Cour constitutionnelle
Arrêt n° 36/2024
du 27 mars 2024
Numéro du rôle : 7962
En cause : le recours en annulation des articles 2, 6° et 9°, 3, 11, 2°, 14, 2°, 21 et 22 de la loi du 23 octobre 2022 « modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et portant transposition de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE », introduit par le Gouvernement flamand.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 mars 2023 et parvenue au greffe le 29 mars 2023, le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me Frederik Vandendriessche, Me Pieterjan Claeys et Me Natan Vermeersch, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 2, 6° et 9°, 3, 11, 2°, 14, 2°, 21 et 22 de la loi du 23 octobre 2022 « modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et portant transposition de la directive (UE) 2019/944
du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE » (publiée au Moniteur belge du 26 octobre 2022).
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
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- la SA « Elia Transmission Belgium », assistée et représentée par Me Pierre-Marie Louis et Me Sara Melis, avocats au barreau de Bruxelles (partie intervenante);
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Barteld Schutyser, avocat au barreau de Bruxelles.
La partie requérante, assistée et représentée par Me Thomas Chellingsworth et Me Laura Pellens, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 31 janvier 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Sabine de Bethune et Thierry Giet, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
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Quant à l’étendue du recours
A.1. Le Conseil des ministres soulève que le recours est partiellement irrecevable à défaut de griefs. Il estime que le Gouvernement flamand ne formule pas de griefs à l’égard de l’article 2, 103°, 105° à 113°, 115° et 116°, inséré dans la loi du 29 avril 1999 « relative à l’organisation du marché de l’électricité » (ci-après : la loi du 29 avril 1999) par l’article 2, 9°, de la loi du 23 octobre 2022 « modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et portant transposition de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE » (ci-après : la loi du 23 octobre 2022), à l’égard de l’article 19quater, § 1er, alinéa 1er, alinéa 2, 1°, alinéa 3 et alinéa 4, inséré dans la loi du 29 avril 1999 par l’article 21 de la loi du 23 octobre 2022, ni à l’égard de l’article 19quinquies, § 1er, alinéas 2 et 3, et § 2, inséré dans la loi du 29 avril 1999 par l’article 22 de la loi du 23 octobre 2022.
Par ailleurs, selon le Conseil des ministres, le Gouvernement flamand ne formule pas non plus de griefs à l’égard du droit garanti aux communautés énergétiques citoyennes par l’article 19quinquies, § 3, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 22 de la loi du 23 octobre 2022, d’acheter ou de vendre des services d’électricité autres que la fourniture.
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Quant aux moyens
En ce qui concerne le premier moyen
A.2. Le Gouvernement flamand prend un premier moyen de la violation, par les articles 11, 2°, et 22 de la loi du 23 octobre 2022, de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980). Le moyen est subdivisé en trois branches.
Première branche du premier moyen
A.3. Dans la première branche du premier moyen, le Gouvernement flamand soutient que l’autorité fédérale a excédé ses compétences en prévoyant sans réserve de compétence, à l’article 19quinquies, § 3, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 22 de la loi du 23 octobre 2022, la nullité automatique des clauses contractuelles entre les entreprises d’électricité et les communautés énergétiques citoyennes qui empêchent ces dernières d’acheter ou de vendre des services de flexibilité ou des services d’électricité autres que la fourniture et de conclure un contrat avec un opérateur de flexibilité. Le Gouvernement flamand souligne que la réglementation de la flexibilité n’est pas une compétence fédérale exclusive. Les régions sont exclusivement compétentes, à tout le moins, pour la flexibilité technique relative aux réseaux de distribution et au réseau de transport local. Par conséquent, c’est à elles seules qu’il revient de réprimer les clauses contractuelles qui limitent le droit de participation aux programmes de flexibilité technique au niveau de la distribution. Dès lors que les communautés énergétiques citoyennes peuvent être raccordées à un réseau de distribution ou à un réseau de transport local et que le champ d’application de la disposition attaquée ne se limite pas à la flexibilité pour laquelle l’autorité fédérale est compétente, la disposition attaquée méconnaît la compétence des régions en ce qui concerne les aspects régionaux de l’énergie, dont en particulier la distribution et le transport local d’électricité au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts. Selon le Gouvernement flamand, la disposition ne saurait davantage être interprétée comme étant conforme aux règles répartitrices de compétences, dès lors que son texte est clair.
A.4. Le Conseil des ministres allègue que la disposition attaquée ne méconnaît pas la compétence régionale en matière de distribution et de transport local d’électricité. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, la disposition attaquée n’affecte en aucun cas la prétendue compétence régionale en matière de flexibilité technique pour ce qui concerne les réseaux de distribution. La disposition attaquée ne contient en effet aucune règle matérielle relative à la flexibilité technique, mais garantit aux communautés énergétiques citoyennes le droit d’acheter ou de vendre des services de flexibilité autres que la fourniture.
Par ailleurs, selon le Conseil des ministres, la disposition attaquée doit être interprétée en ce sens qu’elle porte exclusivement sur les communautés énergétiques citoyennes qui sont raccordées au réseau de transport et sur les services de flexibilité pour lesquels l’autorité fédérale est compétente. C’est l’interprétation qui ressort de la lecture combinée du premier paragraphe, qui contient une réserve de compétence, et du troisième paragraphe de la disposition insérée dans la loi du 29 avril 1999 par la disposition attaquée, mais aussi des travaux préparatoires.
Deuxième branche du premier moyen
A.5. Dans la deuxième branche du premier moyen, le Gouvernement flamand critique l’article 19quinquies, § 1er, tel qu’il a été inséré dans la loi du 29 avril 1999 par l’article 22 de la loi du 23 octobre 2022. Il allègue que cette disposition méconnaît les compétences régionales en matière d’aménagement du territoire et d’environnement en ce qu’elle prévoit qu’une communauté énergétique citoyenne propriétaire d’une installation de stockage ne peut être soumise, en ce qui concerne cette installation, à des exigences disproportionnées en matière d’autorisations, telles que visées à l’article 4. Selon le Gouvernement flamand, cette disposition vise toutes les autorisations, y compris celles qui relèvent des compétences régionales précitées.
A.6. À titre principal, le Conseil des ministres soutient que l’autorité fédérale pouvait adopter cette interdiction, qui concerne également des exigences régionales en matière d’autorisations, sur la base de ses compétences relatives au réseau de transport et aux grandes installations de stockage d’énergie. En effet, l’article 19quinquies, § 1er, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par la disposition attaquée, porte exclusivement sur les installations de stockage des communautés énergétiques citoyennes qui sont raccordées au réseau de transport. Par ailleurs, cette disposition ne fait qu’expliciter ce qui découle déjà du principe de proportionnalité en matière de répartition des compétences. À titre subsidiaire, le Conseil des ministres souligne
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que l’interdiction, attaquée, d’imposer des exigences disproportionnées en matière d’autorisations relève en tout état de cause de la compétence de l’autorité fédérale si elle s’applique exclusivement aux autorisations fédérales.
L’article 19quinquies, § 1er, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par la disposition attaquée, prévoit les réserves utiles en ce qui concerne les compétences des régions.
Troisième branche du premier moyen
A.7. Dans la troisième branche du premier moyen, le Gouvernement flamand allègue que l’article 11, 2°, de la loi du 23 octobre 2022 porte atteinte à la compétence des régions en matière de distribution et de transport local d’électricité, en ce que cette disposition instaure pour toutes les communautés énergétiques citoyennes, y compris celles qui sont raccordées au réseau de distribution, une ligne directrice tarifaire portant sur tous les tarifs de réseau, y compris les tarifs du réseau de distribution. En vertu de la compétence précitée, les régions sont exclusivement compétentes pour réglementer les tarifs du réseau de distribution et pour répartir les frais du réseau de transport entre les utilisateurs du réseau de distribution. L’autorité fédérale n’est pas compétente pour soumettre ces derniers à un quelconque tarif de réseau.
A.8. Le Conseil des ministres estime que la disposition attaquée ne viole pas les règles répartitrices de compétences. Il déduit des travaux préparatoires et de leur contexte législatif que l’article 12, § 5, 29°, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par la disposition attaquée, ne peut être interprété qu’en ce sens qu’il porte exclusivement sur les tarifs du réseau de transport. L’autorité fédérale est exclusivement compétente pour déterminer les tarifs du réseau de transport, nonobstant le fait que les tarifs du réseau de transport ont, par le mécanisme de la cascade tarifaire, une incidence sur le prix que paie l’utilisateur du réseau de distribution.
En ce qui concerne le deuxième moyen
A.9. Le Gouvernement flamand prend un deuxième moyen de la violation, par les articles 2, 9°, 11, 2°, et 21
de la loi du 23 octobre 2022, de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), et alinéa 2, d), de la loi spéciale du 8 août 1980.
Dans une première branche, le Gouvernement flamand allègue que l’article 2, 9°, de la loi du 23 octobre 2022
insère, en violation de la compétence régionale en matière de distribution et de transport local d’électricité au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts, une définition de client actif qui inclut également les clients actifs qui sont raccordés au réseau de distribution ou au réseau de transport local. Selon le Gouvernement flamand, il ne saurait être remédié à cet excès de compétence par une interprétation conforme aux règles répartitrices de compétences.
Dans une deuxième branche, le Gouvernement flamand souligne que cette définition trop large de client actif conduit à un autre excès de compétence, à savoir dans l’article 11, 2°, de la loi du 23 octobre 2022. Cette disposition instaure, comme pour les communautés énergétiques citoyennes, une ligne directrice tarifaire à l’égard de tous les clients actifs, y compris ceux qui sont raccordés au réseau de distribution, pour tous les tarifs de réseau, alors que l’autorité fédérale n’est pas compétente pour le réseau de distribution et les tarifs du réseau de distribution.
