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20/06/2024 | BELGIQUE | N°63/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 20 juin 2024, 63/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 63/2024
du 20 juin 2024
Numéros du rôle : 7964 et 7974
En cause : les recours en annulation totale ou partielle de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 13 octobre 2022 « portant modification du Code bruxellois du Logement en vue de modifier l’indexation des loyers », introduit par l’ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires » et autres et par Alain Martin.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Mic

hel Pâques, Yasmine Kherbache et Danny Pieters, assistée du greffier Frank Meersschau...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 63/2024
du 20 juin 2024
Numéros du rôle : 7964 et 7974
En cause : les recours en annulation totale ou partielle de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 13 octobre 2022 « portant modification du Code bruxellois du Logement en vue de modifier l’indexation des loyers », introduit par l’ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires » et autres et par Alain Martin.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache et Danny Pieters, assistée du greffier Frank Meersschaut, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 31 mars et 11 avril 2023 et parvenues au greffe les 3 et 12 avril 2023, des recours en annulation totale ou partielle de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 13 octobre 2022 « portant modification du Code bruxellois du Logement en vue de modifier l’indexation des loyers » (publiée au Moniteur belge du 14 octobre 2022) ont été introduits par l’ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires », l’ASBL « Verenigde Eigenaars - Propriétaires Réunis » et Eric Mathay, assistés et représentés par Me Emmanuel Plasschaert, Me Eric Montens et Me Sakine Yilmaz, avocats au barreau de Bruxelles, et par Alain Martin.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7964 et 7974 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Des mémoires ont été introduits par :
- le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, assisté et représenté par Me Emmanuel Jacubowitz et Me Clémentine Caillet, avocats au barreau de Bruxelles;
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- le président du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, assisté et représenté par Me Marc Uyttendaele et Me Anne Feyt, avocats au barreau de Bruxelles;
- le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me Marc Verdussen, Me Michel Kaiser, Me Cécile Jadot et Me Pierre Bellemans, avocats au barreau de Bruxelles;
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me Elke Cloots, Me Stefan Sottiaux et Me Timothy Roes, avocats au barreau d’Anvers.
Les parties requérantes ont introduit des mémoires en réponse.
Des mémoires en réplique ont été introduits par :
- le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale;
- le président du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale;
- le Gouvernement flamand.
Par ordonnance du 13 mars 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Michel Pâques et Yasmine Kherbache, a décidé que les affaires étaient en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et les affaires seraient mises en délibéré.
À la suite de la demande de la partie requérante dans l’affaire n° 7974 à être entendue, la Cour, par ordonnance du 27 mars 2024, a fixé l’audience au 24 avril 2024.
À l’audience publique du 24 avril 2024 :
- ont comparu :
. Me Eric Montens, également loco Me Emmanuel Plasschaert, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 7964;
. Alain Martin, en personne;
. Me Margaux Kerkhofs et Me Sacha Hancart, avocats au barreau de Bruxelles, loco Me Clémentine Caillet, pour le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale;
. Me Anne Feyt, également loco Me Marc Uyttendaele, pour le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale;
. Me Pierre Bellemans, également loco Me Marc Verdussen, pour le Gouvernement wallon;
. Me Timothy Roes, également loco Me Elke Cloots, pour le Gouvernement flamand;
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- les juges-rapporteurs Michel Pâques et Yasmine Kherbache ont fait rapport;
- les parties précitées ont été entendues;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité du recours dans l’affaire n° 7974
A.1. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale estime que le recours dans l’affaire n° 7974 est irrecevable à défaut d’exposé d’un moyen d’annulation.
A.2. Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et le Gouvernement flamand soutiennent que le seul moyen soulevé dans ce recours est irrecevable car il n’est pris de la violation d’aucune norme dont la Cour assure le respect.
Quant au premier moyen dans l’affaire n° 7964
A.3. Le premier moyen est pris de la violation de l’article 6, § 1er, IV et VII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980) et de la compétence résiduelle de l’autorité fédérale.
