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25/04/2024 | BELGIQUE | N°47/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 25 avril 2024, 47/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 47/2024
du 25 avril 2024
Numéro du rôle : 7947
En cause : les questions préjudicielles relatives à l’article 215 du Code d’instruction criminelle, posées par la Cour d’appel de Mons.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Frank Meersschaut, présidée par le président Pierre N

ihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des questions préjud...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 47/2024
du 25 avril 2024
Numéro du rôle : 7947
En cause : les questions préjudicielles relatives à l’article 215 du Code d’instruction criminelle, posées par la Cour d’appel de Mons.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Frank Meersschaut, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles et procédure
Par arrêt du 21 décembre 2022, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 13 mars 2023, la Cour d’appel de Mons a posé les questions préjudicielles suivantes :
« 1. L’article 215 du Code d’instruction criminelle, interprété en ce sens qu’il impose aux juges d’appel, annulant un jugement ayant refusé de faire droit à une requête en changement de langue de la procédure déposée sur pied de l’article 23, alinéa 4, de la loi du 15 juin 1935
concernant l’emploi des langues en matière judiciaire, de renvoyer la cause à la juridiction d’appel statuant dans la langue demandée la plus proche, et non au juge de première instance statuant dans la langue demandée le plus proche, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, pris isolément ou lus en combinaison avec les articles 2, § 1er, du Protocole n° 7
à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, 14, § 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 6 et 17 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales et/ou 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce qu’il opérerait une différence de traitement dépourvue de justification raisonnable et objective entre des justiciables placés dans une situation comparable, à savoir :
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- le prévenu voulant se défendre et être jugé dans la langue qu’il connaît ou dans laquelle il s’exprime plus facilement, au besoin en formant appel contre la décision du premier juge lui refusant ce droit, et le prévenu qui n’invoque pas ce droit, en ce que seul le premier s’expose au risque de la perte d’un degré de juridiction et/ou;
- le prévenu voulant se défendre et être jugé dans la langue qu’il connaît ou dans laquelle il s’exprime plus facilement, dont la requête est, à tort, rejetée par le premier juge et le prévenu formant la même requête à laquelle il est, à juste titre, fait droit par le premier juge, en ce que seul le premier se voit confronté au choix de contester la décision du premier juge en degré d’appel, au prix de la perte d’un degré de juridiction, ou de s’en accommoder, pour préserver son droit à un double degré de juridiction et/ou;
- deux prévenus voulant se défendre et être jugés dans la langue qu’ils connaissent ou dans laquelle ils s’expriment plus facilement, dont les requêtes sont, à tort, rejetées par le premier juge, le premier décidant de faire appel de cette décision, se voyant de ce fait privé d’un degré de juridiction, et le second décidant de s’en accommoder, conservant alors son droit au double degré de juridiction ?
2. L’article 215 du Code d’instruction criminelle, interprété en ce sens qu’il impose aux juges d’appel, annulant un jugement ayant refusé de faire droit à une requête en changement de langue de la procédure déposée sur pied de l’article 23, alinéa 4, de la loi du 15 juin 1935
concernant l’emploi des langues en matière judiciaire, de renvoyer la cause à la juridiction d’appel statuant dans la langue demandée la plus proche et non au juge de première instance statuant dans la langue demandée le plus proche, viole-t-il l’article 13 de la Constitution, pris isolément ou lu en combinaison avec l’article 2, § 1er, du Protocole n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme, en distrayant contre son gré du juge de première instance que la loi lui assigne le justiciable qui ne bénéficie ni d’un privilège de juridiction ni n’est attrait par la loi devant la plus haute juridiction de fond en raison de la nature de l’infraction pour laquelle il est poursuivi ? ».
Des mémoires et mémoires en réponse ont été introduits par :
- la SA « A », la SA « B », la SRL « C », la SRL « D », la SRL « E », la SRL « F », la SRL « G », la SRL « H », la SRL « I », la SRL « J », la SRL « K », la SRL « L », la SRL « M », la SRL « N », la SRL « O », la SRL « P », la SRL « Q », la SRL « R », la SRL « S », la SRL « T », la SRL « U », la SRL « V », J. R.M. et J. R.Y.M., assistés et représentés par Me Bruno Lebrun, Me Dominique Blommaert et Me François Koning, avocats au barreau de Bruxelles, par Me Karim Itani, avocat au barreau de Mons, et par Me Dirk Van Belle, avocat au barreau d’Anvers;
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Philippe Schaffner, avocat au barreau de Bruxelles.
