Cour constitutionnelle
Arrêt n° 27/2024
du 29 février 2024
Numéros du rôle : 7893 et 7900
En cause : le recours en annulation de l’article 129 du décret de la Communauté française du 31 mars 2022 « relatif à l’adaptation des rythmes scolaires annuels dans l’enseignement fondamental et secondaire ordinaire, spécialisé, secondaire artistique à horaire réduit et de promotion sociale et aux mesures d’accompagnement pour l’accueil temps libre », introduit par Benoît Buchau, et le recours en annulation des articles 128, 129 et 131 du même décret, introduit par l’ASBL « Association des Inspecteurs de l’Enseignement de la Communauté française » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt, K. Jadin et M. Plovie, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 novembre 2022
et parvenue au greffe le 16 novembre 2022, Benoît Buchau, assisté et représenté par Me J. Bourtembourg et Me M. de Mûelenaere, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l’article 129 du décret de la Communauté française du 31 mars 2022
« relatif à l’adaptation des rythmes scolaires annuels dans l’enseignement fondamental et secondaire ordinaire, spécialisé, secondaire artistique à horaire réduit et de promotion sociale et aux mesures d’accompagnement pour l’accueil temps libre » (publié au Moniteur belge du 7 juin 2022).
b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 6 décembre 2022 et parvenue au greffe le 7 décembre 2022, un recours en annulation des articles 128, 129 et 131
du même décret a été introduit par l’ASBL « Association des Inspecteurs de l’Enseignement de la Communauté française », Aline Debouny, Patrick Mareschal, Pierre Marichal,
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Véronique Thiels, Laurent Hannecart et Richard Paulissen, assistés et représentés par Me N. Fortemps et Me A. Tiouririne, avocats au barreau de Bruxelles.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7893 et 7900 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Le Gouvernement de la Communauté française, assisté et représenté par Me J. Sautois, avocate au barreau de Bruxelles, a introduit des mémoires, les parties requérantes ont introduit des mémoires en réponse et le Gouvernement de la Communauté française a également introduit des mémoires en réplique.
Par ordonnance du 20 décembre 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteures E. Bribosia et J. Moerman, a décidé :
- que les affaires étaient en état,
- d’inviter les parties requérantes dans l’affaire n° 7900 à exposer, dans un mémoire complémentaire, leurs observations relatives au décret de la Communauté française du 16 mars 2023 « portant diverses dispositions complémentaires à la réforme des rythmes scolaires » (publié au Moniteur belge du 3 août 2023) et à son incidence éventuelle sur l’argumentation développée en termes de requête et de mémoires,
- d’introduire ce mémoire complémentaire pour le 17 janvier 2024 au plus tard et de le communiquer au Gouvernement de la Communauté française dans le même délai,
- qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et
- qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et les affaires seraient mises en délibéré.
Les parties requérantes dans l’affaire n° 7900 ont introduit un mémoire complémentaire.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
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II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
A.1.1. Dans l’affaire n° 7893, la partie requérante est secrétaire de direction dans un établissement du réseau libre subventionné. Elle appartient donc au personnel auxiliaire d’éducation, en fonction de sélection. Jusqu’à présent, elle était soumise à un régime de congé similaire à celui des autres emplois de cette catégorie et bénéficiait par conséquent d’un total de huit semaines de congé en été. La disposition attaquée modifie le régime qui lui est applicable en matière de congés et a pour effet que le nombre de semaines de congé d’été dont elle bénéfice est réduit à cinq et que, nonobstant l’ajout d’une semaine de congé d’automne et d’une semaine de congé de détente, il en résulte une perte d’une semaine de congé sur l’ensemble de l’année scolaire. La partie requérante estime donc qu’elle est affectée défavorablement par la disposition attaquée et qu’elle a intérêt au recours.
A.1.2. Dans l’affaire n° 7900, les parties requérantes sont, d’une part, l’ASBL « Association des Inspecteurs de l’Enseignement de la Communauté française » et, d’autre part, six personnes physiques, qui exercent toutes la profession d’inspecteur. Dès lors que le décret attaqué modifie le régime qui leur est applicable en matière de congés, elles estiment disposer d’un intérêt au recours. Par ailleurs, l’ASBL est une association fondée en 2002
dont le but statutaire est la défense de la fonction d’inspecteur de l’enseignement de la Communauté française et de ses membres, et, à ce titre, elle dispose également d’un intérêt au recours.
A.1.3. Le Gouvernement de la Communauté française ne conteste pas la recevabilité des recours joints.
Quant au fond
En ce qui concerne l’affaire n° 7893
A.2.1. Dans l’affaire n° 7893, la partie requérante demande l’annulation de l’article 129 du décret de la Communauté française du 31 mars 2022 « relatif à l’adaptation des rythmes scolaires annuels dans l’enseignement fondamental et secondaire ordinaire, spécialisé, secondaire artistique à horaire réduit et de promotion sociale et aux mesures d’accompagnement pour l’accueil temps libre » (ci-après : le décret du 31 mars 2022). Celui-ci insère un article 1erbis dans l’arrêté royal du 15 janvier 1974 « pris en application de l’article 160 de l’arrêté royal du 22 mars 1969 fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d’éducation, du personnel paramédical des établissements d’enseignement gardien, primaire, spécialisé, moyen, technique, artistique et normal de l’Etat, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d’inspection chargé de la surveillance de ces établissements » (ci-après : l’arrêté royal du 15 janvier 1974).
A.2.2. La partie requérante prend un premier moyen de la violation des articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution par la disposition attaquée, en ce qu’elle ferait naître une différence de traitement non justifiée. Elle soutient que, par l’effet de la disposition attaquée, le nombre de semaines de congé d’été est passé de huit à cinq;
compte tenu de l’ajout d’une semaine de congé aux vacances d’automne et d’une autre semaine de congé aux vacances de détente, il en résulte que les secrétaires de direction perdent une semaine de congé sur le total de leurs congés annuels. En comparaison, les chefs d’atelier et chefs de travaux d’atelier, qui, selon elle, relèvent d’une catégorie comparable, bénéficient quant à eux, par l’effet de la disposition attaquée, de six semaines de congé en été, ainsi que de la faculté de récupérer pendant l’année scolaire cinq jours supplémentaires prestés durant l’été.
