Cour constitutionnelle
Arrêt n° 1/2024
du 11 janvier 2024
Numéros du rôle : 7407, 7409, 7410 et 7412
En cause : les recours en annulation totale ou partielle de la loi du 20 décembre 2019
« transposant la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration », introduits par l’association de fait « Belgian Association of Tax Lawyers » et autres, par l’Ordre des barreaux francophones et germanophone, par l’« Orde van Vlaamse balies » et Alex Tallon et par l’Institut des experts-comptables et des conseils fiscaux (actuellement : l’Institut des Conseillers fiscaux et des Experts-comptables) et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia et K. Jadin, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 juin 2020 et parvenue au greffe le 30 juin 2020, un recours en annulation de la loi du 20 décembre 2019
« transposant la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration » (publiée au Moniteur belge du 30 décembre 2019) a été introduit par l’association de fait « Belgian Association of Tax Lawyers », P.V. et G.G., assistés et représentés par Me P. Malherbe, avocat au barreau de Bruxelles.
Par requête séparée, les parties requérantes demandaient également la suspension de la même loi. Par l’arrêt n° 168/2020 du 17 décembre 2020 (ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.168), publié au Moniteur belge du 27 avril 2021, la Cour a rejeté la demande de suspension.
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b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 juin 2020 et parvenue au greffe le 30 juin 2020, un recours en annulation de la même loi a été introduit par l’Ordre des barreaux francophones et germanophone, assisté et représenté par Me S. Scarnà, avocat au barreau de Bruxelles.
c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 30 juin 2020 et parvenue au greffe le 1er juillet 2020, un recours en annulation de la même loi a été introduit par l’« Orde van Vlaamse balies » et Alex Tallon, assistés et représentés par Me P. Wouters, avocat à la Cour de cassation.
d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 30 juin 2020 et parvenue au greffe le 2 juillet 2020, un recours en annulation des articles 5 à 9, 16, 22 à 26, 32, 37 à 41, 46, 51 à 55 et 60 de la même loi a été introduit par l’Institut des experts-comptables et des conseils fiscaux (actuellement : l’Institut des Conseillers fiscaux et des Experts-comptables), l’Institut professionnel des comptables et fiscalistes agréés, Frédéric Delrue, Mirjam Vermaut, Bart Van Coile et Vincent Delvaux, assistés et représentés par Me F. Judo, avocat au barreau de Bruxelles.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7407, 7409, 7410 et 7412 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Par arrêt interlocutoire n° 103/2022 du 15 septembre 2022
(ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.103), publié au Moniteur belge du 13 janvier 2023, la Cour a, entre autres, sursis « à statuer sur les griefs mentionnés en B.64 et B.87, dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne à la question préjudicielle posée par l’arrêt n° 167/2020 du 17 décembre 2020 ».
Par arrêt du 8 décembre 2022 en cause de Orde van Vlaamse Balies e.a. (C-694/20, ECLI:EU:C:2022:963), la Cour de justice de l’Union européenne a répondu à la question préjudicielle posée par l’arrêt n° 167/2020 précité.
Par ordonnance du 17 mai 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteures K. Jadin et J. Moerman, a décidé :
- de rouvrir partiellement les débats, les débats étant rouverts uniquement en ce qui concerne les griefs mentionnés en B.64 et B.87 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022, précité,
- d’inviter les parties à exposer, dans un mémoire complémentaire à introduire le 15 juin 2023
au plus tard et à communiquer dans le même délai aux autres parties, leur point de vue sur l’incidence de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 8 décembre 2022, précité, sur les griefs mentionnés en B.64 et B.87 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022, précité,
- qu’aucune audience ne sera tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et
- qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seront clos le 28 juin 2023 et les affaires mises en délibéré.
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Des mémoires complémentaires ont été introduits par :
- les parties requérantes dans l’affaire n° 7407;
- la partie requérante dans l’affaire n° 7409;
- les parties requérantes dans l’affaire n° 7412;
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par F. Roland, conseillère générale au SPF Finances.
À la suite des demandes des parties requérantes à être entendues, la Cour, par ordonnance du 31 mai 2023, a fixé l'audience au 28 juin 2023.
À l'audience publique du 28 juin 2023 :
- ont comparu :
. Me P. Malherbe, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 7407;
. Me S. Scarnà et Me J. Noël, avocat au barreau de Bruxelles, pour la partie requérante dans l’affaire n° 7409;
. Me P. Wouters, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 7410;
. Me F. Judo, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 7412;
. Me J.-P. Hordies, avocat au barreau de Bruxelles, également loco Me G. de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, pour le Conseil national des barreaux de France (partie intervenante);
. E. De Plaen, attaché au service juridique du SPF Finances, loco la conseillère générale F. Roland, pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteures K. Jadin et J. Moerman ont fait rapport;
- les parties précitées ont été entendues;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
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II. En droit
-A-
Quant aux mémoires complémentaires déposés à la suite de l’ordonnance de la Cour du 17 mai 2023
A.1. Par son arrêt interlocutoire n° 103/2022 du 15 septembre 2022 (ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.103), la Cour a, entre autres, sursis « à statuer sur les griefs mentionnés en B.64 et B.87, dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne à la question préjudicielle posée par l’arrêt n° 167/2020 du 17 décembre 2020 ».
Par son arrêt du 8 décembre 2022 en cause de Orde van Vlaamse Balies e.a. (C-694/20, ECLI:EU:C:2022:963), la Cour de justice (grande chambre) a répondu à la question préjudicielle posée par l’arrêt de la Cour n° 167/2020 du 17 décembre 2020 (ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.167).
Par une ordonnance du 17 mai 2023, la Cour a décidé de rouvrir partiellement les débats, les débats étant rouverts uniquement en ce qui concerne les griefs mentionnés en B.64 et B.87 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022
précité. La Cour a également invité les parties à exposer, dans un mémoire complémentaire, leur point de vue quant à l’incidence, sur ces griefs, de l’arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2022 précité. Les positions des parties exposées dans leurs mémoires complémentaires sont synthétisées dans ce qui suit.
En ce qui concerne le fond
A.2.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7407 exposent tout d’abord leur interprétation de l’arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2022, en le commentant par paragraphes. En substance, elles soulignent qu’il ressort de cet arrêt que l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011
« relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE » (ci-après :
la directive 2011/16/UE), inséré par la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 « modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (ci-après : la directive (UE) 2018/822), viole l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après :
la Charte) en ce qu’il prévoit que l’avocat-intermédiaire soumis au secret professionnel est tenu de notifier à tout autre intermédiaire qui n’est pas son client les obligations de déclaration qui incombent à cet autre intermédiaire.
Selon elles, il ressort également de l’arrêt de la Cour de justice que ni l’avocat, ni son client, ni les tiers ne peuvent être obligés à déclarer l’existence et le contenu des conseils juridiques fournis par l’avocat. Toujours selon elles, il existe en l’espèce un lien inextricable entre, d’une part, les articles 7 et 8 de la Charte et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et, d’autre part, l’article 47 de la Charte et l’article 6 de ladite Convention. Elles exposent qu’une procédure de modification de la directive 2011/16/UE est en cours, afin de donner suite à l’arrêt de la Cour de justice. Toutefois, selon elles, la modification envisagée soulève plusieurs interrogations et critiques.
Ensuite, elles soulignent qu’il n’existe pas de motifs suffisants pour imposer des obligations qui restreignent le secret professionnel de l’avocat. Elles observent que les travaux préparatoires de la loi du 20 décembre 2019
« transposant la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (ci-après : la loi du 20 décembre 2019) ne fournissent pas de justification suffisante.
