Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 et 22 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pascal A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 21 mai 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa requête tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 26 février 2010 par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés l'a affecté au centre de détention de Salon-de-Provence, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 janvier 1979 ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Spinosi, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Delphine Hédary, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de M. A ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que M. A demande l'annulation de l'ordonnance du 21 mai 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la suspension de la décision le transférant du centre de détention de Casabianda au centre de détention de Salon-de-Provence, au motif qu'une telle décision présentait le caractère d'une mesure d'ordre intérieur et n'était, par suite, pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ;
Considérant qu'aux termes de l'article 717 du code de procédure pénale : Les condamnés purgent leur peine dans un établissement pour peines. / Les condamnés à l'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans peuvent, cependant, à titre exceptionnel, être maintenus en maison d'arrêt et incarcérés, dans ce cas, dans un quartier distinct, lorsque des conditions tenant à la préparation de leur libération, leur situation familiale ou leur personnalité le justifient. Peuvent également, dans les mêmes conditions, être affectés, à titre exceptionnel, en maison d'arrêt, les condamnés auxquels il reste à subir une peine d'une durée inférieure à un an. ; qu'aux termes de l'article D. 70 du même code : Les établissements pour peines, dans lesquels sont reçus les condamnés définitifs, sont les maisons centrales, les centres de détention, les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs, les centres de semi-liberté et les centres pour peines aménagées (...) ;
Considérant que les décisions de changement d'affectation entre établissements de même nature ne constituent pas des actes administratifs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus ; que contrairement à ce que soutient M. A, les modifications apportées au code de procédure pénale par la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire ne sont pas de nature à remettre en cause ces principes ;
Considérant en premier lieu qu'eu égard à l'office que lui attribuent les articles L. 511-1 et L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que le centre de détention de Casabianda et le centre de détention de Salon-de-Provence, qui sont des établissements pour peines au sens de l'article D. 70 du code de procédure pénale, constituaient des établissements pénitentiaires de même nature, alors même que le premier est le seul établissement en France à pratiquer un mode de détention ouvert ;
Considérant en deuxième lieu qu'en jugeant que les objectifs d'insertion et de réinsertion attachés aux peines subies par les détenus tels qu'ils sont fixés par l'alinéa 2 de l'article 707 du code de procédure pénale ne faisaient pas partie des libertés et droits fondamentaux des détenus, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'il en va en tout état de cause de même s'agissant de ces objectifs tels qu'ils sont fixés par l'alinéa 3 de l'article 10 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Considérant en troisième et dernier lieu que la seule circonstance que l'établissement pénitentiaire dans lequel le requérant a été affecté pratique un mode de détention fermé ne suffit pas à caractériser une atteinte au droit au respect de sa vie privée excédant les contraintes inhérentes à la détention, dès lors qu'il est constant qu'il aura dans ce dernier établissement accès aux soins que son état de santé nécessite ; que, par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a pu, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les faits de l'espèce, juger que la mesure litigieuse ne portait pas atteinte aux droits fondamentaux de M. A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de mise en cause des droits fondamentaux de l'intéressé, le juge des référés du tribunal administratif de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la décision d'affecter M. A, incarcéré au centre de détention de Casabianda, au centre de détention de Salon-de-Provence, constituait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Pascal A et au ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés.