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15/12/1989 | FRANCE | N°75336;81071

France | France, Conseil d'État, Section, 15 décembre 1989, 75336 et 81071


Vu 1°) sous le n° 75 336 le recours et le mémoire complémentaire du ministre de l'urbanisme, du logement et des transports enregistrés les 31 janvier 1986 et 6 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement en date du 20 novembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables de l'arrêté du commissaire de la République de la Charente en date du 2 novembre 1983, prenant en considération la mise à l'étude du projet d'aménagement de la route nation

ale n° 10 sur le territoire des communes d' Anais, Champniers et...

Vu 1°) sous le n° 75 336 le recours et le mémoire complémentaire du ministre de l'urbanisme, du logement et des transports enregistrés les 31 janvier 1986 et 6 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement en date du 20 novembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables de l'arrêté du commissaire de la République de la Charente en date du 2 novembre 1983, prenant en considération la mise à l'étude du projet d'aménagement de la route nationale n° 10 sur le territoire des communes d' Anais, Champniers et Vars, en tant que cet arrêté prive les époux X... d'une chance de revendre leur propriété au prix correspondant à sa valeur vénale et ordonne une expertise à l'effet de chiffrer le préjudice subi ;
Vu 2°) sous le n° 81 071 le recours du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports enregistré comme ci-dessus le 11 août 1986 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement en date du 11 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, à la suite de l'expertise ordonnée par le précédent jugement du 20 novembre 1985, a condamné l'Etat à verser à M. et Mme X... une indemnité de 216 000 F ;
2- lui adjuge le bénéfice de ses conclusions de première instance ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Duléry, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Capron, avocat des consorts X...,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les recours du ministre de l'urbanisme, du logement et des transports, enregistré sous le n° 75 336, et du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports, enregistré sous le n° 81 071, ont trait aux conséquences d'un même dommage ; qu'il convient de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'en demandant l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Poitiers en date du 20 novembre 1985 par le motif que la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée à l'égard des époux X..., le ministre a implicitement, mais nécessairement, conclu au rejet de la demande présentée par ces derniers en première instance ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée au recours n° 75 336 par les époux X... n'est pas fondée ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : "Lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution de travaux publics, le sursis à statuer peut être opposé, dans les conditions définies à l'article L. 111-8, dès lors que la mise à l'étude d'un projet de travaux publics a été prise en considération par l'autorité compétente et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités. Le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'acte décidant la prise en considération a été publié avant le dépôt de la demande d'autorisation" et qu'en vertu des dispositions de l'article L. 111-11 du même code, lorsqu'une décision de sursis est intervenue en application de l'article L. 111-10, les propriétaires des terrains peuvent mettre en demeure la collectivité ou le service public bénéficiaire de procéder à l'acquisition de leur terrain ; que la servitude résultant de l'intervention d'une décision prenant en considération, en application des dispositions précitées de l'article L. 111-10, la mise à l'étude d'un projet de travaux publics constitue l'une des servitudes mentionnées à l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, lesquelles n'ouvrent pas droit à réparation hormis le cas où elles portent atteinte à des droits acquis ou apportent une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct matériel et certain ;

Considérant que, par arrêté du 2 novembre 1983, le commissaire de la République de la Charente a, en application des articles L. 111-10 et R.421-55 du code de l'urbanisme, pris en considération la mise à l'étude du projet d'aménagement de la route nationale n° 10, déviation de Churet et de la Chignolle sur le territoire des communes d'Anais, de Champniers et de Vars ; que si les époux X... dont la propriété est située à l'intérieur du périmètre délimité par cet arrêté soutiennent que l'intervention de cette mesure les a empêchés de vendre ladite propriété et a, par suite, entraîné pour eux un préjudice présentant un caractère anormal et spécial, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme font obstacle à ce que leur demande tendant à la réparation de ce préjudice soit accueillie ; qu'en effet, ladite mesure n'a porté atteinte à aucun droit acquis au sens des dispositions de l'article L. 160-5 et n'a pas entraîné une modification de l'état antérieur des lieux ; qu'il suit de là que le ministre chargé de l'équipement est fondé à soutenir que c'est à tort, d'une part, que par un premier jugement en date du 20 novembre 1985, le tribunal administratif de Poitiers a déclaré l'Etat responsable de la dépréciation de la valeur vénale de la propriété des époux X... et prescrit une expertise à l'effet de déterminer le montant de cette dépréciation, d'autre part, que par un deuxième jugement en date du 11 juin 1986, le même tribunal a condamné l'Etat à verser à ces derniers, pour un tel préjudice, une indemnité de 216 000 F et à supporter les frais d'expertise ; qu'il y a lieu de mettre ces frais à la charge des époux X... et de rejeter la demande qu'ils ont présentée en première instance en ce qu'elle tend à l'indemnisation du préjudice résultant de la dépréciation de la valeur vénale de leur propriété ;
Article 1er : Les articles 1er et 3 à 8 du jugement du 20 novembre 1985 et le jugement du 11 juin 1986 du tribunal administratif de Poitiers sont annulés.
Article 2 : La demande des époux X... au tribunal administratif de Poitiers tendant à la réparation des conséquences de la prise en considération, par arrêté préfectoral du 2 novembre 1983, de la mise à l'étude du projet d'aménagement de la route nationale n° 10 est rejetée.
Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge des époux X....
Article 4 : La présente décision sera notifiée aux époux X... et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 75336;81071
Date de la décision : 15/12/1989
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE REGIE PAR DES TEXTES SPECIAUX - Servitudes instituées en application du code de l'urbanisme (article L - 160-5 du code de l'urbanisme) - Absence d'indemnisation sauf si ces servitudes portent atteinte à des droits acquis ou entraînent une modification de l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct - matériel et certain - Notion de servitudes instituée en application du code de l'urbanisme - Existence - Prise en considération de la mise à l'étude d'un projet de travaux publics (article L - 111-10).

60-01-05, 60-02-05 La servitude résultant de l'intervention d'une décision prenant en considération, en application des dispositions de l'article L.111-10 du code de l'urbanisme, la mise à l'étude d'un projet de travaux publics constitue l'une des servitudes mentionnées à l'article L.160-5 du même code, lesquelles n'ouvrent pas droit à réparation hormis le cas où elles portent atteinte à des droits acquis ou apportent une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct matériel et certain.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME - Institution de servitudes d'urbanisme (article L - 160-5 du code de l'urbanisme) - Notion de servitude - Prise en considération de la mise à l'étude d'un projet de travaux publics (article L - 111-10 du code de l'urbanisme).


Références :

Code de l'urbanisme L111-10, L111-11, L160-5, L421-55


Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 1989, n° 75336;81071
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: Mme Dulery
Rapporteur public ?: M. Abraham
Avocat(s) : Me Capron, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:75336.19891215
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