A.2.2. En ce qui concerne le grief mentionné en B.64 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022, les parties requérantes dans l’affaire n° 7407 font valoir que la loi du 20 décembre 2019 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne peut pas être appliquée à l’avocat agissant dans le cadre de sa profession et en ce sens que le client ne doit déclarer ni l’existence ni le contenu des communications avec son avocat. À titre subsidiaire, elles estiment que, dans l’hypothèse où l’avocat serait soumis à une obligation de déclaration, il n’est pas raisonnablement justifié de limiter la protection du secret professionnel, de sorte que l’avocat-intermédiaire doit automatiquement bénéficier de l’exonération. Elles soulignent que l’obligation de notifier à des tiers le recours à l’exonération est contraire à l’exigence de stricte nécessité. Ensuite, en ce qui concerne l’obligation de notification envers le client prévue par la loi du 20 décembre 2019, elles observent que cette obligation n’est pas strictement nécessaire pour les avocats,
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dès lors que les règles déontologiques leur imposent déjà un devoir d’information envers le client. Selon elles, il y a lieu de conclure que les exigences liées au recours à l’exonération qui sont imposées par la loi du 20 décembre 2019 ne sont pas applicables aux avocats.
A.2.3. En ce qui concerne le grief mentionné en B.87 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022, les parties requérantes dans l’affaire n° 7407 soulignent tout d’abord que la fonction critique de l’avocat pour le bon fonctionnement de l’État de droit nécessite une protection spécifique effective afin d’éviter toute atteinte à l’indépendance et à la loyauté de l’avocat. À cet égard, elles se réfèrent à la jurisprudence de la Cour, en particulier à l’arrêt de la Cour n° 28/2023 du 16 février 2023 (ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.028), à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et à celle de la Cour européenne des droits de l’homme. Elles font valoir que toutes les obligations imposées dans la relation entre l’avocat et son client doivent satisfaire à des exigences strictes, dès lors qu’elles vont à l’encontre du principe de l’autorégulation. Selon elles, il y a lieu d’autoriser explicitement l’avocat à faire prévaloir la déontologie sur les obligations résultant de la transposition de la directive (UE) 2018/822, lorsque les règles déontologiques sont contraires à ces obligations ou les rendent inutiles.
Elles ajoutent que l’interprétation de l’arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2022 ne doit pas porter atteinte aux autres normes de droit européen. Elles se réfèrent en particulier à la directive 77/249/CEE du Conseil du 22 mars 1977 « tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats » et à la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 « visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise », lesquelles confirment que la déontologie est intégralement applicable aux conseils donnés en dehors du contexte d’un litige.
De plus, elles soulignent que le secret professionnel ne saurait être moins bien protégé dans le cadre de la directive (UE) 2018/822, qui concerne exclusivement des agissements licites, que dans le cadre de la législation anti-blanchiment, qui concerne des délits potentiels. En outre, elles critiquent l’arrêt du Conseil d’État français n° 448486 du 14 avril 2023 (ECLI:FR:CECHR:2023:448486.20230414). Elles ajoutent qu’elles souhaitent modifier la quatrième question préjudicielle suggérée dans leur mémoire en réponse et que, si la Cour estimait qu’il existe un doute raisonnable quant à l’interprétation correcte du droit de l’Union, il conviendrait de poser cette question préjudicielle et, dans l’attente de la réponse de la Cour de justice, de suspendre les obligations imposées aux avocats.
Ensuite, elles font valoir que l’arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2022 introduit une distinction entre les avocats et les autres intermédiaires. Par ailleurs, elles soulignent qu’il y a lieu d’annuler les dispositions attaquées qui fixent les sanctions, comme le confirme l’arrêt du Conseil d’État n° 256.480 du 10 mai 2023. En outre, elles relèvent que plusieurs questions se posent en ce qui concerne le traitement des données. Elles se réfèrent également à la décision de la chambre contentieuse de l’Autorité de protection des données n° 61/2023 du 24 mai 2023. Enfin, elles font valoir que la loi du 20 décembre 2019 doit être interprétée en ce sens qu’en cas de déclaration par le client ou par un autre intermédiaire, elle exige seulement une déclaration contenant un schéma abstrait, sans mention ni du nom de l’avocat, ni de l’existence ou du contenu de son avis. Elles ajoutent que, dans l’hypothèse où le nom de l’avocat ou le contenu de ses conseils serait néanmoins divulgué, l’administration serait tenue d’effacer ces informations et de s’abstenir de les utiliser.
A.3.1. La partie requérante dans l’affaire n° 7409 fait valoir que l’arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2022 confirme que le secret professionnel de l’avocat s’étend non seulement aux échanges avec le client dans le cadre d’une procédure judiciaire, mais aussi aux consultations juridiques rendues en dehors de toute procédure judiciaire. Elle observe que la Cour de justice a constaté que la directive (UE) 2018/822 entraîne une double ingérence dans le droit au respect de la vie privée (1) en ce que l’avocat-intermédiaire est tenu de notifier, à tout autre intermédiaire qui n’est pas son client, l’existence d’une consultation juridique relative à un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration et (2) en ce que cette obligation de notification induit indirectement la divulgation à l’administration fiscale, par les tiers intermédiaires ainsi notifiés, de l’identité et de la consultation de l’avocat-intermédiaire. Elle relève que la Cour de justice a jugé que cette double ingérence n’est pas justifiée. Par ailleurs, elle souligne que la Cour de justice n’a pas encore examiné, à ce stade, l’ingérence qui résulte de la déclaration du dispositif à l’administration fiscale par le client de l’avocat-intermédiaire. Elle précise que la Cour de justice sera amenée à examiner cette ingérence dans le cadre de la cinquième question préjudicielle posée par l’arrêt de la Cour n° 103/2022. Enfin, elle critique l’arrêt du Conseil d’État français du 14 avril 2023, précité.
A.3.2. En ce qui concerne le grief mentionné en B.64 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022, la partie requérante dans l’affaire n° 7409 relève que ce grief porte sur l’obligation pour l’avocat-intermédiaire d’informer les autres
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intermédiaires qu’il ne peut pas satisfaire à son obligation de déclaration. Selon elle, il y a lieu d’annuler :
(1) l’article 326/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992), l’article 289bis/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, l’article 146duodecies, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits de succession et l’article 211bis/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits et taxes divers, en ce qu’ils s’appliquent aux avocats, et ce, car ces dispositions portent précisément sur l’obligation, pour un intermédiaire soumis au secret professionnel, de notifier à un autre intermédiaire des informations couvertes par le secret; (2) l’article 326/7, § 1er, alinéa 2, du CIR 1992, l’article 289bis/7, § 1er, alinéa 2, du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, l’article 146duodecies, § 1er, alinéa 2, du Code des droits de succession et l’article 211bis/7, § 1er, alinéa 2, du Code des droits et taxes divers, en ce qu’ils s’appliquent aux avocats, et ce, car l’avocat-intermédiaire doit être dispensé de l’obligation de déclaration dans tous les cas et, à tout le moins, lorsqu’il a informé son client;
(3) l’article 326/7, § 2, alinéa 1er, du CIR 1992, l’article 289bis/7, § 2, alinéa 1er, du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, l’article 146duodecies, § 2, alinéa 1er, du Code des droits de succession et l’article 211bis/7, § 2, alinéa 1er, du Code des droits et taxes divers, insérés par les articles 9, 26, 41
et 55 de la loi du 20 décembre 2019, en ce qu’ils permettent au contribuable concerné d’autoriser l’avocat-
intermédiaire à satisfaire à l’obligation de déclaration et (4) les articles 17, 19, 34 et 48 de la loi du 20 décembre 2019, en ce qu’ils prévoient la divulgation d’informations relatives à l’identité de l’avocat et à l’existence et au contenu de la consultation juridique rendue par l’avocat à son client. Elle ajoute que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme impose l’annulation totale de la loi du 20 décembre 2019, dès lors que cette dernière n’est pas suffisamment claire et précise. Enfin, elle fait valoir que les dispositions attaquées violent l’article 5 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ».
