; que selon l'article 14 du même code : a) Le membre de l'Ordre appelé par un client à remplacer un confrère ne peut accepter sa mission qu'après en avoir informé ce dernier (...) ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un expert-comptable, qui, à la suite de l'information donnée en application de l'article 14, estimerait que le transfert de clientèle à son détriment justifie une compensation, doit tenter de trouver un accord avec son confrère avant de saisir le président du conseil régional de l'ordre de ce différend ; que contrairement à ce que soutient la société KPMG, la Chambre nationale n'a pas dénaturé les faits de l'espèce en estimant que cette dernière, qui, après avoir reçu de M. A les lettres déontologiques d'information prévues par l'article 14, s'était bornée à saisir le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Bourgogne de son différend, n'avait pas tenté de conciliation avec le gérant de la société Actigest en vue de parvenir à une indemnisation ; que par suite, la Chambre nationale n'a pas commis d'erreur de qualification juridique des faits ni d'erreur de droit en estimant qu'en l'absence de recherche de conciliation de la part de la société KPMG, l'abstention de M. A pouvait ne pas être regardée comme constitutive d'une faute disciplinaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société KPMG n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société KPMG une somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société KPMG est rejeté.
Article 2 : La société KPMG versera à M. A et à la société Actigest une somme globale de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE KPMG, à M. Hubert A, au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et à la société Actigest.