Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT FHP-MCO, dont le siège est 81, rue de Monceau à Paris (75008), représenté par son président en exercice ; le SYNDICAT FHP-MCO demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 février 2010 du ministre de la santé et des sports et du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat fixant pour l'année 2010 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale et aux IV et V de l'article 33 modifié de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ;
2°) d'enjoindre au ministre de la santé et des sports et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique de fixer les tarifs pour l'année 2010, dans un délai de trente jours à compter de la décision à intervenir, conformément aux dispositions légales et réglementaires applicables, notamment sur la base du coût relatif des prestations établi sur la base d'un échantillon représentatif d'établissements et en justifiant d'éventuels écarts de tarifs ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 février 2011, présentée par le SYNDICAT FHP-MCO ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2003-1194 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 ;
Vu la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,
- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;
Considérant qu'il résulte des dispositions du I de l'article L. 162-22-9 et de l'article R. 162-42 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable en l'espèce, que les ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du budget fixent chaque année par arrêté un objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (ODMCO) qui sont exercées par les établissements de santé mentionnés à l'article L. 162-22-6 de ce code ; qu'en vertu des dispositions du I de l'article L. 162-22-10 et de l'article R. 162-42-1 du même code, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent annuellement, dans le respect de cet ODMCO, les éléments tarifaires relatifs à ces activités et, notamment, les tarifs nationaux des prestations mentionnées au 1° de l'article L. 162-22-6 servant de base au calcul de la participation de l'assuré applicables à compter du 1er mars de l'année ;
Considérant que, pour l'application de ces dispositions, sont intervenus l'arrêté du 24 février 2010 fixant l'ODMCO pour l'année 2010 et l'arrêté du 27 février 2010 fixant pour l'année 2010 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale et aux IV et V de l'article 33 modifié de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ; que le SYNDICAT FHP-MCO demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 27 février 2010 ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions du même article R. 162-42-1 que l'arrêté fixant les tarifs nationaux des prestations mentionnés au 1° du I de l'article L. 162-22-10 est pris sur recommandation du conseil de l'hospitalisation prise après avis des organisations nationales les plus représentatives des établissements de santé ; que si la recommandation, en date du 15 décembre 2009, sur le fondement de laquelle a été pris l'arrêté du 27 février 2010, est antérieure à l'édiction de l'arrêté du 24 février 2010 fixant le montant de l'ODMCO que doivent respecter les éléments tarifaires mentionnés à l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale, il ressort des pièces du dossier que le conseil de l'hospitalisation l'a émise au vu du montant de l'ODMCO qu'il préconisait dans une autre recommandation prise le même jour, et que ce montant ne différait pas significativement du montant qui a été arrêté par la suite par les ministres compétents et sur la base duquel ceux-ci ont fixé les tarifs litigieux, de manière à ce que ces tarifs soient compatibles avec le respect de cet objectif ; que le SYNDICAT FHP-MCO n'ayant vocation à représenter, au sein de la Fédération de l'hospitalisation privée à laquelle il est affilié, que les seules spécialités de médecine, chirurgie et obstétrique des établissements de santé dont la Fédération entend défendre l'ensemble des intérêts, il ne peut être regardé, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, comme figurant au nombre des organisations nationales les plus représentatives des établissements de santé que le conseil de l'hospitalisation était tenu de consulter en application des dispositions de l'article L. 162-22-10 ; que les organisations nationales les plus représentatives des établissements de santé ont été consultées par le conseil de l'hospitalisation avant qu'il prenne sa recommandation, à l'occasion d'une réunion organisée le 16 novembre 2009 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du compte rendu de cette réunion, que ces organisations, qui disposaient d'ailleurs des données produites et reçues par l'observatoire économique de l'hospitalisation publique et privée prévu à l'article L. 162-21-3 du même code au sein duquel elles sont représentées, n'auraient pas disposé des informations leur permettant de donner un avis éclairé ; que, dans ces conditions, le SYNDICAT FHP-MCO n'est pas fondé à soutenir que la consultation du conseil de l'hospitalisation préalablement à l'édiction de l'arrêté du 27 février 2010 aurait été irrégulière ;
