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16/05/2024 | BELGIQUE | N°55/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 16 mai 2024, 55/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 55/2024
du 16 mai 2024
Numéro du rôle : 8066
En cause : le recours en annulation partielle de l’article 3 du décret de la Région flamande du 9 juin 2023 « modifiant le décret du 25 avril 2014 relatif au permis d’environnement, en ce qui concerne l’introduction de mesures transitoires pour les permis dans le cadre de l’Approche programmatique de l’Azote », introduit par Jan Stevens.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Joséphine Moerman, Michel Pâques, Danny P

ieters, Willem Verrijdt et Kattrin Jadin, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée ...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 55/2024
du 16 mai 2024
Numéro du rôle : 8066
En cause : le recours en annulation partielle de l’article 3 du décret de la Région flamande du 9 juin 2023 « modifiant le décret du 25 avril 2014 relatif au permis d’environnement, en ce qui concerne l’introduction de mesures transitoires pour les permis dans le cadre de l’Approche programmatique de l’Azote », introduit par Jan Stevens.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Joséphine Moerman, Michel Pâques, Danny Pieters, Willem Verrijdt et Kattrin Jadin, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 15 juillet 2023 et parvenue au greffe le 18 juillet 2023, Jan Stevens, assisté et représenté par Me Philippe Vande Casteele, avocat au barreau d’Anvers, a introduit un recours en annulation partielle de l’article 3 du décret de la Région flamande du 9 juin 2023 « modifiant le décret du 25 avril 2014 relatif au permis d’environnement, en ce qui concerne l’introduction de mesures transitoires pour les permis dans le cadre de l’Approche programmatique de l'Azote » (publié au Moniteur belge du 6 juillet 2023).
Par la même requête, la partie requérante demandait également la suspension de la même disposition décrétale. Par l’arrêt n° 152/2023 du 9 novembre 2023
(ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.152), publié au Moniteur belge du 1er mars 2024, la Cour a rejeté la demande de suspension.
Le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me Gregory Verhelst, avocat au barreau d’Anvers, a introduit un mémoire et la partie requérante a introduit un mémoire en réponse.
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Par ordonnance du 14 février 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Danny Pieters et Kattrin Jadin, a décidé que l’affaire était en état et a fixé l’audience au 27 mars 2024.
À l’audience publique du 27 mars 2024 :
- ont comparu :
. Me Philippe Vande Casteele, pour la partie requérante;
. Me Ward Vangrunderbeeck, avocat au barreau d’Anvers, loco Me Gregory Verhelst, pour le Gouvernement flamand;
- les juges-rapporteurs Danny Pieters et Kattrin Jadin ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
A.1.1. Le Gouvernement flamand conteste la recevabilité du recours en annulation. Il fait valoir que la partie requérante ne démontre pas qu’elle ne pourrait pas obtenir d’autorisation en raison de la problématique liée aux émissions d’azote.
A.1.2. La partie requérante répond qu’il ne ressort nullement des dispositions attaquées qu’il s’agit d’une exigence et que l’arrêté auquel se réfère le Gouvernement flamand doit rester inappliqué en vertu de l’exception d’illégalité.
Quant au fond
A.2.1. La partie requérante prend un moyen unique de la violation, par les dispositions attaquées, des articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les principes de la sécurité juridique, des droits acquis et des attentes légitimes, avec l’article 190 de la Constitution et avec le principe de publicité, avec le principe de légalité en matière pénale, avec l’article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 15, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec l’interdiction de la rétroactivité, avec le principe « nullum crimen sine culpa » et avec les adages « lex mitior » et « lex certa ».
A.2.2. Dans la première branche, la partie requérante reproche aux dispositions attaquées d’instaurer une différence de traitement injustifiée entre les titulaires d’une autorisation ou d’un permis ayant expiré en 2021 ou en 2022 et ceux dont l’autorisation ou le permis expire en 2023. Seuls les premiers doivent démontrer qu’ils ont introduit à temps une demande de renouvellement afin qu’ils puissent solliciter une prolongation, malgré le fait que leur autorisation ou permis a déjà été prolongé automatiquement sur la base de l’accord du Gouvernement
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flamand sur les émissions d’azote. Du fait que les titulaires d’autorisation ou de permis qui n’ont pas demandé un renouvellement ne peuvent pas obtenir de prolongation, ils sont en outre exclus de manière discriminatoire de la possibilité d’introduire une demande de renouvellement jusqu’au 30 novembre 2023 au plus tard, de sorte qu’ils ne bénéficient pas de la possibilité de poursuivre leurs activités d’exploitation après le 31 décembre 2023 jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue sur cette demande de renouvellement.
