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11/04/2024 | BELGIQUE | N°42/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 11 avril 2024, 42/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 42/2024
du 11 avril 2024
Numéro du rôle : 7976
En cause : la question préjudicielle relative aux articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004 « relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers », lus en combinaison avec les articles 1675/7 et 1675/9, § 1er, 4°, du Code judiciaire, posée par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle,
composée des pré

sidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, M...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 42/2024
du 11 avril 2024
Numéro du rôle : 7976
En cause : la question préjudicielle relative aux articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004 « relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers », lus en combinaison avec les articles 1675/7 et 1675/9, § 1er, 4°, du Code judiciaire, posée par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Frank Meersschaut, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 5 avril 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 14 avril 2023, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante :
« L’article 1675/7, § 1er, du Code judiciaire stipule que la décision d’admissibilité fait naître une situation de concours entre les créanciers et a pour conséquence la suspension du cours des intérêts et l’indisponibilité du patrimoine du requérant.
L’article 1675/7, § 3, du Code judiciaire stipule quant à lui que la décision d’admissibilité entraîne l’interdiction pour le requérant, sauf autorisation du juge (…) d’accomplir tout acte susceptible de favoriser un créancier; en son § 4, cet article prévoit que les effets de la décision d’admissibilité se prolongent jusqu’au rejet, jusqu’au terme ou jusqu’à la révocation du règlement collectif de dettes, sous réserve des stipulations du plan de règlement.
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Les dispositions des articles 8, § 1er, et 9, § 1er, de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers dérogent aux articles 1675/7 et 1675/9, § 1er, 4°, du Code judiciaire en ce qu’elles autorisent, en cas de défaut d’exécution, le créancier gagiste à réaliser, sans mise en demeure ni décision judiciaire préalable et moyennant le respect des conditions prévues par ces articles, respectivement les instruments financiers et le[s] espèces faisant l’objet d’un gage sur lequel porte une convention constitutive de sûreté réelle, ce nonobstant une procédure d’insolvabilité, la saisie ou toute situation de concours entre créanciers du débiteur ou du tiers constituant du gage.
Les articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004, lus en combinaison avec les articles 1675/7 et 1675/9, § 1er, 4°, du Code judiciaire créent-ils une discrimination au sens des articles 10 et 11 de la Constitution ? ».
Des mémoires ont été introduits par :
- la SA « BNP Paribas Fortis », assistée et représentée par Me Jean-Pierre Mahaux, avocat au barreau de Bruxelles;
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Evrard de Lophem et Me Anne-Charlotte Ekwalla Timsonet, avocats au barreau de Bruxelles.
Par ordonnance du 28 février 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Kattrin Jadin et Danny Pieters, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Dans le cadre d’une procédure de règlement collectif de dettes ayant fait l’objet d’une ordonnance d’admissibilité le 5 mai 2021, la SA « BNP Paribas Fortis », qui est l’un des créanciers, forme contredit au projet de plan de règlement amiable élaboré par le médiateur de dettes. Ce dernier établit un procès-verbal de carence et demande à la juridiction a quo d’examiner ce procès-verbal et, le cas échéant, d’imposer un plan de règlement judiciaire. La juridiction a quo examine si le contredit constitue un abus de droit ou non. Elle constate que l’un des éléments invoqués dans le contredit tient en ce que la SA « BNP Paribas Fortis » bénéficie d’un gage sur des avoirs de la personne médiée (compte à vue et compte-titres) et qu’elle entend réaliser ces avoirs à son seul avantage ou se les approprier. La juridiction a quo relève qu’en ce qui concerne les conventions de « netting », la Cour a jugé, par son arrêt n° 167/2008 du 27 novembre 2008 (ECLI:BE:GHCC:2008:ARR.167), que les articles 14 et 15, § 1er,
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de la loi du 15 décembre 2004 « relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers » (ci-après :
la loi du 15 décembre 2004) violaient les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’ils s’appliquaient à des personnes physiques qui n’avaient pas la qualité de commerçant. La juridiction a quo constate qu’en ce qui concerne les conventions de gage portant sur des instruments financiers ou sur des espèces, les articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004 permettent au créancier gagiste, en cas de défaut d’exécution, sans mise en demeure ni décision judiciaire préalable, de réaliser ou de s’approprier les instruments financiers qui font l’objet du gage et de réaliser le gage constitué sur des espèces, et ce, nonobstant une procédure d’insolvabilité. Ces dispositions s’appliquent indépendamment d’une procédure de règlement collectif de dettes, alors que l’article 1675/7 du Code judiciaire prévoit que la décision d’admissibilité au règlement collectif de dettes entraîne la suspension de l’effet des sûretés réelles et des privilèges. À la lumière de l’arrêt de la Cour n° 167/2008, précité, la juridiction a quo se demande si les articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004 ne confèrent pas un avantage disproportionné aux établissements bancaires et s’ils ne font pas naître une discrimination au détriment des autres créanciers qui demeurent soumis à la loi du concours. Elle pose dès lors la question préjudicielle reproduite plus haut.
III. En droit
-A-
A.1. La SA « BNP Paribas Fortis » commence par rappeler le contenu de l’arrêt de la Cour n° 167/2008, précité. Elle souligne ensuite que la loi du 15 décembre 2004 transpose la directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 « concernant les contrats de garantie financière » (ci-après : la directive 2002/47/CE), qui vise à permettre aux entreprises, d’une part, de conclure des contrats de crédit à de meilleures conditions grâce à la garantie et, d’autre part, de couvrir leurs risques de marché par la conclusion de contrats sur instruments dérivés. Elle ajoute que la loi du 15 décembre 2004 va au-delà de la directive 2002/47/CE, qui ne s’applique pas, entre autres, aux contrats auxquels une personne physique est partie. Elle souligne que le législateur belge a voulu appliquer la logique poursuivie à l’ensemble de l’économie, dans le but de renforcer l’efficacité des sûretés financières et d’assurer la croissance économique et la stabilité financière.
