Vu la requête, enregistrée le 9 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Régis A, demeurant ...; M. Chevrot demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 1103181 du 12 janvier 2012 du tribunal administratif de Toulon en tant que, statuant sur la saisine de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP), il n'a pas fixé le montant du remboursement que l'Etat devait lui verser en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral ;
2°) de fixer le montant de ce remboursement à la somme de 5 899 euros ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Guillaume Odinet, Auditeur,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une décision du 14 novembre 2011, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne déposé par M. A, pour les élections qui se sont déroulées les 20 et 27 mars 2011 en vue de la désignation du conseiller général du canton de Rians (Var), en se fondant sur la circonstance que le candidat avait réglé lui-même, postérieurement à la désignation de son mandataire, certaines dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise ; qu'en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Toulon, qui, par un jugement du 22 septembre 2011, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de déclarer M. A inéligible ; que M. A fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fixé le montant du remboursement que l'Etat doit lui verser en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral ;
Sur la fin de non recevoir opposée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 432-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires des parties doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés par un avocat au Conseil d'Etat. " et qu'aux termes de l'article R. 432-2 du même code : " Toutefois, les dispositions de l'article R. 432-1 ne sont pas applicables : / (...) / 3° Aux litiges en matière électorale ; (...) " ;
3. Considérant que le litige qui donne lieu à la saisine du juge de l'élection par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, a le caractère d'un litige en matière électorale ; que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la requête de M. A serait irrecevable au motif qu'elle n'a pas été présentée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Sur les conclusions de la requête :
4. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral, issu de la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique : " Sans préjudice de l'article L. 52-15, lorsqu'il constate que la commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 52-11-1 " ; qu'aux termes de l'article L. 118-3 du même code : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Saisi dans les mêmes conditions, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. / Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral que, lorsque le juge de l'élection se prononce sur un compte de campagne et sur l'éligibilité d'un candidat, il lui appartient, qu'il soit ou non saisi de conclusions en ce sens, de fixer le montant du remboursement dû par l'Etat au candidat s'il constate que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'a pas statué à bon droit ; qu'en revanche, il n'appartient pas au juge de l'élection d'ordonner à un candidat le remboursement des sommes qu'il aurait perçues à ce titre ;
6. Considérant qu'il en va notamment ainsi lorsque le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, se prononce sur l'éligibilité d'un candidat en application des dispositions précitées de l'article L. 118-3 du code électoral ; que, dans cette hypothèse, il lui appartient, avant de statuer sur l'éligibilité du candidat et, le cas échéant, de fixer le montant du remboursement dû par l'Etat, de se prononcer sur le bien-fondé des motifs sur lesquels s'est fondée la Commission pour réformer ou rejeter le compte ;
7. Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Toulon a estimé que c'était à tort que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait rejeté le compte de M. A, dès lors que la seule irrégularité commise par ce dernier consistait dans le fait d'avoir réglé directement, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral, une dépense d'un montant de 299 euros, qui ne représentait qu'une faible partie du total des dépenses du compte de campagne et qui était d'un montant négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées ; que, dès lors, en se bornant à juger qu'il n'y avait pas lieu de déclarer M. A inéligible, alors qu'il lui appartenait, après s'être prononcé sur le bien-fondé de la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 14 novembre 2011, de fixer le montant du remboursement dû par l'Etat, le tribunal administratif de Toulon a méconnu son office ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fixé le montant du remboursement que l'Etat lui doit en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral ;
8. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement, dans cette mesure, sur la saisine par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a transmis au juge de l'élection le compte de campagne de M. A ;
9. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-11-1 du code électoral, dans sa version applicable aux opérations électorales des 20 et 27 mars 2011 : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat égal à 50 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne " ; qu'aux termes des deux derniers alinéas du même article, dans leur version issue de la loi du 14 avril 2011 : " Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, qui ne se sont pas conformés aux prescriptions de l'article L. 52-11, qui n'ont pas déposé leur compte de campagne dans le délai prévu au deuxième alinéa de l'article L. 52-12 ou dont le compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs ou qui n'ont pas déposé leur déclaration de situation patrimoniale, s'ils sont astreints à cette obligation. / Dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités " ;
10. Considérant qu'il ressort des termes du jugement du 12 janvier 2012 du tribunal administratif de Toulon que celui-ci a estimé qu'aucune dépense ne devait être exclue du compte de campagne de M. Chevrot, dont les montants en recettes et en dépenses doivent être fixés à 5 899 euros ;
11. Considérant que M. A, qui a obtenu plus de 5 % des suffrages, a droit, en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral, à un remboursement forfaitaire égal à la moitié du plafond légal des dépenses, soit à 5 153 euros ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de réduire le montant du remboursement forfaitaire pour tenir compte de l'irrégularité constatée par le tribunal administratif ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 janvier 2012 est annulé en tant qu'il n'a pas fixé le montant du remboursement dû par l'Etat à M. A en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral.
Article 2 : Le montant du remboursement dû par l'Etat à M. A en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral est fixé à 5 153 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Régis A et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.