Les parties requérantes soutiennent que la Région de Bruxelles-Capitale n’était pas compétente pour adopter les dispositions attaquées. Ces dispositions limitent la possibilité pour les bailleurs de logements peu économes en énergie d’indexer les loyers. D’une telle mesure résulte un report de l’incidence de la hausse des prix de l’énergie du locataire sur le bailleur. Les dispositions attaquées modifient donc l’équilibre contractuel entre les parties au contrat de bail et elles portent atteinte au principe de l’indexation des loyers inscrit à l’article 1728bis de l’ancien Code civil. Partant, les dispositions attaquées empiètent sur les compétences résiduelles de l’autorité fédérale, dont relève le droit civil. Dans le cadre de l’exercice de sa compétence en matière de baux d’habitation, la Région de Bruxelles-Capitale est tenue de respecter le principe de proportionnalité, de sorte qu’elle ne peut porter atteinte aux principes généraux du droit civil, qui continuent de relever des compétences fédérales. L’équilibre contractuel entre le bailleur et le locataire fait partie de ces principes. L’ordonnance attaquée constitue en outre une mesure de fixation des prix pour lutter contre l’inflation et empiète dès lors également sur la compétence de l’autorité fédérale d’édicter, en ce qui concerne la politique de l’énergie, des mesures concernant la politique des prix. Les parties requérantes contestent que l’ordonnance attaquée ait réellement pour objectif d’accélérer la rénovation du bâti bruxellois à des fins environnementales, cet objectif étant présenté comme secondaire par rapport à l’objectif principal de lutte contre l’inflation des prix.
A.4. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale estime que le premier moyen n’est pas fondé.
Depuis la Sixième Réforme de l’État, les régions sont compétentes pour édicter « les règles spécifiques concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l’habitation », conformément à l’article 6, § 1er, IV, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980. Il ressort des travaux préparatoires de cette disposition que toutes les règles spécifiques en matière de baux d’habitation ont été transférées aux régions, y compris les modalités d’indexation des loyers. L’objectif du législateur spécial était que les régions puissent par ailleurs déroger aux dispositions générales du droit civil en matière d’obligations et de contrats. Les régions ne sont donc pas tenues par le régime
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de droit commun en matière de loyers, consacré aux articles 1714 à 1762bis de l’ancien Code civil. Il est vrai que l’autorité fédérale demeure compétente pour modifier le régime général d’indexation des loyers prévu à l’article 1728bis, mais les régions peuvent y déroger pour ce qui concerne les baux d’habitation. La requête en annulation introduite par les parties requérantes soulevait uniquement une prétendue violation de la compétence fédérale résiduelle en matière de droit civil et de la compétence fédérale en matière de politique des prix de l’énergie. Le moyen est irrecevable pour le surplus.
A.5. Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale considère que le premier moyen n’est pas fondé, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et il soutient également que ce même moyen est irrecevable en ce qu’il vise la compétence fédérale en matière de politique des prix et de lutte contre l’inflation en vertu de l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980.
A.6. Le Gouvernement flamand estime que le premier moyen n’est pas fondé, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été soulevés par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. Le Gouvernement flamand ajoute que les régions sont compétentes en ce qui concerne « la protection de l’environnement, notamment celle [...] de l’air contre la pollution et les agressions », conformément à l’article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980. Sur la base de cette compétence, les régions peuvent prendre des mesures visant à diminuer toutes les émissions de gaz à effet de serre dans l’air, quelle qu’en soit l’origine. Les régions sont par ailleurs compétentes, dans le domaine de la politique de l’énergie, pour ce qui concerne « les aspects régionaux de l’énergie, et en tout cas : [...] l’utilisation rationnelle de l’énergie », conformément à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, h), de la loi spéciale du 8 août 1980. La promotion de la performance énergétique des bâtiments s’inscrit dans le cadre de cette compétence.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, les dispositions attaquées ne portent pas atteinte à la compétence fédérale, en ce qui concerne la politique de l’énergie, de régler « les tarifs, en ce compris la politique des prix », conformément à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, d), de la loi spéciale du 8 août 1980. Les dispositions attaquées sont sans lien avec les prix de fourniture d’électricité et de gaz et elles ne conduisent pas non plus à un report du coût de l’énergie du locataire vers le bailleur. L’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 confirme que les régions sont compétentes pour fixer la politique des prix dans les matières qui relèvent de leur compétence, comme les baux d’habitation.