Cette catégorie ne subit par conséquent pas de suppression du nombre total de semaines de congé. La partie requérante souligne que, dans son avis, le Conseil d’État avait observé que cet ajout de cinq jours de prestations pendant les vacances d’été pour certaines catégories du personnel devait être plus amplement justifié. Les travaux préparatoires montrent que le décret attaqué a pour objectif d’uniformiser les congés pour les fonctions de promotion et de sélection. Une seule justification est apportée à la différence de traitement pointée, à savoir le fait que la suppression d’une semaine de congé est compensée par une révision barémique, opérée par arrêté du Gouvernement. Par conséquent, la partie requérante estime que cette différence de traitement n’est justifiée ni objectivement ni raisonnablement.
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A.2.3. La partie requérante prend un second moyen de la violation des mêmes articles de la Constitution par la disposition attaquée, en ce qu’elle traiterait différemment deux catégories de personnel auxiliaire d’éducation, à savoir les fonctions de sélection, dont relève la partie requérante, et les fonctions de recrutement. En effet, la seconde catégorie bénéficie toujours d’un congé d’été d’une durée de six semaines et un jour. Ces catégories sont encore davantage comparables que les catégories identifiées au premier moyen, et elles étaient traitées de la même manière avant l’entrée en vigueur de la disposition attaquée. La partie requérante relève l’absence de justification quant à cette différence de traitement. La ministre en charge avait pourtant souligné à plusieurs reprises son intention d’uniformiser les régimes, ainsi que de préserver les droits acquis.
A.3.1. Le Gouvernement de la Communauté française rappelle que l’extension du temps scolaire a pour conséquence de modifier la durée des prestations des membres du personnel, en principe sans augmenter le nombre de jours de prestations effectives sur l’année. Le personnel enseignant au sens large bénéficie de sept semaines de congé pendant l’été et le personnel qui relève des autres catégories de cinq semaines au moins.
A.3.2. En ce qui concerne le premier moyen, le Gouvernement de la Communauté française rappelle que l’objectif du législateur décrétal était de respecter les logiques anciennes et de procéder uniquement à l’adaptation aux conséquences du nouveau calendrier, ainsi que de tenir compte des besoins des établissements pendant l’été.
Il s’agit d’objectifs légitimes, par ailleurs non contestés. Selon le Gouvernement de la Communauté française, le personnel auxiliaire d’éducation en fonction de sélection, auquel appartient la partie requérante, s’éloigne de la logique du personnel auxiliaire d’éducation en fonction de recrutement pour rejoindre celle du personnel directeur.
En effet, c’est avec les directeurs que la collaboration est la plus immédiate. Or, il a été jugé nécessaire que ceux-
ci soient encore présents dans l’enceinte de l’établissement scolaire une semaine après la fin de l’année scolaire et une semaine avant l’année scolaire suivante, afin d’assurer la gestion des dossiers et la préparation de la nouvelle année. Le nouveau régime de congé a été établi en concertation avec les acteurs de l’enseignement et il tient notamment compte de la demande concernant les tâches estivales visant à mieux préparer l’année. La suppression d’une semaine de congé pour la partie requérante est, quant à elle, compensée par une révision barémique. Par ailleurs, en ce qui concerne les chefs d’atelier et les chefs de travaux d’atelier, leur présence n’a pas été jugée essentielle pour la clôture de l’année scolaire. Le régime spécifique qui leur est applicable, notamment les cinq jours récupérables, tient compte du fait que la récupération durant l’année est plus facile pour cette catégorie de travailleurs. Enfin, eux ne bénéficient pas de la révision barémique. En conséquence, le Gouvernement de la Communauté française estime que la différence de traitement pointée est suffisamment justifiée par la nécessité de la présence sur les lieux du personnel concerné et qu’elle est proportionnée au but visé, eu égard à la révision barémique compensatoire prévue.
A.3.3. En ce qui concerne le second moyen, le Gouvernement de la Communauté française rappelle que le personnel auxiliaire d’éducation en fonction de sélection a été distingué des fonctions de recrutement pour être rapproché de celles de direction. Il renvoie, pour le surplus, à l’argumentaire développé au premier moyen.
A.4. Dans son mémoire en réponse, la partie requérante ne conteste pas l’argument selon lequel le fait de s’assurer que la clôture et la réouverture des établissements scolaires aient lieu dans de bonnes conditions constitue un objectif légitime. Toutefois, la perte d’une semaine de congés sans mécanisme de récupération n’est ni nécessaire, ni pertinente, ni proportionnée au regard de cet objectif. Auparavant, le congé d’été était plus long, le personnel auxiliaire d’éducation en fonction de sélection en bénéficiait et la clôture et la réouverture des établissements s’effectuaient néanmoins dans de bonnes conditions. En réalité, le travail demandé peut très bien être fait en maintenant à six le nombre de semaines de congés. La preuve en est que la rentrée 2022-2023, la première sous le nouveau régime, n’a pas entraîné une modification de la charge de travail.
En ce qui concerne les chefs d’atelier et les chefs de travaux d’atelier, la partie requérante estime que le Gouvernement de la Communauté française n’est pas clair. Il est en effet paradoxal de soutenir que les secrétaires de direction (personnel auxiliaire d’éducation en fonction de sélection) « ne sont que peu en lien direct avec l’organisation des cours et le suivi pédagogique, contrairement aux chefs d’atelier et aux chefs de travaux d’atelier », tout en déniant à la seule première catégorie la possibilité de récupérer des jours prestés en été. Il y a là une différence de traitement injustifiée.
Le motif invoqué de la révision barémique ne peut, selon la partie requérante, être suivi. En effet, cette révision ne ressort aucunement du décret attaqué. La Cour n’en est donc pas saisie. Ces barèmes pourraient d’ailleurs très bien être modifiés indépendamment du nouveau régime de congé.