Par ordonnance du 28 février 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Thierry Giet et Sabine de Bethune, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception
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de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Le litige au fond concerne des personnes physiques et des personnes morales poursuivies pour différents cas de « non-respect des desseins de l’Union Européenne, en créant une situation artificielle en vue de l’obtention d’un plus grand quota à un tarif préférentiel et dont les droits d’importation et la TVA légalement dus sur les marchandises déclarées n’ont pas ou pas suffisamment été encaissés et des dommages ont été causés à la compétitivité sur le marché européen ».
Ces personnes (ci-après : les prévenus) ont été citées à comparaître devant le Tribunal de première instance de Flandre occidentale, division de Bruges, et y ont demandé le renvoi de l’affaire vers le tribunal correctionnel le plus proche dont la langue de procédure est la langue française. Le Tribunal de première instance ayant déclaré cette demande non fondée, les prévenus ont interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel de Gand, laquelle a, par arrêt du 24 décembre 2020, déclaré l’appel recevable et fondé, annulé le jugement dont appel et, conformément à l’article 23 de la loi du 15 juin 1935 « concernant l’emploi des langues en matière judiciaire »
(ci-après : la loi du 15 juin 1935), ordonné « le renvoi à la juridiction de même ordre la plus rapprochée où la procédure est faite dans la langue demandée par le[s] prévenu[s] », soit, en l’espèce, la Cour d’appel de Mons.
Le procureur général près la Cour d’appel de Gand a introduit contre cet arrêt un pourvoi en cassation, que la Cour de cassation, par arrêt du 13 avril 2021, a déclaré irrecevable car prématuré, l’arrêt attaqué ne comportant pas de jugement définitif.
La Cour d’appel de Mons a jugé qu’avant de statuer sur le fond des affaires, il s’indiquait d’interroger la Cour et elle pose dès lors d’office les questions préjudicielles reproduites plus haut.
III. En droit
-A-
A.1. Les prévenus soutiennent que les deux questions préjudicielles appellent une réponse affirmative. En ce qui concerne la première question préjudicielle, ils soutiennent que la disposition en cause, dans l’interprétation faisant l’objet des questions préjudicielles, viole les articles 10 et 11 de la Constitution car elle entraîne une discrimination entre les prévenus qui demandent un changement de langue et sont par conséquent privés de leur droit à un second degré de juridiction, et ceux qui n’en demandent pas et n’en sont donc pas privés, entre les prévenus qui obtiennent un changement de langue en première instance et ceux qui, ne l’obtenant qu’en degré d’appel, sont privés de leur droit à un second degré de juridiction, entre ceux qui interjettent appel d’une décision de première instance rejetant leur demande de changement de langue et ceux qui ne le font pas, seuls les seconds étant privés de leur droit à un second degré de juridiction, et entre ceux qui bénéficient de l’interprétation de
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l’article 215 du Code d’instruction criminelle selon laquelle le renvoi doit être fait vers une juridiction de premier degré et ceux qui n’en bénéficient pas et qui sont privés de leur droit à un second degré de juridiction.
Ils soutiennent encore que les articles 10 et 11 de la Constitution sont violés car la disposition en cause, telle qu’elle est interprétée par la juridiction a quo, implique une identité de traitement de personnes se trouvant dans des situations différentes. Ainsi, ils soulignent que sont traités de la même manière, par l’évocation de leur cause en degré d’appel, des prévenus ayant jusque-là pu suivre la procédure dans leur langue et des prévenus dont la procédure a jusque-là eu lieu dans une langue qu’ils ne comprenaient pas ou peu.
A.2. Les prévenus font également valoir que la disposition en cause, telle qu’elle est interprétée par la juridiction a quo, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 14, paragraphe 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec les articles 6 et 17 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne car elle les prive de leur droit à un double degré de juridiction en matière pénale, droit qui leur est conféré par ces dispositions internationales.
