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28/07/2011 | FRANCE | N°318872

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 28 juillet 2011, 318872


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 28 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MYRYS, dont le siège est avenue de la Catalogne à Limoux (11300) ; la SOCIETE MYRYS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05MA02576 du 27 mai 2008 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que, après avoir annulé le jugement n° 0002289 du 7 juillet 2005 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur

la valeur ajouté d'un montant de 8 652 000 francs et décidé du non-li...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 28 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MYRYS, dont le siège est avenue de la Catalogne à Limoux (11300) ; la SOCIETE MYRYS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05MA02576 du 27 mai 2008 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que, après avoir annulé le jugement n° 0002289 du 7 juillet 2005 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajouté d'un montant de 8 652 000 francs et décidé du non-lieu à statuer sur sa demande de compensation, il a rejeté le surplus de ses conclusions tendant au remboursement de ce crédit de taxe ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE MYRYS,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE MYRYS ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre d'un plan de cession homologué par le tribunal de commerce de Limoux (Aude), le 30 septembre 1996, la SOCIETE MYRYS, spécialisée dans la fabrication de chaussures et placée en redressement judiciaire depuis le 12 avril 1996, a émis, le 1er octobre 1996, une facture d'un montant de 42 000 000 francs hors taxe et 8 652 000 francs de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la cession de son stock à la société Myrys Investissement ; que l'administration fiscale ayant constaté, à l'occasion d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, que la SOCIETE MYRYS n'avait pas déclaré la taxe ainsi facturée, lui a notifié, le 13 janvier 1998, un redressement en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que le rappel de taxe correspondant, d'un montant de 8 652 000 francs, a été mis en recouvrement le 9 avril 1998 ; que, par une réclamation du 10 décembre 1999, la SOCIETE MYRYS a sollicité le remboursement d'un crédit de taxe de même montant, sur le fondement du 1 de l'article 272 du code général des impôts, en se prévalant du caractère définitivement irrécouvrable de sa créance sur la société Myrys Investissement résultant de la liquidation judiciaire de cette société prononcée le 31 octobre 1997 ; que cette demande a été rejetée par l'administration au double motif que la taxe en cause n'avait jamais été versée par la SOCIETE MYRYS et qu'elle ne justifiait pas de la rectification de la facture initiale ; que la SOCIETE MYRYS a alors porté le litige devant le tribunal administratif de Montpellier puis, après le rejet de sa demande par celui-ci, devant la cour administrative d'appel de Marseille ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt rendu par cette cour le 27 mai 2008 en tant qu'après avoir annulé le jugement du tribunal administratif pour insuffisance de motivation et prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande de compensation, il a, dans son article 3, rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 272 du code général des impôts : "1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables. / Toutefois, l'imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire. / L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale. (...)" ;

Considérant qu'en jugeant que lorsque la société cliente est en liquidation judiciaire, la facture rectificative visée par les dispositions précitées doit être communiquée à l'administration fiscale avant la clôture de la liquidation, alors que l'article 272 du code général des impôts ne fixe aucun délai pour la production de cette facture et qu'il résulte, au surplus, des dispositions du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales que le contribuable dispose, pour former, dans une telle hypothèse, une demande d'imputation ou de restitution de la taxe d'un délai expirant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle est prononcée la clôture de la liquidation judiciaire, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que l'article 3 de l'arrêt attaqué doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, d'une part, que la SOCIETE MYRYS a justifié, le 30 décembre 2002, en cours d'instance devant le tribunal administratif, de la rectification de la facture émise le 1er octobre 1996 à l'encontre de la société Myrys Investissement pour un montant de 42 000 000 francs hors taxe et 8 652 000 francs de taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, qu'elle a versé au Trésor, le 6 mars 2006, la somme de 8 652 000 francs correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée facturée à la société Myrys Investissement ; que sa demande de remboursement de cette taxe s'étant ainsi trouvée régularisée en cours d'instance, la société, qui justifie du caractère définitivement irrécouvrable de sa créance, est fondée à demander la restitution de la taxe en application des dispositions précitées du 1 de l'article 272 du code général des impôts ; qu'il y a lieu, en conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, de faire droit à sa demande ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros à la SOCIETE MYRYS en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 27 mai 2008 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la SOCIETE MYRYS la restitution de la somme de 8 652 000 francs (1 318 989 euros) correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture émise le 1er octobre 1996 à l'encontre de la société Myrys Investissement.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE MYRYS une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MYRYS et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 318872
Date de la décision : 28/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-09 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. LIQUIDATION DE LA TAXE. DÉDUCTIONS. AFFAIRES IMPAYÉES OU ANNULÉES. - POSSIBILITÉ D'IMPUTATION OU DE REMBOURSEMENT (ART. 272, 1 DU CGI) - CARACTÈRE DÉFINITIVEMENT IRRÉCOUVRABLE DE LA CRÉANCE DÉTENUE SUR UN CLIENT EN RAISON DE SA LIQUIDATION JUDICIAIRE -1) CONDITIONS - RECTIFICATION DE LA FACTURE INITIALE - OBLIGATION DE PRODUCTION À L'ADMINISTRATION DE LA FACTURE RECTIFICATIVE AVANT LA CLÔTURE DE LA LIQUIDATION - ABSENCE - 2) DEMANDE D'IMPUTATION OU DE REMBOURSEMENT - DÉLAI EXPIRANT LE 31 DÉCEMBRE DE LA DEUXIÈME ANNÉE SUIVANT CELLE AU COURS DE LAQUELLE EST PRONONCÉE LA CLÔTURE DE LA LIQUIDATION JUDICIAIRE DU CLIENT (ART. R 196-1, C DU LPF).

19-06-02-08-03-09 1) L'article 272, 1 du code général des impôts (CGI), permettant à un redevable de se prévaloir du caractère définitivement irrécouvrable de sa créance détenue sur une société en raison de la liquidation judiciaire de celle-ci ne fixe aucun délai pour la production à l'administration de la facture rectificative requise pour obtenir l'imputation ou le remboursement de la TVA perçue à l'occasion de ventes ou de services. Lorsque la société cliente est en liquidation judiciaire, la facture rectificative n'a pas à être communiquée à l'administration fiscale avant la clôture de la liquidation.,,2) Dans une telle hypothèse, le contribuable dispose, en vertu de l'article R. 196-1, c du livre des procédures fiscales (LPF), pour former une demande d'imputation ou de restitution de la taxe, d'un délai expirant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle est prononcée la clôture de la liquidation judiciaire.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2011, n° 318872
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: Mme Séverine Larere
Rapporteur public ?: M. Pierre Collin
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:318872.20110728
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