Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Sorin A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret du 5 avril 2007 accordant son extradition aux autorités roumaines ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Roger-Lacan, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le décret attaqué vise la demande du gouvernement roumain tendant à obtenir l'extradition de M. A, de nationalité roumaine, objet d'un mandat d'arrêt décerné le 29 décembre 2005 par le tribunal de première instance de Deva en vue de l'exécution d'une condamnation à une peine de trois ans d'emprisonnement prononcée par la même juridiction, le 16 août 2005, pour des faits de tromperie et d'utilisation de faux documents devant l'autorité douanière confirmée en appel par une décision du tribunal de grande instance de Hunedoara du 28 novembre 2005 devenue définitive ; que le décret attaqué vise également l'avis favorable en date du 4 octobre 2006, de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, limité à l'infraction de droit commun de tromperie, et l'arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation, en date du 10 janvier 2007, rejetant le pourvoi formé contre cet avis, ainsi que les textes applicables dont la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ; que le décret fait référence à l'assurance fournie par les autorités roumaines du droit ouvert à M. A de bénéficier d'un nouveau procès s'il en fait la demande ; qu'il mentionne que les faits sont punissables en droit français et ne sont pas prescrits ; que ces faits, dont la date, le lieu et les circonstances n'avaient pas à être précisés n'ont pas un caractère politique et qu'il n'apparaît pas que la demande d'extradition, motivée par une infraction de droit commun, ait été présentée aux fins de poursuivre ou de punir l'intéressé pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques, ou que sa situation risque d'être aggravée pour l'une de ces raisons ; qu'ainsi, le décret, qui n'avait pas à mentionner les raisons pour lesquelles l'extradition n'a pas été accordée pour une partie des infractions ayant justifié la demande des autorités roumaines, est suffisamment motivé au regard des prescriptions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Considérant que, si la demande d'extradition dont M. A a fait l'objet n'était pas, lors de sa transmission, accompagnée des pièces requises par le paragraphe 2 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et par l'article 696-8 du code de procédure pénale, il ressort des pièces du dossier que ces documents, en particulier la copie authentique du jugement de condamnation du tribunal de première instance de Deva en date du 16 août 2005 et du mandat d'arrêt du 29 décembre 2005 délivré à l'encontre de l'intéressé, dont la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon avait demandé la production en prononçant un sursis à statuer le 24 mai 2006 dans cette attente, ont été communiqués par le gouvernement roumain, par courrier du 11 août 2006 ; que cette production, qui a permis la tenue devant cette juridiction, le 4 octobre 2006, d'un débat contradictoire au terme duquel elle a rendu son avis sur la demande d'extradition de M. A, satisfait aux exigences tant du paragraphe 2 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition que des dispositions de l'article 696-8 du code de procédure pénale ;
Considérant que l'article 522-1 du code de procédure pénale roumain confère à une personne jugée et condamnée par contumace, et qui fait l'objet d'une demande d'extradition, le droit d'être à nouveau jugée par le tribunal qui a rendu la décision, si elle en fait la demande ; que M. A soutient que la réserve apportée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, visant à garantir son droit à être à nouveau jugé en Roumanie pour les faits qui lui sont reprochés, faisait obstacle à ce que le décret attaqué accorde son extradition sans maintenir ladite réserve ; que ce droit résultant directement de la procédure pénale roumaine, et ayant été confirmé par les autorités roumaines dans le cadre de la procédure, le décret attaqué, qui ne comporte aucune contradiction avec l'arrêt de la chambre de l'instruction et vise l'assurance fournie par les autorités requérantes du droit ouvert à M. A de bénéficier d'un nouveau procès s'il en fait la demande , ne saurait avoir pour effet de le priver de l'exercice de ce droit ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne peut être considéré comme conforme à l'avis de la chambre de l'instruction et viole de ce fait les dispositions de l'article 696-17 doit être écarté ;
Considérant que, si M. A a été condamné par le tribunal de Deva selon la procédure roumaine de contumace, il ressort des pièces du dossier qu'il a été représenté à l'instance par plusieurs avocats commis d'office, qu'il a été également représenté en appel devant le tribunal de grande instance de Hunedoara et qu'il bénéficie, en application de l'article 522-1 du code de procédure pénale roumain, du droit d'être à nouveau jugé, en sa présence, s'il en fait la demande ; que, par suite, la condamnation infligée à M. A ne peut être regardée comme ayant été prononcée dans des conditions contraires aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que, si M. A soutient qu'il n'a pu commettre les faits délictueux qui lui sont reprochés, il résulte des principes généraux du droit applicables à l'extradition qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, sauf en cas d'erreur évidente, de statuer sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne recherchée ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une erreur évidente ait été commise en ce qui concerne les faits reprochés à M. A ;
Considérant que si une décision d'extradition est susceptible de porter atteinte, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au droit au respect de la vie familiale, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition, qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits ;
Considérant que la mesure d'extradition n'est pas, par elle-même, une mesure qui concerne les enfants de M. A ; que celui-ci ne saurait, dès lors, utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article 3-1 de la Convention relative aux droits de l'enfant et tendant à garantir l'intérêt supérieur de l'enfant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 5 avril 2007 accordant son extradition aux autorités roumaines ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Sorin A et à la garde des sceaux, ministre de la justice.