Dans une troisième branche, le Gouvernement flamand fait valoir que l’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 2°, 3° et 4°, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 21 de la loi du 23 octobre 2022, n’est pas conforme non plus aux règles répartitrices de compétences. Il souligne qu’en raison de la définition choisie pour la notion de client actif, cette disposition accorde également aux clients actifs qui sont raccordés au réseau de distribution ou au réseau de transport local le droit de fournir plusieurs services d’électricité simultanément, de n’être soumis à aucune redevance en double et de ne pas être soumis à des exigences disproportionnées en matière d’autorisations ou à des redevances disproportionnées. Cette disposition porte ainsi sur le réseau de distribution et les tarifs du réseau de distribution, pour lesquels l’autorité fédérale n’est pas compétente. En ce qu’elle interdit de soumettre les clients actifs à des exigences disproportionnées en matière d’autorisations, sans limiter cette interdiction aux autorisations fédérales, la disposition viole de surcroît les compétences régionales en matière d’aménagement du territoire et d’environnement. Le Gouvernement flamand souligne à cet égard que l’autorité fédérale n’est en tout état de cause compétente que pour soumettre les grandes installations de stockage d’énergie à une autorisation fédérale. Selon lui, toute interprétation conforme aux règles répartitrices de compétences est à nouveau impossible.
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A.10. Le Conseil des ministres fait tout d’abord valoir qu’il ressort des travaux préparatoires que la définition de client actif insérée par l’article 2, 9°, de la loi du 23 octobre 2022 ne concerne pas les clients actifs raccordés au réseau de distribution. Ceci ressort à tout le moins, selon lui, d’une interprétation de cette disposition qui soit conforme aux règles répartitrices de compétences. Cette disposition ne méconnaît donc pas les compétences régionales relatives au réseau de distribution.
Ensuite, le Conseil des ministres allègue que l’article 11, 2°, de la loi du 23 octobre 2022 n’affecte pas la compétence régionale relative aux tarifs du réseau de distribution, dès lors qu’il instaure uniquement une ligne directrice tarifaire qui concerne les tarifs du réseau de transport.
Enfin, le Conseil des ministres souligne que l’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 2°, 3° et 4°, tel qu’il a été inséré dans la loi du 29 avril 1999 par l’article 21 de la loi du 23 octobre 2022, ne méconnaît pas non plus les compétences régionales. L’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 2°, 3° et 4°, porte en effet exclusivement sur les clients actifs qui sont raccordés au réseau de transport ainsi que sur les tarifs qui relèvent des compétences fédérales. Par conséquent, cette disposition n’affecte pas les compétences régionales relatives au réseau de distribution et aux tarifs du réseau de distribution. Selon le Conseil des ministres, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été invoqués en ce qui concerne les communautés énergétiques citoyennes, l’interdiction d’imposer des exigences disproportionnées en matière d’autorisations ne viole pas non plus les compétences régionales en matière d’aménagement du territoire et d’environnement. Pour le surplus, la critique dirigée contre l’interdiction d’imposer des redevances disproportionnées n’est pas fondée, en plus d’être irrecevable dès lors qu’elle apparaît pour la première fois dans le mémoire en réponse.
En ce qui concerne le troisième moyen
A.11. Le Gouvernement flamand prend un troisième moyen de la violation, par l’article 14, 2°, de la loi du 23 octobre 2022, de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980. Il fait valoir que la disposition attaquée confère le droit aux fournisseurs de facturer, sous certaines conditions, des frais de résiliation aux clients non résidentiels ou qui ne sont pas des PME, même si ceux-ci sont raccordés au niveau de la distribution, alors que la réglementation de la position des clients raccordés au niveau de la distribution est réservée aux régions.
Selon le Gouvernement flamand, le fait que l’autorité fédérale est, sur la base de l’article 6, § 1er, VI, alinéa 4, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980, compétente pour la protection des consommateurs ne conduit pas à une autre conclusion. La disposition attaquée ne relève pas de la compétence relative à la protection des consommateurs, dès lors qu’elle réglemente la situation juridique des non-consommateurs. En outre, la disposition attaquée porte précisément atteinte à la protection des clients, étant donné qu’elle confère au fournisseur le droit de facturer des frais de résiliation, alors que l’article 4.4.1, alinéa 1er, 2°, du décret de la Région flamande du 8 mai 2009 « portant les dispositions générales en matière de la politique de l’énergie » accorde le droit à tous les clients de changer gratuitement de fournisseur. Enfin, la protection des consommateurs ne concerne qu’une compétence-cadre sur la base de laquelle l’autorité fédérale ne peut prévoir que des règles générales que les régions peuvent compléter par des conditions qualitatives supplémentaires. Or, la disposition attaquée n’instaure pas une règle générale, mais une prescription très détaillée qui, en vertu de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 « concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (refonte) », ne doit pas non plus être considérée comme un minimum absolu.
Selon le Gouvernement flamand, la compétence fédérale relative au droit des pratiques du commerce prévue dans l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 ne saurait davantage servir de fondement à la disposition attaquée, dès lors que la non-facturation de frais de résiliation ne saurait être considérée comme une pratique commerciale déloyale. Ce fondement de compétence ne permet en tout état de cause pas à l’autorité fédérale d’imposer des indemnités de résiliation aux clients qui sont raccordés au niveau de la distribution.
À titre subsidiaire, le Gouvernement flamand souligne encore que, si la disposition attaquée pouvait tout de même s’appuyer sur la compétence fédérale relative à la protection des consommateurs ou au droit des pratiques du commerce, elle devrait malgré tout être annulée pour violation du principe de proportionnalité. Cette disposition rend en effet impossible ou exagérément difficile l’exercice des compétences régionales en matière d’énergie.
A.12.1. Le Conseil des ministres soutient que le troisième moyen est irrecevable en ce qu’il est pris de la violation du principe de proportionnalité en matière de répartition des compétences, dès lors que le Gouvernement flamand a invoqué la violation du principe de proportionnalité pour la première fois dans son mémoire en réponse.
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A.12.2. Quant au fond, le Conseil des ministres estime qu’il n’est nullement question d’un excès de compétence. En ce qu’elle vise les clients qui sont raccordés au réseau de distribution, la disposition attaquée s’inscrit dans la compétence-cadre fédérale en matière de protection des consommateurs. Premièrement, la disposition attaquée vise les utilisateurs, à savoir les clients non résidentiels ou qui ne sont pas des PME. Le fait que ces clients ne soient pas des consommateurs n’y change rien. Les consommateurs ne sont qu’une catégorie d’utilisateurs. Deuxièmement, la disposition attaquée protège les clients visés en déterminant les conditions auxquelles les fournisseurs peuvent leur facturer des frais de résiliation. Troisièmement, la disposition attaquée offre un cadre que les régions peuvent compléter ou préciser dans le cadre de leur compétence. Rien n’empêche les régions d’interdire les frais de résiliation.
Selon le Conseil des ministres, la disposition attaquée s’inscrit également dans la compétence fédérale relative au droit des pratiques du commerce. Par cette disposition, l’autorité fédérale entend en effet éviter la facturation de frais de résiliation disproportionnés.
En ce qui concerne le quatrième moyen
A.13. Le Gouvernement flamand prend un quatrième moyen de la violation, par l’article 3 de la loi du 23 octobre 2022, de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, f), de la loi spéciale du 8 août 1980. Selon lui, la compétence régionale relative aux nouvelles sources d’énergie est violée en ce que l’article 3 de la loi du 23 octobre 2022
habilite le Roi, pour l’octroi d’une autorisation fédérale pour la construction et l’exploitation d’une installation de production d’électricité ou d’une installation de stockage d’énergie, à instaurer des critères d’autorisation relatifs à la contribution que l’installation doit apporter à la politique climatique. Même lorsqu’ils n’établissent pas de limites strictes, de tels critères d’autorisation touchent au cœur des choix politiques que les régions doivent opérer dans le cadre de leur politique en matière d’énergie renouvelable. Aussi l’autorité fédérale ne peut-elle pas imposer de tels critères d’autorisation, pas même sur la base de ses compétences relatives aux grandes infrastructures tant de stockage que de production d’énergie. Ces compétences n’englobent en effet pas les sources d’énergie renouvelables.
A.14. Le Conseil des ministres estime que l’autorité fédérale pouvait adopter la disposition attaquée – laquelle instaure seulement un critère (et non une condition nécessaire) pour l’examen des autorisations fédérales relatives à la construction et à l’exploitation d’installations de production d’électricité et de stockage d’énergie –
sur la base de ses compétences relatives aux grandes infrastructures tant de stockage que de production d’énergie.
Ces compétences comprennent en effet le pouvoir de fixer des critères d’autorisation pour la construction et l’exploitation de ces infrastructures. Ces critères peuvent avoir un lien avec les compétences régionales. En juger autrement reviendrait à vider des compétences de leur substance et donnerait lieu à une situation impossible dans la pratique. En effet, toute autorité ne pourrait alors accorder des autorisations que sur la base de conditions relevant de ses compétences. Ce qui précède vaut d’autant plus en l’espèce que la disposition attaquée tient compte des objectifs du droit de l’Union et renforce la politique régionale en la matière. Contrairement à ce qu’allègue le Gouvernement flamand, la compétence fédérale en matière de production d’énergie ne se limite pas non plus aux matières qui, en raison de leur indivisibilité technique et économique, requièrent une mise en œuvre homogène sur le plan national.
En ce qui concerne le cinquième moyen
A.15.1. Le Gouvernement flamand prend un cinquième moyen de la violation, par l’article 2, 6° et 9°, de la loi du 23 octobre 2022, de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980. Il allègue que les dispositions attaquées instaurent des définitions pour les notions de « service auxiliaire » et de « service auxiliaire non lié au réglage de la fréquence » qui englobent également des services liés aux réseaux de distribution et aux gestionnaires de réseau de distribution, alors que les régions sont, en vertu de leur compétence en matière de distribution et de transport local d’électricité au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts, seules compétentes pour réglementer les services au niveau de la distribution.