À cet égard, les prévenus soulignent que l’exception prévue au paragraphe 2 de l’article 2 du Protocole n° 7
à la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas applicable en l’espèce, dès lors que, s’agissant d’une exception, elle doit recevoir une interprétation stricte et être comprise comme ne visant que les personnes privées d’un double degré de juridiction en raison d’un privilège de juridiction ou en raison de la nature de l’infraction, ce qui n’est pas leur cas. Ils soulignent également que la réserve émise par la Belgique lors de sa ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques n’est pas non plus applicable en l’espèce, dès lors qu’elle ne vise que les personnes « directement déférées » à une juridiction supérieure, ce qui n’est pas leur cas.
Les prévenus estiment également que le pourvoi en cassation ne peut être considéré comme un second degré de juridiction car il ne répond pas aux exigences des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en raison de la participation habituelle de l’avocat général à l’élaboration de la décision de la Cour. Les prévenus considèrent en effet que cette pratique méconnaît le principe du contradictoire et l’exigence d’égalité des armes, porte atteinte à l’exigence d’indépendance et d’impartialité des tribunaux, enfreint le principe de légalité en matière de procédure pénale et implique la violation par les magistrats concernés de leur secret professionnel et du secret du délibéré. À cet égard, les prévenus demandent subsidiairement à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle sur la compatibilité de la pratique précitée de la Cour de cassation avec les garanties consacrées par l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et d’adresser à la Cour européenne des droits de l’homme une demande d’avis consultatif sur la compatibilité de la même pratique de la Cour de cassation avec l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme. Les prévenus soutiennent encore que le pourvoi en cassation ne peut être considéré comme un second degré de juridiction, en raison du caractère excessivement formaliste de la procédure en cassation et du fait que la Cour de cassation n’examine pas l’exactitude de faits reprochés.
A.3. Les prévenus soutiennent, enfin, que la disposition en cause, telle qu’elle est interprétée par la juridiction a quo, viole l’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme car elle implique la perte d’un droit garanti par la Convention (le droit à un double degré de juridiction, consacré à l’article 2, paragraphe 1, du Protocole n° 7 à la Convention) pour pouvoir bénéficier d’un autre (le droit d’un prévenu de se défendre dans la langue nationale qu’il connaît, consacré à l’article 6 de la Convention).
A.4. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, les prévenus considèrent que la disposition en cause, telle qu’elle est interprétée par la juridiction a quo, viole l’article 13 de la Constitution car elle les prive du droit d’être jugés par le « juge naturel que la loi assigne en première instance aux personnes pénalement poursuivies […] du chef d’infractions […] à la réglementation douanière », à savoir le tribunal correctionnel.
A.5.1. Le Conseil des ministres soutient, en premier lieu, que la réponse aux questions préjudicielles posées n’est pas utile à la solution du litige car, en vertu de l’article 660 du Code judiciaire, toute décision sur la compétence avec renvoi au juge compétent lie le juge auquel la demande est renvoyée. La juridiction a quo étant,
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par application de cette disposition, liée par la décision de renvoi de la Cour d’appel de Gand, elle se doit d’examiner le fond de l’affaire. Le Conseil des ministres souligne que ni la procédure devant la Cour constitutionnelle, ni la procédure devant la Cour d’appel de Mons ne pourraient avoir pour effet de faire disparaître l’arrêt de renvoi de la Cour d’appel de Gand, qui subsistera donc. Il ajoute que les prévenus, s’ils le souhaitent, pourront se pourvoir en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel de Mons et contre « la décision ‘ préparatoire ’ que constitue l’arrêt de la Cour d’appel de Gand » et que la Cour de cassation pourra alors, le cas échéant après avoir elle-même interrogé la Cour constitutionnelle, casser l’arrêt de la Cour d’appel de Gand si elle l’estime justifié.
A.5.2. À cet argument, les prévenus répondent que l’article 660 du Code judiciaire n’est relatif qu’aux décisions sur la compétence, le renvoi par application de l’article 23, alinéa 4, de la loi du 15 juin 1935 n’étant pas une décision sur la compétence.