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A.5. Dans son mémoire en réplique, le Gouvernement de la Communauté française fait valoir que l’expérience de la rentrée scolaire de 2022-2023 n’est pas représentative. Par ailleurs, le choix d’imposer au personnel auxiliaire d’éducation en fonction de sélection des prestations plus tôt et plus tard dans l’année est un choix d’opportunité, qu’il n’appartient pas à la Cour de censurer. En ce qui concerne la révision barémique, il y a lieu d’en tenir compte pour apprécier la proportionnalité de la mesure, le cas échéant sous la forme d’une réserve d’interprétation par la Cour qui empêcherait le Gouvernement de revenir sur celle-ci ultérieurement.
En ce qui concerne l’affaire n° 7900
A.6.1. Dans l’affaire n° 7900, les parties requérantes demandent l’annulation des articles 128, 129 et 131 du décret du 31 mars 2022. Elles soutiennent qu’avant la réforme des congés scolaires, le régime de congé du personnel du service général de l’Inspection (ci-après : le SGI), organisé par le décret de la Communauté française du 10 janvier 2019 « relatif au service général de l’Inspection » (ci-après : le décret du 10 janvier 2019), était calqué sur celui des chefs des établissements qu’ils inspectaient, en vertu de l’article 1er de l’arrêté royal du 15 janvier 1974, adapté annuellement au calendrier scolaire. Le décret attaqué réforme le rythme scolaire et le régime des congés du SGI. Le décret a pour principale conséquence la suppression des vacances d’automne et de détente pour les membres du SGI, mais pas pour les membres de l’inspection des centres psycho-médico-sociaux.
A.6.2. Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation des articles 10, 11, 23 et 24, § 4, de la Constitution par les dispositions attaquées, en ce qu’elles entraîneraient un recul significatif et une différence de traitement non justifiée entre les membres du SGI et les directeurs des établissements qu’ils inspectent. Les seconds bénéficient en effet de congés durant les vacances d’automne et de détente, au contraire des premiers, alors que leurs régimes étaient identiques auparavant. Les parties requérantes relèvent qu’aucun motif ne justifie cette différence de traitement, laquelle est incompatible avec l’objectif du législateur décrétal de maintenir l’équilibre actuel. Le décret réduit dès lors les congés des membres du SGI sans aucune mesure compensatoire, ce qui équivaut à une augmentation du temps de travail et, dès lors, à une diminution de la rémunération, qui, selon les parties requérantes, se chiffre à 3 232,50 euros par an.
A.6.3. Les parties requérantes prennent un second moyen de la violation des mêmes articles de la Constitution par les dispositions attaquées, en ce qu’elles feraient naître une différence de traitement non justifiée entre les membres du SGI et les inspecteurs des centres psycho-médico-sociaux, qui continuent de bénéficier des vacances d’automne et de détente. Aucune explication n’est donnée quant à cette différence de traitement et les parties requérantes soulignent qu’aucune spécificité ne peut être adéquatement mise en avant, puisque les membres des différents services collaborent régulièrement.
A.7.1. En ce qui concerne le premier moyen, le Gouvernement de la Communauté française soutient tout d’abord que, contrairement à ce que font valoir les parties requérantes, il ne ressort nullement de l’arrêté royal du 15 janvier 1974 que le régime des congés des membres du SGI était auparavant calqué sur celui des directeurs d’établissement, de sorte que le moyen procède d’une prémisse erronée. Quand bien même l’identité des régimes aurait été fondée sur une coutume, cette dernière n’est pas établie. Il est possible que certains inspecteurs aient bénéficié individuellement de congés supplémentaires, mais cela ne peut justifier un régime général.
À titre subsidiaire, la différence de traitement pointée entre les membres du SGI et les directeurs des établissements qu’ils inspectent, en ce que les seconds bénéficient de vacances de détente et d’automne, est suffisamment justifiée. Les missions des directeurs et des inspecteurs sont en effet différentes. La réforme opérée par le décret du 10 janvier 2019 donne une plus grande autonomie aux inspecteurs dans les établissements qu’ils inspectent, et leurs missions peuvent s’exercer tout au long de l’année civile. La synchronisation des régimes n’a donc pas paru nécessaire au législateur décrétal.
A.7.2. En ce qui concerne le second moyen, le Gouvernement de la Communauté française souligne que des travaux sont en cours pour harmoniser les régimes de congés des membres du SGI et des inspecteurs des centres psycho-médico-sociaux. Le Gouvernement renvoie, au surplus, à l’argumentaire développé au premier moyen. Le législateur décrétal a jugé qu’il n’était pas inopportun que les inspecteurs restent opérationnels durant les vacances d’automne et de détente.
A.8.1. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes réfutent l’argument selon lequel elles n’auraient jamais bénéficié d’un régime de congé calqué sur celui des directeurs d’établissement. Au contraire, cette règle
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générale est énoncée à l’article 98 du décret de la Communauté française du 10 janvier 2019, qui dispose : « [l]es conditions auxquelles le membre du personnel du Service général de l’Inspection a droit à un traitement et un avancement de traitement sont les mêmes que les conditions prévues pour les chefs des établissements d’enseignement de la Communauté française qu’il inspecte ». De plus, les travaux préparatoires du décret attaqué ne montrent pas que le législateur décrétal aurait eu l’intention de mettre fin au parallélisme. Enfin, les parties requérantes soulignent que des arrêtés pris annuellement pour fixer les congés des chefs d’établissement étaient valables pour les inspecteurs aussi, comme l’a reconnu la ministre en charge dans un courrier qui leur était adressé.
Par conséquent, il est erroné de soutenir qu’il n’existe aucune base de comparaison pour l’examen de l’effet de standstill de l’article 23 de la Constitution. La consécration de l’existence des congés d’automne et de détente était règlementaire, du moins implicitement. À titre subsidiaire, il existait à tout le moins une pratique en ce sens, qui était reconnue par la ministre et qui n’était pas simplement une affaire de faveurs individuelles. Or, la Cour a déjà jugé une pratique praeter legem admissible dans le cadre de son contrôle de l’obligation de standstill.
Le recul est, en l’espèce, significatif. Les parties requérantes mettent en avant la suppression de jours de congé, qui équivaut à une augmentation du temps de travail et donc à une diminution de la rémunération. Ces effets sont d’autant plus importants qu’ils portent atteinte à la vie privée et familiale des parties requérantes.