Considérant, en second lieu, que le SYNDICAT FHP-MCO soutient que l'avantage dont bénéficient les établissements de santé mentionnés aux a), b) et c) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale en raison de ce que l'arrêté attaqué prévoirait, pour ces catégories d'établissements de santé, des tarifs plus élevés que ceux qu'il fixe pour les établissements privés de santé mentionnés au d) de l'article L. 162-22-6, constitue une aide d'Etat qui aurait dû être notifiée préalablement à la Commission européenne, dès lors notamment que l'arrêté attaqué ne remplirait pas les conditions auxquelles la Cour de justice de l'Union européenne, en présence d'un avantage représentant la contrepartie d'obligations de service public imposées à un opérateur, accepte d'écarter la qualification d'aide d'Etat ; qu'il ne vérifierait pas davantage les conditions fixées par la décision du 28 novembre 2005 de la Commission européenne concernant l'application des stipulations de l'article 86, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne relatives aux aides d'Etat sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ;
Mais considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique, applicables en l'espèce, que les établissements mentionnés aux a), b) et c) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale doivent être regardés comme s'étant vu effectivement confier des obligations de service public au sens de l'arrêt du 24 juillet 2003 de la Cour de justice des Communautés européennes relatif aux aides versées sous forme de compensations représentant la contrepartie d'obligations de service public ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires applicables à ces mêmes catégories d'établissements de santé, en particulier de celles qui régissent la fixation des tarifs nationaux des prestations et la convergence des tarifs des différentes catégories d'établissements de santé, l'attribution des financements et les contrôles dont ils font l'objet, ainsi que des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens prévus à l'article L. 6114-1 du code de la santé publique conclus avec les agences régionales de santé que le différentiel tarifaire arrêté, le cas échéant, en faveur de ces établissements, ne peut être regardé comme visant à leur conférer un quelconque avantage économique ; que, contrairement à ce que soutient le SYNDICAT FHP-MCO, il ne ressort pas des pièces du dossier que les paramètres utilisés par les ministres pour fixer ces tarifs selon une méthodologie commune, fondés notamment sur l'échelle des coûts relatifs des établissements relevant du a), du b) et du c), d'une part, et de ceux relevant du d) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, d'autre part, pourraient être regardés comme dépourvus de caractère objectif au sens de l'arrêt du 24 juillet 2003 de la Cour de justice des communautés européennes mentionné ci-dessus ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le montant de la compensation accordée par l'arrêté du 27 février 2010, au titre de l'ODMCO, aux établissements mentionnés aux a), b) et c) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, à raison des obligations de service public qui leur sont imposées, excèderait, au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et correctement équipée devrait exposer pour remplir les obligations qui sont les leurs, majorés d'un bénéfice raisonnable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que cette compensation n'a pas le caractère d'une aide d'Etat soumise à l'obligation de notification à la Commission européenne ; que, d'ailleurs, par une décision 2005/842/CE du 28 novembre 2005, la Commission européenne a exempté de l'obligation de notification les compensations de service public octroyées aux hôpitaux qui exercent des activités qualifiées de services d'intérêt économique général dans des conditions qui sont, en l'espèce, satisfaites ; que, par suite, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 27 février 2010 serait irrégulier, faute d'avoir été préalablement notifié à la Commission européenne, ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, que, conformément aux dispositions de l'article R. 162-42-1 du code de la sécurité sociale, l'arrêté attaqué du 27 février 2010, publié au Journal officiel de la République française le 28 février 2010, a été pris dans le délai de quinze jours suivant la publication, le 26 février 2010, de l'arrêté fixant l'ODMCO pour l'année 2010 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le montant de l'ODMCO fixé par l'arrêté du 24 février 2010 intégrait déjà le transfert de certaines ressources, rappelé dans l'arrêté attaqué, vers la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation prévue par l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les ministres se seraient fondés sur un montant d'ODMCO duquel des ressources auraient été irrégulièrement distraites ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les états de charges sur lesquels les ministres se sont fondés pour prendre l'arrêté attaqué couvraient l'ensemble des établissements de santé concernés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les ministres se seraient fondés sur les seules charges des établissements mentionnés au d) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale et n'auraient pas tenu compte des charges des établissements mentionnés aux a), b) et c) de ce même article, doit, en tout état de cause, être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, d'une part, qu'en vertu du II de l'article L. 162-22-9 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en l'espèce, les tarifs nationaux des prestations mentionnées au 1° du I de l'article L. 162-22-10 du même code peuvent également être déterminés en tout ou partie à partir des données afférentes au coût relatif des prestations ; qu'il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient le SYNDICAT FHP-MCO, les ministres compétents ne sont pas tenus de prendre en compte le coût relatif des prestations d'hospitalisation dans la