A.15.2. Selon le Gouvernement flamand, ce qui précède est particulièrement problématique car ces nouvelles définitions élargissent la portée de quelques autres dispositions de la loi du 29 avril 1999, en violation de la compétence régionale précitée. Il renvoie à cet égard en premier lieu à l’article 8, § 1er/1, alinéa 3, de la loi du 29 avril 1999. En vertu de cette disposition, les gestionnaires de réseau doivent en principe acquérir des services auxiliaires non liés au réglage de la fréquence sur la base de procédures transparentes, non discriminatoires et
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fondées sur le marché. En raison de la définition, attaquée, de la notion de « service auxiliaire non lié au réglage de la fréquence », cette disposition est également devenue applicable à l’acquisition de services auxiliaires non liés au réglage de la fréquence pour les réseaux de distribution et les gestionnaires de réseau de distribution. Par ailleurs, il résulte de l’utilisation du terme « gestionnaires de réseau » que la disposition s’applique également aux gestionnaires de réseau de distribution, dès lors qu’il n’y a et qu’il ne peut y avoir qu’un seul gestionnaire du réseau de transport.
Le Gouvernement flamand renvoie ensuite à l’article 18, § 1er, alinéas 1er et 3, de la loi du 29 avril 1999. En vertu de cette disposition, le Roi est habilité à arrêter des règles de conduite pour lutter contre la déstabilisation du marché de l’électricité. Dès lors qu’en vertu de l’article 2, 105°, de la loi du 29 avril 1999, le marché de l’électricité englobe également le marché des services auxiliaires et qu’en raison de la nouvelle définition, ces services auxiliaires comprennent des services à l’égard des réseaux de distribution et des gestionnaires de réseau de distribution, les dispositions attaquées habilitent le Roi à établir des règles de conduite concernant les services auxiliaires acquis par et fournis aux gestionnaires de réseau de distribution.
En outre, le Gouvernement flamand cite également l’article 8, § 1er, de la loi du 29 avril 1999. Cette disposition oblige le gestionnaire du réseau de transport à veiller à la disponibilité et à la mise en œuvre des services auxiliaires nécessaires et le charge de la responsabilité d’acquérir des services auxiliaires. Par l’effet des dispositions attaquées, cette disposition habilite le gestionnaire du réseau de transport à acquérir des services auxiliaires au profit du gestionnaire du réseau de distribution.
A.15.3. Selon le Gouvernement flamand, la compétence fédérale relative à l’équilibre du réseau ne constitue en tout état de cause pas un fondement suffisant pour justifier les dispositions élargies. Les services auxiliaires n’englobent pas seulement les services d’équilibrage, qui sont en effet importants pour l’équilibre du réseau, mais également des services auxiliaires non liés au réglage de la fréquence qui n’ont pas vocation à assurer l’équilibrage du réseau.
A.15.4. Enfin, le Gouvernement flamand souligne encore que, depuis l’introduction du recours, la définition de « service auxiliaire » insérée par l’article 2, 6°, de la loi du 23 octobre 2022 a été abrogée par l’article 3, 3°, de la loi du 21 mai 2023 « portant des dispositions diverses en matière d’énergie ». Il maintient toutefois intégralement le cinquième moyen, d’autant que cette abrogation ne s’est pas faite avec effet rétroactif.
A.16.1. Le Conseil des ministres fait tout d’abord valoir, de manière générale, que l’autorité fédérale est exclusivement compétente pour les services auxiliaires du réseau, dès lors que ceux-ci constituent une matière qui, en raison de son indivisibilité technique et économique, requiert une mise en œuvre homogène sur le plan national.
Cela vaut tant pour les services d’équilibrage du réseau que pour les services auxiliaires non liés au réglage de la fréquence, dès lors qu’ils forment un ensemble indissociable avec les autres services auxiliaires. Les caractéristiques techniques des services auxiliaires exigent que le gestionnaire du réseau de transport soit le seul à intervenir, celui-ci étant le seul à disposer d’un aperçu global. Le gestionnaire du réseau de transport assure en effet la coordination centralisée ainsi que la supervision du statut des différents réseaux.
A.16.2. Ensuite, le Conseil des ministres conteste les critiques qui découlent de la lecture combinée des dispositions attaquées avec l’article 8, § 1er/1, alinéa 3, avec l’article 18, § 1er, alinéas 1er et 3, et avec l’article 8, § 1er, de la loi du 29 avril 1999. La branche du moyen qui porte sur les dispositions attaquées lues en combinaison avec l’article 8, § 1er/1, alinéa 3, de la loi du 29 avril 1999 est irrecevable. Le prétendu excès de compétence ne découle pas de la définition de « service auxiliaire non lié au réglage de la fréquence », mais de l’utilisation du terme « gestionnaires de réseau » visé à l’article 8, § 1er/1, alinéa 3, de la loi du 29 avril 1999. Dès lors que le recours n’est pas dirigé contre cette dernière disposition, le moyen est irrecevable. À titre subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir que le terme « gestionnaires de réseau » doit s’entendre comme les gestionnaires du réseau de transport pour lesquels l’autorité fédérale est indubitablement compétente. Le fait qu’il n’y ait pour l’instant qu’un seul gestionnaire du réseau de transport n’y change rien. L’autorité fédérale peut, dans le cadre de ses compétences, anticiper sur l’existence éventuelle de plusieurs gestionnaires du réseau de transport.
Selon le Conseil des ministres, la branche du moyen qui porte sur la lecture combinée des dispositions attaquées avec l’article 18, § 1er, alinéas 1er et 3, de la loi du 29 avril 1999 est également irrecevable, à défaut d’exposé suffisant. À titre subsidiaire, le Conseil des ministres estime que l’autorité fédérale peut habiliter le Roi à arrêter des règles de conduite pour lutter contre la déstabilisation du marché de l’électricité, dès lors que l’autorité fédérale est exclusivement compétente pour les services auxiliaires, également ceux au profit des réseaux de distribution, en fonction de la sécurité d’approvisionnement et de la stabilité du réseau. En outre, cette mesure
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s’inscrit également dans le cadre de la compétence fédérale relative à l’organisation du marché de l’électricité, qui englobe les services auxiliaires.
Selon le Conseil des ministres, la branche du moyen qui porte sur la lecture combinée des dispositions attaquées avec l’article 8, § 1er, de la loi du 29 avril 1999 n’est pas fondée, dès lors que la faculté du gestionnaire du réseau de transport d’acquérir des services auxiliaires pour le réseau de distribution relève de la compétence fédérale relative à l’équilibre du réseau. Du point de vue de cet équilibre du réseau, il n’est pas pertinent de savoir si le service auxiliaire est utilisé pour le réseau de distribution ou pour le réseau de transport. C’est l’ensemble du réseau qui doit être en équilibre.
Quant à l’intervention
A.17. La SA « Elia Transmission Belgium » souhaite intervenir dans la procédure. Elle estime justifier de l’intérêt requis pour intervenir, dès lors qu’elle est le gestionnaire du réseau de transport belge.
A.18. La partie intervenante est d’avis que le recours en annulation doit être rejeté. Elle souligne de manière générale que l’autorité fédérale est exclusivement compétente pour prendre des mesures concernant l’équilibre de la zone de réglage belge. Ces mesures peuvent également viser des clients qui sont raccordés à un réseau relevant de la compétence des régions, pour autant que ce réseau soit raccordé au réseau de transport.
En ce qui concerne le quatrième moyen, la partie intervenante allègue en particulier que l’habilitation ne va pas plus loin que ce qui est nécessaire pour ne pas mettre en péril l’indivisibilité technique et économique. La zone de réglage belge est en effet indivisible sur les plans technique et économique, de sorte que le gestionnaire du réseau de transport a besoin de normes claires qui, en raison de cette indivisibilité technique et économique, doivent être édictées au niveau fédéral.
En ce qui concerne le cinquième moyen, la partie intervenante souligne que les gestionnaires des réseaux de distribution ne s’occupent pas de l’équilibre du réseau. Cette tâche incombe exclusivement au gestionnaire du réseau de transport. Pour ce faire, celui-ci a notamment recours, en dernier ressort, à des services auxiliaires.
-B-
B.1. Le Gouvernement flamand demande l’annulation des articles 2, 6° et 9°, 3, 11, 2°, 14, 2°, 21 et 22 de la loi du 23 octobre 2022 « modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et portant transposition de la directive (UE) 2019/944
du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE » (ci-après : la loi du 23 octobre 2022).
B.2.1. La loi du 23 octobre 2022 modifie la loi du 29 avril 1999 « relative à l’organisation du marché de l’électricité » (ci-après : la loi du 29 avril 1999) afin :
- de transposer partiellement la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 « concernant des règles communes pour le marché intérieur de
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l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (refonte) » (ci-après : la directive (UE) 2019/944);
- de transposer partiellement la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 « relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (refonte) » (ci-après : la directive (UE) 2018/2001);
- de remédier à une éventuelle ambiguïté qui pourrait découler de la loi du 13 juillet 2017
« modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité en vue d’améliorer la flexibilité de la demande et le stockage d’électricité ».
B.2.2. Aux termes de l’exposé des motifs de la loi du 23 octobre 2022, la transposition de la directive (UE) 2019/944 constitue le but principal de la loi (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2831/001, p. 3). Selon le même exposé des motifs, cette transposition couvre quatre domaines, à savoir les droits et la protection des consommateurs, les obligations du gestionnaire du réseau de transport, l’assouplissement du marché de l’électricité et la coopération internationale et régionale (ibid., p. 6).
Quant à l’étendue du recours
B.3. Le Conseil des ministres fait valoir que le recours est partiellement irrecevable, au motif que le Gouvernement flamand ne développe pas de griefs à l’encontre de toutes les parties des dispositions insérées par les dispositions attaquées.