Dans la deuxième branche, la partie requérante dénonce le fait que les dispositions attaquées contiennent une incrimination rétroactive. Cela viole les principes du droit pénal et du droit de la procédure pénale. En outre, les titulaires d’autorisation ou de permis concernés ignoraient que leur comportement serait érigé ultérieurement en infraction.
Dans la troisième branche, la partie requérante soutient que les dispositions attaquées l’empêchent de pouvoir bénéficier du régime plus favorable qui existait sur la base de l’accord sur les émissions d’azote.
La quatrième branche est prise de la violation du principe de la sécurité juridique, mais elle se situe complètement dans le droit fil des trois premières branches.
Dans son mémoire en réponse, la partie requérante se réfère enfin à la jurisprudence récente concernant les conséquences possibles d’un communiqué de presse à la lumière du principe de la confiance légitime.
A.2.3. Le Gouvernement flamand fait valoir que le moyen est en majeure partie irrecevable à défaut d’exposé. Pour le surplus, il souligne qu’il n’aperçoit pas en quoi la déclaration invoquée par la partie requérante pourrait être interprétée comme une prolongation automatique de son autorisation. La condition attaquée garantit que seuls les titulaires d’autorisation ou de permis qui n’ont jamais mené d’activités d’exploitation sans permis, ou seulement très brièvement, peuvent bénéficier du régime favorable.
A.3. La partie requérante développe dans son mémoire en réponse un moyen nouveau dans lequel il est question d’une violation, notamment, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 143, § 1er, 159, 160 et 190 de la Constitution, avec l’article 3 des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973, avec les règles répartitrices de compétences et avec les principes généraux de légalité, de publicité et de sécurité juridique, faisant référence à certains vices au niveau de la publicité et de la préparation de l’arrêté du Gouvernement flamand du 10 mars 2023 portant « établissement d’une approche programmatique de l’azote ».
-B-
Quant aux dispositions attaquées
B.1.1. Le recours en annulation est dirigé contre l’article 394/2, § 1er, alinéa 1er, 2°, et § 2, alinéa 1er, du décret de la Région flamande du 25 avril 2014 « relatif au permis d’environnement » (ci-après : le décret du 25 avril 2014), tel qu’il a été inséré par l’article 3 du décret de la Région flamande du 9 juin 2023 « modifiant le décret du 25 avril 2014 relatif au permis d’environnement, en ce qui concerne l’introduction de mesures transitoires pour les permis dans le cadre de l’Approche programmatique de l’Azote » (ci-après : le décret du 9 juin 2023).
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B.1.2. Le décret du 9 juin 2023 introduit une réglementation qui permet, pour les élevages ou pour les installations de traitement d’engrais, de prolonger jusqu’au 31 décembre 2023 les autorisations et les permis qui expirent en 2021, en 2022 et en 2023 et qui leur permet également d’introduire une (nouvelle) demande de renouvellement, à supposer qu’un cadre décrétal autour de l’azote soit disponible à ce moment-là :
« Le 10 mars 2023, le Gouvernement flamand a approuvé définitivement l’Approche programmatique de l’Azote (APA). Plusieurs mesures sont incluses dans cet accord.
La présente proposition de décret prévoit de prolonger la durée de validité des autorisations écologiques et des permis d’environnement délivrés pour les élevages existants, qui expirent ou ont expiré au cours des années 2021, 2022 ou 2023 et pour lesquels, compte tenu de la problématique liée aux émissions d’azote dans les zones de protection spéciale, aucune nouvelle demande de permis ne peut encore être introduite conformément aux nouvelles règles du régime définitif de l’APA.
L’APA approuvée (VR 2023 1003 DOC.0250/4, pp. 79-80) mentionne ce qui suit : ‘ La durée de validité des autorisations ou permis délivrés pour les élevages et les installations de traitement des engrais qui expirent encore en 2023 est prolongée par décret jusqu’à la fin de l’année 2023. Une prolongation équivalente est également appliquée aux autorisations et permis qui ont expiré en 2022 et pour lesquels un renouvellement a été demandé dans les délais ’ » (Doc. parl., Parlement flamand, 2022-2023, n° 1728/1, p. 2).