Ensuite, elle observe que, sous l’impulsion de la Banque centrale européenne, la directive 2009/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 « modifiant la directive 98/26/CE concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres et la directive 2002/47/CE
concernant les contrats de garantie financière, en ce qui concerne les systèmes liés et les créances privées » a étendu le champ d’application de la directive 2002/47/CE aux créances privées dont le titulaire est un consommateur, une microentreprise ou une petite entreprise. Selon la SA « BNP Paribas Fortis », il ne peut dès lors plus être soutenu que les personnes physiques non commerçantes ne seraient pas, aux yeux du législateur européen, concernées par l’objectif de croissance économique ni que le législateur belge serait allé nettement au-
delà du droit européen. Toujours selon elle, le législateur belge n’était pas tenu d’exclure complètement les personnes physiques non commerçantes du champ d’application de la loi du 15 décembre 2004, et l’arrêt de la Cour n° 167/2008, précité, ne doit pas être étendu aux conventions constitutives de sûreté réelle. Elle fait valoir que l’opposabilité de ces conventions aux créanciers d’une personne physique en situation de surendettement est bien de nature à réaliser les objectifs de croissance économique et de stabilité financière, lesquels concernent aussi les personnes physiques non commerçantes et ne se limitent pas aux personnes physiques fortunées. Par ailleurs, elle observe que le nouveau régime belge du gage de droit commun se situe dans l’exact prolongement de l’objectif du législateur européen qui consiste à faciliter l’utilisation des créances privées à des fins de garantie.
La SA « BNP Paribas Fortis » en conclut que la mesure prévue aux articles 8, 9 et 15 de la loi du 15 décembre 2004, qui permet de se prévaloir d’un gage pour échapper à la règle du concours, est pertinente en ce qu’elle s’applique lorsque le débiteur est une personne physique qui a introduit une requête en règlement collectif de dettes. Selon elle, la différence de traitement entre les créanciers qui peuvent se prévaloir d’une convention de gage et les créanciers qui ne peuvent pas se prévaloir d’une telle convention est raisonnablement justifiée.
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A.2. Le Conseil des ministres fait valoir que les catégories comparées dans la question préjudicielle sont les créanciers chirographaires et les créanciers privilégiés qui bénéficient d’une sûreté réelle. Selon lui, ces deux catégories sont correctement identifiées, elles sont distinguées sur la base d’un critère objectif et elles sont effectivement traitées différemment.
Ensuite, il relève que la loi du 15 décembre 2004 transpose la directive 2002/47/CE, qui vise à créer un régime européen efficace pour les garanties financières, qui soit soustrait aux effets de certaines règles en matière d’insolvabilité. Il souligne que les dispositions en cause visent à garantir la stabilité financière, ce qui est un objectif légitime, et qu’elles favorisent aussi la croissance économique. Le Conseil des ministres fait valoir que la stabilité du marché financier relève de l’intérêt général, tandis que les intérêts protégés par les articles 1675/7 et 1675/9 du Code judiciaire – l’intérêt du débiteur de continuer à mener une vie décente et l’intérêt des créanciers d’être payés - sont strictement individuels. Selon lui, la plus grande efficacité des sûretés financières dans les situations de concours permet de répondre au risque de contagion de l’insolvabilité du débiteur vers les établissements bancaires.
Enfin, le Conseil des ministres souligne que les dispositions en cause rencontrent l’ambition du législateur de créer un corpus unique de règles protégeant la stabilité des services financiers. Il ajoute qu’une contagion du surendettement du débiteur vers le créancier n’a pas les mêmes répercussions selon que le créancier bénéficie ou non d’un gage portant sur des instruments financiers. Il observe que les établissements bancaires et les emprunteurs ont été les victimes du manque de flexibilité dans l’utilisation des liquidités du marché lors de crises financières.
Selon lui, les dispositions en cause contribuent à la sécurité juridique et facilitent la constitution et le traitement des garanties concernées, ce qui permet aux établissements bancaires d’obtenir plus efficacement des liquidités sur le marché.
Le Conseil des ministres en conclut que les dispositions en cause sont compatibles avec les articles 10 et 11
de la Constitution.
-B-
Quant aux dispositions en cause et à leur contexte
B.1. La question préjudicielle porte sur les articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004
« relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers »
(ci-après : la loi du 15 décembre 2004), lus en combinaison avec les articles 1675/7 et 1675/9, § 1er, 4°, du Code judiciaire.
B.2.1. Aux termes de l’article 1675/2, alinéa 1er, du Code judiciaire, « toute personne physique, qui n’a pas la qualité de commerçant au sens de l’article 1er du Code de commerce, peut, si elle n’est pas en état, de manière durable, de payer ses dettes exigibles ou encore à échoir et dans la mesure où elle n’a pas manifestement organisé son insolvabilité, introduire devant le juge une requête visant à obtenir un règlement collectif de dettes ». Cette disposition doit désormais être lue comme visant toute personne physique qui n’a pas la qualité d’entreprise
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au sens de l’article I.1 du Code de droit économique (article 254 de la loi du 15 avril 2018
« portant réforme du droit des entreprises »).
B.2.2. La procédure de règlement collectif de dettes a été instaurée par la loi du 5 juillet 1998 « relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis » (ci-après : la loi du 5 juillet 1998). Cette procédure vise à rétablir la situation financière du débiteur surendetté en lui permettant notamment, dans la mesure du possible, de payer ses dettes et en lui garantissant simultanément ainsi qu’à sa famille qu’ils pourront mener une vie conforme à la dignité humaine (article 1675/3, alinéa 3, du Code judiciaire). La situation financière de la personne surendettée est globalisée et celle-ci est soustraite à la pression anarchique des créanciers grâce à l’intervention d’un médiateur de dettes, désigné aux termes de l’article 1675/6 du même Code par le juge qui aura, au préalable, statué sur l’admissibilité de la demande de règlement collectif de dettes.
