Vu l'ordonnance n°1104773 du 16 janvier 2012, enregistrée le 17 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes, avant qu'il soit statué sur la demande de l'ASSOCIATION DE CHASSE PRIVEE DE BONNE RENCONTRE tendant à l'annulation de la décision du préfet du Morbihan du 18 octobre 2011 soumettant à l'action de l'association communale de chasse agréée (ACCA) de Guégon les parcelles cadastrées sur cette commune sous les nos YH 54, 167, 168, 193 et YI 82, 126, 128, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du V de l'article L. 422-13 du code de l'environnement ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 décembre 2011 au greffe du tribunal administratif de Rennes, présenté par l'ASSOCIATION DE CHASSE PRIVEE DE BONNE RENCONTRE dont le siège est au 14 allée de la Tramontane à Monfort Sur Meu (35160), représentée par son président, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu du code de l'environnement, notamment ses articles L. 422-10 et L. 422-13 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Samuel Gillis, rapporteur
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'association communale de chasse agréée de Guégon,
- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'association communale de chasse agréée de Guégon,
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la juridiction relevant du Conseil d'Etat saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de celle-ci au Conseil d'Etat ; que l'ASSOCIATION DE CHASSE PRIVEE DE BONNE RENCONTRE a soulevé devant le tribunal administratif de Rennes une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du 3° de l'article L. 422-10 et de l'article L. 422-13 du code de l'environnement ; que l'ordonnance du 16 janvier 2012 du tribunal administratif de Rennes doit être regardée comme ayant saisi le Conseil d'Etat de la conformité à la Constitution de l'ensemble de ces dispositions législatives critiquées dans le mémoire distinct produit devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que les dispositions du 3° de l'article L. 422-10 du code de l'environnement disposent qu'une association communale de chasse agréée (ACCA) est constituée sur les terrains autres que ceux : "Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d'un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l'article L. 422-13 " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 422-13 du même code: " I. Pour être recevable, l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse mentionnés au 3° de l'article L. 422-10 doit porter sur des terrains d'un seul tenant et d'une superficie minimum de vingt hectares. (...) / V. Des arrêtés pris, par département, dans les conditions prévues à l'article L. 422-6 peuvent augmenter les superficies minimales ainsi définies. Les augmentations ne peuvent excéder le double des minima fixés. " ;
Considérant, d'une part, que l'ASSOCIATION DE CHASSE PRIVEE DE BONNE RENCONTRE soutient que les dispositions du 3° de l'article L. 422-10 et de l'article L. 422-13 du code de l'environnement sont contraires au principe d'égalité devant la loi et au droit de propriété garantis par les articles 1er et 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en ce qu'ils introduisent une rupture d'égalité entre les propriétaires en fonction de la taille de leurs parcelles et une limitation du droit de propriété sans que, ni cette rupture, ni cette limitation ne soient justifiées par un motif d'intérêt général ; que toutefois, le régime des associations de chasse agréées répond à l'objectif d'intérêt général visant à prévenir une pratique désordonnée de la chasse et à favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique ; que la différence de traitement entre les propriétaires selon la superficie de leurs parcelles répond également à cet objectif ; que par ailleurs, cette différence est également instituée dans l'intérêt des propriétaires de petites parcelles, qui peuvent ainsi, lorsqu'ils sont adeptes de la chasse, se regrouper pour pouvoir disposer d'un territoire de chasse plus grand et ont également toujours la possibilité d'affecter leur terrain à un usage conforme à leur choix de conscience ; que dès lors, l'ASSOCIATION DE CHASSE PRIVEE DE BONNE RENCONTRE n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées méconnaîtraient le principe d'égalité et le droit de propriété ;
Considérant, d'autre part, que l'ASSOCIATION DE CHASSE PRIVEE DE BONNE RENCONTRE soutient que le législateur, en n'encadrant pas lui-même les conditions dans lesquelles le ministre chargé de la chasse peut, en vertu des dispositions du V de l'article L. 422-13 du code de l'environnement, augmenter la superficie minimum des parcelles en deçà de laquelle les propriétaire ne peuvent, sous réserve d'invoquer des convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, s'opposer à l'apport de leur terrain à l'ACCA, n'aurait pas exercé pleinement la compétence qui lui est confiée par l'article 34 de la Constitution et n'aurait ainsi pas institué les garanties permettant qu'il ne soit pas porté atteinte au droit de propriété ; que toutefois, la possibilité pour le ministre d'augmenter le seuil fixé par le I de l'article L.422-13, ne peut intervenir que sur proposition du préfet, après avis conforme du conseil général et consultation de la chambre d'agriculture et de la fédération départementale des chasseurs ; qu'elle s'exerce dans la limite du maximum fixé par la loi et reste modérée dans son ampleur, l'augmentation ne pouvant excéder le double du minimum légal, fixé de façon différente selon la nature des terres et le type de gibier en cause ; qu'elle s'exerce en outre, sous le contrôle du juge, conformément à l'objectif poursuivi par le législateur d'une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique compte tenu des circonstances locales ; qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées méconnaîtraient la compétence que le législateur tient de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du régime de propriété ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Considérant que si, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ", la présente décision se borne à statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; qu'en conséquence, les conclusions présentées par l'ASSOCIATION DE CHASSE PRIVEE DE BONNE RENCONTRE et l'ACCA de Guégon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être portées que devant le juge saisi du litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée ; que par suite, elles sont irrecevables au stade de la décision statuant sur la seule demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le président du tribunal administratif de Rennes.
Article 2 : Les conclusions de L'ASSOCIATION DE CHASSE PRIVEE DE BONNE RENCONTRE et de l'association communale de chasse agréée de Guégon présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DE CHASSE PRIVEE DE BONNE RENCONTRE, au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et à l'association communale de chasse agréée de Guégon..
Copie en sera adressée au Premier ministre, au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Rennes.