Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 juin 1983 et 7 octobre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Laoussine A..., demeurant à Beaumont-les-Valence, 26.800 Portes-les-Valence, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 23 mars 1983 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'état exécutoire émis à son encontre par l'Office National d'Immigration le 2 mars 1982, au titre du versement de la cotisation spéciale due, en vertu de l'article L.341-7 du code du travail, à raison de l'emploi illégal de deux salariés étrangers ;
- annule pour excès de pouvoir l'état exécutoire en cause ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ; Après avoir entendu :
- le rapport de M. Bas, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, avocat de M. Laoussine Z... et de Me Defrenois, avocat de l'office national d'immigration,
- les conclusions de M. Lasserre, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'office national d'immigration :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-6 du code du travail, "il est interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, lorsque la possession de ce titre est exigée en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux" ; qu'aux termes de l'article L. 341-7 du même code, "sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L. 341-6 premier alinéa sera tenu d'acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l'office national d'immigration ... " ;
Considérant, d'une part, que, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tiré de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ; qu'il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction ou d'une amende administrative ;
Considérant, d'autre part, que l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique ; que tel n'est pas le cas des décisions de classement sans suite prises par le ministère public, qui ne s'opposent pas, d'ailleurs, à la reprise des poursuites ;
Considérant qu'il résulte d l'instruction, et notamment du procès-verbal de gendarmerie dressé le 29 juillet 1981, que M. Z... a occupé deux travailleurs étrangers, MM. X... et Y..., alors que les intéressés étaient démunis du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France ; que l'infraction aux dispositions de l'article L. 341-6 précité du code du travail est établie et justifiait ainsi l'application, à l'encontre de M. Z..., de la contribution spéciale visée à l'article L. 341-7 ; que ni la circonstance que la Cour d'appel de Grenoble ait, par un arrêt en date du 23 juin 1982, relaxé M. Z... au bénéfice du doute pour l'emploi irrégulier de M. X..., ni la circonstance que le procès-verbal du 29 juillet qui, contrairement à ce que soutient M. Z..., avait été régulièrement dressé, ait été classé sans suite par le Parquet ne font obstacle à ce que la contribution spéciale susmentionnée puisse légalement être mise à la charge de M. Z... pour l'emploi de MM. X... et Y..., dès lors que les faits retenus à l'encontre de M. Z... sont établis ;
Considérant que M. Z... soutient que la décision attaquée est contraire aux stipulations du 2ème alinéa de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles "toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie" ; que ce moyen qui tend en réalité à faire apprécier que le juge administratif la conformité des dispositions de l'article L.341-7 du code du travail, issues de la loi du 10 juillet 1976, aux stipulations citées ci-dessus qui ont été rendues applicables en droit interne par le décret du 5 mai 1974, est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Z... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'état exécutoire émis le 2 mars 1982 par l'agent comptable de l'office national d'immigration au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 341-7 du code du travail pour l'emploi irrégulier de deux travailleurs étrangers ;
Article 1er : La requête de M. Z... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Z..., au directeur de l'Office national d'immigration et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.