A.3.3. En ce qui concerne le grief mentionné en B.87 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022, la partie requérante dans l’affaire n° 7409 relève que ce grief porte sur l’absence de règles distinctes pour les avocats en ce qui concerne la dispense de l’obligation de déclaration. Selon elle, l’annulation des dispositions mentionnées en A.3.2
permettrait de réduire l’inconstitutionnalité visée par ce grief. Elle souligne également que les avocats sont soumis à un secret professionnel renforcé et elle se réfère à cet égard à l’arrêt de la Cour n° 28/2023, précité.
A.3.4. Enfin, la partie requérante dans l’affaire n° 7409 relève qu’une procédure de modification de la directive 2011/16/UE est en cours, afin de donner suite à l’arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2022. Elle souligne que les cinq questions préjudicielles qui ont été posées par l’arrêt de la Cour n° 103/2022 amèneront la Cour de justice à examiner (1) la question de la clarté de la directive (UE) 2018/822, (2) la question de l’aptitude de la directive (UE) 2018/822 à atteindre l’objectif visé, (3) la question du respect des exigences de nécessité et de proportionnalité et (4) la situation des intermédiaires tenus au secret professionnel autres que les avocats. Sur ce dernier point, elle fait part de ses plus grandes réserves quant à une annulation des dispositions attaquées qui se limiterait aux seuls avocats-intermédiaires.
A.4. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7412 font valoir, à titre principal, que l’arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2022 ne se limite pas aux avocats-intermédiaires et concerne tous les intermédiaires tenus au secret professionnel. Selon elles, cet arrêt confirme les positions qu’elles soutiennent dans le cadre de leur recours en annulation. À titre subsidiaire, elles font valoir que les considérations de cet arrêt qui sont relatives aux avocats-intermédiaires valent dans une mesure similaire pour les membres de l’Institut des Conseillers fiscaux et des Experts-comptables qui sont tenus au secret professionnel en vertu de l’article 120 de la loi du 17 mars 2019
« relative aux professions d’expert-comptable et de conseiller fiscal ». Elles soulignent que le secret professionnel est prévu par la loi, et ce, dans l’intérêt général. Elles relèvent que la violation du secret professionnel est pénalement sanctionnée, sur la base de l’article 458 du Code pénal, de la même manière que pour les avocats.
Ensuite, elles soulignent que les activités visées par les dispositions attaquées sont exercées à la fois par les avocats-
intermédiaires et par les membres de l’Institut des Conseillers fiscaux et des Experts-comptables qui sont tenus au secret professionnel. Enfin, sans nier la fonction spécifique que l’avocat remplit dans l’État de droit, elles observent néanmoins que le constat d’invalidité opéré par l’arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2022 n’est pas fondé sur cette fonction spécifique. À titre infiniment subsidiaire, elles demandent à la Cour de ne pas se prononcer dès maintenant sur leur recours en annulation et d’attendre la réponse de la Cour de justice à la question préjudicielle posée par l’arrêt de la Cour n° 103/2022.
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A.5. Le Conseil des ministres fait valoir que le constat d’invalidité effectué par l’arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2022 porte exclusivement sur l’obligation de notification par un avocat-intermédiaire, à un autre intermédiaire qui n’est pas son client, dans le cadre d’activités couvertes par le secret professionnel dans les limites de la législation nationale pertinente qui définit sa profession. Il souligne que la vérification de cette dernière condition incombe aux juridictions nationales. Il relève que le constat d’invalidité ne concerne ni la notification au client, ni les situations dans lesquelles l’avocat agit sans qu’il y ait de relation avec un client, ni les situations dans lesquelles l’avocat agit en tant qu’un intermédiaire d’un autre intermédiaire. Ensuite, il observe que, si la Cour de justice a conclu à une violation de l’article 7 de la Charte, elle a en revanche considéré qu’il n’y avait pas d’ingérence dans le droit à un procès équitable, garanti par l’article 47 de la Charte. Par ailleurs, en se référant à l’arrêt du Conseil d’État français du 14 avril 2023 précité, il fait valoir que le secret professionnel de l’avocat ne s’oppose pas à ce que le client autorise son avocat à effectuer la déclaration. Il rappelle que, lorsqu’un acte de droit dérivé peut faire l’objet de plusieurs interprétations, il convient de privilégier celle qui permet d’assurer sa compatibilité avec le droit primaire, ce que l’arrêt du Conseil d’État français précité fait précisément. Enfin, il souligne qu’une procédure de modification de la directive 2011/16/UE est en cours, afin de conserver uniquement l’obligation, pour l’intermédiaire dispensé de l’obligation de déclaration en raison du secret professionnel, de procéder à une notification à son client.
En ce qui concerne un éventuel maintien des effets
A.6. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7407 formulent plusieurs demandes à titre tout à fait subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour déciderait de maintenir les effets des dispositions annulées.
-B-
Quant à l’étendue de la réouverture partielle des débats
B.1.1. Les parties requérantes demandent l’annulation totale ou partielle de la loi du 20 décembre 2019 « transposant la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018
modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (ci-après : la loi du 20 décembre 2019).
Comme son intitulé l’indique, la loi du 20 décembre 2019 vise à transposer la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 « modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (ci-après : la directive (UE) 2018/822).
La directive (UE) 2018/822 modifie la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011
« relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la
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directive 77/799/CEE » (ci-après : la directive 2011/16/UE). La directive (UE) 2018/822
instaure une obligation de déclaration concernant certains dispositifs transfrontières.
L’obligation de déclaration incombe en premier lieu aux « intermédiaires », qui participent généralement à la mise en œuvre de tels dispositifs. Toutefois, en l’absence de tels intermédiaires, ou lorsque ceux-ci peuvent invoquer le secret professionnel légalement applicable, l’obligation de déclaration incombe alors au contribuable.
En ce qui concerne la présentation de la loi du 20 décembre 2019 et de son contexte, il est renvoyé aux considérants B.2.1 à B.4.3 de l’arrêt interlocutoire de la Cour n° 103/2022 du 15 septembre 2022 (ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.103).
B.1.2. Par son arrêt n° 103/2022 précité, la Cour :
- a annulé plusieurs dispositions attaquées de cette loi (premier et deuxième tirets du dispositif);
- a sursis « à statuer sur les griefs mentionnés en B.64 et B.87, dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne à la question préjudicielle posée par l’arrêt n° 167/2020 du 17 décembre 2020 » (troisième tiret du dispositif);
- a décidé, « avant de statuer quant au fond sur les griefs mentionnés en B.21, B.32, B.38, B.52, B.92 et B.94 », de poser cinq questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (quatrième tiret du dispositif), ces questions préjudicielles étant actuellement pendantes;
- a rejeté les recours pour le surplus (cinquième tiret du dispositif).
B.1.3. Par son arrêt du 8 décembre 2022 en cause de Orde van Vlaamse Balies e.a. (C-
694/20, ECLI:EU:C:2022:963), la Cour de justice, en grande chambre, a répondu à la question préjudicielle qui avait été posée par l’arrêt de la Cour n° 167/2020 du 17 décembre 2020
(ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.167), rendu sur des demandes de suspension dirigées contre le décret flamand transposant la directive (UE) 2018/822 (décret flamand du 26 juin 2020
« modifiant le décret du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine
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fiscal, en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration »).
Par une ordonnance du 17 mai 2023, la Cour a décidé de rouvrir partiellement les débats dans les affaires présentement examinées, les débats étant rouverts uniquement en ce qui concerne les griefs mentionnés en B.64 et B.87 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022, précité. La Cour a également invité les parties à exposer, dans un mémoire complémentaire, leur point de vue quant à l’incidence, sur ces griefs, de l’arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2022
précité.
Le présent arrêt porte uniquement sur les griefs mentionnés en B.64 et B.87 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022. Les mémoires complémentaires ne sont recevables qu’en ce que les développements qu’ils contiennent concernent ces griefs et l’incidence de l’arrêt de la Cour de justice sur ceux-ci.