B.2.3. La décision d’admissibilité au règlement collectif de dettes fait naître une situation de concours entre les créanciers et a pour effet la suspension des intérêts et l’indisponibilité du patrimoine du requérant (article 1675/7, § 1er, alinéa 1er, du Code judiciaire). Cette décision entraîne la suspension de l’effet des sûretés réelles et des privilèges, sauf en cas de réalisation du patrimoine (article 1675/7, § 1er, alinéa 3, du Code judiciaire). Elle entraîne également la suspension de toutes les voies d’exécution qui tendent au paiement d’une somme d’argent (article 1675/7, § 2, alinéa 1er, du Code judiciaire), telles que, notamment, « la réalisation d’un gage » (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, nos 1073/1 et 1074/1, p. 30). Lors de l’élaboration de la loi du 5 juillet 1998, le législateur a « opté pour la soumission au règlement collectif des droits d’exécution des créanciers hypothécaires et des créanciers gagistes » car il a estimé qu’« en juger autrement rendrait impossible, en pratique, la gestion d’assainissement et de liquidation » (ibid., p. 31).
La décision d’admissibilité entraîne l’interdiction, pour le requérant, sauf autorisation du juge, d’accomplir tout acte étranger à la gestion normale du patrimoine, d’accomplir tout acte
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susceptible de favoriser un créancier (sauf le paiement d’une dette alimentaire mais à l’exception des arriérés de celle-ci) et d’aggraver son insolvabilité (article 1675/7, § 3, du Code judiciaire).
Les effets de la décision d’admissibilité se prolongent jusqu’au rejet, jusqu’au terme ou jusqu’à la révocation du règlement collectif de dettes, sous réserve des stipulations du plan de règlement (article 1675/7, § 4, du Code judiciaire).
En vertu de l’article 1675/9, § 1er, du Code judiciaire, tel qu’il est applicable dans l’affaire devant la juridiction a quo, la décision d’admissibilité est notifiée au requérant, à son conjoint ou à son cohabitant légal et, le cas échéant, à son conseil (article 1675/9, § 1er, 1°), aux créanciers et aux personnes qui ont constitué une sûreté personnelle (article 1675/9, § 1er, 2°), au médiateur de dettes (article 1675/9, § 1er, 3°) et « aux débiteurs concernés en y joignant le texte de l’article 1675/7, et en les informant que dès la réception de la décision, tout paiement doit être versé sur un compte, ouvert à cet effet par le médiateur de dettes et sur lequel sont versés tous les paiements faits au requérant » (article 1675/9, § 1er, 4°).
B.2.4. Le législateur a également recherché un équilibre entre les intérêts du débiteur et ceux des créanciers (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1073/11, p. 20). Ainsi, la procédure de règlement collectif de dettes tend au remboursement intégral ou partiel des créanciers (Doc.
parl., Chambre, 1996-1997, nos 1073/1 et 1074/1, p. 12).
Le débiteur propose à ses créanciers de conclure un plan de règlement amiable par la voie d’un règlement collectif de dettes, sous le contrôle du juge; celui-ci peut imposer un plan de règlement judiciaire à défaut d’accord (article 1675/3, alinéas 1er et 2, du Code judiciaire).
Cette absence d’accord est constatée par le médiateur (article 1675/11 du Code judiciaire). Le plan de règlement judiciaire peut comporter un certain nombre de mesures, telles que le report ou le rééchelonnement du paiement des dettes en principal, intérêts et frais, la réduction des taux d’intérêt conventionnels au taux d’intérêt légal ou la remise de dettes totale ou partielle des intérêts moratoires, indemnités et frais (article 1675/12 du Code judiciaire). Si ces mesures
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ne permettent pas de rétablir la situation financière du débiteur, le juge peut décider toute autre remise partielle de dettes, même en capital, à l’exception des dettes énumérées à l’article 1675/13, § 3, du Code judiciaire et moyennant le respect des conditions fixées à l’article 1675/13 du même Code.
Si aucun plan amiable ou judiciaire n’est possible en raison de l’insuffisance des ressources du requérant, l’article 1675/13bis du Code judiciaire autorise le juge, à certaines conditions, à accorder la remise totale des dettes sans plan de règlement, à l’exception des dettes énumérées à l’article 1675/13, § 3.
B.3.1. La loi du 15 décembre 2004 s’applique notamment aux conventions constitutives de sûreté réelle, dont les conventions de gage, qui portent « sur des instruments financiers remis au bénéficiaire de la garantie ou à la personne agissant pour son compte » ou « sur des espèces mises en gage ou transférées par contrat au profit du bénéficiaire de la garantie ou de la personne agissant pour son compte » (article 4, § 1er, alinéa 1er, 1° et 2°, de la loi du 15 décembre 2004), les notions d’« instrument financier » et d’« espèces » étant définies à l’article 3, 1° et 2°, de la même loi.
B.3.2. Les articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004 règlent la réalisation, par le créancier gagiste, du gage portant sur des instruments financiers et du gage portant sur des espèces. Ils disposent :
« Art. 8. § 1er. Sauf stipulation contraire des parties, en cas de défaut d’exécution, le créancier gagiste est autorisé à réaliser, sans mise en demeure ni décision judiciaire préalable, les instruments financiers faisant l’objet du gage, dans les meilleurs délais possibles, nonobstant une procédure d’insolvabilité, la saisie ou toute situation de concours entre créanciers du débiteur ou du tiers constituant du gage. Le produit de la réalisation de ces instruments financiers est imputé, conformément à l’article 5.210 du Code civil [auparavant, l’article 1254
de l’ancien Code civil], sur la créance en principal, intérêts et frais, du créancier gagiste. Le solde éventuel revient au débiteur gagiste ou, selon le cas, au tiers constituant du gage.