A.6.1. À titre subsidiaire, en ce qui concerne la première question préjudicielle, le Conseil des ministres soutient que les trois différences de traitement relevées par la juridiction a quo ne sont pas des discriminations qui résultent de la disposition en cause. Ainsi, le prévenu demandant à être jugé dans la langue qu’il connaît n’est pas dans une situation comparable à celle du prévenu qui n’invoque pas ce droit, puisque le choix d’invoquer ce droit provoque l’application de règles de procédure différentes. De même, le prévenu dont la requête en changement de langue est, à tort, rejetée par le premier juge et le prévenu dont la même requête est, à juste titre, accueillie sont soumis à la même procédure, mais la différence de traitement entre ces personnes résulte de la décision judiciaire prise par le premier juge et non de la disposition en cause. Enfin, le prévenu décidant d’interjeter appel d’une décision lui refusant le changement de langue qu’il a demandé est dans une situation différente du prévenu décidant de s’accommoder d’une telle décision et conservant de ce fait son deuxième degré de juridiction.
Le Conseil des ministres ajoute que les autres discriminations alléguées par les prévenus, et non par la juridiction a quo, ne peuvent être examinées puisqu’elles ne font pas l’objet des questions préjudicielles soumises à la Cour. Le Conseil des ministres ajoute encore subsidiairement, à propos de ces autres allégations de discriminations, que l’interprétation variable de l’article 215 du Code d’instruction criminelle n’a pas sa source dans cette disposition, mais dans des décisions judiciaires, et que le prévenu qui interjette appel d’un jugement ayant refusé de faire droit à sa demande de changement de langue est dans une situation comparable à celle d’un prévenu interjetant appel d’un autre type de jugement avant dire droit.
A.6.2. À cet argument, les prévenus répondent que les discriminations envisagées dans la question préjudicielle concernent bien des prévenus poursuivis devant une même juridiction pénale de première instance, à l’occasion d’une même procédure, et qu’en toute hypothèse, une inconstitutionnalité peut être décrétée au sujet d’une différence de traitement entre différentes catégories de personnes résultant de l’application de règles de procédure différentes si cette application entraîne une limitation disproportionnée des droits des parties concernées, la perte d’un second degré de juridiction étant, selon les prévenus, une telle limitation disproportionnée.
A.7. Le Conseil des ministres considère également que le droit à un double degré de juridiction n’est pas un principe général de droit et que, dès lors que l’article 14, paragraphe 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne s’applique pas aux personnes qui, en vertu de la loi belge, sont directement déférées à une juridiction supérieure, il ne s’applique pas aux prévenus qui, comme en l’espèce, sont déférés à la juridiction d’appel conformément à la disposition en cause. Le Conseil des ministres ajoute que le pourvoi en cassation constitue un deuxième degré de juridiction satisfaisant à l’exigence de l’article 2, paragraphe 1, du Protocole n° 7
à la Convention européenne des droits de l’homme et que ce droit peut faire l’objet de limitations, la disposition en cause constituant une limitation acceptable au vu du but poursuivi par le législateur d’assurer une bonne administration de la justice en évitant les pertes de temps et les frais inutiles liés à un renvoi. Le Conseil des ministres ajoute que les critiques formulées par les prévenus à l’encontre de la procédure devant la Cour de cassation, outre qu’elles sont infondées au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, sont basées sur une pratique alléguée de la Cour de cassation et non sur une législation relative à cette Cour, de sorte que, d’une part, la Cour constitutionnelle n’est pas compétente pour en connaître et que, d’autre part, même si ces critiques étaient fondées, il n’en résulterait pas que le recours en cassation tel qu’institué légalement ne répondrait pas aux exigences de légalité, d’indépendance, d’impartialité et de procédure équitable.
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A.8. Enfin, le Conseil des ministres soutient que l’autre interprétation de la disposition en cause, selon laquelle le juge d’appel annulant le jugement de première instance devrait renvoyer la cause devant un autre juge de première instance, ne saurait être déduite du texte de la disposition en cause et constituerait en toute hypothèse une source de discrimination entre les justiciables selon la cause d’annulation du jugement de première instance.
A.9. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, le Conseil des ministres soutient que les prévenus ont bien été attraits devant la juridiction compétente en vertu de l’article 281, § 1er, de la loi générale sur les douanes et accises, coordonnée le 18 juillet 1977, soit le tribunal correctionnel en première instance et, en cas d’appel, la cour d’appel.
-B-
Quant à la disposition en cause et à son contexte
B.1. Par ses questions préjudicielles, la juridiction a quo interroge la Cour sur la constitutionnalité de l’article 215 du Code d’instruction criminelle, interprété en ce sens qu’il impose aux juridictions d’appel annulant un jugement ayant refusé de faire droit à une requête en changement de la langue de la procédure déposée sur la base de l’article 23, alinéa 4, de la loi du 15 juin 1935 « concernant l’emploi des langues en matière judiciaire » (ci-après : la loi du 15 juin 1935) de renvoyer la cause à une juridiction d’appel et non à une juridiction de première instance.
