Vu, enregistré le 24 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'arrêt du 21 mars 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, avant de statuer sur la requête de Mme Florianne A tendant à l'annulation du jugement du 13 mai 2004 du tribunal administratif de Versailles ayant rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000 ainsi que des intérêts de retard y afférents, à ce que soit prononcée la décharge demandée, enfin à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions de savoir :
1°) si, dans le cas où elle détient des documents, qui ne sont pas obtenus dans l'exercice de son droit de communication, mais qui se trouvent dans le dossier fiscal d'un tiers, telle la déclaration de revenus de ce dernier, l'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements ainsi obtenus et de communiquer, avant la mise en recouvrement, au contribuable qui en fait la demande les documents faisant ressortir ces renseignements ;
2°) si les documents fiscaux détenus par l'administration qui sont relatifs à un tiers sont protégés par le secret professionnel ou par toute autre disposition protégeant la vie privée des parties concernées dans des conditions qui font obstacle à la communication par l'administration de ces documents au contribuable ;
3°) quel est le régime de la charge de la preuve dans un litige où l'administration oppose une situation de concubinage pour refuser une demi-part de quotient familial et notamment à qui, de l'administration ou du contribuable, il incombe de prouver que la condition de vivre seul posée par les dispositions de l'article 194-I du code général des impôts est ou n'est pas remplie, et par quels moyens cette preuve peut être apportée '
Vu les pièces du dossier transmises par la cour administrative d'appel de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
REND L'AVIS SUIVANT
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1. L'administration ne peut, en principe, fonder le redressement des bases d'imposition d'un contribuable sur des renseignements et des documents qu'elle a obtenus de tiers sans l'avoir informé, avant la mise en recouvrement, de la teneur ou de l'origine de ces renseignements.
Avant même l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 décembre 2005 d'où est issu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, cette obligation, qui s'impose à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, ne se limite pas aux renseignements et documents obtenus de tiers par l'exercice du droit de communication. Toutefois, elle ne s'étend pas aux informations fournies annuellement par des tiers à l'administration et au contribuable conformément aux dispositions du code général des impôts.
2. Les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, telles que l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, ou la vie privée peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sauf si le contribuable est débiteur solidaire de l'impôt dû par ce tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet.
En revanche, l'administration peut communiquer, sans porter atteinte au secret professionnel ou à l'un des secrets légalement protégés, les informations visées par les règles de publicité de l'impôt telles que celles qui résultent des articles L. 111 et R. 111-1 du livre des procédures fiscales.
3. Il résulte du II de l'article 194 du code général des impôts, issu de l'article 3 de la loi de finances pour 1996, que le nombre de parts prévu au I est majoré de 0,5 pour l'imposition des contribuables célibataires ou divorcés.
Le bénéfice de cette majoration du quotient familial ne constitue un droit pour le contribuable que sous la condition, notamment, qu'il vit seul au 1er janvier de l'année d'imposition.
Lorsque, dans le cadre de son pouvoir de contrôle des déclarations des contribuables, l'administration remet en cause, selon la procédure contradictoire, la majoration du quotient familial, il lui incombe d'établir que le contribuable ne vit pas seul au 1er janvier de l'année d'imposition et qu'ainsi il ne remplit pas l'une des conditions auxquelles est soumis le bénéfice de ce droit. Le contribuable peut néanmoins, par tous moyens, apporter la preuve contraire.
Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Versailles, à Mme Florianne A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.