Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 13 janvier et le 9 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour Mme Martine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 4 mars 2008 annulant le jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 novembre 2005 qui avait annulé la décision du directeur interrégional des douanes et droits indirects de Dijon du 29 avril 2004 mettant fin à son contrat de correspondant local des douanes et des droits indirects ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 60-253 du18 mars 1960 ;
Vu le décret n° 61-340 du 7 avril 1961 ;
Vu le décret n° 86-95 du 15 janvier 1986 ;
Vu l'arrêté du 31 décembre 1982 relatif au régime des sanctions disciplinaires applicables aux débitants de tabac ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A exerçait depuis le 1er septembre 1979 les fonctions de correspondant local des douanes et droits indirects ; qu'à la suite de contrôles opérés à la fin de l'année 2003, lesquels avaient révélé l'existence d'irrégularités comptables dans sa gestion, le directeur interrégional des douanes et droits indirects de Dijon a, par une décision du 24 avril 2004, mis fin au contrat de Mme A ; que cette dernière se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative de Lyon, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Dijon ayant fait droit à sa demande d'annulation de la décision du directeur interrégional, a rejeté ses conclusions dirigées contre cette décision ;
Considérant, que pour justifier la décision du directeur interrégional des douanes et droits indirects, la cour administrative d'appel s'est bornée à relever que la matérialité des faits reprochés à l'intéressée et mentionnés dans la décision attaquée était établie, sans se prononcer sur le caractère fautif des faits ; qu'ainsi son arrêt est insuffisamment motivé ; que par suite Mme A est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées du décret du 18 mars 1960 relatif à l'organisation des bureaux de déclarations de la direction générale des impôts et du décret du 15 janvier 1986 relatif à l'organisation du réseau des correspondants locaux des douanes et droits indirects et aux dispositions applicables à ces personnels, que les correspondants locaux des douanes et droits indirects participent, pour le compte de l'administration et pour l'essentiel dans les zones rurales, à la mise en oeuvre de la réglementation relative aux contributions indirectes, et procèdent à ce titre à l'encaissement de certaines impositions ; qu'ils n'ont pas la qualité de fonctionnaires et sont liés à l'administration par contrat ; qu'aux termes de l'article 8 du décret du 15 janvier 1986 : Les correspondants locaux sont, à raison de la tenue des registres de régie et des charges d'emploi qui leur incombent, soumis en matière disciplinaire aux mêmes dispositions que les débitants de tabac ; que l'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 1982 relatif au régime des sanctions disciplinaires applicables aux débitants de tabac prévoit, hormis les cas de retrait de la concession de gérance prévus par le contrat, les sanctions d'avertissement ou d'amende ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés à Mme A, dont la matérialité n'est pas contestée, ont consisté à conserver des sommes encaissées en numéraire, à adresser avec retard des chèques destinés à la recette principale et à conserver des quittances qui auraient dû être remises aux usagers ; qu'en admettant même qu'ils n'avaient pas le caractère d'un détournement de deniers publics, ces faits constituent des manquements aux obligations que Mme A tenait du contrat qui la liait à l'administration ; qu'ainsi le directeur interrégional des douanes et droits indirects pouvait légalement, comme il l'a fait par la décision attaquée, mettre fin à ce contrat pour motif disciplinaire, alors même que le contrat n'aurait pas comporté de clause expresse en ce sens ; que par suite le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a accueilli le moyen invoqué par Mme A et tiré de ce que les faits ne justifiaient pas la décision litigieuse ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel ;
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, l'autorité administrative compétente peut mettre fin pour motif disciplinaire au contrat d'un collaborateur du service public alors même que ce contrat n'aurait pas contenu une clause expresse en ce sens ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article 3 du décret du 15 janvier 1986 énonce que les correspondants locaux des douanes et droits indirects sont recrutés et nommés par les directeurs régionaux des douanes et droits indirects ; qu'il s'ensuit que ces directeurs ont également compétence pour mettre fin au contrat d'un correspondant local ; que par suite Mme A n'est pas fondée à soutenir que le directeur interrégional des douanes et droits indirects de Dijon n'avait pas compétence pour signer la décision attaquée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le 4 février 2004, soit plus de deux mois avant que ne soit prise la décision litigieuse, le directeur interrégional a donné connaissance à Mme A des faits qui lui étaient imputés et sur lesquels devait se fonder la décision contestée ; qu'ainsi, et alors même que cet entretien aurait eu lieu à la demande de Mme A, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la procédure suivie en l'espèce aurait méconnu les droits de la défense ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de résiliation prise au vu des manquements reprochés à Mme A n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 29 avril 2004 du directeur interrégional des douanes et droits indirects de Dijon ; que par suite les conclusions présentées par Mme A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 4 mars 2008 et le jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 novembre 2005 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Martine A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.