Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 et 27 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM), dont le siège est à la Tour Gallieni II, 36 avenue Charles de Gaulle à Bagnolet (93170) ; l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 10DA00568 du 29 décembre 2010 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai, en tant qu'elle confirme l'ordonnance n° 0903723 du 28 avril 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a ordonné une expertise aux fins de déterminer s'il existe un lien de causalité partiel ou total entre les vaccinations contre le virus de l'hépatite B que M. Francis A a reçues et les pathologies qu'il a développées ultérieurement ;
2°) statuant en référé, de faire intégralement droit à son appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique, modifié notamment par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 et par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES AFFECTATIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Roger, Sevaux, avocat de l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES AFFECTATIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé qu'après avoir subi en 1994 une vaccination contre le virus de l'hépatite B, M. A a présenté une sclérose latérale amyotrophique et est décédé le 19 décembre 1999 ; que le 4 mai 2009, Mme A, agissant en son nom personnel et en qualité d'ayant droit de son époux, a demandé en référé une expertise médicale aux fins d'établir l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination et les préjudices résultant de la sclérose latérale amyotrophique ; que par une ordonnance du 28 avril 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande, après avoir écarté l'exception de prescription quadriennale opposée par l'ONIAM et estimé que s'appliquait la prescription décennale prévue par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique ; que l'ONIAM se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 29 décembre 2010 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai ayant rejeté son appel ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; qu'aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'article 118 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (...) " ;
Considérant que, alors qu'en raison du caractère obligatoire des vaccinations, la réparation des dommages en résultant incombait à l'Etat en vertu de l'ancien article L. 10-1 du code de la santé publique, ultérieurement codifié à l'article L. 3111-9 de ce code, l'article 118 de la loi du 9 août 2004 a eu pour objet de faire intervenir l'ONIAM aux lieu et place de l'Etat ; que les dispositions de l'article L. 1142-28 du même code, issues de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui ont porté à dix ans à compter de la date de consolidation du dommage le délai dans lequel se prescrivent les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé à raison d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins n'ont eu ni pour objet ni pour effet de modifier le régime de prescription des actions tendant à obtenir réparation des conséquences dommageables de vaccinations obligatoires ; qu'ainsi, en l'absence de dispositions législatives expresses contraires, le régime de prescription applicable à ces actions est demeuré, avant comme après l'intervention de la loi du 9 août 2004, celui, de droit commun, prévu par la loi du 31 décembre 1968 ; que, dès lors, le juge des référés de la cour d'appel de Douai a commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique s'appliquaient à une action engagée sur le fondement de l'article L. 3111-9 de ce code ; que son ordonnance doit par suite être annulée, en tant qu'elle rejette les conclusions de l'ONIAM tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 28 avril 2010 faisant droit à la demande d'expertise présentée par Mme A ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, se statuer sur ces conclusions en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, le juge des référés ne peut prescrire l'une des mesures qu'il mentionne qu'à la condition qu'elle soit utile ; que tel n'est pas le cas d'une demande d'expertise formulée à l'appui de prétentions indemnitaires dont il est établi qu'elles sont prescrites ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que les actions tendant à la réparation des conséquences dommageables des vaccinations obligatoires se prescrivent par quatre ans après la consolidation du dommage ou le décès de la victime ; que le décès de M. A étant survenu le 19 décembre 1999 et l'action de Mme A ayant été engagée le 4 mai 2009, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Lille a écarté l'exception de prescription quadriennale opposée par l'ONIAM et ordonné une expertise ; que l'Office est par suite fondé à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'ordonnance du 28 avril 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Lille ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'ONIAM qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance n° 10DA00568 du 29 décembre 2010 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai, en tant qu'elle rejette les conclusions de l'ONIAM tendant à l'annulation de l'ordonnance du 28 avril 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Lille en ce qu'elle fait droit à la demande d'expertise présentée par Mme A, est annulée.
Article 2 : La demande d'expertise présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : L'ordonnance du 28 avril 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Lille est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES et à Mme Marie-José A.