Quant au fond
En ce qui concerne le grief mentionné en B.64 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022, relatif à l’obligation, pour l’avocat-intermédiaire qui se prévaut du secret professionnel, d’informer les autres intermédiaires (deuxième moyen, deuxième branche, dans l’affaire n° 7410 et huitième moyen, troisième grief, première partie, dans l’affaire n° 7407)
B.2. Le grief mentionné en B.64 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022 est dirigé contre l’article 326/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992), l’article 289bis/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, l’article 146duodecies, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits de succession et l’article 211bis/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits et taxes divers, insérés par les articles 9, 26, 41 et 55 de la loi du 20 décembre 2019.
B.3. L’article 326/7, § 1er, du CIR 1992 dispose :
« Lorsqu’un intermédiaire est tenu au secret professionnel, il doit :
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1° informer le ou les intermédiaires concernés, par écrit et de façon motivée, qu’il ne peut pas respecter l’obligation de déclaration, à la suite de quoi cette obligation de déclaration incombe automatiquement à l’autre intermédiaire ou aux autres intermédiaires;
2° en l’absence d’un autre intermédiaire, informer par écrit et de façon motivée le ou les contribuables concernés de son ou de leur obligation de déclaration.
La dispense d’obligation de déclaration n’est effective qu’à partir du moment où un intermédiaire a rempli l’obligation visée à l’alinéa 1er ».
Des dispositions similaires sont prévues à l’article 289bis/7, § 1er, du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, à l’article 146duodecies, § 1er, du Code des droits de succession et à l’article 211bis/7, § 1er, du Code des droits et taxes divers.
B.4. Par son arrêt n° 103/2022, la Cour a jugé :
« B.64. Il ressort de l’exposé du moyen que la deuxième branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 7410 est dirigée contre l’article 326/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992, l’article 289bis/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, l’article 146duodecies, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits de succession et l’article 211bis/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits et taxes divers, insérés par les articles 9, 26, 41 et 55 de la loi du 20 décembre 2019.
Les parties requérantes dans l’affaire n° 7410 critiquent le fait que l’avocat-intermédiaire qui souhaite invoquer son secret professionnel soit, en vertu des dispositions attaquées, tenu d’informer les autres intermédiaires concernés par écrit et de façon motivée qu’il ne peut satisfaire à son obligation de déclaration. Selon les parties requérantes, il lui est impossible de satisfaire à cette exigence sans violer malgré tout le secret professionnel. En outre, cette exigence ne serait pas nécessaire pour garantir la déclaration du dispositif transfrontière, étant donné que le client, assisté par l’avocat ou non, peut informer les autres intermédiaires et qu’il peut leur demander de satisfaire à leur obligation de déclaration.
La première partie du troisième grief du huitième moyen dans l’affaire n° 7407 rejoint la deuxième branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 7410.
B.65. Le contenu des dispositions attaquées est comparable à celui de l’article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 1°, du décret du 21 juin 2013. Par son arrêt n° 167/2020 précité, la Cour a jugé, en ce qui concerne l’article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 1°, du décret du 21 juin 2013, que si l’autre intermédiaire est le client de l’avocat, le secret professionnel n’empêche pas que l’avocat attire l’attention de son client sur son obligation de déclaration (B.9.3). Quant à l’hypothèse dans laquelle l’autre intermédiaire n’est pas le client de l’avocat, la Cour a jugé :
‘ B.9.2. Comme il est dit en B.6, les informations que les avocats doivent transmettre à l’autorité compétente en ce qui concerne leurs clients sont protégées par le secret professionnel, si ces informations portent sur des activités qui relèvent de leur mission spécifique de défense
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ou de représentation en justice et de conseil juridique. Le simple fait de recourir à un avocat est soumis au secret professionnel. Il en va a fortiori de même pour l’identité des clients d’un avocat. Les informations protégées par le secret professionnel par rapport à l’autorité le sont également par rapport aux autres acteurs, par exemple les autres intermédiaires concernés.
B.9.3. Comme il est également dit en B.6, il ne peut être dérogé à la règle du secret professionnel que si un motif impérieux d’intérêt général peut le justifier et si la levée du secret est strictement proportionnée. Selon les travaux préparatoires, l’obligation pour un intermédiaire d’informer les autres intermédiaires concernés de façon motivée du fait qu’il se prévaut du secret professionnel et ne satisfera dès lors pas à l’obligation de déclaration serait nécessaire pour répondre aux exigences de la directive et pour assurer que le secret professionnel n’empêche pas les déclarations nécessaires (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-
2020, n° 322/1, pp. 20-21).
Comme l’observe le Gouvernement flamand, lorsque l’avocat peut être considéré comme un intermédiaire au sens de l’article 5, 20°, du décret du 21 juin 2013, son client sera en principe soit le contribuable, soit un autre intermédiaire.
Si le client de l’avocat est un autre intermédiaire, le secret professionnel n’empêche pas que l’avocat attire l’attention de son client sur son obligation de déclaration.
Si le client de l’avocat est le contribuable et que d’autres intermédiaires participent au dispositif devant faire l’objet d’une déclaration, il ressort de l’article 11/7 du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 15 du décret du 26 juin 2020, que l’obligation de déclaration incombe aussi en toute hypothèse aux autres intermédiaires concernés, à moins qu’ils puissent apporter la preuve écrite du fait qu’un autre intermédiaire a déjà satisfait à l’obligation de déclaration. Si le secret professionnel de l’avocat l’empêche d’informer un autre intermédiaire du fait qu’il ne satisfera pas à l’obligation de déclaration, il ne peut a fortiori pas prouver par écrit à cet autre intermédiaire qu’il a bien satisfait à l’obligation de déclaration.
Dans ce cas, tout autre intermédiaire concerné demeure automatiquement tenu à l’obligation de déclaration. La question se pose dès lors de savoir si l’obligation qui incombe à l’intermédiaire en vertu de l’article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 1°, du décret du 21 juin 2013 est justifiée par un motif impérieux d’intérêt général.
B.9.4. D’après son article 2, le décret attaqué vise à transposer la directive (UE) 2018/822.
L’article 1er, point 2), de la directive (UE) 2018/822 insère dans la directive 2011/16/UE
un article 8bis ter, dont les paragraphes 5 et 6 sont rédigés ainsi :
“ 5. Chaque État membre peut prendre les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires le droit d’être dispensés de l’obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration lorsque l’obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel applicable en vertu du droit national dudit État membre. En pareil cas, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les intermédiaires soient tenus de notifier sans retard à tout autre intermédiaire, ou, en l’absence d’un tel intermédiaire, au contribuable concerné, les obligations de déclaration qui leur incombent en vertu du paragraphe 6.
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Les intermédiaires ne peuvent avoir droit à une dispense en vertu du premier alinéa que dans la mesure où ils agissent dans les limites de la législation nationale pertinente qui définit leurs professions.
6. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que, lorsqu’il n’existe pas d’intermédiaire ou que l’intermédiaire notifie l’application d’une dispense en vertu du paragraphe 5 au contribuable concerné ou à un autre intermédiaire, l’obligation de transmettre des informations sur un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration relève de la responsabilité de l’autre intermédiaire qui a été notifié, ou, en l’absence d’un tel intermédiaire, du contribuable concerné ”.
Il s’ensuit que l’obligation, pour l’intermédiaire qui se prévaut du secret professionnel, d’informer les autres intermédiaires ou le contribuable de leurs obligations de déclaration est imposée au législateur décrétal par la directive précitée. La Cour doit avoir égard à cet élément avant de juger de la compatibilité du décret avec la Constitution.
B.9.5. Il ne relève pas de la compétence de la Cour de se prononcer sur la compatibilité de la directive précitée avec les articles 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
B.9.6. L’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après : le TFUE) habilite la Cour de justice à statuer, à titre préjudiciel, aussi bien sur l’interprétation des traités et des actes des institutions de l’Union européenne que sur la validité de ces actes. En vertu du troisième alinéa de cette disposition, une juridiction nationale est tenue de saisir la Cour de justice lorsque ses décisions - comme celles de la Cour constitutionnelle - ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne. En cas de doute sur l’interprétation ou sur la validité d’une disposition du droit de l’Union européenne importante pour la solution d’un litige pendant devant une telle juridiction nationale, celle-ci doit, même d’office, poser une question préjudicielle à la Cour de justice.