A.7. Le Gouvernement wallon estime que le premier moyen n’est pas fondé, principalement pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. Le Gouvernement wallon renvoie également à l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980. En vertu de cette disposition, l’autorité fédérale est compétente pour la politique des prix et des revenus, « à l’exception de la réglementation des prix dans les matières qui relèvent de la compétence des régions et des communautés ». Tant l’autorité fédérale que les régions peuvent prendre des mesures dans le cadre de leurs compétences en matière d’indexation des loyers. La compétence régionale en matière de politique des prix et des revenus est un accessoire des autres compétences régionales.
Quant au deuxième moyen dans l’affaire n° 7964
A.8.1. Le deuxième moyen est pris de la violation du principe d’égalité et de non-discrimination, garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution. Ce moyen est subdivisé en huit branches.
Contrairement à ce que soutient le Gouvernement wallon, les parties requérantes estiment qu’elles ont exposé de façon suffisamment claire, dans leur requête, quelles catégories de personnes il y a lieu de comparer. En ce qui concerne en particulier les première et deuxième branches du moyen, il est clair pour toutes les parties, sauf pour le Gouvernement wallon, que ces branches portent sur la différence de traitement entre les locataires entre eux et entre les bailleurs entre eux, en fonction des performances énergétiques du logement.
A.8.2. Dans la première branche, les parties requérantes font valoir que le certificat de performance énergétique ne constitue pas un critère de distinction objectif. Premièrement, un bailleur n’est actuellement tenu de disposer d’un certificat de performance énergétique que lorsque ce bien est mis en vente ou en location. Cette obligation n’est en vigueur que depuis le 1er novembre 2011. Ainsi, les dispositions attaquées privent du droit d’indexation du loyer les bailleurs qui ont déjà conclu un contrat de location avant novembre 2011 et qui ne sont donc pas tenus de disposer d’un certificat de performance énergétique. Deuxièmement, un certain nombre de bailleurs ont un certificat PEB qui n’est ni fiable ni crédible dès lors qu’il a été établi par un certificateur qui n’avait
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pas les compétences professionnelles requises. Ainsi, entre 2011 et 2017, l’accès à la formation de certificateur n’était pas réglementé et quelques heures de formation suffisaient à quiconque pour devenir certificateur, puisqu’un examen centralisé n’a été imposé qu’en 2017, que la date butoir pour le réussir n’a été fixée, après plusieurs reports, qu’au 15 octobre 2019 et que les procédures de suspension et de retrait d’agrément ont été suspendues en raison de la pandémie de Covid-19. Les contrôles de qualité des certificats délivrés effectués par Bruxelles-Environnement montrent qu’entre 2013 et 2016, environ 4 certificateurs sur 5 ont commis des erreurs susceptibles d’entraîner leur suspension ou leur révocation. Troisièmement, le certificat de performance énergétique manque de clarté pour les particuliers et présente des défauts. Quatrièmement, le score indiqué sur le certificat de performance énergétique dépend de l’expert en énergie qui l’a établi. Les parties requérantes invoquent l’exemple d’un même appartement situé à Bruxelles qui s’est vu attribuer des scores de performance énergétique différents par des experts différents.
Selon les parties requérantes, la circonstance que ces éléments sont imputables non pas à l’ordonnance attaquée mais à une autre législation n’empêche pas la Cour d’en tenir compte, dès lors que le législateur ordonnanciel s’est approprié le certificat de performance énergétique en l’utilisant comme critère pour les mesures attaquées.