A.8.2. En ce qui concerne le second moyen, les parties requérantes répondent que les inspecteurs des centres psycho-médico-sociaux restent soumis à l’arrêté royal du 19 mai 1981 « relatif aux vacances et aux congés des membres stagiaires ou nommés à titre définitif du personnel technique des centres psycho-médico-sociaux de l’Etat, des centres de formation de l’Etat et des services d’inspection », tel qu’il a été modifié par l’article 30 de l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 14 juillet 2022 « fixant les congés des membres du personnel dans les centres psycho-médico-sociaux de l’Etat, les Centres de formation de l’Etat et dans les Services d’inspection des centres psycho-médico-sociaux pour les exercices 2022-2023 et 2023-2024 ». L’éventuelle existence d’une discussion en cours, telle qu’elle a été soulevée par le Gouvernement de la Communauté française, ne justifie pas la différence de traitement, de même qu’une éventuelle réforme future ne purgera pas l’inconstitutionnalité soulevée.
A.9. Dans son mémoire en réplique, le Gouvernement de la Communauté française relève l’existence d’un élément nouveau, à savoir le décret de la Communauté française du 16 mars 2023 « portant diverses dispositions complémentaires à la réforme des rythmes scolaires » (ci-après : le décret du 16 mars 2023). Son objectif est de créer un régime de congé commun à tous les services d’inspection. L’article 28 de ce décret mentionne expressément une semaine pour le congé d’automne et une semaine pour le congé de détente. Le décret est entré en vigueur rétroactivement le 29 août 2022, c’est-à-dire à la date de l’entrée en vigueur des dispositions attaquées.
En ce qui concerne l’année scolaire 2022-2023, les membres du SGI avaient en tout état de cause bénéficié « en fait » de ces semaines. Par conséquent, le grief soulevé est devenu sans pertinence.
À titre subsidiaire, le Gouvernement de la Communauté française réfute l’argument d’une coutume praeter legem telle qu’elle est mise en avant par les parties requérantes. Si certains inspecteurs ont pu bénéficier sporadiquement de congés supplémentaires, il ne peut en être déduit une pratique constante. En tout état de cause, le législateur peut très bien mettre fin à une pratique sans pour autant que cela entraîne un recul significatif au sens de l’article 23 de la Constitution.
A.10. Invitées par la Cour à réagir à l’élément nouveau soulevé par le Gouvernement de la Communauté française, les parties requérantes reconnaissent que le décret du 16 mars 2023 est bien de nature à leur donner satisfaction. Toutefois, elles estiment que tel ne sera le cas de façon certaine qu’au jour de l’expiration du délai pour introduire un recours en annulation contre celui-ci, et elles demandent dès lors à la Cour de surseoir à statuer jusqu’à cette date.
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-B-
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte
B.1.1. Les recours joints portent sur le décret de la Communauté française du 31 mars 2022 « relatif à l’adaptation des rythmes scolaires annuels dans l’enseignement fondamental et secondaire ordinaire, spécialisé, secondaire artistique à horaire réduit et de promotion sociale et aux mesures d’accompagnement pour l’accueil temps libre » (ci-après : le décret du 31 mars 2022). Celui-ci opère la réforme des rythmes scolaires, telle que préconisée par l’avis n° 3 du « Pacte pour un Enseignement d’excellence ». La réforme porte sur l’enseignement fondamental et sur l’enseignement secondaire, et elle consiste à mettre en place une alternance de sept semaines d’apprentissage avec deux semaines de congé, tout au long de l’année. Le total de 14 semaines de vacances scolaires sur l’année est maintenu.
B.1.2. Les dispositions attaquées portent sur les congés applicables aux différents membres du personnel de l’enseignement, adaptés aux nouveaux rythmes. Elles disposent :
« Art. 128. L’article 1er de l’arrêté royal du 15 janvier 1974 pris en application de l’article 160 de l’arrêté royal du 22 mars 1969 fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d’éducation, du personnel paramédical des établissements d’enseignement gardien, primaire, spécial, moyen, technique, artistique et normal de l’État, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d’inspection chargé de la surveillance de ces établissements est remplacé comme suit :
‘ Article 1er. Le présent chapitre est applicable aux membres du personnel, définitifs, en activité de service, soumis à l’arrêté royal du 22 mars 1969, fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d’éducation, du personnel paramédical des établissements d’enseignement gardien, primaire, spécialisé, moyen, technique, artistique et normal de l’État, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d’inspection chargé de la surveillance de ces établissements.
Il est également applicable aux membres du personnel, définitifs et temporaires, du Service général de l’Inspection soumis au décret du 10 janvier 2019 relatif au Service général de l’Inspection, à l’exception des Inspecteurs généraux, des Inspecteurs généraux coordonnateurs et des membres du Service de l’Inspection des Centres psycho-médicosociaux ’.
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Art. 129. Un article 1erbis est inséré dans le même arrêté royal rédigé comme suit :
‘ Article 1erbis. Dans l’enseignement fondamental, secondaire de plein exercice et en alternance, dans l’enseignement secondaire artistique à horaire réduit et dans l’enseignement de promotion sociale, les membres du personnel visés à l’article 1er, alinéa 1, bénéficient du régime des congés de vacances annuelles défini ci-après.
§ 1er. Pour les membres du personnel directeur et enseignant, en fonction de recrutement :
Vacances de Noël (d’hiver) : elles commencent le lundi de la semaine dans laquelle advient le 25 décembre, et durent deux semaines. Toutefois, lorsque le 25 décembre coïncide avec un samedi ou un dimanche, ces vacances débutent le lundi qui suit.
a) Vacances de Pâques (de printemps), de Toussaint (d’automne) et de Carnaval (de détente) : deux semaines;
b) Vacances d’été : du lendemain du dernier jour de l’année scolaire à la veille du premier jour de l’année scolaire suivante inclus.