B.2.1. L’article 215 du Code d’instruction criminelle dispose :
« Si le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée de formes prescrites par la loi à peine de nullité, la cour statuera sur le fond ».
B.2.2. En vertu de cette disposition, « le juge d’appel saisi de l’appel portant sur un jugement avant dire droit doit évoquer la cause s’il annule ou réforme ce jugement, dès lors que cette annulation ou cette réformation n’est pas fondée sur l’incompétence du premier juge ou sur la circonstance que ce dernier n’était pas légalement saisi de la cause. L’évocation constitue pour le juge d’appel une obligation légale qui résulte de la décision d’annulation du jugement dont appel […] » (Cass., 14 avril 2021, P.20.1060.F, ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210414.2F.7).
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Le jugement avant dire droit est celui « par lequel le premier juge n’a pas encore statué complètement sur la cause dont il a été saisi » (Cass., 4 avril 2006, P.05.1704.N, ECLI:BE:CASS:2006:ARR.20060404.7).
B.2.3. L’objectif de cette disposition est d’assurer plus de rapidité et d’efficacité dans la procédure pénale, d’écarter les manœuvres dilatoires et d’éviter le renvoi de la cause devant une juridiction dont la décision a été annulée.
B.3.1. L’article 23 de la loi du 15 juin 1935 dispose :
« Le prévenu qui ne connaît que le néerlandais ou s’exprime plus facilement dans cette langue et qui est traduit devant un tribunal de police ou un tribunal correctionnel où la procédure est faite en français ou en allemand, peut demander que celle-ci ait lieu en néerlandais.
Le prévenu qui ne connaît que le français ou s’exprime plus facilement dans cette langue et qui est traduit devant un tribunal de police ou un tribunal correctionnel où la procédure est faite en néerlandais, peut demander que celle-ci ait lieu en français.
Le prévenu qui ne connaît que l’allemand ou s’exprime plus facilement dans cette langue et qui est traduit devant un tribunal de police ou un tribunal correctionnel où la procédure est faite en néerlandais ou en français, peut demander que celle-ci ait lieu en allemand.
Dans les cas visés aux alinéas 1er à 3, le tribunal ordonne le renvoi à la juridiction de même ordre la plus rapprochée où la procédure est faite dans la langue demandée par le prévenu.
Toutefois le tribunal peut décider qu’il ne peut faire droit à la demande du prévenu à raison des circonstances de la cause.
Le prévenu qui ne connaît que le français ou s’exprime plus facilement dans cette langue et qui est traduit devant un tribunal de police ou un tribunal correctionnel où la procédure est faite en allemand, peut demander que celle-ci ait lieu en français. Dans ce cas, la procédure est poursuivie dans la langue demandée par le prévenu devant cette même juridiction.
Lorsque, dans le ressort de la cour d’appel de Liège, aucun juge au tribunal de l’application des peines ou substitut du procureur du Roi spécialisé en application des peines ne justifie de la connaissance de la langue allemande, il est fait appel à un interprète.
La prescription de l’action publique est suspendue pour un délai de maximum un an à partir de la demande de renvoi jusqu’au jour de la première audience où l’affaire sera reprise de nouveau par le tribunal qui poursuivra la procédure au fond ».
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B.3.2. L’article 24 de la loi du 15 juin 1935 dispose :
« Devant toutes les juridictions d’appel, il est fait usage pour la procédure de la langue dans laquelle la décision attaquée est rédigée ».
B.4.1. La loi du 15 juin 1935 ne règle pas expressément la question du renvoi à effectuer par une cour d’appel annulant un jugement ayant refusé de faire droit à une demande de changement de langue sur la base de l’article 23 précité et qui, en vertu de l’article 215 du Code d’instruction criminelle, pourrait être tenue d’évoquer la cause.