L’article 3 de la proposition de décret qui est à l’origine du décret du 9 juin 2023 constitue une actualisation de l’article 7 de la proposition de décret du 18 mai 2022 « modifiant le décret sur les engrais, en ce qui concerne l’instauration de la possibilité de créer des commissions d’avis et la suppression des droits d’émission de nutriments TDE et modifiant le décret du 25 avril 2014 relatif aux permis d’environnement, en ce qui concerne l’instauration de mesures transitoires pour les permis dans le cadre de l’Approche programmatique de l’Azote ». Il ressort de la discussion relative à cette proposition de décret que la prolongation s’entend au sens d’un régime transitoire en faveur « des entreprises qui [...] sont engagées dans une procédure d’octroi d’une autorisation ou d’un permis ou qui s’y engageraient dans les mois à venir et qui se trouvent actuellement dans une période très incertaine, à savoir le fait que l’Approche programmatique de l’azote (APA) définitive n’est pas encore prête » (Ann., Parlement flamand, rapport séance plénière, 13 juillet 2022, après-midi).
B.1.3. L’article 3 du décret du 9 juin 2023 insère à cet effet un article 394/2 dans le décret du 25 avril 2014. Cet article 394/2 dispose :
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« § 1er. Le délai d’autorisation d’une autorisation écologique ou d’un permis d’environnement accordé pour l’exploitation d’une installation ou d’une activité classée est [prolongé] si les conditions suivantes sont remplies :
1° l’autorisation/le permis concerne un élevage ou une installation de traitement d’engrais;
2° soit le délai d’autorisation a expiré en 2021 ou 2022 et une demande de renouvellement a été introduite avant l’entrée en vigueur du présent article et au moins 12 mois avant la date de fin de l’autorisation/du permis, soit le délai d’autorisation a expiré ou expire au cours de l’année 2023;
3° aucune décision définitive n’a encore été prise sur la dernière demande de renouvellement;
4° une demande de prolongation du délai d’autorisation est introduite à l’autorité compétente, qui en prend expressément acte conformément au présent article;
5° la demande de prolongation du délai d’autorisation est introduite au plus tard le jour précédant le délai d’autorisation en cours. Pour les autorisations dont le délai a expiré avant l’entrée en vigueur du présent article ou dont le délai d’autorisation expire au plus tard 30 jours après le jour de l’entrée en vigueur du présent article, la demande peut encore être introduite jusqu’au 1er septembre 2023 au plus tard.
Conformément au présent article, le délai d’autorisation est prolongé jusqu’au 31 décembre 2023.
§ 2. L’autorité compétente visée à l’article 15 prend expressément acte de la demande s’il est satisfait aux conditions du paragraphe 1er.
Si la demande est introduite dans le délai visé au paragraphe 1er, 5°, l’acte urbanistique peut être maintenu ou l’établissement ou l’activité classé peut continuer à être exploité après la date de fin dans l’attente de la prise d’acte visée à l’alinéa 1er.
La mention expresse vaut pour confirmation du fait que l’autorisation écologique ou le permis d’environnement est prolongé conformément au paragraphe 1er.
§ 3. Le présent article s’applique sans préjudice de l’application des dispositions mentionnées à l’article 99, § 2 et § 3.
§ 4. Par dérogation à l’article 70, § 1er, alinéa 2, les établissements ou activités classés dont le délai d’autorisation est prolongé en application du présent article peuvent continuer à fonctionner après la nouvelle date d’expiration de l’autorisation dans l’attente d’une décision définitive sur une demande de renouvellement, à condition que celle-ci soit introduite au plus tard un mois avant la nouvelle date d’expiration susmentionnée ».
B.1.4. La partie requérante formule des griefs à l’égard de la condition, s’appliquant aux autorisations ou aux permis dont le délai de validité a expiré en 2021 ou en 2022, selon laquelle une demande de renouvellement a été introduite avant l’entrée en vigueur de l’article 394/2 et
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au moins douze mois avant la date de fin de l’autorisation ou du permis (article 394/2, § 1er, 2°, du décret du 25 avril 2014). En outre, elle dénonce le fait que l’existence de cette condition, par les mots « s’il est satisfait aux conditions du paragraphe 1er » figurant à l’article 394/2, § 2, alinéa 1er, du décret du 25 avril 2014, empêche les titulaires d’autorisation ou de permis qui ne remplissent pas cette condition de poursuivre leurs activités d’exploitation après le 31 décembre 2023.