B.9.7. Dès lors que le recours en annulation et la demande de suspension du décret visant à transposer la directive (UE) 2018/822 soulèvent un doute concernant la validité de celle-ci, il est nécessaire, pour statuer définitivement sur le recours en annulation, de trancher préalablement la question de la validité de la directive précitée. Il convient dès lors de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle formulée dans le dispositif ’.
B.66. Sur la base de ce qui précède, la Cour, par son arrêt n° 167/2020, a posé à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :
‘ L’article 1er, point 2), de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018
“ modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration ” viole-t-il le droit à un procès équitable garanti par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que le nouvel article 8bis ter, paragraphe 5, qu’il a inséré dans la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 “ relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant
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la directive 77/799/CEE ”, prévoit que, si un État membre prend les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires le droit d’être dispensés de l’obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration lorsque l’obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel applicable en vertu du droit national dudit État membre, cet État membre est tenu d’obliger lesdits intermédiaires à notifier sans retard à tout autre intermédiaire ou, en l’absence d’un tel intermédiaire, au contribuable concerné, ses obligations de déclaration, en ce que cette obligation a pour effet qu’un avocat qui agit en tant qu’intermédiaire est tenu de partager avec un autre intermédiaire qui n’est pas son client les informations qui lui sont connues à l’occasion de l’exercice des activités essentielles de sa profession, à savoir la défense ou la représentation en justice du client et le conseil juridique, même en dehors de toute procédure judiciaire ? ’.
B.67. La question précitée se pose également dans le cadre des griefs présentement examinés.
Dans l’attente de la réponse de la Cour de justice à la question préjudicielle qui lui a été posée par l’arrêt n° 167/2020, il y a lieu de surseoir à statuer sur les griefs mentionnés en B.64 ».
B.5. Par son arrêt du 8 décembre 2022, précité, la grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a répondu comme suit à la question préjudicielle posée par l’arrêt n° 167/2020 :
« 18. À titre liminaire, il convient de relever que, si la question posée fait référence à l’obligation de notification, prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16
modifiée, tant à l’égard des intermédiaires que, en l’absence d’intermédiaire, à l’égard du contribuable concerné, il résulte néanmoins de la lecture d’ensemble de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi s’interroge, en réalité, uniquement sur la validité de cette obligation pour autant que la notification doive être faite, par un avocat agissant en tant qu’intermédiaire, au sens de l’article 3, point 21, de cette directive (ci-après l’‘ avocat intermédiaire ’), à un autre intermédiaire qui n’est pas son client.
19. En effet, lorsque la notification prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée est effectuée par l’avocat intermédiaire à son client, que ce dernier soit un autre intermédiaire ou le contribuable concerné, cette notification n’est pas susceptible de mettre en cause le respect des droits et des libertés garantis par les articles 7 et 47 de la Charte en raison, d’une part, de l’absence de toute obligation de secret professionnel de l’avocat intermédiaire vis-à-vis de son client et, d’autre part, du fait que, au stade de l’exécution par ce client de ses obligations déclaratives au titre de cette directive, la confidentialité de la relation entre l’avocat intermédiaire et ledit client s’oppose à ce qu’il puisse être exigé de ce dernier qu’il révèle à des tiers et, notamment, à l’administration fiscale l’existence de sa consultation d’un avocat.
20. Il ressort ainsi de la décision de renvoi que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour, d’examiner la validité, au regard des articles 7 et 47 de la Charte, de l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, en ce que son application par les États membres a pour effet d’imposer à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire, au sens de l’article 3, point 21, de cette directive, lorsque celui-ci est dispensé
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de l’obligation de déclaration, prévue au paragraphe 1 de l’article 8bis ter de ladite directive, en raison du secret professionnel auquel il est tenu, de notifier sans retard à tout autre intermédiaire qui n’est pas son client les obligations de déclaration qui lui incombent en vertu du paragraphe 6 dudit article 8bis ter.
21. À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à l’article 8bis ter, paragraphe 1, de la directive 2011/16 modifiée, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les intermédiaires soient tenus de transmettre aux autorités compétentes les informations dont ils ont connaissance, qu’ils possèdent ou qu’ils contrôlent concernant les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration dans un délai de trente jours.
L’obligation de déclaration prévue à cette disposition s’applique à tous les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration et, donc, tant aux dispositifs sur mesure, définis au point 25 de l’article 3 de la directive 2011/16 modifiée, qu’aux dispositifs commercialisables, définis au point 24 de cet article 3.
22. Il y a lieu de constater que les avocats peuvent, dans l’exercice de leurs activités, être des ‘ intermédiaires ’, au sens de l’article 3, point 21, de la directive 2011/16 modifiée, en raison du fait qu’ils peuvent pratiquer eux-mêmes des activités de conception, de commercialisation, d’organisation, de mise à disposition aux fins de mise en œuvre ou de gestion de mise en œuvre de dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration ou, à défaut, en raison du fait qu’ils peuvent prêter assistance, aide ou conseil à de telles activités.
Les avocats exerçant de telles activités sont ainsi, en principe, soumis à l’obligation de déclaration prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 1, de cette directive.
23. Cependant, aux termes du premier alinéa du paragraphe 5 de l’article 8bis ter de la directive 2011/16 modifiée, chaque État membre peut prendre les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires, et notamment aux avocats intermédiaires, une dispense de l’obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration lorsque l’obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel applicable en vertu du droit dudit État membre. En pareil cas, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les intermédiaires soient tenus de notifier sans retard à tout autre intermédiaire, ou, en l’absence d’un tel intermédiaire, au contribuable concerné, les obligations de déclaration qui leur incombent en vertu du paragraphe 6 de cet article. Ce paragraphe prévoit que, dans une telle hypothèse, l’obligation de déclaration relève de la responsabilité de l’autre intermédiaire qui a été notifié, ou, en l’absence d’un tel intermédiaire, du contribuable concerné.
24. Il importe néanmoins de souligner que, en vertu du second alinéa du paragraphe 5 de l’article 8bis ter de la directive 2011/16 modifiée, les intermédiaires ne peuvent bénéficier d’une dispense en vertu du premier alinéa de ce paragraphe 5 que dans la mesure où ils agissent dans les limites de la législation nationale pertinente qui définit leur profession, ce qu’il incombe, le cas échéant, aux juridictions nationales de vérifier dans le cadre de l’application de cette législation. Partant, ce n’est que par rapport aux avocats intermédiaires qui agissent effectivement dans de telles limites qu’il convient d’examiner la validité de l’article 8bis ter, paragraphe 5, de cette directive au regard des articles 7 et 47 de la Charte.
25. À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 7 de la Charte, qui reconnaît à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications, correspond à l’article 8, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre
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1950 (ci-après la ‘ CEDH ’), tandis que l’article 47, qui garantit le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, correspond à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.
26. Conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, qui vise à assurer la cohérence nécessaire entre les droits contenus dans celle-ci et les droits correspondants garantis par la CEDH sans porter atteinte à l’autonomie du droit de l’Union, la Cour doit donc tenir compte, dans l’interprétation qu’elle effectue à propos des droits garantis par les articles 7 et 47
de la Charte, des droits correspondants garantis par l’article 8, paragraphe 1, et par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, tels qu’interprétés par la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la ‘ Cour EDH ’), en tant que seuil de protection minimale (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2021, Consob, C-481/19, EU:C:2021:84, points 36 et 37).
