Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le 22 février 1988, présentée par M. Giuseppe X..., demeurant école des Queyrières, Saint-Martin-de-Queyrières à l'Argentière la Bessée (05120) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 17 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 25 février 1985 par laquelle le préfet des Hautes-Alpes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée notamment par la loi du 17 juillet 1984 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Vu le décret n° 81-405 du 28 avril 1981 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Devys, Auditeur,
- les conclusions de Mme Leroy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort clairement des stipulations de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que les directives du conseil des communautés économiques européennes lient les Etats membres "quant au résultat à atteindre" ; que si, pour atteindre ce résultat, les autorités nationales, qui sont tenues d'adapter leur législation et leur réglementation aux directives qui leur sont destinées, restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution de ces directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire leurs effets en droit interne, ces autorités ne peuvent légalement, après l'expiration des délais impartis, édicter des dispositions réglementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives dont s'agit ;
Considérant que l'article 9 de la directive adoptée par le conseil des communautés européennes le 25 février 1964 et concernant "la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique" dispose que "En l'absence de possibilités de recours juridictionnels ou si ces recours ne portent que sur la légalité de la décision ou s'ils n'ont pas d'effet suspensif, la décision de refus de renouvellement du titre de séjour ou la décision d'éloignement du territoire d'un porteur d'un titre de séjour n'est prise par l'autorité administrative, à moins d'urgence, qu'après avis donné par une autorité compétente du pays d'accueil devant laquelle l'intéressé doit pouvoir faire valoir ses moyens de défense et se faire assister ou représenter dans les conditions de procédure prévues par la législation nationale. Cette autorité doit être différente de celle qualifiée pour prendre la décision de refus de renouvellement du titre de séjour ou la décision d'éloignement" ;
Considérant que, pour parvenir au résultat assigné aux Etats membres par l'article 9 de la directive du 25 février 1964, l'article 14 du décret du 28 avril 1981 dispose que "Lorsqu'une décision d'expulsion du territoire d'un ressortissant d'un Etat membre de la communauté économique européenne est envisagée, cet étranger doit, sauf urgence, pouvoir être entendu préalablement par la commission dite commission spéciale prévue aux articles 24 et 25 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 et dans les conditions prévues audits articles. Celui auquel la délivrance du premier titre de séjour a été refusée pour des motifs d'ordre public ... doit, à moins que des raisons de sûreté de l'Etat ne s'y opposent, être autorisé à présenter en personne ses moyens de défense devant la commission spéciale" ; que le pouvoir réglementaire devait édicter des dispositions soit identiques, soit équivalentes à celles de la directive du 25 février 1964 ; qu'en omettant de prévoir des garanties comparables pour le cas des refus de renouvellement de titre de séjour, le décret du 28 avril 1981 méconnaît les objectifs qui ont été fixés par la directive du 25 février 1964 ; qu'il est, dans cette mesure, entaché d'illégalité ;
Considérant que l'arrêté du 25 février 1985 par lequel le préfet des Hautes-Alpes a refusé à M. X... le renouvellement de son titre de séjour a été pris sur le fondement du décret du 28 avril 1981 ; qu'il est donc lui-même illégal ; qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cette décision ;
Article 1er : Le jugement du 17 décembre 1987, ensemble l'arrêté du 25 février 1985 du préfet des Hautes-Alpes sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'intérieur.