B.1.5. L’article 2 du décret de la Région flamande du 22 décembre 2023 « modifiant le décret du 25 avril 2014 relatif au permis d’environnement, en ce qui concerne l’introduction de mesures transitoires pour les permis dans le cadre de l’Approche programmatique de l’Azote »
(ci-après : le décret du 22 décembre 2023) remplace l’article 394/2 du décret du 25 avril 2014, tel qu’il a été inséré par l’article 3 du décret du 9 juin 2023, comme suit :
« § 1er. Le délai d’autorisation d’une autorisation écologique ou d’un permis d’environnement, accordés pour l’exploitation d’un établissement ou d’une activité classés, est [prolongé] jusqu’au 31 décembre 2024 si les conditions suivantes sont remplies :
1° l’autorisation concerne un établissement ou activité classés à l’origine d’émissions d’azote;
2° le délai d’autorisation :
a) a expiré en 2021 ou 2022 et une demande de renouvellement a été introduite au moins avant la date d’expiration de l’autorisation, pour laquelle aucune décision finale n’a encore été prise;
b) a expiré ou expire en 2023 ou 2024;
3° une demande de prolongation du délai d’autorisation est introduite auprès de l’autorité compétente visée au paragraphe 2, qui en prend expressément acte conformément au paragraphe 2, alinéa 1er;
4° la demande de prolongation du délai d’autorisation est introduite au plus tard la veille de l’expiration du délai d’autorisation en cours.
Par dérogation à l’alinéa 1er, pour les autorisations dont le délai d’autorisation a expiré avant l’entrée en vigueur du présent article ou dont le délai d’autorisation expire au plus tard le 31 janvier 2024, la demande peut être introduite jusqu’au 1er mars 2024.
[Par dérogation] à l’alinéa 1er, le délai d’autorisation d’une autorisation écologique ou d’un permis d’environnement, octroyés pour l’exploitation d’un établissement ou d’une activité classés à l’origine d’émissions d’azote, dont le délai d’autorisation a déjà été prolongé jusqu’au 31 décembre 2023, conformément à l’article 394/2, tel qu’il s’appliquait la veille de l’entrée en vigueur du décret du 22 décembre 2023 modifiant le décret du 25 avril 2014 relatif au permis
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d’environnement, en ce qui concerne l’introduction de mesures transitoires pour les permis dans le cadre de l’Approche programmatique de l’Azote, est prolongé de plein droit jusqu’au 31 décembre 2024.
§ 2. L’autorité compétente visée à l’article 15 prend explicitement acte, dans un délai de trente jours, de la demande visée au paragraphe 1er, alinéa 1er, 3°, si les conditions du paragraphe 1er, alinéa 1er, sont remplies.
Le délai, visé à l’alinéa 1er, prend effet le lendemain de la date de notification.
Si la demande est introduite dans le délai visé au paragraphe 1er, alinéa 1er, 4°, l’acte urbanistique peut être maintenu ou l’exploitation de l’établissement ou de l’activité classés peut se poursuivre après la date de fin dans l’attente de la prise d’acte visée à l’alinéa 1er.
La prise d’acte expresse fait office de confirmation que l’autorisation écologique ou le permis d’environnement est prolongé.
Les dispositions applicables à la publication d’une décision relative à une demande d’autorisation traitée sans enquête publique s’appliquent mutatis mutandis à la publication de la décision relative à la demande.
§ 3. Le présent article s’applique sans préjudice des dispositions de l’article 99, §§ 2 et 3.
§ 4. [Par dérogation] à l’article 70, § 1er, alinéa 2, l’exploitation des établissements ou activités classés à l’origine d’émissions d’azote peut se poursuivre après la date d’expiration de l’autorisation dans l’attente d’une décision finale sur une demande de renouvellement, à condition que cette demande de renouvellement soit introduite avant la date d’expiration précitée ».