27. S’agissant de la validité de l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16
modifiée au regard de l’article 7 de la Charte, il ressort de la jurisprudence de la Cour EDH que l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH protège la confidentialité de toute correspondance entre individus et accorde une protection renforcée aux échanges entre les avocats et leurs clients (voir, en ce sens, Cour EDH, arrêt du 6 décembre 2012, Michaud c. France, CE:ECHR:2012:1206JUD001232311, §§ 117 et 118). À l’instar de cette disposition, dont la protection recouvre non seulement l’activité de défense, mais également la consultation juridique, l’article 7 de la Charte garantit nécessairement le secret de cette consultation juridique, et ce tant à l’égard de son contenu que de son existence. En effet, ainsi que l’a relevé la Cour EDH, les personnes qui consultent un avocat peuvent raisonnablement s’attendre à ce que leurs communications demeurent privées et confidentielles [Cour EDH, arrêt du 9 avril 2019, Altay c. Turquie (N° 2), CE:ECHR:2019:0409JUD001123609, § 49]. Partant, hormis des situations exceptionnelles, ces personnes doivent pouvoir légitimement avoir confiance dans le fait que leur avocat ne divulguera à personne, sans leur accord, qu’elles le consultent.
28. La protection spécifique que l’article 7 de la Charte et l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH accordent au secret professionnel des avocats, qui se traduit avant tout par des obligations à leur charge, se justifie par le fait que les avocats se voient confier une mission fondamentale dans une société démocratique, à savoir la défense des justiciables (Cour EDH, arrêt du 6 décembre 2012, Michaud c. France, CE:ECHR:2012:1206JUD001232311, §§ 118
et 119). Cette mission fondamentale comporte, d’une part, l’exigence, dont l’importance est reconnue dans tous les États membres, que tout justiciable doit avoir la possibilité de s’adresser en toute liberté à son avocat, dont la profession même englobe, par essence, la tâche de donner, de façon indépendante, des avis juridiques à tous ceux qui en ont besoin et, d’autre part, celle, corrélative, de loyauté de l’avocat envers son client (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 1982, AM
& S Europe/Commission, 155/79, EU:C:1982:157, point 18).
29. Or, l’obligation que prévoit l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16
modifiée pour l’avocat intermédiaire lorsque celui-ci est, en raison du secret professionnel auquel il est tenu par le droit national, dispensé de l’obligation de déclaration, prévue au paragraphe 1 de cet article 8bis ter, de notifier sans retard aux autres intermédiaires qui ne sont pas ses clients les obligations de déclaration qui leur incombent en vertu du paragraphe 6 dudit article 8bis ter comporte nécessairement la conséquence que ces autres intermédiaires acquièrent connaissance de l’identité de l’avocat intermédiaire notifiant, de son appréciation selon laquelle le dispositif en cause doit faire l’objet d’une déclaration ainsi que du fait qu’il est consulté à son sujet.
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30. Dans ces conditions et dans la mesure où ces autres intermédiaires n’ont pas forcément connaissance de l’identité de l’avocat intermédiaire et du fait qu’il a été consulté au sujet du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, l’obligation de notification, prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, entraîne une ingérence dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, garanti à l’article 7 de la Charte.
31. En outre, il convient d’observer que cette obligation de notification induit, indirectement, une autre ingérence dans ce même droit, résultant de la divulgation, par les tiers intermédiaires ainsi notifiés, à l’administration fiscale de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire.
32. En effet, il ressort de l’article 8bis ter, paragraphes 1, 9, 13 et 14, de la directive 2011/16 modifiée que l’identification des intermédiaires figure au nombre des informations à fournir en exécution de l’obligation de déclaration, cette identification faisant l’objet d’un échange d’informations entre les autorités compétentes des États membres. Par conséquent, en cas de notification au titre de l’article 8bis ter, paragraphe 5, de cette directive, les tiers intermédiaires notifiés, ainsi informés de l’identité de l’avocat intermédiaire et de sa consultation au sujet du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration et eux-
mêmes non tenus au secret professionnel, devront informer les autorités compétentes visées à l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive non seulement de l’existence de ce dispositif et de l’identité du ou des contribuables concernés, mais encore de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire.
33. Partant, il convient d’examiner si ces ingérences dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, garanti à l’article 7 de la Charte, sont susceptibles d’être justifiées.
34. Dans ce contexte, il importe de rappeler que les droits consacrés à l’article 7 de la Charte n’apparaissent pas comme étant des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, celle-ci admet des limitations à l’exercice de ces droits, pour autant que ces limitations soient prévues par la loi, qu’elles respectent le contenu essentiel desdits droits et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles soient nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union européenne ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2020, Privacy International, C-623/17, EU:C:2020:790, points 63 et 64).
35. En premier lieu, en ce qui concerne l’exigence selon laquelle toute limitation de l’exercice des droits fondamentaux doit être prévue par la loi, celle-ci implique que l’acte qui permet l’ingérence dans ces droits doit définir lui-même la portée de la limitation de l’exercice du droit concerné, étant précisé, d’une part, que cette exigence n’exclut pas que la limitation en cause soit formulée dans des termes suffisamment ouverts pour pouvoir s’adapter à des cas de figure différents ainsi qu’aux changements de situations. D’autre part, la Cour peut, le cas échéant, préciser, par voie d’interprétation, la portée concrète de la limitation au regard tant des termes mêmes de la réglementation de l’Union en cause que de son économie générale et des objectifs qu’elle poursuit, tels qu’interprétés à la lumière des droits fondamentaux garantis par la Charte (arrêt du 21 juin 2022, Ligue des droits humains, C-817/19, EU:C:2022:491, point 114 et jurisprudence citée).
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36. À cet égard, il y a lieu de relever que, d’une part, le paragraphe 5 de l’article 8bis ter de la directive 2011/16 modifiée prévoit expressément l’obligation, pour l’avocat intermédiaire dispensé de l’obligation de déclaration en raison du secret professionnel auquel il est tenu, de notifier aux autres intermédiaires les obligations de déclaration qui leur incombent en vertu du paragraphe 6 de cet article. D’autre part, ainsi qu’il a été constaté aux points 29 et 30 du présent arrêt, l’ingérence dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, consacré à l’article 7 de la Charte, est la conséquence directe d’une telle notification par l’avocat à un autre intermédiaire qui n’est pas son client, notamment lorsque celui-ci n’avait, jusqu’au moment de cette notification, pas connaissance de l’identité de cet avocat et de sa consultation au sujet du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration.
37. En outre, s’agissant de l’ingérence résultant indirectement de ladite obligation de notification en raison de la divulgation, par les tiers intermédiaires notifiés, de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire à l’administration fiscale, celle-ci est due, ainsi qu’il a été constaté aux points 31 et 32 du présent arrêt, à l’étendue des obligations d’information découlant de l’article 8bis ter, paragraphes 1, 9, 13 et 14, de la directive 2011/16 modifiée.
38. Dans ces conditions, il convient de considérer qu’il est satisfait au principe de légalité.
39. En deuxième lieu, en ce qui concerne le respect du contenu essentiel du droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, garanti à l’article 7 de la Charte, il convient de relever que l’obligation de notification, instaurée par l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, n’induit que de manière limitée la levée, à l’égard d’un tiers intermédiaire et de l’administration fiscale, de la confidentialité des communications entre l’avocat intermédiaire et son client. En particulier, cette disposition ne prévoit pas l’obligation, ni même l’autorisation, pour l’avocat intermédiaire de partager, sans le consentement de son client, des informations relatives à la teneur de ces communications avec d’autres intermédiaires et ces derniers ne seront donc pas en mesure de transmettre de telles informations à l’administration fiscale.
40. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que l’obligation de notification, prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, porte atteinte au contenu essentiel du droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, consacré à l’article 7 de la Charte.