§ 2. Pour les membres du personnel directeur et enseignant et du personnel auxiliaire d’éducation, en fonction de promotion et de sélection :
a) Vacances de Noël (d’hiver) : elles commencent le lundi de la semaine dans laquelle advient le 25 décembre, et durent deux semaines. Toutefois, lorsque le 25 décembre coïncide avec un samedi ou un dimanche, ces vacances débutent le lundi qui suit;
b) Vacances de Pâques (de printemps), de Toussaint (d’automne) et de Carnaval (de détente) : deux semaines;
c) vacances d’été : cinq semaines de vacances consécutives fixées par un arrêté de gouvernement de la Communauté française au plus tard au mois d’avril de l’année scolaire X-2
pour l’année scolaire X.
Par dérogation aux dispositions qui précèdent, les vacances d’été des chefs d’atelier et des chefs de travaux d’atelier débutent le lendemain du dernier jour de l’année scolaire et durent six semaines. Les cinq jours de prestations effectués pendant la semaine qui précède la rentrée scolaire seront récupérés durant l’année scolaire, à prendre en accord avec le chef d’établissement.
Par dérogation aux dispositions qui précèdent, les coordonnateurs de centres de technologies avancées bénéficient d’un congé de vacances annuelles fixé comme suit :
a) Vacances de Noël (d’hiver) : Elles commencent le lundi de la semaine dans laquelle advient le 25 décembre, et durent deux semaines. Toutefois, lorsque le 25 décembre coïncide avec un samedi ou un dimanche, ces vacances débutent le lundi qui suit;
b) Vacances d’été : du 15 juillet au 15 août inclus;
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Dix autres jours ouvrables autres que ceux visés aux points a), et b), à prendre en accord avec le chef de l’établissement secondaire dont dépend le centre de technologies avancées auquel ils sont rattachés.
§ 3. Les membres du personnel auxiliaire d’éducation, en fonction de recrutement, bénéficient d’un congé de vacances annuelles fixé comme suit :
a) Vacances de Noël (d’hiver) : elles commencent le lundi de la semaine dans laquelle advient le 25 décembre, et durent deux semaines. Toutefois, lorsque le 25 décembre coïncide avec un samedi ou un dimanche, ces vacances débutent le lundi qui suit;
b) Vacances de Pâques (de printemps), de Toussaint (d’automne) et de Carnaval (de détente) : deux semaines;
c) Vacances d’été : du lendemain du dernier jour de l’année scolaire à la veille du premier jour de l’année scolaire suivante. En outre, quatre jours de prestations doivent être prévus soit durant la première semaine des vacances d’été, soit durant la semaine qui précède la rentrée scolaire.
Dans un établissement qui compte au moins deux membres du personnel auxiliaire d’éducation, ces membres du personnel assurent leurs quatre jours de prestations, par moitié la première semaine des vacances d’été et par moitié la semaine qui précède la rentrée scolaire.
§ 4. Les membres du personnel paramédical, psychologique et social bénéficient d’un congé de vacances annuelles fixé comme suit :
a) Vacances de Noël (d’hiver) : elles commencent le lundi de la semaine dans laquelle advient le 25 décembre, et durent deux semaines. Toutefois, lorsque le 25 décembre coïncide avec un samedi ou un dimanche, ces vacances débutent le lundi qui suit;
b) Vacances de Pâques (de printemps), de Toussaint (d’automne) et de Carnaval (de détente) : deux semaines;
c) Vacances d’été: du lendemain du dernier jour de l’année scolaire à la veille du premier jour de l’année scolaire suivante.
Durant la période de vacances d’été, cinq jours ouvrables sont prestés soit la première semaine des vacances d’été, soit la semaine qui précède la rentrée scolaire.
§ 5. Dans les écoles d’agriculture et d’horticulture, les écoles d’infirmières, les écoles d’hôtellerie et les internats qui hébergent des enfants de justice, des dispositions particulières peuvent être arrêtées en avril par les chefs d’établissements, après avis du conseil du personnel créé au sein de leur établissement et avec l’accord du ministre de l’Éducation nationale ’ ».
« Art. 131. Un article 1erquater est inséré dans le même arrêté royal, rédigé comme suit :
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‘ Article 1erquater. Les membres du personnel du Service général de l’Inspection visés à l’article 1er, alinéa 2, bénéficient du régime des congés de vacances annuelles défini ci-après :
a) Vacances de Noël (d’hiver) : elles commencent le lundi de la semaine dans laquelle advient le 25 décembre, et durent deux semaines. Toutefois, lorsque le 25 décembre coïncide avec un samedi ou un dimanche, ces vacances débutent le lundi qui suit.
b) Vacances de Pâques (de printemps) : deux semaines;
c) Vacances d’été : du 6 juillet au 15 août. ’ ».
B.1.3. En vertu de l’article 234 du décret du 31 mars 2022, les dispositions attaquées entrent en vigueur le 29 août 2022.
B.2.1. Après avoir exposé que « la révision du rythme scolaire engage d’étendre l’année scolaire aux mois de juillet et d’août », les travaux préparatoires du décret du 31 mars 2022
soulignent que « cette extension du temps scolaire au sein du calendrier civil a pour conséquence immédiate de modifier la durée de prestation des membres du personnel si l’on prend l’année scolaire pour référence sans augmenter leur nombre de jours de prestation effective sur l’année », étant précisé que « des exceptions pour certaines fonctions de promotion et de sélection sont toutefois opérées, pour lesquelles des dispositions compensatoires spécifiques seront prévues par révision des arrêtés du gouvernement liés » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2021-2022, n° 357/1, p. 21).
Les travaux préparatoires exposent ensuite :
« L’objectif est de faire correspondre les périodes calendriers et dates, au nouveau calendrier scolaire.
Les dispositions qui s’ensuivent répondent de l’approche générale déjà exposée, à savoir un maintien des équilibres actuels. À cet égard, le projet de décret garantit également à tous les membres du personnel de l’enseignement qui disposaient actuellement d’une période de vacances plus allongée dans l’ancien modèle, d’un minimum de 5 semaines consécutives de congé.
[...]
Les régimes des vacances et congés des membres du personnel directeur et enseignant et du personnel auxiliaire d'éducation, en fonction de promotion et de sélection sont harmonisés – comptant les vacances d’hiver (de Noël), l’allongement des congés d’automne (de Toussaint)
et de détente (de Carnaval), les vacances de printemps (de Pâques) et cinq semaines
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consécutives durant les vacances d’été – dont les dates sont fixées annuellement par le Gouvernement.