§ 2. Sans préjudice du § 1er, dans la mesure où les parties en sont convenues et que cet accord en précise les modalités, notamment en ce qui concerne l’évaluation des instruments financiers donnés en garantie, le créancier gagiste est autorisé, en cas de défaut d’exécution, à
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s’approprier, sans mise en demeure ni décision judiciaire préalable, les instruments financiers donnés en gage nonobstant une procédure d’insolvabilité, la saisie ou toute situation de concours entre créanciers du débiteur ou du tiers constituant du gage. Le montant résultant de l’évaluation des instruments financiers donnés en garantie est imputé, conformément à l’article 5.210 du Code civil [auparavant, l’article 1254 de l’ancien Code civil], sur la créance en principal, intérêts et frais, du créancier gagiste. Le solde éventuel revient au débiteur gagiste ou, selon le cas, au tiers constituant du gage.
§ 3. Les §§ 1er et 2 ne portent pas préjudice à la possibilité pour les cours et tribunaux de contrôler ultérieurement les conditions de la réalisation des instruments financiers donnés en garantie ou l’évaluation de ces instruments financiers ou du montant de la créance garantie.
Art. 9. § 1er. Sauf stipulation contraire des parties, en cas de défaut d’exécution, nonobstant une procédure d’insolvabilité, la saisie ou toute situation de concours entre créanciers du débiteur ou du tiers constituant du gage, le créancier gagiste est autorisé à réaliser, sans mise en demeure ni décision judiciaire préalable, le gage constitué sur des espèces en imputant, conformément à l’article 5.210 du Code civil [auparavant, l’article 1254 de l’ancien Code civil], les espèces engagées dans le respect des règles fixées par les parties en ce qui concerne leur évaluation et leur exigibilité, sur sa créance en principal, intérêts et frais.
Le solde éventuel revient au débiteur gagiste ou, selon le cas, au tiers constituant du gage.
§ 2. Le § 1er ne porte pas préjudice à la possibilité pour les cours et tribunaux de contrôler ultérieurement les conditions d’évaluation des espèces engagées ou du montant de la créance garantie ».
En ce qui concerne le contrôle par les cours et tribunaux, les travaux préparatoires de la loi du 15 décembre 2004 indiquent qu’« à côté de la possibilité pour le débiteur de faire valoir ses droits quant au fond s’il était établi que le gage aurait en l’espèce été mis en œuvre de manière injustifiée », le débiteur peut également « recourir a posteriori aux juridictions compétentes en cas d’évaluation ou de réalisation effectuée dans des conditions anormales (évaluation ne respectant pas les conditions contractuelles, vente à un prix trop bas eu égard aux conditions du marché, retards fautifs,…) de nature à engager la responsabilité du créancier gagiste. Il en résulte donc que le contrôle ne peut s’effectuer a priori par voie d’actions judiciaires préventives » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1407/001, pp. 39-40).
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En vertu de l’article 15, § 1er, de la loi du 15 décembre 2004, qui s’applique notamment aux conventions de gage portant sur des instruments financiers ou sur des espèces, ces conventions « sont valables et opposables aux tiers et peuvent donc sortir leurs effets y compris en cas de procédure d’insolvabilité ou de saisie ou en cas de situation de concours, si la conclusion de ces conventions précède le moment de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, la survenance d’une saisie ou d’une situation de concours, ou si ces conventions ont été conclues après ce moment, dans la mesure où la contrepartie peut se prévaloir au moment où la convention a été conclue d’une ignorance légitime de l’ouverture ou de la survenance antérieure d’une telle procédure ou situation ».
Parmi les procédures d’insolvabilité qui, conformément aux dispositions précitées, ne font pas obstacle à la réalisation, par le créancier gagiste, d’un gage portant sur des instruments financiers ou d’un gage portant sur des espèces, figure notamment le règlement collectif de dettes (article 3, 5°, de la loi du 15 décembre 2004).
B.3.3. Le champ d’application ratione personae de la loi du 15 décembre 2004 est plus large que celui de la directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002
« concernant les contrats de garantie financière » (ci-après : la directive 2002/47/CE), dont cette loi opère la transposition.
La directive 2002/47/CE ne s’applique qu’à la condition que le preneur de la garantie et le constituant de la garantie appartiennent chacun à l’une des catégories énumérées à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, à savoir, en substance, les autorités publiques (article 1er, paragraphe 2, a)), le secteur financier (article 1er, paragraphe 2, b), c) et d)) et toute « personne autre qu’une personne physique, y compris une entreprise non constituée en société et un groupement (partnership), pour autant que l’autre partie soit un établissement défini aux points a) à d) » (article 1er, paragraphe 2, e)). En outre, les États membres peuvent exclure du champ d’application de la directive les contrats de garantie financière dans lesquels l’une des parties appartient à cette dernière catégorie (article 1er, paragraphe 3).
À l’inverse, le champ d’application ratione personae des articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004 ne fait pas l’objet d’une telle limitation. Ces dispositions s’appliquent donc aussi, entre autres, aux personnes physiques.
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B.3.4.1. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 15 décembre 2004 que le législateur a poursuivi deux objectifs : d’une part, le souci d’assurer la croissance économique et, d’autre part, celui de renforcer la stabilité du système financier.