41. En troisième lieu, s’agissant du respect du principe de proportionnalité, celui-ci exige que les limitations qui peuvent notamment être apportées par des actes du droit de l’Union à des droits et libertés consacrés dans la Charte ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la satisfaction des objectifs légitimes poursuivis ou du besoin de protection des droits et libertés d’autrui, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante. En outre, un objectif d’intérêt général ne saurait être poursuivi sans tenir compte du fait qu’il doit être concilié avec les droits fondamentaux concernés par la mesure, ce en effectuant une pondération équilibrée entre, d’une part, l’objectif d’intérêt général et, d’autre part, les droits en cause, afin d’assurer que les inconvénients causés par cette mesure ne soient pas démesurés par rapport aux buts visés. Ainsi,
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la possibilité de justifier une limitation aux droits garantis à l’article 7 de la Charte doit être appréciée en mesurant la gravité de l’ingérence que comporte une telle limitation et en vérifiant que l’importance de l’objectif d’intérêt général poursuivi par cette limitation est en relation avec cette gravité (arrêts du 26 avril 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C-401/19, EU:C:2022:297, point 65, ainsi que du 22 novembre 2022, Luxembourg Business Registers et Sovim, C-37/20 et C-601/20, EU:C:2022:912, point 64).
42. Partant, il y a lieu de vérifier, tout d’abord, que l’obligation de notification, prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, répond à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union. Dans l’affirmative, il convient ensuite de s’assurer, premièrement, qu’elle est apte à réaliser cet objectif, deuxièmement, que l’ingérence dans le droit fondamental au respect des communications entre les avocats et leurs clients qui est susceptible de résulter de cette obligation de notification est limitée au strict nécessaire, en ce sens que l’objectif poursuivi ne pourrait raisonnablement être atteint de manière aussi efficace par d’autres moyens moins attentatoires à ce droit, et, troisièmement, pour autant que tel soit effectivement le cas, que cette ingérence n’est pas disproportionnée par rapport audit objectif, ce qui implique notamment une pondération de l’importance de celui-ci et de la gravité de ladite ingérence (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2022, Luxembourg Business Registers et Sovim, C-37/20 et C-601/20, EU:C:2022:912, point 66).
43. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 88 de ses conclusions, la modification apportée à la directive 2011/16 par la directive 2018/822 s’inscrit dans le cadre d’une coopération fiscale internationale de lutte contre la planification fiscale agressive qui se concrétise par un échange d’informations entre États membres. À cet égard, il ressort notamment des considérants 2, 4, 8 et 9 de la directive 2018/822 que les obligations de déclaration et de notification, mises en place par l’article 8bis ter de la directive 2011/16
modifiée, ont pour objectif de contribuer à la prévention du risque d’évasion et de fraude fiscales.
44. Or, la lutte contre la planification fiscale agressive et la prévention du risque d’évasion et de fraude fiscales constituent des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, susceptibles de permettre qu’une limitation soit apportée à l’exercice des droits garantis par l’article 7 de celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale), C-245/19 et C-246/19, EU:C:2020:795, point 87].
45. En ce qui concerne le point de savoir si l’obligation de notification, prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, est apte et nécessaire à la réalisation desdits objectifs, les gouvernements français et letton soutiennent, en substance, qu’une telle notification permettrait notamment de sensibiliser les autres intermédiaires à leur devoir de se conformer à l’obligation de déclaration et ainsi d’éviter que ces autres intermédiaires ne soient pas informés du fait que l’obligation de déclaration du dispositif transfrontière leur est transférée en application de l’article 8bis ter, paragraphe 6, de la directive 2011/16 modifiée. Ainsi, selon ces gouvernements, à défaut d’une obligation de notification dans le chef de l’avocat intermédiaire, le dispositif transfrontière risquerait de n’être aucunement déclaré, et cela en méconnaissance des objectifs poursuivis par cette directive.
46. Or, à supposer même que l’obligation de notification, instaurée par l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, soit effectivement apte à contribuer à la lutte contre la planification fiscale agressive et à la prévention du risque d’évasion et de fraude
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fiscales, force est de constater qu’elle ne saurait, toutefois, être considérée comme étant strictement nécessaire pour réaliser ces objectifs et, notamment, pour assurer que les informations concernant les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration soient transmises aux autorités compétentes.
47. En effet, premièrement, les obligations de déclaration incombant aux intermédiaires sont clairement énoncées dans la directive 2011/16 modifiée, en particulier à son article 8bis ter, paragraphe 1. En vertu de cette disposition, tous les intermédiaires sont, en principe, tenus de transmettre aux autorités compétentes les informations dont ils ont connaissance, qu’ils possèdent ou qu’ils contrôlent, concernant les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration. En outre, conformément à l’article 8bis ter, paragraphe 9, premier alinéa, de cette directive, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour exiger que, lorsqu’il existe plus d’un intermédiaire, l’obligation de transmettre des informations incombe à l’ensemble des intermédiaires participant à un même dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration. Aucun intermédiaire ne saurait donc utilement faire valoir qu’il ignorait les obligations de déclaration auxquelles il est directement et individuellement soumis, du seul fait de sa qualité d’intermédiaire.
48. Deuxièmement, quant à l’argument du gouvernement letton selon lequel l’obligation de notification réduirait le risque que les autres intermédiaires se fient au fait que l’avocat intermédiaire déclarera les informations requises aux autorités compétentes et qu’ils s’abstiennent pour ce motif d’effectuer eux-mêmes une déclaration, il convient de constater, d’une part, que, dans la mesure où la consultation d’un avocat est soumise au secret professionnel, les autres intermédiaires n’auront, ainsi qu’il a été relevé au point 30 du présent arrêt, pas forcément connaissance de l’identité de l’avocat intermédiaire et de sa consultation au sujet du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, ce qui, en pareil cas, exclut d’emblée un tel risque.
49. D’autre part, même dans l’hypothèse contraire où les autres intermédiaires ont une telle connaissance, il n’y a pas lieu de craindre que ceux-ci se fient, sans vérification, à ce que l’avocat intermédiaire effectue la déclaration requise, dès lors que l’article 8bis ter, paragraphe 9, deuxième alinéa, de la directive 2011/16 modifiée précise qu’un intermédiaire n’est dispensé de l’obligation de transmettre des informations qu’à la condition qu’il puisse prouver que ces mêmes informations ont déjà été transmises par un autre intermédiaire. Par ailleurs, en prévoyant expressément, à son article 8bis ter, paragraphe 5, que le secret professionnel peut conduire à une dispense de l’obligation de déclaration, la directive 2011/16
modifiée fait de l’avocat intermédiaire une personne dont les autres intermédiaires ne peuvent, a priori, attendre aucune initiative de nature à les décharger de leurs propres obligations de déclaration.
50. Troisièmement, il convient de rappeler que tout intermédiaire qui, en raison du secret professionnel auquel il est tenu par le droit national, est dispensé de l’obligation de déclaration prévue au paragraphe 1 de l’article 8bis ter de la directive 2011/16 modifiée, reste néanmoins tenu de notifier sans retard à son client les obligations de déclaration qui lui incombent en vertu du paragraphe 6 de cet article.
51. Quatrièmement, s’agissant de la divulgation, par les tiers intermédiaires notifiés, de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire à l’administration fiscale, cette divulgation n’apparaît pas non plus strictement nécessaire à la poursuite des objectifs de la
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directive 2011/16 modifiée de lutte contre la planification fiscale agressive et de prévention du risque d’évasion et de fraude fiscales.
52. En effet, d’une part, l’obligation de déclaration incombant aux autres intermédiaires non soumis au secret professionnel et, à défaut de tels intermédiaires, celle incombant au contribuable concerné garantissent, en principe, que l’administration fiscale soit informée des dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration. En outre, l’administration fiscale peut, après avoir reçu une telle information, demander au besoin des informations supplémentaires relatives au dispositif en question directement au contribuable concerné, lequel pourra alors s’adresser à son avocat pour qu’il l’assiste, ou effectuer un contrôle de la situation fiscale dudit contribuable.
53. D’autre part, compte tenu de la dispense de déclaration prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, la divulgation à l’administration fiscale de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire ne permettra, en tout état de cause, pas à cette administration d’exiger de celui-ci des informations sans le consentement de son client.