Une exception est faite s’agissant des chefs d’atelier et chefs de travaux d’atelier, lesquels reprennent leur prestation cinq jours durant la semaine qui précède la rentrée scolaire afin de participer à l’organisation de la rentrée. Ces jours prestés seront récupérés durant l’année scolaire.
[...]
Le régime de congé des membres du personnel du Service de l’Inspection n’est, quant à lui, pas modifié » (ibid., p. 22).
À propos des dispositions attaquées, les travaux préparatoires indiquent également :
« Ces dispositions visent à intégrer dans la réglementation afférente aux congés les modifications découlant de l’adoption du nouveau rythme scolaire dans l’enseignement fondamental, secondaire de plein exercice et en alternance, dans l’enseignement secondaire artistique à horaire réduit et dans l’enseignement de promotion sociale.
Conformément à l’avis de la section législation du Conseil d’Etat, il a été procédé à une réécriture complète des articles, plutôt qu’à une modification de ceux-ci afin de permettre une meilleure lisibilité des dispositions et de clarifier le champ d’application.
A cette fin :
1° le champ d’application du chapitre 1 a été adapté afin de refléter la réalité des dispositions, suite à la réforme des rythmes scolaires. Le chapitre 1 s’applique aux membres du personnel soumis à l’arrêté-royal du 22 mars 1969, en ce compris les membres du personnel visés à l’article 71 du décret du 30 avril 2009 organisant le transfert de l’enseignement supérieur de l’architecture à l’université. Il est également applicable aux membres du personnel de l’enseignement subventionné sur base des dispositions prévues dans les décrets du 1er février 1993 et 6 juin 1994. Enfin, le chapitre 1er s’applique également aux membres du personnel soumis au décret du 10 janvier 2019 relatif au Service d’Inspection, à l’exception des membres du Service de l’Inspection des centres psycho-médico-sociaux soumis à l’arrêté royal du 19 mai 1981 relatif aux vacances et aux congés des membres stagiaires ou nommés à titre définitif du personnel technique des centres psycho-médico-sociaux de l’Etat, des centres de formation et des services d’inspection, et à l’exception des inspecteurs généraux et de l’inspecteur général coordonnateur qui bénéficient, durant leur mandat, des congés de vacances annuelles des agents des Services du Gouvernement. L’article 1erbis vise les congés des membres du personnel dans l’enseignement fondamental, dans l’enseignement secondaire de plein exercice et en alternance, dans l’enseignement secondaire artistique à horaire réduit et dans l’enseignement de promotion sociale secondaire et supérieur. L’article 1erter relatif à l’enseignement supérieur non universitaire ne vise dès lors que les membres du personnel visés à l’article 64 du décret du 30 avril 2009 organisant le transfert de l’enseignement supérieur de l’architecture à l’université tous réseaux confondus, ainsi que les membres du personnel des internats de l’enseignement
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supérieur. Quant aux membres du personnel des Hautes Ecoles et Ecoles Supérieures des Arts, leurs congés de vacances annuelles ne sont pas réglementés par l’arrêté royal du 15 janvier 1974.
Enfin, l’article 1erquater ne vise que les congés des membres du personnel du Service général de l’Inspection, compris dans le champ d’application de l’article 1er.
2° il est tenu compte de la nouvelle définition de l’année scolaire pour les membres du personnel visés par la réforme des rythmes scolaire.
3° de la même manière, le régime des congés annuels des vacances d’été est uniformisé pour les fonctions de sélection et promotion (sauf exceptions) dans les niveaux et types d’enseignement inclus dans le périmètre de la réforme. Cette uniformisation est rendue nécessaire par le raccourcissement de la période des congés d’été (compensé par l’allongement des périodes de congés en cours d’année scolaire) qui impose que l’ensemble des équipes d’encadrement des établissements scolaires concernés soi[en]t présentes au complet afin de permettre la clôture dans de bonne condition de l’année scolaire et préparation en temps utile, avant la réouverture des écoles, de la rentrée scolaire (notamment sur le plan administratif). Les fonctions de sélection et de promotion visées sont notamment la fonction de directeur, de directeur adjoint, de secrétaire de direction, d’éducateur économe, de coordonnateur de pôles territoriaux, etc. Les congés des inspecteurs ne sont par contre, pas modifiés.
4° une disposition particulière est prévue pour les chefs d’atelier et les chefs de travaux d’atelier. Il leur est ainsi demandé de venir durant les cinq jours qui précèdent la rentrée scolaire, afin d’apporter leur aide pour la préparation de la rentrée scolaire. Ces jours seront néanmoins récupérables, à un autre moment dans l’année. Les congés des coordonnateurs de centres de technologies avancées ne sont, quant à eux, pas impactés par la réforme des rythmes scolaires et n’ont dès lors pas été modifiés » (ibid., pp. 62-64).
B.2.2. Lors des discussions en commission, la ministre compétente a précisé :
« Il est donc opéré ici, pour les secrétaires de direction du secondaire et les éducateurs économes, une réduction d’une semaine de congé durant l’été. Cette diminution sera compensée par une révision barémique, opérée par arrêté du gouvernement. Les travaux sont, à ce titre, engagés » (Doc. parl, Parlement de la Communauté française, 2021-2022, n° 357/3, p. 9).
B.2.3. L’article 131 du décret du 31 mars 2022 a fait l’objet des débats suivants :
« [Une membre] constate que cet article insère un article 1er quater sur les congés des inspecteurs de l’ordinaire. Si, pour les vacances d’été (du 6 juillet au 15 août), ceux-ci disposent des mêmes congés que pour les directions, ils n’ont, par contre, pas les mêmes congés de Toussaint et Carnaval. Bien que dans l’arrêté royal du 15 janvier 1974, ils n’en bénéficiaient pas, dans la pratique, l’usage voulait qu’ils disposent d’une semaine tant à la Toussaint qu’au Carnaval.
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Lors de la 1ère lecture, l’article 113, devenu 131 du projet, ajoutait un article 1erter, § 1er, b) qui prévoyait deux semaines au titre de vacances de Pâques, de Toussaint et de Carnaval.