B.4.2. Comme l’expose la juridiction a quo, dans l’affaire pendante devant elle, la Cour d’appel de Gand lui a renvoyé la cause car elle a estimé que l’application combinée de l’article 23 de la loi du 15 juin 1935 et de l’article 215 du Code d’instruction criminelle lui imposait de renvoyer la cause à une cour d’appel où la procédure se déroule en français, et non à un tribunal correctionnel. La Cour d’appel de Gand semble avoir estimé que ce renvoi respectait l’économie générale de la loi du 15 juin 1935 en vertu de laquelle les renvois pour un motif de changement de la langue de la procédure s’opéreraient devant les juridictions de même niveau.
C’est la perte d’un degré de juridiction qui s’ensuit pour les prévenus qui fait l’objet des questions préjudicielles.
La juridiction a quo souligne qu’une autre interprétation des dispositions précitées est possible et a été retenue dans deux arrêts inédits, rendus par des cours d’appel. Elle interroge cependant la Cour sur la constitutionnalité de l’article 215 du Code d’instruction criminelle dans l’interprétation qu’en a donné la Cour d’appel de Gand dans l’affaire pendante devant elle.
C’est donc dans cette interprétation que la Cour examine ci-après la constitutionnalité de la disposition en cause.
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Quant à l’exception soulevée par le Conseil des ministres
B.5. Le Conseil des ministres soutient que la réponse aux questions préjudicielles posées par la juridiction a quo n’est pas utile à la solution du litige car, en vertu de l’article 660, alinéa 2, du Code judiciaire, toute décision sur la compétence avec renvoi au juge compétent lie le juge auquel la demande est renvoyée.
C’est en règle à la juridiction a quo qu’il appartient d’apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige. Ce n’est que lorsque tel n’est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n’appelle pas de réponse.
Le renvoi sur la base de la loi du 15 juin 1935 ne constituant pas une décision sur la compétence et l’article 660, alinéa 2, du Code judiciaire n’étant pas applicable en matière pénale, cette disposition n’est pas applicable en l’espèce.
L’exception est rejetée.
Quant au fond
En ce qui concerne la première question préjudicielle
B.6.1. Par sa première question préjudicielle, la juridiction a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l’article 215 du Code d’instruction criminelle, interprété comme s’appliquant à la suite d’une décision de refus de changement de la langue de la procédure, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l’article 2, paragraphe 1, du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 14, paragraphe 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec les articles 6 et 17 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
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B.6.2. La juridiction a quo n’expose pas, et il ne se déduit pas des motifs de la décision de renvoi, en quoi la disposition en cause serait incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec l’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette dernière disposition vise, en ce qui concerne les États parties à la Convention, à les empêcher de se fonder sur l’une quelconque des dispositions de la Convention dans le but de détruire ou de restreindre les droits et libertés qu’elle garantit de manière plus ample que ce que la Convention prévoit elle-même. Aucun élément de la décision de renvoi ne tend à indiquer que la disposition en cause s’inscrirait dans une telle démarche.
La question préjudicielle est irrecevable en ce qu’elle vise l’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme.
B.7.1. La juridiction a quo interroge la Cour sur les différences de traitement suivantes :
1) la différence de traitement entre le prévenu ayant formé une demande de changement de langue et interjetant, au besoin, appel de la décision du premier juge refusant de faire droit à sa demande et le prévenu n’invoquant pas ce droit, seul le premier s’exposant au risque de la perte d’un double degré de juridiction;
2) la différence de traitement entre le prévenu ayant obtenu un changement de langue en première instance et le prévenu ne l’ayant, à tort, pas obtenu, seul le second devant faire un choix entre contester cette décision du premier juge et préserver son droit à un double degré de juridiction;
3) la différence de traitement entre deux prévenus n’ayant, à tort, pas obtenu le changement de langue demandé en première instance, l’un formant appel contre cette décision et perdant de ce fait le droit à son double degré de juridiction et l’autre renonçant à la contester et préservant de ce fait son droit à un double degré de juridiction.
B.7.2. Les prévenus devant la juridiction a quo dénoncent également une différence de traitement injustifiée entre les prévenus qui bénéficient de l’interprétation de la disposition en
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cause selon laquelle le renvoi doit être fait vers une juridiction de premier degré et ceux qui n’en bénéficient pas et qui sont privés de leur droit à un second degré de juridiction. Ils soutiennent également que font l’objet d’une discrimination en ce qu’ils sont traités de la même manière, par l’évocation de leur cause en degré d’appel, alors qu’ils se trouvent dans des situations différentes, les prévenus ayant jusque-là pu suivre la procédure dans leur langue et les prévenus dont la procédure a jusque-là eu lieu dans une langue qu’ils ne comprenaient pas ou peu.
