Vu la procédure suivante :
L'association " Le chabot ", l'association " Comité écologique ariégeois ", Mme P...Q..., Mme J...T..., M. O...H..., M. A...U...K..., M. F...G..., M. S...M..., M. N...D...et M. B...E...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 juin 2009 par lequel le préfet de l'Ariège a autorisé la SAS Denjean Granulats à exploiter une carrière de sables et graviers sur le territoire de la commune de Saverdun. Mme L...I...et M. R...C...sont intervenus à l'instance au soutien de cette demande.
Par un jugement n° 0905635 du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas admis l'intervention de Mme I...et M. C...et a rejeté les demandes des requérants.
Par un arrêt nos 14BX01825, 14BX01921, et 14BX01922 du 16 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé, d'une part, par M. M..., M. U...K..., M.D..., d'autre part, par Mme I...et M.C..., enfin par l'association pour la protection des rivières Ariégeoises, l'association le comité écologique ariégeois, Mme Q..., M.H..., M.K..., M. G...et M.E..., contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février et 22 mai 2016 et le 1er décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme L...I..., M. R...C..., M. S...M..., M. A...U...K..., M. N...D..., M. B...E...et M. F...G...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de Mme I...et autres et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Denjean Granulats.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 29 juin 2009, le préfet de l'Ariège a autorisé la société Denjean Granulats à exploiter une carrière de sables et graviers sur le territoire de la commune de Saverdun, pour une production maximale annuelle de 700 000 tonnes ; que M. U...K..., M.G..., M.M..., M. D..., M. E...ainsi que plusieurs autres particuliers et associations ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cet arrêté ; que Mme I...et M. C...sont intervenus au soutien de la demande ; que, par un jugement du 24 avril 2014, après avoir refusé d'admettre l'intervention de Mme I...et de M.C..., le tribunal a rejeté la demande des requérants ; que, par un arrêt du 16 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les requêtes, d'une part, de Mme I...et M.C..., d'autre part, de MM.M..., U...K...etD..., enfin, de MM. G...et E...et d'autres requérants ; que Mme I...ainsi que MM. C..., M..., U...K..., D..., G...et E...se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;
Sur le refus d'admettre l'intervention de Mme I...et de M. C...en première instance :
2. Considérant que la personne qui est intervenue devant la cour administrative d'appel, que son intervention ait été admise ou non, ou qui a fait appel du jugement ayant refusé d'admettre son intervention, a qualité pour se pourvoir en cassation contre l'arrêt rendu contre les conclusions de son intervention ; que, dans le cas où elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce-opposition, elle peut contester tant la régularité que le bien-fondé de l'arrêt attaqué ; que, dans le cas contraire, elle n'est recevable à invoquer que des moyens portant sur la régularité de l'arrêt attaqué relatifs à la recevabilité de son intervention ou à la prise en compte des moyens qu'elle comporte, tout autre moyen devant être écarté par le juge de cassation dans le cadre de son office ;
3. Considérant que le III de l'article L. 514-6 du code de l'environnement dispose que : " Les tiers qui n'ont acquis ou pris à bail des immeubles ou n'ont élevé des constructions dans le voisinage d'une installation classée que postérieurement à l'affichage ou à la publication de l'acte portant autorisation ou enregistrement de cette installation ou atténuant les prescriptions primitives ne sont pas recevables à déférer ledit arrêté à la juridiction administrative. " ; que les tiers placés dans une telle situation ne sont pas davantage recevables à intervenir au soutien d'une demande d'annulation de cet arrêté ; qu'il y a lieu, par ce motif de pur droit qui doit être substitué à celui retenu par la cour, d'écarter le moyen tiré de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit en refusant, après avoir relevé que Mme I...et M. C... avaient acquis leur propriété au voisinage du site concerné par l'autorisation plusieurs années après la délivrance de l'arrêté du 29 juin 2009, d'admettre leur intervention ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il statue sur la recevabilité de l'intervention de Mme I...et de M. C...en première instance ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt en ce qu'il rejette la demande d'annulation de l'arrêté du 29 juin 2009 :
4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que les moyens soulevés contre l'arrêt en tant qu'il statue sur la demande d'annulation de l'arrêté du 29 juin 2009 sont irrecevables en tant qu'ils émanent de Mme I...et de M. C...; que ces moyens sont toutefois recevables en tant qu'ils émanent des autres requérants, qui avaient la qualité de partie à l'instance devant la cour ;
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. " ; que l'article L. 512-1 du même code, dans sa version applicable au litige, prévoit que " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. " ; qu'en vertu de l'article L. 512-3 du même code, alors applicable, " Les conditions d'installation et d'exploitation jugées indispensables pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 " sont fixées " par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des arrêtés complémentaires pris postérieurement à cette autorisation " ; que l'article L. 514-6 du même code prévoit que les décisions prises en application des articles L. 512-1 et L. 512-3 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ;
6. Considérant qu'il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de la délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond relatives à la protection de l'environnement régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce ;
7. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce qu'il ressortait de deux expertises hydrogéologiques que l'exploitation de la carrière litigieuse avait un impact défavorable sur le niveau et sur la qualité de la ressource en eau des nappes phréatiques du secteur, la cour a jugé que cette circonstance ne révélait pas l'illégalité de l'arrêté du 29 juin 2009 dès lors que les requérants n'établissaient pas l'impossibilité de remédier aux pollutions constatées par l'édiction d'un nouvel arrêté préfectoral complétant les prescriptions dont est assortie l'autorisation initiale ; qu'en se fondant ainsi sur la faculté pour le préfet d'imposer à l'avenir des prescriptions nouvelles à l'exploitant, alors qu'il lui revenait, en tant que juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement, de se prononcer sur l'étendue des obligations qui devaient être mises à la charge de l'exploitant par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle elle statuait, et notamment de la réalité des pollutions alléguées, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que MM.M..., U...K..., D..., G...et E...sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, en tant qu'il statue sur leur appel ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de MM.M..., U...K..., D..., G...et E...qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit versée à ce titre par l'Etat à Mme I...et M. C...; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à MM.M..., U...K..., D..., G...et E...d'une somme de 600 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme I...et M. C... une somme à verser à la société Denjean Granulats au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 16 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il statue sur l'appel de M.M..., M. U...K..., M.D..., M. E...et M. G....
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat versera à M.M..., M. U...K..., M.D..., M. E...et M. G...la somme de 600 euros chacun, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi ainsi que les conclusions présentées par la société Denjean Granulats au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme L...I..., première dénommée, pour l'ensemble des requérants.
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Denjean Granulats.