Vu l'ordonnance du 13 novembre 2006, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 novembre 2006, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de Mme Marie-Dorothée A ;
Vu le pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 19 février 2004, et le mémoire complémentaire, enregistré le 13 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Dorothée A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions des 6 avril 2001 et 28 octobre 2002 du trésorier-payeur général de la région d'Ile-de-France et de la décision du 12 décembre 2002 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant ses demandes de décharge de responsabilité solidaire et, d'autre part, à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande et de prononcer la décharge des droits et pénalités contestés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Haas, avocat de Mme A,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Haas, avocat de Mme A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par différents avis de mise en recouvrement émis entre le mois d'avril 1987 et le mois de septembre 1999, des cotisations primitives d'impôt sur le revenu, de taxe d'habitation et de contributions sociales ont été mises à la charge de M. et Mme A au titre des années 1985 à 1997 en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, à l'exception de l'année 1987, au titre des années 1990 à 1997 en ce qui concerne la taxe d'habitation, à l'exception de l'année 1994, au titre des années 1994 et 1995 en ce qui concerne les contributions sociales, pour un montant total de 202 816,19 euros en ce qui concerne les impositions établies dans les Hauts-de-Seine et de 404 300,51 euros en ce qui concerne les impositions établies à Paris ; que Mme A a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler un acte en date du 28 octobre 2002 confirmant une décision du 6 avril 2001 du trésorier-payeur général de la région d'Ile-de-France et un acte du 6 janvier 2003 du trésorier-payeur général des Hauts-de-Seine lui notifiant la décision en date du 12 décembre 2002 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant ses demandes en date du 23 décembre 1999, tendant à la décharge de la responsabilité solidaire de payer la somme due à cette date ; qu'elle se pourvoit en cassation contre le jugement en date du 17 décembre 2003 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1685 du code général des impôts, alors en vigueur : 1. Chacun des époux, lorsqu'ils vivent sous le même toit, est solidairement responsable des impositions assises au nom de son conjoint, au titre de la taxe d'habitation. / 2. Chacun des époux est tenu solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu. Il en est de même en ce qui concerne le versement des acomptes prévus par l'article 1664, calculés sur les cotisations correspondantes mises à la charge des époux dans les rôles concernant la dernière année au titre de laquelle ils ont été soumis à une imposition commune. / Chacun des époux peut demander à être déchargé de cette obligation ; qu'aux termes de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales : L'administration peut accorder sur la demande du contribuable : / 1° Des remises totales ou partielles d'impôts directs régulièrement établis lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence (...) / L'administration peut également décharger de leur responsabilité les personnes tenues au paiement d'impositions dues par un tiers (...) ; que ces dispositions s'appliquent, par extension, au cas où l'un des époux demande à être déchargé de son obligation solidaire de payer l'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation établis au nom des deux conjoints ;
Considérant que si l'administration peut opposer l'objection tirée de ce que l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence, qui s'apprécie à la date à laquelle l'administration se prononce, ne doit pas être imputable à l'organisation volontaire par le contribuable de son insolvabilité, pour rejeter la demande gracieuse de décharge de l'obligation de payer sans avoir à rechercher s'il existe une disproportion entre les revenus du contribuable et le montant de sa dette fiscale, cette disproportion étant alors artificielle, le juge ne peut en revanche mettre à la charge du requérant la preuve de ce qu'il n'a pas organisé son insolvabilité, cette preuve ne pouvant résulter que de l'instruction ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :
Considérant qu'il ressort de la rédaction même du jugement que le tribunal administratif de Paris a fait peser sur la requérante la charge de la preuve qu'elle n'avait pas organisé son insolvabilité ; que compte tenu de l'objet du litige et ainsi qu'il vient d'être dit, la preuve de la situation de gêne ou d'indigence du redevable ne peut résulter que de l'instruction ; que dès lors, le tribunal a commis une erreur de droit quant aux règles de dévolution de la charge de la preuve en contentieux de l'excès de pouvoir ; que, par suite, Mme A est fondée à demander l'annulation du jugement en date du 17 décembre 2003 ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions tendant à la décharge de responsabilité solidaire :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'administration établit que Mme A a vendu son patrimoine personnel en 1998 peu avant le prononcé de son divorce le 1er avril 1999 ; qu'alors même que le jugement de divorce prévoyait que son ex-époux devait lui verser la somme de 1 500 F par mois pour le paiement de la dette fiscale du couple, aussi longtemps que la saisie-arrêt serait pratiquée par le Trésor public sur son salaire, Mme A a démissionné de son emploi salarié peu après avoir fait l'objet d'une saisie sur salaire ; que, de son côté, Mme A se borne à soutenir que la démission de son emploi ne correspondait à aucune volonté dilatoire et qu'elle se trouvait sans ressource compte tenu des saisies sur salaires pratiquées par le Trésor ; que, dans ces conditions, Mme A doit être regardée comme ayant organisé volontairement son insolvabilité ; que l'administration a pu, ainsi, rejeter les demandes de décharge de responsabilité solidaire présentées par Mme A sans entacher ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des droits et pénalités :
Considérant que les décisions par lesquelles l'autorité administrative statue sur les demandes en décharge de solidarité, en application des dispositions de l'article R. 247-10 du livre des procédures fiscales, relèvent du contrôle du juge de l'excès de pouvoir ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à demander la décharge des droits et pénalités établis à son nom et à celui de son ancien époux ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 17 décembre 2003 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A tendant à l'annulation des décisions des 6 avril 2001 et 28 octobre 2002 du trésorier-payeur général de la région d'Ile-de-France et à l'annulation de la décision du 12 décembre 2002 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Dorothée A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.