En ce qui concerne la croissance économique, les travaux préparatoires indiquent :
« Les sûretés financières constituent une condition indispensable à la conclusion de (1) contrats de crédit et de (2) contrats sur instruments dérivés. La conclusion de contrats de crédit permet aux entreprises d’acquérir des moyens d’action externes. La conclusion de contrats sur instruments dérivés leur permet de couvrir leurs risques de marché, de crédit, de change ainsi que d’autres risques : la hausse des taux d’intérêt, la baisse du dollar américain, le relèvement des prix des produits de base, etc. Ces deux types de contrats sont essentiels au fonctionnement des entreprises industrielles et commerciales.
Une législation adéquate en matière de sûretés donne aux entreprises la possibilité d’accéder à de tels contrats, et ce à un moindre coût. Cette situation a des conséquences positives tant pour la croissance économique que pour l’emploi.
Sur ce point, le projet de loi va nettement au-delà de la directive. La directive ne porte pas sur la constitution de sûretés entre entreprises non financières ni sur celle impliquant des personnes physiques. Cela est compréhensible dès lors que la directive s’inscrit dans le cadre du Plan d’action pour les services financiers, élaboré par la Commission européenne, lequel vise notamment à mettre en place un marché européen des capitaux intégré.
Avec le projet de loi, le Gouvernement applique la logique suivie à l’ensemble de l’économie.
S’agissant des entreprises industrielles et commerciales, les conséquences sont les suivantes :
1. un accès moins cher aux crédits, sur la base notamment des normes d’adéquation des fonds propres prévues par les accords Bâle I et II, lesquels permettent aux banques d’appliquer aux crédits octroyés des exigences en fonds propres moins élevées si les positions sont adéquatement couvertes; des exigences en fonds propres moins importantes ont comme corollaire un coût du crédit moins élevé;
2. la participation à des opérations de trésorerie (principalement via des conventions de repos), donnant lieu à des rendements financiers plus importants pour les entreprises qui présentent des excédents de caisse et engendrant, de manière générale, une liquidité de marché plus élevée et, dès lors, des taux d’intérêt plus bas;
3. un accès aux opérations sur instruments dérivés, dans lesquelles les entreprises industrielles et commerciales jouent principalement un rôle de vendeur de risques. Ces opérations rendent l’activité de l’entreprise moins vulnérable aux chocs économiques externes, tout en réduisant le risque d’insolvabilité et en permettant un maintien de l’activité économique
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et de l’emploi (avantage à court terme) ainsi qu’une croissance économique plus soutenue (avantage à long terme).
S’agissant des personnes physiques, les conséquences sont les suivantes :
1. vu le caractère dépossessoire des sûretés, seules des personnes physiques fortunées seront, dans la pratique, concernées par la loi : seules ces personnes possèdent les titres ou espèces susceptibles d’être fournis à titre de sûreté dans le cadre de transactions financières;
2. un accès aux opérations sur instruments dérivés, dans lesquelles les personnes physiques interviennent principalement comme acheteur de risques, et ce dans le cadre de la maximalisation du rendement de leur gestion de fortune (voir également le rôle des fonds dits hedge funds). Par leur présence sur le marché, ces personnes ont une influence baissière sur le prix de la cession des risques, ce qui donne aux entreprises industrielles et commerciales la possibilité de se couvrir contre les risques à un coût moins élevé;
3. comme les personnes physiques fortunées peuvent utiliser des crédits contre la cession d’un portefeuille-titres, elles peuvent participer à des opérations sur les marchés des capitaux :
achat ou souscription d’actions, d’obligations, etc., ce qui a également des conséquences positives pour la liquidité des marchés et les taux d’intérêt, cette situation entraînant à son tour un coût de financement moins élevé pour les entreprises industrielles et commerciales ou les pouvoirs publics » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1407/001, pp. 10-11).
Quant à l’objectif de stabilité financière, il est décrit comme suit :
« L’imbrication entre les établissements financiers et les entreprises commerciales ou industrielles est telle que l’insolvabilité d’un seul établissement peut provoquer l’insolvabilité d’autres établissements et entreprises : c’est ce qu’on appelle le risque de contagion ou d’effet de domino, lequel peut avoir des conséquences catastrophiques sur le plan économique.
La directive n’appréhende ce risque que dans le cadre des transactions sur les marchés financiers (au sens large du terme), ce qui est logique puisqu’elle s’inscrit dans la ligne du Plan d’action pour les services financiers, élaboré par la Commission européenne.
Le projet de loi part du principe que la même logique gouverne toutes les relations économiques et étend dès lors la protection contre le risque de contagion à toutes les relations contractuelles visées par la loi. Il en résulte que les risques de contagion encourus par et sur les particuliers et les entreprises (commerciales ou industrielles) sont couverts, ce qui est tout bénéfice pour la stabilité économique générale et, partant, pour la croissance et l’emploi » (ibid., pp. 11-12).
B.3.4.2. En ce qui concerne le champ d’application ratione personae, les travaux préparatoires de la loi du 15 décembre 2004 indiquent également :
« L’inclusion des personnes physiques dans le champ d’application de la loi en projet se justifie pour diverses raisons. Tout d’abord, une telle inclusion correspond à la situation actuelle telle qu’elle résulte déjà des dispositions de la loi du 2 janvier 1991 en matière de gage sur titres
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dématérialisés de la dette publique et de repos (qui visent par ailleurs tout type d’instrument financier) et de l’arrêté royal n° 62 en ce qui concerne les gages sur titres en régime de fongibilité. Or, la pratique n’a jamais révélé le moindre problème résultant de ce que les personnes physiques pouvaient faire usage de ces dispositions.
En outre, on rappelle ici la précision effectuée par l’article 2 selon laquelle la législation relative à la protection des consommateurs, en qualité de lex specialis, demeure applicable.
Il est ainsi loisible au législateur de préciser sa politique en ce qui concerne la possibilité ou non pour certains consommateurs de conclure des contrats visés par la présente loi en projet selon, par exemple, que ces consommateurs répondent à certains critères, par exemple, de revenus, d’endettement, … » (ibid., pp. 30-31).