B.4.1. La Cour détermine l’objet du recours en annulation à partir du contenu de la requête et, en particulier, en tenant compte de l’exposé des moyens. La Cour limite son examen aux dispositions contre lesquelles des griefs sont effectivement dirigés.
B.4.2. Il ressort de la requête que les griefs du Gouvernement flamand sont dirigés contre :
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- l’article 2, 45°, de la loi du 29 avril 1999, remplacé par l’article 2, 6°, de la loi du 23 octobre 2022;
- l’article 2, 104° et 114°, de la loi du 29 avril 1999, inséré par l’article 2, 9°, de la loi du 23 octobre 2022;
- les mots contenus dans l’article 4, § 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999, remplacés par l’article 3 de la loi du 23 octobre 2022;
- les dispositions insérées dans l’article 12, § 5, de la loi du 29 avril 1999 par l’article 11, 2°, de la loi du 23 octobre 2022;
- le premier alinéa inséré dans l’article 18, § 2/3, de la loi du 29 avril 1999 par l’article 14, 2°, de la loi du 23 octobre 2022;
- l’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 2°, 3°, et 4°, de la loi du 29 avril 1999, inséré par l’article 21 de la loi du 23 octobre 2022;
- l’article 19quinquies, § 1er, alinéa 1er, et § 3, de la loi du 29 avril 1999, inséré par l’article 22 de la loi du 23 octobre 2022.
La Cour limite son examen à ces dispositions.
Quant aux moyens
En ce qui concerne le premier moyen
Première branche du premier moyen
B.5. Dans la première branche du premier moyen, le Gouvernement flamand fait valoir que l’article 22 de la loi du 23 octobre 2022 viole l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980), en ce que cette disposition insère un article 19quinquies, § 3, dans la loi du 29 avril 1999, qui
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prévoit, sans réserve de compétence, la nullité automatique de clauses dans les contrats entre les entreprises d’électricité et les communautés énergétiques citoyennes qui empêchent ces dernières d’acheter ou de vendre des services de flexibilité ou d’électricité autres que la fourniture et de conclure un contrat avec un opérateur de flexibilité, alors que le règlement de la flexibilité technique relative aux réseaux de distribution constitue une compétence régionale réservée.
B.6.1. L’article 19quinquies de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 22
de la loi du 23 octobre 2022, dispose :
« § 1er. Sans préjudice des prescriptions techniques imposées par les autorités compétentes et de la compétence des Régions, visée à l’article 6, § 1er , VII, premier alinéa, a)
et deuxième alinéa, d), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, une communauté énergétique citoyenne propriétaire d’une ou plusieurs installations de stockage d’énergie [en néerlandais, il est ajouté ‘ directement raccordée(s) au réseau de transport ’] a le droit, en ce qui concerne ces installations de stockage, de ne pas être soumise à aucune redevance en double, y compris les tarifs de transport, pour l’électricité stockée qui reste dans ses locaux ou lorsqu’elle fournit des services de flexibilité au gestionnaire de réseau et, en ce qui concerne ces installations de stockage, n’est pas soumis[e] à des exigences [en néerlandais, il est ajouté ‘ disproportionnées ’] concernant des autorisations, telles que visées à l’article 4, ou à des redevances disproportionnées relevant de la compétence du gouvernement fédéral.
Chaque communauté énergétique citoyenne est financièrement responsable des déséquilibres qu’elle provoque sur le réseau de transport. La responsabilité est garantie pour l’équilibre de ses activités ou en déléguant cette responsabilité à une personne responsable de cet équilibre.
Le Roi peut déterminer des règles supplémentaires concernant l’exécution de ce paragraphe.
§ 2 Sans préjudice des prescriptions techniques imposées par les autorités compétentes, chaque communauté d’énergie renouvelable a le droit d’exercer une ou plusieurs des activités suivantes :
1° produire de l’énergie à partir d’une installation dont la communauté d’énergie est l’un des propriétaires ou dispose des droits d’utilisation;
2° autoconsommer l’énergie visée au point 1°;
3° stocker de l’énergie au moyen de facilités de stockages;
4° offrir des services d’énergie ou y participer;
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5° intervenir comme fournisseur de flexibilité ou d’agrégation ou participant à la flexibilité ou l’agrégation;
6° vendre l’énergie, visée au point 1°, également avec un accord d’achat d’électricité au réseau de transport;
Le Roi peut établir des règles supplémentaires concernant les conditions de reconnaissance et de participation aux communautés d’énergie renouvelable.
Une communauté d’énergie renouvelable a le droit d’exercer les activités, visées à l’alinéa 1er , sans être soumise à des exigences techniques disproportionnées ou discriminatoires, ou à des exigences administratives, à des procédures et à des redevances qui ne reflètent pas les coûts.
§ 3. Toute clause contractuelle dans un contrat de fourniture ou un autre contrat entre une communauté énergétique citoyenne et une entreprise d’électricité, ou tout paiement ou sanction abusifs dans le cadre d’un tel contrat qui portent atteinte au [en néerlandais, ‘ qui ont une incidence sur le ’] droit de la communauté énergétique citoyenne d’acheter ou de vendre des services de flexibilité ou des services d’électricité autres que la fourniture et de conclure un contrat avec un opérateur de flexibilité, ou qui portent atteinte aux droits de la communauté énergétique citoyenne mentionnés au § 1er, est nulle ».
B.6.2. L’article 19quinquies de la loi du 29 avril 1999 fait partie, avec l’article 19quater de la même loi, qui a été inséré par l’article 21 de la loi du 23 octobre 2022, du chapitre IVter (« Droits et obligations des clients actifs ») de la loi du 29 avril 1999, qui a, à son tour, été inséré par l’article 20 de la loi du 23 octobre 2022.
L’article 19quinquies de la loi du 29 avril 1999 confère divers droits et obligations aux « communautés énergétiques citoyennes » et aux « communautés d’énergie renouvelable », ces dernières constituant une sous-catégorie des « communautés énergétiques citoyennes ».
B.6.3. Une « communauté énergétique citoyenne » est, en vertu de l’article 2, 106°, de la loi du 29 avril 1999, inséré par l’article 2, 9°, de la loi du 23 octobre 2022 :
« une personne morale qui :
a) repose sur une participation ouverte et volontaire, et qui est effectivement contrôlée par des membres ou des actionnaires qui sont des personnes physiques, des autorités locales, y compris des communes, des institutions d’enseignement, des associations, d’autres communautés d’énergie ou des petites et moyennes entreprises,
b) dont le principal objectif est de proposer des avantages communautaires environnementaux, économiques ou sociaux à ses membres ou actionnaires ou aux zones locales où elle exerce ses activités, plutôt que de générer des profits financiers, et
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c) peut prendre part à la production, y compris à partir de sources renouvelables, à la distribution, à la fourniture, à la consommation, à l’agrégation, et au stockage d’énergie, ou fournir des services liés à l’efficacité énergétique, des services de recharge pour les véhicules électriques ou d’autres services énergétiques à ses membres ou actionnaires ».
Une « communauté d’énergie renouvelable » est, en vertu de l’article 2, 107°, de la loi du 29 avril 1999, également inséré par l’article 2, 9°, de la loi du 23 octobre 2022 :
« une communauté énergétique citoyenne :
a) qui repose sur une participation ouverte et volontaire, qui est autonome et mène ses activités en Belgique,
b) dont les actionnaires ou les membres sont des personnes physiques, des autorités locales, y compris des communes, les institutions d’enseignement, les associations, d’autres communautés d’énergie, ou des petites ou moyennes entreprises à condition que leur participation ne constitue pas leur principale activité commerciale ou professionnelle,
c) dont le principal objectif est de fournir des avantages environnementaux, économiques ou sociaux à ses actionnaires ou à ses membres, plutôt que de générer des profits,
d) où la communauté d’énergie citoyenne détient des parts dans une personne morale qui possède des projets d’énergie renouvelable développés pour cette personne morale,
e) où la production d’énergie, l’autoconsommation, le stockage, la vente et le partage de l’énergie ne concernent que l’énergie provenant de sources renouvelables,
f) qui ont leurs activités exclusivement dans la mer territoriale et la zone économique exclusive ».
B.6.4. La première branche du premier moyen du Gouvernement flamand porte exclusivement sur le paragraphe 3 de l’article 19quinquies de la loi du 29 avril 1999 et uniquement sur le fait que cette disposition prévoit la nullité des clauses de contrats entre une communauté énergétique citoyenne et une entreprise d’électricité qui, selon la version néerlandaise du texte, ont une incidence sur le ou qui, selon la version française du texte, portent atteinte au droit de la communauté énergétique citoyenne d’acheter ou de vendre des services de flexibilité et de conclure un contrat avec un opérateur de flexibilité.
B.7.1. En vertu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes pour :
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« En ce qui concerne la politique de l’énergie :
Les aspects régionaux de l’énergie, et en tout cas :
a) La distribution et le transport local d’électricité au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts, y compris les tarifs des réseaux de distribution d’électricité, à l’exception des tarifs des réseaux ayant une fonction de transport et qui sont opérés par le même gestionnaire que le réseau de transport ».
B.7.2. L’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980 réserve toutefois à l’autorité fédérale les compétences concernant les matières « dont l’indivisibilité technique et économique requiert une mise en œuvre homogène sur le plan national, à savoir : [...] Les grandes infrastructures de stockage; le transport et la production de l’énergie ».
B.7.3. Concernant l’articulation entre les compétences attribuées aux régions et celles qui sont réservées à l’autorité fédérale, les travaux préparatoires de la loi spéciale du 8 août 1988
modifiant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles exposent :
« Concernant la politique de l’énergie, les Régions sont compétentes pour les aspects régionaux de la politique de l’énergie et, en tout cas, pour les matières énumérées au premier alinéa de l’article 6, § 1er, VII, à la seule exception des matières dont l’indivisibilité technique et économique [requiert] une mise en œuvre homogène sur le plan national, matières limitativement et exhaustivement énumérées après les mots ‘ à savoir : ’. L’autorité nationale est compétente pour les exceptions précitées, ainsi que pour les aspects non régionaux de la politique de l’énergie » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 405/2, p. 111).