54. Lors de l’audience devant la Cour, la Commission a toutefois soutenu, en substance, que cette divulgation de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire serait nécessaire pour permettre à l’administration fiscale de vérifier que celui-ci invoque de manière justifiée le secret professionnel.
55. Cet argument ne saurait être retenu.
56. Certes, ainsi qu’il a été relevé au point 24 du présent arrêt, le second alinéa du paragraphe 5 de l’article 8bis ter de la directive 2011/16 modifiée précise que les avocats intermédiaires ne peuvent avoir droit à une dispense en vertu du premier alinéa de ce paragraphe que dans la mesure où ils agissent dans les limites de la législation nationale pertinente qui définit leur profession. Toutefois, l’objectif des obligations de déclaration et de notification, prévues à l’article 8bis ter de cette directive, est non pas de contrôler que les avocats intermédiaires agissent dans ces limites, mais de lutter contre les pratiques fiscales potentiellement agressives et de prévenir le risque d’évasion et de fraude fiscales, en assurant que les informations concernant les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration soient transmises aux autorités compétentes.
57. Or, ainsi qu’il résulte des points 47 à 53 du présent arrêt, ladite directive assure une telle information de l’administration fiscale, sans que la divulgation à celle-ci de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire soit nécessaire à cet effet.
58. Dans ces conditions, l’éventualité que des avocats intermédiaires puissent invoquer à tort le secret professionnel pour se soustraire à leur obligation de déclaration ne saurait permettre de considérer comme étant strictement nécessaire l’obligation de notification, prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de cette directive, et la divulgation à l’administration fiscale de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire notifiant qui en est la conséquence.
59. Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée viole le droit au respect des communications entre l’avocat et son client, garanti à l’article 7 de la Charte, en ce qu’il prévoit, en substance, que l’avocat
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intermédiaire, soumis au secret professionnel, est tenu de notifier à tout autre intermédiaire qui n’est pas son client les obligations de déclaration qui lui incombent.
60. En ce qui concerne la validité de l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée au regard de l’article 47 de la Charte, il y a lieu de rappeler que le droit à un procès équitable, garanti à cette dernière disposition, est constitué de divers éléments.
Il comprend, notamment, les droits de la défense, le principe de l’égalité des armes, le droit d’accès aux tribunaux et le droit d’accès à un avocat, tant en matière civile qu’en matière pénale.
L’avocat ne serait pas en mesure d’assurer sa mission de conseil, de défense et de représentation de son client de manière adéquate, et celui-ci serait par conséquent privé des droits qui lui sont conférés par l’article 47 de la Charte, si l’avocat, dans le cadre d’une procédure judiciaire ou de sa préparation, était obligé de coopérer avec les pouvoirs publics en leur transmettant des informations obtenues lors des consultations juridiques ayant eu lieu dans le cadre d’une telle procédure (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., C-305/05, EU:C:2007:383, points 31 et 32).
61. Il ressort de ces considérations que les exigences découlant du droit à un procès équitable impliquent, par définition, un lien avec une procédure judiciaire (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., C-305/05, EU:C:2007:383, point 35).
62. Or, force est de constater qu’un tel lien n’est pas établi en l’occurrence.
63. En effet, il résulte des dispositions de l’article 8bis ter, paragraphes 1 et 5, de la directive 2011/16 modifiée et, notamment, des délais prévus à ces dispositions que l’obligation de notification naît à un stade précoce, au plus tard lorsque le dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration vient d’être finalisé et est prêt à être mis en œuvre, donc en dehors du cadre d’une procédure judiciaire ou de sa préparation.
64. Ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 41 de ses conclusions, à ce stade précoce, l’avocat intermédiaire n’agit pas en tant que défenseur de son client dans un litige et la seule circonstance que les conseils de l’avocat ou le dispositif transfrontière objet de sa consultation puissent donner lieu à un contentieux à un stade ultérieur ne signifie pas que l’intervention de l’avocat s’est opérée dans le cadre ou aux fins du droit de la défense de son client.
65. Dans ces conditions, il convient de considérer que l’obligation de notification se substituant, pour l’avocat intermédiaire tenu au secret professionnel, à l’obligation de déclaration prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 1, de la directive 2011/16 modifiée ne comporte pas d’ingérence dans le droit à un procès équitable, garanti à l’article 47 de la Charte.
66. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la question posée que l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée est invalide au regard de l’article 7 de la Charte, en ce que son application par les États membres a pour effet d’imposer à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire, au sens de l’article 3, point 21, de cette directive, lorsque celui-ci est dispensé de l’obligation de déclaration, prévue au paragraphe 1 de l’article 8bis ter de ladite directive, en raison du secret professionnel auquel il est tenu, de notifier sans retard à tout autre intermédiaire qui n’est pas son client les obligations de déclaration qui lui incombent en vertu du paragraphe 6 dudit article 8bis ter ».
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B.6.1. Il ressort de cet arrêt que l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16/UE, inséré par la directive (UE) 2018/822, viole l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que son application par les États membres a pour effet d’imposer à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire, au sens de l’article 3, point 21, de la directive 2011/16/UE, lorsque celui-ci est dispensé de l’obligation de déclaration, prévue au paragraphe 1 de l’article 8bis ter de cette directive, en raison du secret professionnel auquel il est tenu, de notifier sans retard à tout autre intermédiaire qui n’est pas son client les obligations de déclaration qui lui incombent en vertu du paragraphe 6 de l’article 8bis ter.
Il s’ensuit que le grief mentionné en B.64 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022 est fondé en ce qu’il est dirigé contre l’obligation qui incombe, en vertu de l’article 326/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992, de l’article 289bis/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, de l’article 146duodecies, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits de succession et de l’article 211bis/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits et taxes divers, à l’avocat-intermédiaire de notifier sans retard aux autres intermédiaires qui ne sont pas ses clients leurs obligations de déclaration.
B.6.2. Il y a lieu d’annuler l’article 326/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du CIR 1992, l’article 289bis/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, l’article 146duodecies, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits de succession et l’article 211bis/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits et taxes divers, insérés par les articles 9, 26, 41 et 55 de la loi du 20 décembre 2019, en ce qu’ils imposent à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire une obligation d’information envers un autre intermédiaire qui n’est pas son client.
En ce qui concerne le grief mentionné en B.87 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022, relatif à l’absence de règles distinctes pour les avocats (second moyen, seconde branche, dans l’affaire n° 7409)
B.7. Par son arrêt n° 103/2022, la Cour a jugé :
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« B.85. Dans la seconde branche de son second moyen, la partie requérante dans l’affaire n° 7409 fait valoir que la loi du 20 décembre 2019 viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’elle ne prévoit pas de règles distinctes pour les avocats.
B.86. En ce qui concerne les dispositifs commercialisables, l’examen de cette branche ne saurait aboutir à un constat de violation plus étendu que celui qui est mentionné en B.55.
B.87. Pour le surplus, l’examen de cette branche se confond avec celui du grief mentionné en B.64. Pour les motifs mentionnés en B.65 à B.67, il convient de surseoir à statuer sur ce grief, dans l’attente de la réponse de la Cour de justice à la question préjudicielle qui lui a été posée par l’arrêt n° 167/2020 ».
B.8. L’examen du grief mentionné en B.87 de l’arrêt de la Cour n° 103/2022, dès lors qu’il se confond avec celui du grief mentionné en B.64 du même arrêt, ne saurait aboutir à une annulation plus étendue que celle qui est mentionnée en B.6.2 du présent arrêt.
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Par ces motifs,
la Cour
annule l’article 326/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, l’article 289bis/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, l’article 146duodecies, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits de succession et l’article 211bis/7, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits et taxes divers, insérés par les articles 9, 26, 41 et 55 de la loi du 20 décembre 2019 « transposant la Directive (UE) 2018/822
du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration », en ce qu’ils imposent à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire une obligation d’information envers un autre intermédiaire qui n’est pas son client.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 11 janvier 2024.
Le greffier, Le président,
N. Dupont P. Nihoul