S’il est vrai que la loi du 15 décembre 2004 s’applique « sans préjudice de la législation régissant la protection des consommateurs » (article 2, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 2004), il a toutefois été souligné que cela ne concerne pas la procédure de règlement collectif de dettes :
« Conformément à la définition de ‘ procédure d’insolvabilité ’ prévue par l’article 3, 5°, la règle selon laquelle la législation assurant la protection des consommateurs doit primer ne s’étend toutefois pas à l’application du règlement collectif de dettes dont certains effets se trouvent - au même titre que les autres catégories de procédures visées sous ledit article 3, 5° - neutralisés par les dispositions du présent projet » (ibid., p. 22).
B.3.4.3. Lors des discussions en commission, le ministre compétent a réitéré, en ce qui concerne l’application des dispositions en cause aux personnes physiques, que cela correspond à la législation existante, que seules les personnes disposant de « moyens suffisants » sont en pratique concernées et qu’il n’est pas porté atteinte à la législation sur la protection des consommateurs (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1407/002, pp. 12-15). En outre, le ministre compétent a souligné que la constitution de la sûreté nécessite le consentement de la personne concernée (ibid., p. 14).
B.3.5. La Cour de justice de l’Union européenne a examiné la compatibilité de la directive 2002/47/CE avec le principe de l’égalité de traitement entre les créanciers dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité (CJUE, 10 novembre 2016, C-156/15, Private Equity Insurance Group, ECLI:EU:C:2016:851). Elle a jugé :
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« 22. [...] il y a lieu de relever que, selon le considérant 3 de la directive 2002/47, celle-ci vise à favoriser l’intégration et le fonctionnement au meilleur coût du marché financier ainsi que la stabilité du système financier de l’Union européenne.
23. À cette fin, cette directive a instauré un régime qui a pour objectif, ainsi qu’il ressort de ses considérants 5, 9, 10 et 17, de limiter les formalités administratives auxquelles doivent faire face les parties utilisant les garanties financières entrant dans son champ d’application, de renforcer la sécurité juridique de ces garanties en les soustrayant à certaines dispositions de la législation nationale en matière d’insolvabilité et de prévoir des procédures d’exécution rapides et non formelles afin de préserver la stabilité financière et de limiter les effets de contagion en cas de défaillance d’une partie à un contrat de garantie financière.
24. Ainsi, d’une part, l’article 3 de ladite directive interdit, en substance, aux États membres de subordonner la constitution, la validité, la conclusion, l’opposabilité ou l’admissibilité à titre de preuve d’un contrat de garantie financière ou la constitution d’instruments financiers ou d’espèces en garantie en vertu d’un contrat de garantie financière à l’accomplissement d’un acte formel.
25. D’autre part, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/47 dispose que le preneur d’une garantie financière avec constitution de sûreté doit pouvoir réaliser celle-ci d’une des manières qu’il décrit. En vertu de l’article 4, paragraphe 5, de cette directive, les États membres font en sorte qu’un contrat de garantie financière puisse prendre effet selon les modalités qu’il prévoit indépendamment de l’engagement ou de la poursuite d’une procédure de liquidation ou de mesures d’assainissement à l’égard du constituant ou du preneur de la garantie.
26. En conséquence, le régime instauré par la directive 2002/47, tout en excluant que l’utilisation des garanties financières soit subordonnée à l’accomplissement d’actes formels, confère aux preneurs de ces garanties le droit de les exécuter indépendamment de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’égard du constituant.
[...]
49. Enfin, dans la mesure où la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité du régime instauré par la directive 2002/47 avec le principe d’égalité de traitement des créanciers dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, il y a encore lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’égalité en droit, énoncée à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, est un principe général du droit de l’Union qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée. Une différence de traitement est justifiée dès lors qu’elle est fondée sur un critère objectif et raisonnable, c’est-à-dire lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la législation en cause, et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné (arrêt du 17 octobre 2013, Schaible, C-101/12, EU:C:2013:661, points 76 et 77 ainsi que jurisprudence citée).
50. Ainsi qu’il ressort du point 26 du présent arrêt, le régime instauré par la directive 2002/47, tout en excluant que la constitution des garanties financières soit
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subordonnée à l’accomplissement d’actes formels, confère aux preneurs de ces garanties le droit de les exécuter indépendamment de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’égard du constituant. Ce régime accorde, dès lors, un avantage aux garanties financières par rapport à d’autres types de sûreté qui ne relèvent pas du champ d’application de cette directive.
51. Or, il convient de constater qu’une telle différence de traitement est fondée sur un critère objectif qui est en rapport avec le but légitime de la directive 2002/47, qui est de renforcer la sécurité juridique et l’efficacité des garanties financières afin d’assurer la stabilité du système financier.
52. En outre, la demande de décision préjudicielle ne fait état d’aucun élément qui permettrait de considérer que ladite différence de traitement est disproportionnée au but poursuivi. À cet égard, il convient notamment de prendre en compte la circonstance que l’applicabilité de la directive 2002/47 ratione materiae dépend de la constitution de la garantie et exige, sous réserve de l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, que cette constitution soit intervenue avant l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité. Il s’ensuit, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 65 de ses conclusions, que les sommes versées sur le compte du constituant de la garantie après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité ne peuvent, en principe, être couvertes par le régime instauré par la directive 2002/47. Par ailleurs, en ce qui concerne l’application ratione personae de ladite directive, l’article 1er, paragraphe 3, de celle-
ci autorise les États membres à exclure les contrats de garantie financière dans lesquels l’une des parties est une personne visée à l’article 1er, paragraphe 2, sous e), de cette même directive.
Enfin, il convient de rappeler que le régime instauré par la directive 2002/47 ne concerne qu’une partie des actifs du constituant de la garantie à propos de laquelle ce dernier a accepté une certaine forme de dépossession.
53. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’examen des première et deuxième questions préjudicielles n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la directive 2002/47 au regard du principe d’égalité de traitement ».
Quant au fond
B.4. La Cour est interrogée sur la compatibilité des articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004, lus en combinaison avec les articles 1675/7 et 1675/9, § 1er, 4°, du Code judiciaire, avec les articles 10 et 11 de la Constitution. Il ressort du libellé de la question préjudicielle et des motifs de la décision de renvoi que la Cour est invitée à examiner la différence de traitement entre les créanciers d’un débiteur qui a été admis au règlement collectif de dettes, selon que le créancier peut ou non se prévaloir d’un gage portant sur des instruments financiers ou sur des espèces régi par la loi du 15 décembre 2004. En vertu des articles 8 et 9 de cette loi, le créancier qui bénéficie d’un tel gage peut, en cas de défaut d’exécution, réaliser, sans mise en demeure
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ni décision judiciaire préalable, les instruments financiers ou les espèces faisant l’objet du gage, et ce, nonobstant la procédure de règlement collectif de dettes. Tel n’est en revanche pas le cas pour les créanciers qui ne bénéficient pas d’un tel gage et dont la situation est affectée par la décision par laquelle le débiteur est admis au règlement collectif de dettes.
La Cour limite son examen à la situation dans laquelle le débiteur est le constituant du gage, qui est en cause dans l’affaire au fond.
B.5. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.6. La différence de traitement en cause repose sur un critère de distinction objectif, à savoir le fait que le créancier peut ou non se prévaloir d’un gage portant sur des instruments financiers ou sur des espèces régi par la loi du 15 décembre 2004.
B.7.1. Les dispositions en cause confèrent un avantage au créancier qui peut se prévaloir d’un tel gage par rapport aux autres créanciers, y compris ceux qui bénéficient d’une cause légitime de préférence, telle que, notamment, un gage de droit commun.
B.7.2. Le créancier qui bénéficie d’un gage portant sur des instruments financiers ou sur des espèces peut, en cas de défaut d’exécution, réaliser, sans mise en demeure ni décision judiciaire préalable, les instruments financiers ou les espèces faisant l’objet du gage, et ce, nonobstant la procédure de règlement collectif de dettes (articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004).
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B.7.3. En ce qui concerne les autres créanciers, il y a lieu de relever, premièrement, que la décision par laquelle le débiteur est admis au règlement collectif de dettes fait naître une situation de concours (article 1675/7, § 1er, alinéa 1er, du Code judiciaire), que cette décision entraîne la suspension de l’effet des sûretés réelles et des privilèges, sauf en cas de réalisation du patrimoine (article 1675/7, § 1er, alinéa 3, du Code judiciaire) et qu’elle entraîne la suspension de toutes les voies d’exécution qui tendent au paiement d’une somme d’argent (article 1675/7, § 2, alinéa 1er, du Code judiciaire). Comme il est dit en B.2.3, cette suspension concerne notamment la réalisation d’un bien faisant l’objet d’un gage de droit commun, de sorte qu’une telle réalisation ne peut plus résulter d’une initiative individuelle du créancier gagiste, mais doit, s’il y a lieu, s’inscrire dans le cadre de la procédure de règlement collectif de dettes.
Deuxièmement, en l’absence d’un plan de règlement amiable, le juge peut imposer un plan de règlement judiciaire pouvant comporter le report ou le rééchelonnement du paiement des dettes en principal, intérêts et frais (article 1675/12, § 1er, 1°, du Code judiciaire), la réduction des taux d’intérêt conventionnels au taux d’intérêt légal (article 1675/12, § 1er, 2°, du Code judiciaire) et la remise de dettes totale ou partielle des intérêts moratoires, indemnités et frais (article 1675/12, § 1er, 4°, du Code judiciaire). Dans ce cadre, le juge doit, en vertu de l’article 1675/12, § 1er, in limine, du Code judiciaire, respecter « l’égalité des créanciers », ce qui inclut ceux qui bénéficient d’une cause légitime de préférence, telle que, notamment, un gage de droit commun.
Troisièmement, comme il est dit en B.2.4, si les mesures précitées ne permettent pas de rétablir la situation financière du débiteur, le juge peut, aux conditions prévues à l’article 1675/13 du Code judiciaire, décider toute autre remise partielle de dettes, même en capital. Si aucun plan amiable ou judiciaire n’est possible en raison de l’insuffisance des ressources du débiteur, le juge peut, aux conditions prévues à l’article 1675/13bis du Code judiciaire, accorder la remise totale des dettes sans plan de règlement. Bien que l’une des conditions prévues par chacune de ces deux dispositions soit la réalisation de tous les biens
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saisissables (article 1675/13, § 1er, alinéa 1er, premier tiret, et article 1675/13bis, § 2, du Code judiciaire), le produit de la réalisation étant réparti en tenant compte des causes légitimes de préférence, telles que, notamment, un gage de droit commun (voy. les dispositions précitées, ainsi que l’article 1675/7, § 1er, alinéa 3, du Code judiciaire), le juge peut assortir la réalisation du bien concerné de modalités visant à permettre au débiteur et à sa famille de mener une vie conforme à la dignité humaine (Cass., 29 février 2008, C.06.0142.F, ECLI:BE:CASS:2008:ARR.20080229.1). Le juge peut également déroger à la condition de réalisation de tous les biens saisissables lorsque la réalisation du bien concerné porte atteinte au droit du débiteur et de sa famille de mener une vie conforme à la dignité humaine ou lorsqu’elle constitue un abus de droit (Cass., 3 juin 2013, S.11.0145.N, ECLI:BE:CASS:2013:ARR.20130603.3). Dès lors que ce contrôle préalable du juge s’applique aussi lorsque la réalisation envisagée est celle d’un bien faisant l’objet d’une cause légitime de préférence, telle que, notamment, un gage de droit commun, ce contrôle peut, le cas échéant, aboutir à ce que les mesures visées aux articles 1675/13 et 1675/13bis du Code judiciaire soient imposées sans qu’un tel bien ait été réalisé.