Les parties devant la Cour ne peuvent modifier ou étendre la portée d’une question préjudicielle. C’est en effet à la seule juridiction a quo qu’il appartient de décider quelles sont les questions préjudicielles qui doivent être posées à la Cour et de déterminer ainsi l’étendue de la saisine. L’examen de la question ne peut donc être étendu à la comparaison de catégories de justiciables autres que celles qui sont mentionnées en B.7.1.
B.7.3. La Cour est donc interrogée sur la différence de traitement entre les justiciables qui, parce qu’ils interjettent appel d’un jugement ayant refusé de faire droit à leur demande de changement de la langue de la procédure sur la base de l’article 23 de la loi du 15 juin 1935, sont privés d’un double degré de juridiction et ceux qui, choisissant de renoncer à un tel appel, ou n’ayant pas à y recourir car il a été fait droit à leur demande, ne sont pas privés d’un double degré de juridiction.
B.7.4. Il ressort des motifs de la décision de renvoi que les questions préjudicielles se rapportent à la situation où la juridiction de première instance rejette une demande de changement de la langue de la procédure avant tout examen de la cause. La Cour limite son examen à cette hypothèse.
B.8. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de
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non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.9. La différence de traitement entre les catégories de justiciables exposées en B.7.3
repose sur un critère objectif, à savoir le fait, pour les prévenus concernés, d’avoir contesté en degré d’appel un jugement ayant refusé de faire droit à leur demande de changement de la langue de la procédure.
B.10. L’objectif de la disposition en cause est, comme il est dit en B.2.3, d’assurer plus de rapidité et d’efficacité dans la procédure pénale, d’écarter les manœuvres dilatoires et d’éviter le renvoi de la cause devant une juridiction dont la décision a été annulée. Cet objectif est légitime.
B.11.1. L’évocation prévue par la disposition en cause, interprétée comme s’appliquant à la suite de l’annulation d’un jugement rejetant une demande de changement de langue sur la base de l’article 23 de la loi du 15 juin 1935, n’est, dans la plupart des cas, pas pertinente au regard de l’objectif d’éviter le renvoi de la cause devant une juridiction dont la décision a été annulée. En effet, lorsqu’une juridiction fait droit à une demande de changement de la langue de la procédure sur la base de la disposition précitée, elle doit, dans la plupart des cas, renvoyer la cause devant « la juridiction de même ordre la plus rapprochée où la procédure est faite dans la langue demandée par le prévenu » (article 23, alinéa 4, de la loi du 15 juin 1935). Le renvoi de la cause devant une juridiction de première instance n’impliquerait donc le plus souvent pas que la cause soit jugée au fond par la même juridiction que celle qui a rejeté la demande de changement de langue.
B.11.2. L’évocation prévue par la disposition en cause, interprétée comme s’appliquant à la suite d’un jugement rejetant une demande de changement de langue sur la base de l’article 23
de la loi du 15 juin 1935, n’est pas non plus pertinente au regard de l’objectif d’écarter les manœuvres dilatoires. En effet, l’article 23, alinéa 7, de cette loi suffit à prévenir l’utilisation de la demande de changement de langue à des fins dilatoires. Il prévoit que « la prescription de l’action publique est suspendue pour un délai de maximum un an à partir de la demande de
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renvoi jusqu’au jour de la première audience où l’affaire sera reprise de nouveau par le tribunal qui poursuivra la procédure au fond ». C’est précisément pour remédier à l’utilisation de la demande de changement de langue de la procédure comme manœuvre dilatoire que le législateur a inséré cet alinéa dans l’article 23 de la loi du 15 juin 1935 par la loi du 6 mars 2018
« relative à l’amélioration de la sécurité routière » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-
2868/001, p. 18).
B.11.3. L’évocation prévue par la disposition en cause est, en revanche, pertinente au regard de l’objectif d’assurer plus de rapidité et d’efficacité dans la procédure pénale.
B.12. Il convient dès lors d’examiner s’il existe un rapport de proportionnalité entre cette mesure et cet objectif. Dans les procédures, comme celle ayant donné lieu aux questions préjudicielles où la juridiction de première instance rejette une demande de changement de la langue de la procédure avant tout examen de la cause, l’évocation a pour effet que les prévenus concernés ne voient pas leur cause examinée en première instance.
