Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 17 décembre 2007 et le 17 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 16 octobre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé le jugement du 26 février 2004 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant sa demande d'annulation de la décision du 28 août 2003 du préfet du Puy-de-Dôme le mettant en demeure de cesser immédiatement toute activité chirurgicale, a rejeté sa demande présentée devant ce tribunal et ses conclusions présentées devant la cour ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Lyon et le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean de L'Hermite, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Balat, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Balat, avocat de M. A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet du Puy-de-Dôme, se fondant sur les dispositions de l'article L. 221-6 du code de la consommation et sur les constatations opérées par les services de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales et de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes selon lesquelles M. A, médecin exerçant à Chamalières (Puy-de-Dôme) pratiquait de façon habituelle dans son cabinet, sans être titulaire des autorisations exigées par la réglementation en vigueur, des interventions chirurgicales de chirurgie esthétique et vasculaire réalisées sous anesthésie dans des conditions d'hygiène et d'organisation menaçant la sécurité de ses patients, a, par un arrêté en date du 28 août 2003, mis en demeure l'intéressé de cesser immédiatement toute activité chirurgicale à défaut de justifier d'une autorisation administrative d'exercice de la chirurgie ambulatoire ; que M. A a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'annulation de cette décision ; que par un jugement du 26 février 2004, le tribunal a rejeté sa demande ; que par un arrêt du 16 octobre 2007, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et, après évocation, rejeté la demande de première instance de M. A, qui se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-5 du code de la consommation : En cas de danger grave ou immédiat, le ministre chargé de la consommation et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre par arrêté conjoint, pour une durée n'excédant pas un an, la fabrication, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux d'un produit (...) / Ils peuvent, dans les mêmes conditions, suspendre la prestation d'un service (...) ; qu'aux termes de l'article L. 221-6 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : Les agents qui ont procédé aux contrôles transmettent au représentant de l'Etat dans le département les résultats de leurs investigations accompagnés de leurs propositions sur les mesures à prendre. Celui-ci communique, dans les meilleurs délais et au plus tard dans les quinze jours de la transmission, le dossier au ministre intéressé et au ministre chargé de la consommation avec son avis motivé. / En cas de danger grave ou immédiat, le représentant de l'Etat dans le département prend les mesures d'urgence qui s'imposent. Il en réfère aussitôt au ministre intéressé et au ministre chargé de la consommation, qui se prononcent, par arrêté conjoint, dans un délai de quinze jours (...) ; que l'article L. 221-8 dispose : Les mesures prévues au présent titre ne peuvent être prises pour les produits et services soumis à des dispositions législatives particulières ou à des règlements communautaires ayant pour objet la protection de la santé ou de la sécurité des consommateurs, sauf, en cas d'urgence, celles prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-6 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : En cas d'urgence, lorsque la poursuite de son exercice par un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme expose ses patients à un danger grave, le représentant de l'Etat dans le département prononce la suspension immédiate du droit d'exercer pour une durée maximale de cinq mois. Il entend l'intéressé au plus tard dans un délai de trois jours suivant la décision de suspension. / Il informe immédiatement de sa décision le président du conseil départemental compétent, qui saisit sans délai le conseil régional ou interrégional lorsque le danger est lié à une infirmité ou un état pathologique du professionnel, ou la chambre disciplinaire de première instance dans les autres cas. Le conseil régional ou interrégional ou la chambre disciplinaire de première instance statue dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. En l'absence de décision dans ce délai, l'affaire est portée devant le Conseil national ou la Chambre disciplinaire nationale, qui statue dans un délai de deux mois. A défaut de décision dans ce délai, la mesure de suspension prend fin automatiquement (...) / Le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme dont le droit d'exercer a été suspendu selon la procédure prévue au présent article peut exercer un recours contre la décision du représentant de l'Etat dans le département devant le tribunal administratif, qui statue en référé dans un délai de quarante-huit heures (...) ;
Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 221-8 du code de la consommation, qui prévoient qu'en cas d'urgence les mesures prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-6 peuvent être prises y compris pour des produits ou services soumis à des dispositions législatives particulières, ne donnent pas compétence au préfet pour suspendre l'exercice de sa profession pour un médecin, dès lors que les dispositions de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique permettent au préfet de prononcer cette suspension en cas d'urgence ; qu'ainsi, en jugeant que la décision litigieuse du préfet du Puy-de-Dôme avait pu légalement être prise en application des dispositions de l'article L. 221-6 du code de la consommation, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que l'article 2 de son arrêt doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la décision litigieuse n'a pu légalement être prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 221-6 du code de la consommation ; qu'elle ne pouvait intervenir qu'en application des dispositions de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique et non sur le fondement des pouvoirs de police générale du préfet ; que les conditions d'une substitution de base légale ne sont pas remplies dès lors que le préfet n'a pas fait bénéficier M. A des garanties prévues par cet article, en prévoyant son audition dans un délai de trois jours et en limitant la durée de la suspension à une période de cinq mois ; qu'il suit de là que le requérant est fondé à demander l'annulation de la décision du 28 août 2003 ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 16 octobre 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon et la décision du 28 août 2003 du préfet du Puy-de-Dôme sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Robert A et à la ministre de la santé et des sports.