B.8.1. Les travaux préparatoires cités en B.3.4 ne permettent pas de justifier raisonnablement la différence de traitement en cause.
Premièrement, contrairement à ce qui est affirmé dans les travaux préparatoires de la loi du 15 décembre 2004, les gages portant sur des instruments financiers ou sur des espèces ne concernent pas uniquement les personnes physiques « fortunées » ou disposant de « moyens suffisants ».
Deuxièmement, le fait que les dispositions en cause correspondraient à la législation antérieure ne saurait, en soi, suffire à justifier raisonnablement la différence de traitement en cause.
Troisièmement, bien que la loi du 15 décembre 2004 s’applique « sans préjudice de la législation régissant la protection des consommateurs », il y a lieu de relever, comme il est dit en B.3.4.2, que cette réserve ne concerne toutefois pas la procédure de règlement collectif de dettes.
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Quatrièmement, l’exigence du consentement de la personne concernée pour la constitution de la sûreté n’est pas propre aux gages portant sur des instruments financiers ou sur des espèces, de sorte qu’elle ne permet pas de justifier raisonnablement la différence de traitement en cause.
Enfin, au regard de l’objectif d’éviter le risque de contagion de l’insolvabilité du débiteur vers le créancier et d’assurer ainsi la stabilité économique générale, il n’est pas établi que le fait qu’un gage ait été constitué sur des instruments financiers ou sur des espèces conformément à la loi du 15 décembre 2004 puisse justifier à lui seul, indépendamment de la qualité des parties, un régime à ce point dérogatoire au droit commun.
B.8.2. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la SA « BNP Paribas Fortis », l’inclusion, par la directive 2009/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009
« modifiant la directive 98/26/CE concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres et la directive 2002/47/CE
concernant les contrats de garantie financière, en ce qui concerne les systèmes liés et les créances privées » (ci-après : la directive 2009/44/CE), des « créances privées » dans le champ d’application de la directive 2002/47/CE ne conduit pas à une autre conclusion. Les créances privées sont définies comme « les créances pécuniaires découlant d’un accord au titre duquel un établissement de crédit, tel que défini à l’article 4, point 1), de la directive 2006/48/CE, y compris les entités énumérées à l’article 2 de ladite directive, consent un crédit sous la forme d’un prêt » (article 2, paragraphe 1er, o), de la directive 2002/47/CE, tel qu’il a été inséré par la directive 2009/44/CE). Cette extension porte sur le champ d’application ratione materiae de la directive 2002/47/CE, les créances privées constituant, à l’instar des espèces ou des instruments financiers, l’objet de la garantie financière (article 1er, paragraphe 4, de la directive 2002/47/CE, tel qu’il a été modifié par la directive 2009/44/CE). La directive 2009/44/CE n’a pas étendu aux personnes physiques le champ d’application ratione personae de la directive 2002/47/CE.
B.8.3. En outre, l’examen de la compatibilité de la directive 2002/47/CE avec le principe de l’égalité de traitement qui a été effectué par la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre de son arrêt du 10 novembre 2016, mentionné en B.3.5, ne saurait être transposé en l’espèce, dès lors que la directive 2002/47/CE ne s’applique pas aux personnes physiques, tandis que la limitation du champ d’application ratione personae de cette directive a constitué
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l’un des éléments qui a amené la Cour de justice à conclure que cette directive ne produit pas des effets disproportionnés.
B.8.4. Enfin, les dispositions en cause, en particulier l’absence d’un contrôle judiciaire préalable, sont de nature à compromettre l’objectif de la procédure de règlement collectif de dettes.
B.8.5. Il s’ensuit que la différence de traitement en cause n’est pas raisonnablement justifiée.
B.9. Les articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004 ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’ils s’appliquent lorsque le débiteur qui a constitué le gage portant sur des instruments financiers ou sur des espèces est une personne physique qui a été admise au règlement collectif de dettes.
B.10. Ce constat d’inconstitutionnalité n’empêche pas le créancier qui bénéficie d’un gage portant sur des instruments financiers ou sur des espèces de faire valoir, dans le cadre de la procédure de règlement collectif de dettes, en cas de réalisation des instruments financiers ou des espèces faisant l’objet du gage, le droit de préférence que ce gage lui confère (article 7, § 2, de la loi du 15 décembre 2004, lu en combinaison avec l’article 1er du titre XVII (« Des sûretés réelles mobilières ») du livre III de l’ancien Code civil).
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
Les articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004 « relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers » violent les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’ils s’appliquent lorsque le débiteur qui a constitué le gage portant sur des instruments financiers ou sur des espèces est une personne physique qui a été admise au règlement collectif de dettes.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 11 avril 2024.
Le greffier, Le président,
Frank Meersschaut Pierre Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 42/2024
Date de la décision : 11/04/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

Violation (articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004, en ce qu'ils s'appliquent lorsque le débiteur qui a constitué le gage portant sur des instruments financiers ou sur des espèces est une personne physique qui a été admise au règlement collectif de dettes)

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - la question préjudicielle relative aux articles 8 et 9 de la loi du 15 décembre 2004 « relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers », lus en combinaison avec les articles 1675/7 et 1675/9, § 1er, 4°, du Code judiciaire, posée par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles. Droit judiciaire - Règlement collectif des dettes - Concours entre créanciers - Dérogation - Gage portant sur des instruments financiers ou sur des espèces


Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-04-11;42.2024 ?

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