Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 avril et 3 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN, dont le siège est Les Tourelles, Route Nationale à Le Parcq (62770) ; la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2003 dans les rôles de la commune de Le Parcq (Pas-de-Calais) ;
2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge de cette imposition ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN exerce une activité de teillage de pailles de lin dans des bâtiments à raison desquels elle a bénéficié jusqu'en 2002 de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévue par les dispositions du b) du 6° de l'article 1382 du code général des impôts en faveur des bâtiments affectés à un usage agricole par les sociétés coopératives agricoles ; qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société, l'administration a estimé qu'elle ne pouvait plus prétendre à cette exonération au motif qu'eu égard à l'importance des moyens mis en oeuvre et à la prépondérance du rôle de ses installations, elle exerçait cette activité non dans un bâtiment affecté à un tel usage mais dans un établissement industriel ; que le service a établi l'imposition en déterminant la valeur locative des biens en cause selon la méthode du prix de revient prévue par l'article 1499 du même code applicable aux établissements industriels ; que la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN se pourvoit en cassation contre le jugement en date du 2 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2003 dans les rôles de la commune de Le Parcq (Pas-de-Calais) ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : ... 6° a) Les bâtiments qui servent aux exploitations rurales, telles que granges, écuries, greniers, caves, celliers, pressoirs et autres, destinés, soit à loger les bestiaux des fermes et métairies ainsi que le gardien de ces bestiaux, soit à serrer les récoltes. / ... ; b) Dans les mêmes conditions qu'au premier alinéa du a, les bâtiments affectés à un usage agricole par les sociétés coopératives agricoles ... ;
Considérant qu'en faisant expressément référence aux conditions de l'exonération de taxe foncière prévue au a) du 6° de l'article 1382 précité du code général des impôts, laquelle concerne les bâtiments servant aux exploitations rurales, les dispositions du b) du même article ont entendu donner à la notion d'usage agricole qu'elles mentionnent une signification visant les opérations qui sont réalisées habituellement par les agriculteurs eux-mêmes et qui ne présentent pas un caractère industriel ; que, pour l'application de ces dispositions, ne présentent pas un caractère industriel les opérations réalisées par une société coopérative agricole avec des moyens techniques qui n'excèdent pas les besoins collectifs de ses adhérents, quelle que soit l'importance de ces moyens ;
Considérant que, dès lors, en jugeant que l'activité exercée par la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN devait être regardée comme présentant un caractère industriel eu égard à l'importance de ses installations techniques et de stockage et à leur rôle prépondérant, le tribunal administratif de Lille a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que, par suite, la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN, dont il n'est pas allégué qu'elle ne fonctionnerait pas conformément aux dispositions légales régissant les coopératives agricoles, exerçait dans ses bâtiments son activité de teillage de pailles de lin apportées exclusivement par ses cent soixante associés coopérateurs, producteurs de lin ; que ces opérations, qui ne se traduisent par aucune transformation du produit qui lui est confié, sont au nombre de celles qui peuvent être réalisées habituellement par les agriculteurs eux-mêmes ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les moyens techniques mis en oeuvre, qui répondent d'ailleurs aux exigences de la réglementation en matière de sécurité du travail et d'environnement, excéderaient les besoins collectifs de ses adhérents ; que, par suite, les bâtiments dans lesquels la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN exerce cette activité doivent être regardés comme affectés à un usage agricole et entrent, dès lors, dans le champ de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévues par les dispositions précitées du b) du 6° de l'article 1382 du code général des impôts ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN est fondée à demander la décharge de l'imposition contestée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement en date du 2 février 2006 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN est déchargée de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2003 dans les rôles de la commune de Le Parcq (Pas-de-Calais).
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE OPALIN et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.