Toutefois, ces deux fois deux semaines ont disparu.
L’oratrice se pose la question de la disparition d’un droit acquis, d’une iniquité de traitement par rapport à d’autres agents et finalement d’une perte de rémunération conséquente, voire d’un appel à candidatures qui ne reflèterait pas la réalité. Elle demande à la ministre d’expliquer la différence entre le texte initial soumis à concertation et sa version finale, et elle souhaite savoir quels sont les congés des inspecteurs des CPMS qui faisaient l’objet d’une disposition spécifique dans l’avant-projet de décret, pourquoi les Inspecteurs généraux coordonnateurs et les Inspecteurs généraux ont des congés différents et pourquoi ne pas garantir les droits acquis pour les inspecteurs de l’ordinaire.
Mme la ministre lui répond qu’il s’agit d’une mise en conformité du texte qui laisse néanmoins une certaine souplesse d’organisation interne. Elle reconnait une coquille entre les différentes versions du texte qui stipulaient un régime de congé identique entre les directions d’écoles et les inspecteurs ; le texte a été corrigé en dernière lecture afin d’éviter l’ajout de deux à trois semaines de congés supplémentaires sans aucune justification, et ce, compte tenu des autres fonctions et de l’économie générale du texte. Au plan réglementaire, elle rappelle que le régime n’est pas aligné sur celui des directions même si dans les faits, il semble en aller différemment. Quant au régime de congé des coordonnateurs, il est maintenu en l’état, ce régime spécifique étant historique » (ibid., pp. 57-58) ».
Quant au fond
En ce qui concerne les secrétaires de direction
B.3.1. La partie requérante dans l’affaire n° 7893 prend un premier moyen de la violation des articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution par l’article 129 du décret du 31 mars 2022, lequel traite différemment, d’une part, les emplois de sélection de la catégorie du personnel auxiliaire d’éducation, dont les secrétaires de direction, et, d’autre part, les chefs d’atelier et chefs de travaux d’atelier, en ce que ces derniers bénéficient de six semaines de congé d’été ainsi que de la faculté de récupérer pendant l’année scolaire cinq jours supplémentaires prestés durant l’été, tandis que les personnes relevant de la première catégorie ne bénéficient que de cinq semaines de congé durant l’été et ne bénéficient pas d’une possibilité de récupération.
B.3.2. La partie requérante dans l’affaire n° 7893 prend un second moyen de la violation des mêmes articles de la Constitution par la disposition attaquée, en ce qu’elle traite différemment, d’une part, le personnel auxiliaire d’éducation en fonction de sélection, qui
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bénéficie d’un congé d’été d’une durée de cinq semaines, et, d’autre part, le personnel auxiliaire d’éducation en fonction de recrutement, qui bénéficie d’un congé d’été d’une durée de six semaines et un jour.
B.3.3. La Cour examine les deux moyens conjointement.
B.4. L’article 1erbis de l’arrêté royal du 15 janvier 1974 « pris en application de l’article 160 de l’arrêté royal du 22 mars 1969 fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d’éducation, du personnel paramédical des établissements d’enseignement gardien, primaire, spécialisé, moyen, technique, artistique et normal de l’Etat, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d’inspection chargé de la surveillance de ces établissements », tel qu’il a été inséré par la disposition attaquée, a ensuite été modifié par l’article 3 du décret de la Communauté française du 16 mars 2023 « portant diverses dispositions complémentaires à la réforme des rythmes scolaires » (ci-après : le décret du 16 mars 2023). Cette disposition, qui produit ses effets le 29 août 2022 (article 33 du décret du 16 mars 2023), a remplacé, à l’article 1erbis, § 2, alinéa 2, dudit arrêté royal, les mots « des chefs d’atelier et des chefs de travaux d’atelier » par les mots « des chefs d’atelier, des chefs d’atelier d’un centre technique et pédagogique, des chefs de travaux d’atelier et des coordonnateurs de centre d’éducation et de formation en alternance ». Cette modification n’a pas d’incidence sur l’examen des deux moyens dans l’affaire n° 7893.
B.5. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause ; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.6. La disposition attaquée procède à l’adaptation des semaines de congé aux nouveaux rythmes scolaires pour les catégories de personnel comparées. Elle a pour effet que, durant l’été, le personnel auxiliaire d’éducation en fonction de sélection bénéficie de cinq semaines de
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congé, tandis que (1) les chefs d’atelier et chefs de travaux d’atelier bénéficient de six semaines de congé et peuvent, durant l’année scolaire, récupérer les cinq jours de prestations effectués pendant la semaine qui précède la rentrée scolaire et que (2) le personnel auxiliaire d’éducation en fonction de recrutement bénéficie de congés durant l’intégralité des vacances d’été, étant toutefois précisé que quatre jours de prestations doivent être prévus soit durant la première semaine des vacances d’été, soit durant la semaine qui précède la rentrée scolaire.
De plus, il n’est pas prévu de semaine de congé compensatoire à un autre moment de l’année pour le personnel auxiliaire d’éducation en fonction de sélection.
B.7. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.2.1 et en B.2.2 que la disposition attaquée poursuit un objectif de maintien des équilibres qui existaient avant la réforme et de continuité entre l’ancien régime et le nouveau, tout en adaptant les congés aux nouveaux rythmes scolaires.
La réduction du nombre de semaines de congé durant les vacances d’été est justifiée à la fois par l’adaptation aux nouveaux rythmes scolaires, puisque les vacances d’été sont réduites de deux semaines (passant de 9 à 7 semaines), et par la nécessité, invoquée par le Gouvernement de la Communauté française, de la présence sur les lieux du personnel auxiliaire d’éducation en fonction de sélection, afin d’assurer le bon déroulement de la fin de l’année scolaire et de préparer adéquatement la nouvelle année scolaire.
Ces objectifs sont légitimes.