Les prévenus sont ainsi jugés en première et dernière instance par la juridiction d’appel. Le pourvoi en cassation, dès lors qu’il ne permet pas un examen des faits de la cause, n’équivaut pas à un réexamen de la cause tel que le permet un appel.
Cette perte, pour les prévenus concernés, du droit de voir leur cause réexaminée en degré d’appel peut être lourde de conséquences en cas de condamnation, puisqu’ils n’ont pas la possibilité d’en contester le bien-fondé si cette contestation est fondée sur des questions de fait, étrangères au contrôle opéré par la Cour de cassation.
Cette perte complète, pour les prévenus concernés, du droit de voir leur cause réexaminée en degré d’appel est disproportionnée par rapport à l’objectif d’assurer plus de rapidité et d’efficacité dans la procédure pénale. La différence de traitement qui résulte de la disposition en cause, telle qu’elle est interprétée par la juridiction a quo, n’est pas raisonnablement justifiée.
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B.13. La disposition en cause, interprétée comme imposant à la juridiction d’appel qui a annulé un jugement refusant de faire droit à une demande de changement de la langue de la procédure sur la base de l’article 23 de la loi du 15 juin 1935 de renvoyer la cause vers une juridiction de même niveau plutôt que vers une juridiction de première instance, n’est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.14. Comme le relève la juridiction a quo, une autre interprétation de la disposition en cause est cependant possible. Selon cette interprétation, la disposition en cause ne s’applique pas lorsqu’une juridiction d’appel annule un jugement rejetant une demande de changement de la langue de la procédure, l’article 23 de la loi du 15 juin 1935 y ayant dérogé en imposant à la juridiction d’appel de faire ce que la juridiction de première instance aurait dû faire, à savoir renvoyer la cause à un tribunal de même ordre que celui dont le jugement est annulé.
Interprétée de la sorte, la disposition en cause est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution .
En ce qui concerne la seconde question préjudicielle
B.15. Dès lors que la seconde question préjudicielle ne conduit pas à un constat de violation plus étendu, elle ne doit pas être examinée.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
L’article 215 du Code d’instruction criminelle, interprété en ce sens qu’il impose aux juridictions d’appel annulant un jugement ayant refusé, avant tout examen de la cause, de faire droit à une demande de changement de la langue de la procédure formulée sur la base de l’article 23, alinéa 4, de la loi du 15 juin 1935 « concernant l’emploi des langues en matière judiciaire » de renvoyer la cause à une juridiction d’appel et non à une juridiction de première instance, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
La même disposition, interprétée comme ne s’appliquant pas lorsque le jugement annulé est un jugement ayant refusé, avant tout examen de la cause, de faire droit à une demande de changement de la langue de la procédure formulée sur la base de l’article 23, alinéa 4, de la loi du 15 juin 1935 « concernant l’emploi des langues en matière judiciaire », ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 25 avril 2024.
Le greffier, Le président,
Frank Meersschaut Pierre Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47/2024
Date de la décision : 25/04/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

- Violation (article 215 du Code d'instruction criminelle, interprété en ce sens qu'il impose aux juridictions d'appel annulant un jugement ayant refusé, avant tout examen de la cause, de faire droit à une demande de changement de la langue de la procédure formulée sur la base de l'article 23, alinéa 4, de la loi du 15 juin 1935 « concernant l'emploi des langues en matière judiciaire » de renvoyer la cause à une juridiction d'appel et non à une juridiction de première instance) - Non-violation (la même disposition, interprétée comme ne s'appliquant pas lorsque le jugement annulé est un jugement ayant refusé, avant tout examen de la cause, de faire droit à une demande de changement de la langue de la procédure formulée sur la base de l'article 23, alinéa 4, de la loi du 15 juin 1935)

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - les questions préjudicielles relatives à l'article 215 du Code d'instruction criminelle, posées par la Cour d'appel de Mons. Procédure pénale - Emploi des langues en matière judiciaire - Prévenu - Demande de changement de langue de la procédure - Jugement de refus avant tout examen de la cause - Annulation par une juridiction d'appel - Évocation - Renvoi de la cause à une juridiction d'appel - Droit au double degré de juridiction


Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-04-25;47.2024 ?

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