fixation des tarifs ni, s'ils se fondent sur un tel élément, d'évaluer ce coût relatif sur la base d'un échantillon représentatif d'établissements de santé ; que ni ces dispositions, ni aucune autre disposition du code de la sécurité sociale ne font en outre obligation aux ministres compétents de tenir compte du coût réel des prestations ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des termes mêmes du 1° du I de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale que les tarifs nationaux des prestations peuvent être différenciés par catégories d'établissements, notamment en fonction des conditions d'emploi du personnel médical ; que le VII de l'article 33 de la loi du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 modifiée prévoit que pour les années 2005 à 2018, outre les éléments prévus au II de l'article L. 162-22-9 du code de la sécurité sociale, les tarifs nationaux des prestations mentionnés au 1° du I de l'article L. 162-22-10 du même code sont fixés en tenant compte du processus de convergence entre les tarifs nationaux des établissements mentionnés aux a), b) et c) de l'article L. 162-22-6 dudit code et ceux des établissements mentionnés au d) du même article, devant être achevé, dans la limite des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes par ces tarifs, au plus tard en 2018. Ce processus de convergence est orienté vers les tarifs des établissements mentionnés au d de l'article L. 162-22-6 du même code. (...) ; qu'en vertu du 2° de l'article R. 162-32-1 du code de la sécurité sociale, les honoraires des praticiens et les honoraires des auxiliaires médicaux, à l'exclusion de ceux afférents aux soins infirmiers, sont, pour les établissements mentionnés au d) de l'article L. 162-22-6 de ce code, à l'exception des établissements mentionnés à l'article 24 de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996, exclus des forfaits prévus à l'article R. 162-32 de ce code ;
Considérant que les dispositions rappelées ci-dessus permettent aux ministres compétents de fixer des tarifs différents pour les établissements mentionnés aux a), b) et c) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale et pour les établissements mentionnés au d) de cet article en se fondant, de manière distincte, et compte tenu de la différence existant dans les prestations couvertes par les forfaits mentionnés à l'article R. 162-32 et ceux qui résultent du 2° de l'article R. 162-32-1 du même code, sur le coût relatif des prestations délivrées par chacune de ces deux catégories d'établissements ; qu'à cette fin, les ministres ont pu légalement se fonder sur deux échelles de coûts relatifs, construites selon une méthodologie commune à partir d'études réalisées en 2006 et 2007, et sur les dernières données d'activité disponibles pour chaque catégorie d'établissements ; qu'il ne ressort en outre pas des pièces du dossier qu'ils auraient, à cette fin, procédé à une répartition préalable de l'OMDCO au titre de l'année 2010 entre les deux catégories d'établissements ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'écart entre la rémunération que les établissements mentionnés au d) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale sont susceptibles de tirer des tarifs qui leur sont applicables et celle qu'ils tireraient, pour la même structure d'activité, des tarifs fixés par l'arrêté attaqué pour les établissements mentionnés aux a), b) et c) du même article est sensiblement inférieur à ceux qui résultaient des arrêtés fixant les tarifs nationaux au titre des années antérieures ; qu'eu égard à l'objectif fixé à l'année 2018 par les dispositions précitées de l'article 33 de la loi du 18 décembre 2003 modifiée, les ministres ont, par suite, arrêté les tarifs pour 2010 dans le respect du principe de convergence tarifaire résultant de ces mêmes dispositions ; que le syndicat requérant ne peut dès lors utilement soutenir que cet arrêté méconnaîtrait le principe d'égalité entre les deux catégories d'établissements mentionnées ci-dessus, dès lors qu'il résulte des termes mêmes de l'article 33 de la loi du 18 décembre 2003 modifiée que le législateur a entendu permettre, à titre transitoire, que les tarifs des établissements mentionnés aux a), b) et c) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale soient supérieurs à ceux des établissements mentionnés au d) du même article, sous réserve, d'une part, de la convergence de ces tarifs orientée vers ceux de ces derniers établissements et, d'autre part, des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes par ces tarifs ;
Considérant, en sixième et dernier lieu, qu'il n'appartient qu'à la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun ; que, par suite, et en tout état de cause, le SYNDICAT FHP-MCO ne peut utilement soutenir que l'arrêté du 27 février 2010 méconnaîtrait les dispositions de cet article ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la santé et des sports, les conclusions de la requête du SYNDICAT FHP-MCO tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2010 doivent être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que la présente décision qui rejette les conclusions à fin d'annulation du SYNDICAT FHP-MCO n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions présentées par celui-ci tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de fixer de nouveaux tarifs, doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le SYNDICAT FHP-MCO demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête du SYNDICAT FHP-MCO est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT FHP-MCO, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.