Le législateur spécial a donc conçu la politique de l’énergie comme une compétence exclusive partagée, dans le cadre de laquelle la distribution et le transport local d’électricité (au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts) sont confiés aux régions, tandis que le transport (non local) d’électricité continue à relever de la compétence du législateur fédéral.
B.8. L’autorité fédérale est en outre, en vertu de l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980, seule compétente pour :
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« le droit de la concurrence et le droit des pratiques du commerce, à l’exception de l’attribution des labels de qualité et des appellations d’origine, de caractère régional ou local ».
B.9. La disposition attaquée n’a pas pour objet de régler des services de flexibilité, mais bien de sanctionner des clauses contractuelles que le législateur fédéral estime indésirables parce que, selon la version néerlandaise, elles ont une incidence sur le droit de la communauté énergétique citoyenne d’acheter ou de vendre des services de flexibilité et de conclure un contrat avec un opérateur de flexibilité ou, selon la version française, elles portent atteinte à ce droit. Les clauses sanctionnées sont, en d’autres termes, comptées parmi les pratiques commerciales déloyales.
La disposition attaquée relève en conséquence du droit des pratiques du commerce, pour lequel l’autorité fédérale est exclusivement compétente. Le fait que la disposition attaquée ait un champ d’application spécifique et porte sur un secteur qui relève partiellement de la compétence des régions n’y change rien.
B.10. Le premier moyen, en sa première branche, n’est pas fondé.
Deuxième branche du premier moyen
B.11. Dans la deuxième branche du premier moyen, le Gouvernement flamand fait valoir que l’article 22 de la loi du 23 octobre 2022 viole l’article 6, § 1er, I et II, de la loi spéciale du 8 août 1980, en ce que cette disposition insère un article 19quinquies, § 1er, dans la loi du 29 avril 1999, qui interdit de manière générale les exigences disproportionnées concernant des autorisations, alors que l’autorité fédérale ne peut pas imposer une telle interdiction à l’égard des autorisations pour lesquelles les régions sont compétentes.
B.12.1. En vertu de l’article 6, § 1er, I et II, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes pour :
« I. En ce qui concerne l’aménagement du territoire :
1° L’urbanisme et l’aménagement du territoire;
2° Les plans d’alignement de la voirie communale;
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3° L’acquisition, l’aménagement, l’équipement de terrains à l’usage de l’industrie, de l’artisanat et des services, ou d’autres infrastructures d’accueil aux investisseurs, y compris les investissements pour l’équipement des zones industrielles avoisinant les ports et leur mise à la disposition des utilisateurs;
4° La rénovation urbaine;
5° La rénovation des sites d’activité économique désaffectés;
6° La politique foncière;
7° Les monuments et les sites.
II. En ce qui concerne l’environnement et la politique de l’eau :
1° La protection de l’environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l’eau et de l’air contre la pollution et les agressions ainsi que la lutte contre le bruit;
2° La politique des déchets;
3° La police des établissements dangereux, insalubres et incommodes sous réserve des mesures de police interne qui concernent la protection du travail;
4° La protection et la distribution d’eau, en ce compris la réglementation technique relative à la qualité de l’eau potable, l’épuration des eaux usées et l’égouttage;
5° L’intervention financière à la suite de dommages causés par des calamités publiques ».
En vertu de l’article 6, § 1er, I et II, alinéa 2, de la même loi spéciale, l’autorité fédérale est toutefois compétente pour :
« 1° L’établissement des normes de produits;
2° La protection contre les radiations ionisantes, en ce compris les déchets radioactifs ».
B.12.2. En vertu de leurs compétences en matière d’aménagement du territoire, d’environnement et de politique de l’eau, les régions ont créé des systèmes d’autorisations.
B.13.1. L’article 19quinquies, § 1er, de la loi du 29 avril 1999 dispose qu’il est interdit de soumettre des installations de stockage d’énergie de communautés énergétiques citoyennes qui sont directement raccordées au réseau de transport à des « exigences [en néerlandais, il est ajouté ‘ disproportionnées ’] concernant des autorisations, telles que visées à l’article 4 ». Il ressort du texte de cette disposition que l’interdiction d’exigences disproportionnées concernant
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des autorisations porte exclusivement sur les autorisations visées à l’article 4 de la loi du 29 avril 1999.
B.13.2. L’article 4 de la loi du 29 avril 1999 subordonne « l’établissement et l’exploitation de nouvelles installations de production d’électricité, ainsi que les nouvelles grandes installations de stockage d’énergie, la révision, le renouvellement, la renonciation, le transfert et toute autre modification d’une autorisation individuelle délivrée sur base de cet article » à une autorisation préalable délivrée par le ministre. Le ministre mentionné à l’article 4 de la loi du 29 avril 1999 est, en vertu de l’article 2, 25°, de la même loi, le ministre fédéral compétent pour l’Énergie.
B.13.3. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, l’interdiction d’exigences disproportionnées concernant des autorisations contenue dans l’article 19quinquies, § 1er, de la loi du 29 avril 1999 ne porte dès lors pas sur une quelconque autorisation délivrée par les régions. Il s’agit exclusivement d’autorisations qui, à l’instar de celles qui sont visées par l’article 4 de la loi du 29 avril 1999, sont délivrées par l’autorité fédérale en vertu de la législation fédérale.
B.14. Le premier moyen, en sa deuxième branche, n’est pas fondé.
Troisième branche du premier moyen
B.15. Dans la troisième branche du premier moyen, le Gouvernement flamand fait valoir que l’article 11, 2°, de la loi du 23 octobre 2022 viole l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, en ce que cette disposition, qui modifie l’article 12, § 5, de la loi du 29 avril 1999, instaure une garantie tarifaire qui porte sur toutes les communautés énergétiques citoyennes et sur tous les tarifs de réseau, alors que la réglementation de la distribution et des tarifs des réseaux de distribution est réservée aux régions.
B.16.1. En vertu de l’article 12, § 1er, de la loi du 29 avril 1999, le raccordement, l’utilisation des infrastructures et des systèmes électriques et, le cas échéant, les services auxiliaires du gestionnaire du réseau, qui est défini à l’article 2, 8°, de la même loi comme étant
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le « gestionnaire du réseau de transport désigné conformément à l’article 10 », font l’objet de tarifs pour la gestion du réseau de transport et des réseaux ayant une fonction de transport.
En vertu de l’article 12, § 2, de la loi du 29 avril 1999, la commission, c’est-à-dire la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (ci-après : la CREG), créée par l’article 23
de la loi du 29 avril 1999 (article 2, 26°, de la loi du 29 avril 1999), établit la méthodologie tarifaire que doit utiliser ce gestionnaire de réseau pour l’établissement de sa proposition tarifaire. Elle le fait après concertation structurée, documentée et transparente avec le gestionnaire du réseau ou selon une procédure déterminée de commun accord avec le gestionnaire du réseau sur la base d’un accord explicite, transparent et non discriminatoire. Pour établir la méthodologie tarifaire, la CREG doit prendre en compte les lignes directrices contenues dans l’article 12, § 5, de la loi du 29 avril 1999.
B.16.2. La disposition attaquée complète l’article 12, § 5, de la loi du 29 avril 1999 par deux lignes directrices supplémentaires :
« 28° les clients actifs sont soumis à des tarifs de réseau transparents et non-
discriminatoires qui reflètent les coûts, l’électricité injectée dans le réseau et l’électricité consommée à partir du réseau étant imputées séparément, conformément à l’article 18 du Règlement (UE) 2019/943, où il est veillé à ce qu’ils contribuent de manière adéquate et équilibrée au partage du coût global du système;
29° les communautés énergétiques citoyennes sont soumises à des tarifs de réseau transparents et non discriminatoires [en néerlandais, il est ajouté ‘ qui reflètent les coûts et ’]
qui garantissent qu’ils contribuent de manière adéquate et équilibrée au partage du coût global du réseau de transport ».
La troisième branche du premier moyen du Gouvernement flamand porte exclusivement sur l’article 12, § 5, 29°, de la loi du 29 avril 1999, inséré par la disposition attaquée.
B.17.1. L’autorité fédérale est, en vertu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, d), de la loi spéciale du 8 août 1980, compétente pour :
« les tarifs, en ce compris la politique des prix, sans préjudice de la compétence régionale en matière de tarifs visée à l’alinéa 1er, a) et b) ».
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La compétence régionale en matière de tarifs visée à l’alinéa 1er, a), porte sur les tarifs des réseaux de distribution d’électricité, à l’exception des tarifs des réseaux qui ont une fonction de transport et qui sont opérés par le même gestionnaire que le réseau de transport. La compétence régionale en matière de tarifs visée à l’alinéa 1er, b), porte sur les tarifs des réseaux de distribution publique du gaz, à l’exception des tarifs des réseaux qui ont également une fonction de transport du gaz naturel et qui sont opérés par le même gestionnaire que le réseau de transport du gaz naturel.
B.17.2. Par conséquent, en ce qui concerne les tarifs d’électricité, l’autorité fédérale est compétente pour les tarifs du réseau de transport et les tarifs des réseaux qui ont une fonction de transport et qui sont opérés par le même gestionnaire que le réseau de transport.
B.18. La disposition attaquée prévoit une ligne directrice dont la CREG doit tenir compte lorsqu’elle établit la méthodologie tarifaire que le gestionnaire du réseau de transport doit utiliser lorsqu’il établit sa proposition tarifaire en ce qui concerne les tarifs du réseau de transport et les tarifs des réseaux qui ont une fonction de transport. Dans ce contexte, les mots « tarifs de réseau » inscrits dans la disposition attaquée ne peuvent être interprétés qu’en ce sens qu’ils se réfèrent exclusivement au réseau de transport et aux réseaux qui ont une fonction de transport.