B.8. Les différences de traitement critiquées, qui se traduisent par un moins grand nombre de congés d’été pour le personnel auxiliaire d’éducation en fonction de sélection par rapport, d’une part, aux chefs d’atelier et chefs de travaux d’atelier et, d’autre part, au personnel auxiliaire d’éducation en fonction de recrutement, sont pertinentes eu égard à l’objectif de la présence sur les lieux du personnel auxiliaire d’éducation en fonction de sélection. Compte tenu de la spécificité des missions des membres de ce personnel, notamment des secrétaires de direction, le législateur décrétal a pu raisonnablement estimer qu’il convenait que cette catégorie reste dans l’établissement plus longtemps en été, à la différence des chefs d’atelier et chefs de travaux d’atelier, dont le rôle est plus éloigné des tâches administratives de clôture de l’année scolaire. Il n’appartient pas à la Cour de remettre ce choix en cause.
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B.9. Ainsi qu’il a été annoncé dans les travaux préparatoires du décret du 31 mars 2022
cités en B.2.1 et B.2.2 et comme le fait valoir le Gouvernement de la Communauté française, cette différence d’une semaine de congé est toutefois compensée par une révision barémique, opérée par l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 14 juillet 2022 « relatif à l’adaptation des rythmes scolaires annuels ».
Il s’ensuit que la disposition attaquée ne produit pas des effets disproportionnés pour le personnel auxiliaire d’éducation en fonction de sélection.
B.10. Sous réserve de ce qui est dit en B.9, les deux moyens dans l’affaire n° 7893 ne sont pas fondés.
En ce qui concerne les membres du service général de l’Inspection
B.11. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7900 prennent un premier moyen de la violation des articles 10, 11, 23 et 24, § 4, de la Constitution par les articles 128, 129 et 131 du décret du 31 mars 2022, en ce qu’ils entraîneraient un recul significatif et une différence de traitement non justifiée entre les membres du service général de l’Inspection et les directeurs des établissements qu’ils inspectent. En effet, les seconds bénéficient de congés durant les vacances de Toussaint (ou d’automne) et de carnaval (ou de détente), au contraire des premiers, alors que leurs régimes étaient identiques auparavant.
Elles prennent un second moyen de la violation des mêmes articles de la Constitution par les dispositions attaquées, en ce que celles-ci créeraient une différence de traitement non justifiée entre les membres du service général de l’Inspection et les inspecteurs des centres psycho-médico-sociaux, qui continuent de bénéficier des congés durant les vacances de Toussaint et de carnaval.
En ce que les deux moyens visent l’absence de congés durant les vacances d’automne et de détente, la Cour les examine conjointement.
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B.12.1. Le décret du 16 mars 2023 dispose :
« Art. 28. L’article 98 du décret du 10 janvier 2019 relatif au service général de l’Inspection est remplacé par ce qui suit :
‘ Art. 98. § 1er. Le membre du personnel, définitif ou temporaire, bénéficie du régime des congés de vacances annuelles défini ci-après :
- les vacances d’automne (de Toussaint) : une semaine;
- les vacances d’hiver (de Noël) : deux semaines;
- les vacances de détente (de Carnaval) : une semaine;
- les vacances de printemps (de Pâques) : deux semaines;
- les vacances d’été : du 6 juillet au 15 août.
Toutefois, lorsque l’année scolaire se termine au-delà du 5 juillet, les vacances d’été débutent au premier jour suivant la fin de l’année scolaire. Dans ce cas, les jours prestés au-
delà du 5 juillet sont reportés immédiatement au-delà du 15 août.
Les vacances d’hiver (de Noël) et de printemps (de Pâques) correspondent aux vacances arrêtées par le Gouvernement en application de l’article 1.9.1-2, § 2, alinéa 1er, du Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire ou fixées par l’article 223 du décret du 31 mars 2022 relatif à l’adaptation des rythmes scolaires annuels dans l’enseignement fondamental et secondaire ordinaire, spécialisé, secondaire artistique à horaire réduit et de promotion sociale et aux mesures d’accompagnement pour l’accueil temps libre.
Les vacances d’automne (de Toussaint) correspondent à la seconde semaine des vacances arrêtées ou fixées conformément à l’alinéa précédent.
Les vacances de détente (de Carnaval) correspondent à la première semaine des vacances arrêtées ou fixées conformément au deuxième alinéa.
§ 2. Si ces jours ne tombent pas un samedi ou un dimanche ou durant une période de vacances visée au § 1er, le membre du personnel, définitif ou temporaire, bénéficie également des jours de congé suivants :
1° le 27 septembre (Fête de la Communauté française);
2° le 1er novembre (Toussaint);
3° le 11 novembre (Commémoration du 11 novembre);
4° le lundi de Pâques;
5° le 1er mai (Fête du travail);
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6° le jeudi de l’Ascension;
7° le lundi de Pentecôte.
§ 3. Par dérogation aux §§ 1 et 2, les Inspecteurs généraux et l’Inspecteur général coordonnateur bénéficient durant leur mandat des congés de vacances annuelles et des jours fériés dont bénéficient les agents des Services du Gouvernement ’.
[...]
Art. 33. Le présent décret produit ses effets le 29 août 2022. ».
B.12.2. L’entrée en vigueur visée à l’article 33 précité produit ses effets, rétroactivement, à la date de l’entrée en vigueur du décret qui comprend les dispositions attaquées.
B.13. En application du décret du 16 mars 2023, qui n’a pas fait l’objet d’un recours en annulation, les membres du service général de l’Inspection bénéficient désormais, avec effet rétroactif à la date d’entrée en vigueur du décret du 31 mars 2022, de congés durant les vacances d’automne et de détente, à l’instar des directeurs des établissements qu’ils inspectent. Par conséquent, les différences de traitement soulevées au premier moyen sont inexistantes.
Pour le surplus, il n’appartient pas à la Cour mais aux tribunaux compétents d’examiner la manière dont l’éventuelle absence de congés pour les membres du service général de l’Inspection durant les vacances d’automne et de détente, pour les années scolaires précédant l’adoption du décret du 16 mars 2023, doit être analysée au regard de l’effet rétroactif de ce décret.
B.14. Les deux moyens dans l’affaire n° 7900 ne sont pas fondés.
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Par ces motifs,
la Cour,
sous réserve de ce qui est dit en B.9, rejette les recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 29 février 2024.
Le greffier, Le président,
F. Meersschaut P. Nihoul