L’article 3 du décret du 22 décembre 2023 dispose que ce décret entre en vigueur le 30 novembre 2023. Il appartient à la Cour de se prononcer sur la constitutionnalité de l’article 394/2 du décret du 25 avril 2014, tel qu’il a été inséré par l’article 3 du décret du 9 juin 2023 et tel qu’il était applicable avant sa modification par le décret du 22 décembre 2023, le décret du 9 juin 2023 ayant eu des effets juridiques de son entrée en vigueur, le 7 juillet 2023, jusqu’au 29 novembre 2023.
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Quant à la recevabilité
En ce qui concerne l’intérêt
B.2.1. Le Gouvernement flamand conteste l’intérêt de la partie requérante à l’annulation des dispositions attaquées, au motif qu’elle ne fait pas valoir qu’elle ne pourrait pas recevoir un permis en raison de la problématique liée aux émissions d’azote.
B.2.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d’un intérêt. Ne justifient de l’intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.2.3. La partie requérante fait valoir qu’elle disposait d’un permis pour l’exploitation d’un élevage de bétail, au sens de l’article 394/2, § 1er, 1°, du décret du 25 avril 2014, et qu’elle ne satisfait pas à la condition mentionnée à l’article 394/2, § 1er, 2°, selon laquelle une demande de renouvellement a été introduite dans les délais. Elle justifie donc d’un intérêt suffisant à son recours.
L’exception est rejetée.
En ce qui concerne le nouveau moyen
B.3.1. La partie requérante développe dans son mémoire en réponse un moyen nouveau.
Elle fait valoir que ce moyen est recevable parce qu’il est pris d’éléments qu’elle ne connaissait pas encore au moment où elle a introduit la requête.
B.3.2. Le moyen semble être pris de la violation, notamment, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 143, § 1er, 159, 160 et 190 de la Constitution, avec l’article 3 des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973, avec les règles répartitrices de compétences et avec les principes généraux de légalité, de publicité et de sécurité juridique. Il n’appartient pas à la partie requérante de modifier ou d’étendre dans son mémoire en réponse les moyens tels qu’elle les a elle-même formulés dans la requête. Un grief
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qui, comme en l’espèce, est formulé dans un mémoire en réponse mais qui diffère de celui qui est énoncé dans la requête constitue dès lors un moyen nouveau et est irrecevable.
Quant au fond
B.4.1. Le moyen unique, dans toutes ses branches, est pris de la violation, par les dispositions attaquées, des articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les principes de la sécurité juridique, des droits acquis et des attentes légitimes, avec l’article 190 de la Constitution et avec le principe de publicité, avec le principe de légalité en matière pénale, avec l’article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 15, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec l’interdiction de la rétroactivité, avec le principe « nullum crimen sine culpa »
et avec les adages « lex mitior » et « lex certa ».
B.4.2. Il ressort de l’exposé du moyen que toutes les branches reposent sur la supposition que tous les permis ou autorisations ayant expiré en 2022 ont été prolongés automatiquement pour une durée indéterminée par le communiqué de presse que le Gouvernement flamand a diffusé le 23 février 2022. La partie requérante en déduit que les dispositions attaquées limiteraient rétroactivement cette prolongation aux autorisations ou aux permis pour lesquels un renouvellement a été demandé dans les délais.
Comme l’observe le Gouvernement flamand, cette prémisse n’est pas correcte.
B.4.3. Le communiqué de presse « Stikstofakkoord Vlaamse Regering » (« Accord du Gouvernement flamand sur les émissions d’azote ») du Gouvernement flamand du 23 février 2022, auquel la partie requérante fait référence, mentionne notamment, sous le titre « Welk vervolgtraject nu ? » (« Et maintenant quelle est la suite ? ») :
« Il y aura un régime transitoire pour les autorisations ou permis qui viendront à expiration en 2022, par lequel ils sont prolongés de dix-huit mois par décret ».
Un communiqué de presse du Gouvernement flamand annonçant une mesure ne peut, de par sa nature, étant donné notamment son caractère purement informatif et l’absence de toute
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force obligatoire, suffire à modifier ou à abroger l’obligation décrétale d’obtenir une autorisation ou un permis, ni à prolonger la durée de validité d’une autorisation ou d’un permis spécifique.
B.4.4. Le moyen unique repose sur une prémisse erronée et n’est dès lors pas fondé.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette le recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 16 mai 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Luc Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 55/2024
Date de la décision : 16/05/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-05-16;55.2024 ?

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