La disposition attaquée n’a, en tout état de cause, une incidence que sur la fixation des tarifs facturés par le gestionnaire du réseau de transport pour la gestion du réseau de transport et des réseaux qui ont une fonction de transport. Comme il est dit en B.17.2, l’autorité fédérale est seule compétente pour ces tarifs. Le fait que ces tarifs sont facturés aux gestionnaires de réseau de distribution régionaux, qui les facturent à leur tour aux utilisateurs du réseau de distribution, n’y change rien.
B.19. Le premier moyen, en sa troisième branche, n’est pas fondé.
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En ce qui concerne le deuxième moyen
Première branche du deuxième moyen
B.20. Dans la première branche du deuxième moyen, le Gouvernement flamand fait valoir que l’article 2, 9°, de la loi du 23 octobre 2022 viole l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, en ce que cette disposition insère une définition de « client actif »
qui n’est pas limitée aux clients actifs raccordés au réseau de transport, alors que l’autorité fédérale n’est compétente que pour les clients actifs raccordés au réseau de transport.
B.21.1. L’article 2, 104°, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 2, 9°, de la loi du 23 octobre 2022, définit le « client actif » comme :
« un client final, ou un groupe de clients finals agissant conjointement, qui consomme ou stocke de l’électricité produite dans ses locaux situés à l’intérieur d’une zone limitée, ou dans d’autres locaux limités, ou qui vend l’électricité qu’il a lui-même produite ou participe à des programmes de flexibilité ou d’efficacité énergétique, à condition que ces activités ne constituent pas son activité commerciale ou professionnelle principale ».
L’article 2, 14°, de la loi du 29 avril 1999 définit le « client final » comme :
« toute personne physique ou morale achetant de l’électricité pour son propre usage ».
B.21.2. La définition de client actif n’exclut pas que des clients finals ou un groupe de clients finals agissant conjointement qui sont raccordés à un réseau dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts soient qualifiés de clients actifs.
B.22.1. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, il n’en résulte pas que la disposition attaquée violerait les règles répartitrices de compétences. Bien qu’il soit exact que l’autorité fédérale n’est compétente qu’à l’égard des clients actifs raccordés à un réseau dont la tension nominale est supérieure à 70 000 volts pour régler l’ensemble de leur statut, elle peut également, dans une mesure plus limitée, légiférer à l’égard des clients actifs qui sont raccordés à un réseau dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts.
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Le transport d’électricité sur les réseaux dont la tension nominale est supérieure à 70 000 volts n’est en effet pas la seule compétence en matière de politique de l’énergie qui a été réservée à l’autorité fédérale. Cette dernière est aussi compétente, notamment, pour les grandes infrastructures de stockage d’énergie et pour la production d’énergie, à l’exception des nouvelles sources d’énergie autres que l’énergie nucléaire (article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980). L’autorité fédérale est par ailleurs également exclusivement compétente pour la politique de l’énergie dans les espaces marins situés en dehors de la sphère de compétence territoriale des régions. Enfin, une réglementation relative aux clients actifs raccordés à un réseau dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts peut relever d’une compétence fédérale en dehors de la politique de l’énergie, comme la compétence fédérale en matière de protection des consommateurs (article 6, § 1er, VI, alinéa 4, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980).
B.22.2. Étant donné que l’autorité fédérale peut, dans cette mesure, légiférer à l’égard de tous les clients actifs, elle peut prévoir une définition de client actif qui ne tienne pas compte du réseau auquel le client final ou un groupe de clients finals agissant conjointement sont raccordés.
Le deuxième moyen, en sa première branche, n’est pas fondé.
Deuxième branche du deuxième moyen
B.23. Dans la deuxième branche du deuxième moyen, le Gouvernement flamand fait valoir que l’article 11, 2°, de la loi du 23 octobre 2022 viole l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), et alinéa 2, d), de la loi spéciale du 8 août 1980, en ce que cette disposition, qui modifie l’article 12, § 5, de la loi du 29 avril 1999, impose une garantie tarifaire aux clients actifs qui porte sur tous les tarifs de réseau, alors que la réglementation de la distribution et des tarifs des réseaux de distribution est réservée aux régions.
B.24. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été mentionnés ci-avant en B.18, les mots « tarifs de réseau » contenus dans l’article 12, § 5, 28°, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 11, 2°, de la loi du 23 octobre 2022, doivent être interprétés en ce sens qu’ils se réfèrent exclusivement au réseau de transport et aux réseaux qui ont une fonction de transport
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et il convient de constater que cette disposition a uniquement une incidence sur la fixation des tarifs que le gestionnaire du réseau de transport facture pour la gestion du réseau de transport et des réseaux qui ont une fonction de transport, pour lesquels l’autorité fédérale est exclusivement compétente.
L’article 12, § 5, 28°, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 11, 2°, de la loi du 23 octobre 2022, s’inscrit dès lors dans la compétence fédérale relative aux tarifs du réseau de transport et aux tarifs des réseaux qui ont une fonction de transport et qui sont opérés par le même gestionnaire que le réseau de transport. Ici encore, le fait que ces tarifs sont facturés aux gestionnaires de réseau de distribution régionaux, qui les facturent à leur tour aux utilisateurs du réseau de distribution, n’y change rien.
B.25. Le deuxième moyen, en sa deuxième branche, n’est pas fondé.
Troisième branche du deuxième moyen
B.26. Dans la troisième branche du deuxième moyen, le Gouvernement flamand fait valoir que l’article 21 de la loi du 23 octobre 2022, qui insère l’article 19quater dans la loi du 29 avril 1999, viole l’article 6, § 1er, I, II et VII, alinéa 1er, a), et alinéa 2, d), de la loi spéciale du 8 août 1980, en ce que cette disposition donne à tous les clients actifs qui sont propriétaires d’une installation de stockage d’énergie le droit de fournir plusieurs services d’électricité simultanément (article 19quater, § 1er, alinéa 2, 2°, de la loi du 29 avril 1999), de n’être soumis à aucune redevance en double pour l’électricité stockée qui reste dans leurs locaux (article 19quater, § 1er, alinéa 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999) et de ne pas être soumis à des exigences disproportionnées en matière d’autorisations (article 19quater, § 1er, alinéa 2, 4°, de la loi du 29 avril 1999), alors que les matières relatives à la distribution, aux tarifs des réseaux de distribution, à l’aménagement du territoire et à l’environnement sont réservées aux régions.
B.27.1. L’article 19quater de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 21
de la loi du 23 octobre 2022, dispose :
« § 1er. Sans préjudice des prescriptions techniques imposées par les autorités compétentes, chaque client actif raccordé au réseau de transport dispose des droits suivants :
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1° le droit de participer à des services d’électricité;
2° le droit de conclure un contrat d’agrégation, sans être tenu d’obtenir le consentement d’autres acteurs du marché;
3° le droit de vendre de l’électricité autoproduite, y compris par des accords d’achat d’électricité;
4° le droit de valoriser sa flexibilité, conformément à l’article 19bis;
5° le droit de déléguer à un tiers la gestion des installations requises pour ses activités, y compris l’installation, le fonctionnement, le traitement des données et la maintenance, sans que ce tiers soit considéré comme un client actif;
6° le droit de consommer l’électricité autoproduite;
7° le droit de stocker l’électricité au moyen d’une installation de stockage d’énergie, que cette électricité soit autoproduite ou prélevée sur le réseau.
Un client actif propriétaire d’une installation de stockage d’énergie :
1° a le droit de connecter cette installation au réseau de transport dans un délai raisonnable et le cas échéant;
2° a le droit de fournir plusieurs services d’électricité simultanément, si cela est techniquement réalisable;
3° n’est soumis à aucune redevance en double, y compris les tarifs de réseau de transmission, pour l’électricité stockée qui reste dans ses locaux ou lorsqu’il fournit des services de flexibilité au gestionnaire de réseau;
4° et n’est pas soumis à des exigences [en néerlandais, il est ajouté ‘ disproportionnées ’]
concernant les autorisations telles que visées à l’article 4, ou à des redevances disproportionnées.
Le client actif a le droit d’exercer les activités visées à l’alinéa 1er, sans être soumis à des exigences techniques disproportionnées ou discriminatoires, ou à des exigences administratives, à des procédures et à des redevances qui ne reflètent pas les coûts.
Chaque client actif est financièrement responsable des déséquilibres qu’il provoque sur le réseau de transport. La responsabilité est garantie pour l’équilibre de ses activités ou en déléguant cette responsabilité à une personne responsable de cet équilibre.
Dans le règlement technique visé à l’article 11, § 1er, le Roi peut fixer les modalités de la responsabilité financière du client actif pour les déséquilibres qu’il provoque sur le réseau de transport.
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§ 2. Toute clause contractuelle dans un contrat de fourniture ou un autre contrat conclu entre un client ou une entreprise raccordée au réseau de transport et une entreprise d’électricité, ou tout paiement ou toute sanction abusifs dans le cadre d’un tel contrat, qui porte atteinte au droit du client ou de l’entreprise raccordé au réseau de transport d’acheter ou de vendre des services de flexibilité ou des services d’électricité autres que la fourniture ou de conclure un contrat avec un opérateur de flexibilité, ou qui porte atteinte aux droits du client actif tels qu’énumérés au paragraphe 1er, est nulle ».
B.27.2. La troisième branche du deuxième moyen du Gouvernement flamand porte exclusivement sur l’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 2°, de la loi du 29 avril 1999, sur l’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 3°, de la même loi en ce qu’il interdit les redevances en double pour l’électricité stockée qui reste dans les locaux du client, et sur l’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 4°, de la même loi en ce qu’il interdit les exigences disproportionnées en matière d’autorisations. En ce que le Gouvernement flamand développe dans son mémoire en réponse pour la première fois un grief en ce qui concerne le droit de ne pas être soumis à des redevances disproportionnées, qui est également contenu dans l’article 19quater, alinéa 2, 4°, de la loi du 29 avril 1999, il s’agit d’un moyen nouveau, qui est irrecevable en vertu de l’article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.
B.28.1. L’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 2°, de la loi du 29 avril 1999 donne aux clients actifs propriétaires d’une installation de stockage d’énergie le droit de fournir plusieurs services d’électricité simultanément, si cela est techniquement réalisable.
B.28.2. Le Gouvernement flamand soutient que cette disposition est applicable à tous les clients actifs, y compris ceux qui sont raccordés à un réseau qui relève de la compétence des régions.
B.28.3 Comme le fait valoir le Conseil des ministres, l’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 2°, de la loi du 29 avril 1999 doit être interprété en ce sens qu’il ne donne à des clients actifs le droit de fournir plusieurs services d’électricité simultanément, si cela est techniquement possible, que dans la mesure où ces clients actifs sont raccordés au réseau de transport. Cette interprétation tient compte de l’article 19quater, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999, dont le champ d’application est bien explicitement limité aux clients actifs raccordés au réseau de transport, ainsi que des travaux préparatoires, qui mentionnent :
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« [L’article 21 de la loi du 23 octobre 2022] vise à insérer un article 19quater dans lequel les droits et obligations des clients actifs connectés au réseau de transport sont précisés » (Doc.
parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2831/001, p. 30).
Dans cette interprétation, l’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 2°, de la loi du 29 avril 1999
est conforme aux règles répartitrices de compétences contenues dans l’article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.29.1. L’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999 donne aux clients actifs propriétaires d’une installation de stockage d’énergie le droit de n’être soumis à aucune redevance en double, y compris les tarifs de réseau de transport, pour l’électricité stockée qui reste dans leurs locaux.
B.29.2. Le Gouvernement flamand soutient que cette disposition vise tous les tarifs de réseau, y compris les tarifs des réseaux de distribution, pour lesquels les régions sont compétentes.
B.29.3. Comme le fait valoir le Conseil des ministres, l’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999 doit être interprété en ce sens qu’il porte exclusivement sur les tarifs autres que les tarifs des réseaux de distribution et autres que les tarifs des réseaux ayant une fonction de transport et qui ne sont pas opérés par le gestionnaire du réseau de transport.
Dans cette interprétation, l’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999
est conforme aux règles répartitrices de compétences contenues dans l’article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.30.1. L’article 19quater, § 1er, alinéa 2, 4°, de la loi du 29 avril 1999 donne aux clients actifs propriétaires d’une installation de stockage d’énergie le droit de ne pas être soumis à des exigences disproportionnées en ce qui concerne les autorisations telles que visées à l’article 4.
B.30.2. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés en B.13.1 à B.13.3, cette disposition porte exclusivement sur les autorisations qui, à l’instar de celles qui sont visées par
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l’article 4 de la loi du 29 avril 1999, sont délivrées par l’autorité fédérale en vertu de la législation fédérale.
Cette disposition ne porte donc pas atteinte à une compétence réservée aux régions.
B.31. Sous réserve des interprétations mentionnées en B.28.3 et en B.29.3, le deuxième moyen, en sa troisième branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne le troisième moyen
B.32. Dans le troisième moyen, le Gouvernement flamand fait valoir que l’article 14, 2°, de la loi du 23 octobre 2022, qui complète l’article 18, § 2/3, de la loi du 29 avril 1999, viole l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, en ce que cette disposition autorise les fournisseurs, sous certaines conditions, à facturer des frais de résiliation à des clients non résidentiels ou qui ne sont pas des PME, alors qu’il appartient aux régions de régler la position du client au niveau de la distribution.
B.33. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement flamand fait valoir en outre, en ordre subsidiaire, que cette même disposition viole le principe de proportionnalité en matière de répartition des compétences.
Dès lors que ce grief est formulé pour la première fois dans ce mémoire, il y a lieu de le considérer comme un moyen nouveau, qui est irrecevable en vertu de l’article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989.
B.34.1. L’article 18, § 2/3, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il était applicable avant sa modification par l’article 14 de la loi du 23 octobre 2022, disposait :
« Le client résidentiel ou la P.M.E. a le droit de mettre fin à tout moment à un contrat de fourniture continue d’électricité, qu’il soit à durée déterminée ou à durée indéterminée, à condition de respecter un délai de préavis d’un mois.
Toute clause contractuelle qui porte préjudice à ce droit, est nulle de plein droit.
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Sauf convention contraire expresse, le fournisseur avec lequel le client résidentiel ou la P.M.E. conclut un contrat de fourniture continue d’électricité est présumé être mandaté pour exercer le droit visé à l’alinéa 1er.
Lorsque le client résidentiel ou la P.M.E. fait utilisation du droit lui octroyé par l’alinéa 1er, aucune indemnité ne peut lui être portée en compte ».
B.34.2. L’article 14, 2°, de la loi du 23 octobre 2022 a ajouté deux alinéas à cette disposition, rédigés comme suit :
« Sans préjudice de ce qui précède à l’alinéa 4, les fournisseurs peuvent facturer des frais de résiliation de contrat à des clients non résidentiels ou qui ne sont pas des PME et que ces clients résilient de leur plein gré leur contrat de fourniture d’électricité à durée déterminée et à prix fixe avant l’échéance de leur contrat, pour autant que ces frais relèvent d’un contrat que le client a conclu de son plein gré et qu’ils soient clairement communiqués au client avant la conclusion du contrat. Ces frais sont proportionnés et ne dépassent pas la perte économique directe subie par le fournisseur du fait de la résiliation du contrat par le client, y compris les coûts de tout investissement groupé ou des services qui ont déjà été fournis au client dans le cadre du contrat. La charge de la preuve de la perte économique directe incombe au fournisseur et l’admissibilité des frais de résiliation de contrat fait l’objet d’une surveillance de la part de la commission.
Le délai de préavis maximum, stipulé dans l’alinéa 1er, et l’interdiction de facturer des frais de résiliation, stipulée dans l’alinéa 4, s’appliquent également aux clients résidentiels qui participent à des dispositifs collectifs de changement de fournisseur ».
Le troisième moyen est exclusivement dirigé contre le premier de ces deux alinéas insérés par l’article 14, 2°, de la loi du 23 octobre 2022.
B.35.1. La disposition attaquée reconnaît le droit des fournisseurs de facturer des frais de résiliation de contrat à des clients non résidentiels ou qui ne sont pas des PME qui résilient de leur plein gré leur contrat de fourniture d’électricité à durée déterminée et à prix fixe avant l’échéance de leur contrat, mais prévoit plusieurs conditions à cet égard. Ces conditions visent à protéger les clients non résidentiels ou qui ne sont pas des PME contre les pratiques commerciales déloyales, à savoir contre des frais de résiliation de contrat non volontaires, inattendus et disproportionnés.
B.35.2. La disposition attaquée s’inscrit dès lors dans le cadre de la compétence fédérale exclusive relative au droit des pratiques du commerce (article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4°, de la loi
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spéciale du 8 août 1980). La circonstance qu’elle est également applicable aux clients qui sont raccordés à un réseau qui relève de la compétence des régions n’y change rien. En effet, en vertu de l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980, il relève également de la compétence de l’autorité fédérale de régler l’application du « droit des pratiques du commerce » mentionné dans cette disposition à un secteur d’activités spécifique, même si ce secteur relève entièrement ou partiellement de la compétence des communautés ou des régions.
B.36. Le troisième moyen n’est pas fondé.
En ce qui concerne le quatrième moyen
B.37. Dans le quatrième moyen, le Gouvernement flamand fait valoir que l’article 3 de la loi du 23 octobre 2022, qui modifie l’article 4, § 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999, viole l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, f), de la loi spéciale du 8 août 1980, en ce que cette disposition prévoit un critère d’octroi d’autorisations sur la base duquel il faut vérifier dans quelle mesure l’installation de production ou de stockage concernée contribue à la réalisation des objectifs de l’Union européenne en matière d’énergie renouvelable, alors que les matières relatives à l’énergie renouvelable sont réservées aux régions.
B.38.1. L’article 4, §§ 1er et 2, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il était applicable avant sa modification par l’article 3 de la loi du 23 octobre 2022, disposait :
« § 1. A l’exception des installations de production industrielle d’électricité à partir de la fission de combustibles nucléaires qui ne peuvent plus faire l’objet d’autorisations conformément aux articles 3 et 4 de la loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité, l’établissement et l’exploitation de nouvelles installations de production d’électricité, y compris les installations de stockage d’énergie, la révision, le renouvellement, la renonciation, le transfert et toute autre modification d’une autorisation individuelle délivrée sur base de cet article sont soumis à l’octroi préalable d’une autorisation individuelle délivrée par le ministre après avis de la commission.
Les autorisations visées à l’alinéa 1er, sont valables pour une durée indéterminée. Par dérogation, le Roi peut, après avis de la commission, déterminer la durée de validité des autorisations ou de certaines catégories d’autorisations.
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Après avis de la commission, le Roi peut, aux conditions qu’il définit :
1° étendre le champ d’application du premier alinéa à des transformations ou autres aménagements d’installations existantes;
2° exempter d’autorisation l’établissement d’installations de faible puissance, d’installations de production temporaire, et groupes de secours permettant l’îlotage et les soumettre à une procédure de déclaration préalable à la Direction générale de l’Energie et à la commission.
§ 2. Après avis de la commission, le Roi fixe les critères d’octroi des autorisations visées au § 1er, premier alinéa. Ces critères peuvent notamment porter sur :
1° la sécurité et la sûreté des réseaux électriques, des installations et des équipements associés;
2° l’efficacité énergétique de l’installation proposée, compte tenu des engagements internationaux de la Belgique notamment en matière de protection de l’environnement;
3° la nature des sources primaires, la contribution de l’installation, comme visée au paragraphe 1er, à la réalisation de l’objectif général de l’Union européenne fixé par la Directive 2009/28/CE ainsi que la contribution de l’installation, comme visée au paragraphe 1er, à la réduction des émissions;
4° l’honorabilité et l’expérience professionnelles du demandeur, ses capacités techniques, économiques et financières et la qualité de son organisation;
5° des obligations de service public, notamment en matière de régularité et de qualité des fournitures d’électricité;
6° la protection de la santé et de la sécurité publiques;
7° la capacité de l’installation à participer aux services auxiliaires automatiques de réglage primaire de la fréquence et de réglage secondaire automatique de l’équilibre de la zone de réglage belge;
8° exclusivement en ce qui concerne les autorisations d’installations de production : les solutions alternatives à la construction de nouvelles capacités de production, telles que des solutions pour une participation active à la demande et au stockage d’énergie ».
B.38.2. L’article 3 de la loi du 23 octobre 2022 a remplacé, dans l’article 4, § 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999, les mots « la contribution de l’installation, comme visée au paragraphe 1er, à la réalisation de l’objectif général de l’Union européenne fixé par la directive 2009/28/CE »
par les mots « la contribution de l’installation, comme visée au paragraphe 1er, à la réalisation de l’objectif général de l’Union, qui vise une part d’au moins 32 % d’énergie provenant de
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sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie de l’Union en 2030, visé à l’article 3, par. 1er, de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européenne et du Conseil ».
B.38.3. L’article 3, paragraphe 1, de la directive (UE) 2018/2001 dispose :
« Les États membres veillent collectivement à ce que la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie de l’Union en 2030 soit d’au moins 32 %. La Commission évalue cet objectif, en vue de présenter d’ici à 2023 une proposition législative destinée à l’augmenter en cas de nouvelle baisse sensible des coûts de la production d’énergie renouvelable, si cela est nécessaire afin de respecter les engagements internationaux pris par l’Union en matière de décarbonisation, ou si une diminution importante de la consommation d’énergie dans l’Union justifie cette augmentation ».
L’article 2, deuxième alinéa, 1), de la directive (UE) 2018/2001 définit l’énergie produite à partir de sources renouvelables et l’énergie renouvelable comme suit :
« une énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir l’énergie éolienne, l’énergie solaire (solaire thermique et solaire photovoltaïque) et géothermique, l’énergie ambiante, l’énergie marémotrice, houlomotrice et d’autres énergies marines, l’énergie hydroélectrique, la biomasse, les gaz de décharge, les gaz des stations d’épuration d’eaux usées et le biogaz ».
L’article 2, 4°, de la loi du 29 avril 1999 définit à son tour les sources d’énergie renouvelables comme suit :
« les sources d’énergie non fossiles renouvelables (énergie éolienne, solaire, géothermique, houlomotrice, marémotrice et hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées et biogaz) ».
B.39.1. En vertu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, f) et h), de la loi spéciale du 8 août 1980, relèvent des aspects régionaux de l’énergie :
« f) Les sources nouvelles d’énergie à l’exception de celles liées à l’énergie nucléaire;
[...]
h) L’utilisation rationnelle de l’énergie ».
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B.39.2. En vertu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980, l’autorité fédérale est compétente pour « les grandes infrastructures de stockage; le transport et la production de l’énergie ». Compte tenu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, f), de cette même loi spéciale, le terme « production » ne comprend toutefois pas « ‘ les nouvelles sources d’énergie, à l’exception de celles liées à l’énergie nucléaire ’ […], pour autant du moins que ne soit pas mise en cause l’indivisibilité technique et économique » (Doc. parl., Chambre, S.E.
1988, n° 516/1, p. 12).
B.40.1. L’article 4, § 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été modifié par la disposition attaquée, habilite le Roi à fixer les critères d’octroi des autorisations visées à l’article 4, § 1er, alinéa 1er, de la même loi qui portent sur la contribution de l’installation à la réalisation de l’objectif général de l’Union, qui vise une part d’au moins 32 % d’énergie provenant de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie de l’Union en 2030. Le Roi est ainsi habilité à déterminer des critères d’octroi d’autorisations en rapport avec la promotion de l’énergie renouvelable.
B.40.2. En vertu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, f) et h), de la loi spéciale du 8 août 1980, la promotion des sources d’énergie renouvelables relève toutefois, sauf dans les espaces marins qui se situent en dehors de la sphère de compétence territoriale des régions, de la compétence des régions. La disposition attaquée porte donc atteinte à cette compétence en ce qu’elle concerne des installations qui sont situées dans la sphère de compétence territoriale des régions. Contrairement à ce que fait valoir le Conseil des ministres, la disposition attaquée ne peut pas non plus, en ce qui concerne les installations qui sont situées dans la sphère de compétence territoriale des régions, s’inscrire dans le cadre de la compétence fédérale réservée relative « [aux] grandes infrastructures de stockage; [au] transport et [à] la production de l’énergie ». Elle n’est en effet pas nécessaire pour pouvoir exercer cette compétence.
B.41. Le quatrième moyen est fondé dans cette mesure.
L’article 3 de la loi du 23 octobre 2022 doit être annulé, sauf en ce qu’il concerne les installations dans les espaces marins qui se situent en dehors de la sphère de compétence territoriale des régions.
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En ce qui concerne le cinquième moyen
B.42. Dans le cinquième moyen, le Gouvernement flamand fait valoir que l’article 2, 6° et 9°, de la loi du 23 octobre 2022 viole l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, en ce que ces dispositions insèrent respectivement une définition de « service auxiliaire » et une définition de « service auxiliaire non lié au réglage de la fréquence » qui portent également sur les services au niveau de la distribution, alors que la réglementation de ces services au niveau de la distribution est réservée aux régions.
Selon le Gouvernement flamand, cet excès de compétence se manifeste en outre particulièrement lorsque les dispositions attaquées sont lues en combinaison avec l’article 8, § 1er et § 1er/1, alinéa 3, et avec l’article 18, § 1er, alinéas 1er et 3, de la loi du 29 avril 1999.
B.43. L’article 2, 45°, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été remplacé par l’article 2, 6°, de la loi du 23 octobre 2022, définit la notion de « service auxiliaire » comme suit :
« un service nécessaire à l’exploitation d’un réseau de transport ou de distribution, incluant les services d’équilibrage et les services auxiliaires non liés au réglage de la fréquence, mais ne comprenant pas la gestion de la congestion ».
L’article 2, 114°, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 2, 9°, de la loi du 23 octobre 2022, définit la notion de « service auxiliaire non lié au réglage de la fréquence »
comme suit :
« un service utilisé par un gestionnaire de réseau de transport ou un gestionnaire de réseau de distribution pour le réglage de la tension en régime permanent, l’injection rapide de puissance réactive, l’inertie aux fins de la stabilité locale du réseau, le courant de court-circuit, la capacité de démarrage autonome et la capacité d’îlotage ».
B.44. Ces définitions n’excluent pas que des services utilisés par un gestionnaire de réseau de distribution pour un réseau dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts soient qualifiés de service auxiliaire ou de service auxiliaire non lié au réglage de la fréquence.
B.45. En vertu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes pour les aspects régionaux de l’énergie, et en tout cas pour « la
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distribution et le transport local d’électricité au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts ». Cette compétence régionale ne s’oppose toutefois pas à toute réglementation de l’autorité fédérale concernant l’ensemble des services auxiliaires, y compris les services auxiliaires non liés au réglage de la fréquence, tels qu’ils sont définis dans les dispositions attaquées. Une telle réglementation fédérale peut être compatible avec les règles répartitrices de compétences si, par exemple, elle s’inscrit dans le cadre de la compétence fédérale relative à l’organisation du marché de l’électricité ou au droit de la concurrence et au droit des pratiques du commerce (article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980). L’autorité fédérale peut dès lors insérer une définition de service auxiliaire et de service auxiliaire non lié au réglage de la fréquence qui comprend également les services utilisés par un gestionnaire de réseau de distribution pour un réseau dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts.
B.46. Il n’en reste pas moins que les dispositions qui utilisent les définitions attaquées doivent être compatibles avec les règles répartitrices de compétences. En ce que le moyen est dirigé contre les dispositions attaquées lues en combinaison avec les articles 8, § 1er et § 1er/1, alinéa 3, et 18, § 1er, alinéas 1er et 3, de la loi du 29 avril 1999, il suffit toutefois de constater que la portée de ces dispositions de la loi du 29 avril 1999 n’a pas été modifiée par l’insertion des définitions attaquées. La loi du 29 avril 1999 comprend en effet déjà, depuis l’insertion de l’article 2, 101°, par l’article 2 de la loi du 21 juillet 2021 « modifiant la loi du 29 avril 1999
relative à l’organisation du marché de l’électricité et modifiant la loi du 12 avril 1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations », une définition de service auxiliaire identique à celle qui a été insérée ultérieurement par l’article 2, 6°, de la loi du 23 octobre 2022
dans l’article 2, 45°, de la loi du 29 avril 1999 et qui, au demeurant, a été abrogée depuis par l’article 3, 3°, de la loi du 21 mai 2023 « portant des dispositions diverses en matière d’énergie ». Certes, avant l’insertion de l’article 2, 114°, par l’article 2, 9°, de la loi du 23 octobre 2022, la loi du 29 avril 1999 ne comportait pas de définition de service auxiliaire non lié au réglage de la fréquence, mais comme ces services forment une sous-catégorie des services auxiliaires, ceci ne change rien à ce qui précède.
B.47. Le cinquième moyen n’est pas fondé.
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Par ces motifs,
la Cour
- annule l’article 3 de la loi du 23 octobre 2022 « modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et portant transposition de la directive (UE) 2019/944
du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE », sauf en ce qu’il concerne les installations dans les espaces marins qui se situent en dehors de la sphère de compétence territoriale des régions;
- sous réserve des interprétations mentionnées en B.28.3 et en B.29.3, rejette le recours pour le surplus.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 27 mars 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Luc Lavrysen