A.8.3. Dans la deuxième branche, les parties requérantes font valoir que la mesure attaquée n’est pas pertinente pour atteindre les objectifs poursuivis par le législateur ordonnanciel.
Le premier objectif du législateur ordonnanciel est de soutenir les locataires les plus affectés par les conséquences de la hausse des prix de l’énergie. Toutefois, il est apparu entre-temps que le législateur ordonnanciel a surestimé ces conséquences. Dès avant l’adoption du décret attaqué, les prévisions économiques de la Banque nationale de Belgique indiquaient que la hausse des prix de l’énergie stagnerait à la fin de l’année 2022 et que ces prix baisseraient même en 2023. De plus, le certificat de performance énergétique ne mesure que la consommation d’énergie théorique d’un immeuble. Il ne tient pas compte de la situation réelle du logement ni du mode de consommation du locataire. En outre, le certificat de performance énergétique est établi sur la base de critères imparfaits. Les parties requérantes invoquent certains exemples à l’appui de ces arguments, parmi lesquels celui d’un immeuble du troisième requérant dont la consommation réelle est largement inférieure à la consommation estimée telle qu’elle apparaît dans les certificats de performance énergétique des appartements qui le composent.
Le deuxième objectif du législateur ordonnanciel consiste à encourager les propriétaires à exécuter les travaux nécessaires pour améliorer les performances énergétiques de leur immeuble. L’effet stimulant des dispositions attaquées est en réalité inexistant parce que le législateur n’a pas laissé aux bailleurs le temps nécessaire pour rénover leur logement. En outre, un permis d’urbanisme est requis pour certains des travaux exigés, si bien qu’il est possible que ces travaux ne puissent pas se faire. Lorsque l’immeuble fait partie d’une copropriété, il est peu probable que le propriétaire obtienne dans l’année l’approbation de l’assemblée générale de l’association des copropriétaires pour effectuer les travaux exigés. En outre, la présence d’un chauffage à l’électricité exerce à tort une incidence négative sur le score énergétique. De plus, le certificat de performance énergétique n’est pas un outil cohérent et les travaux qu’il impose, pris de manière isolée pour atteindre un meilleur score, peuvent constituer une entrave à l’atteinte de standards très élevés de performance énergétique pour le bâtiment, ce que le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a implicitement reconnu dans son « Plan régional air-climat-
énergie ». Enfin, la classe du certificat de performance énergétique dépend de l’expert en énergie qui l’a établi, de sorte que les propriétaires font leur « shopping » parmi les experts plutôt que de réaliser des travaux coûteux pour améliorer la performance énergétique de leurs biens.
A.8.4. Dans la troisième branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées créent une discrimination entre plusieurs catégories de locataires et elles soulignent que le législateur ordonnanciel, face à une flambée des prix touchant tous les citoyens, a fait le choix de n’intervenir qu’en faveur d’une seule catégorie de citoyens, à savoir les locataires, indépendamment de leurs revenus et de leur pouvoir d’achat.
Dans la première sous-branche, elles soutiennent que les dispositions attaquées ne font pas de distinction selon le mode de calcul des charges dues par le locataire, et en particulier selon que le locataire est redevable des charges réelles sur la base d’un décompte annuel ou qu’il paie un montant forfaitaire ne tenant pas compte des consommations. En appliquant la mesure attaquée à tous les locataires, le législateur ordonnanciel a choisi une classification trop large eu égard à l’objectif de la mesure.
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Dans la deuxième sous-branche, elles allèguent que les dispositions attaquées ne font pas de distinction en fonction des revenus du locataire. Le législateur ordonnanciel aurait dû tenir compte du niveau de revenus et de la question de savoir si les revenus sont indexés ou non. De plus, la mesure attaquée menace l’équilibre entre locataire et bailleur. Cette conclusion est corroborée par l’arrêt de la Cour n° 32/2018 du 15 mars 2018
(ECLI:BE:GHCC:2018:ARR.032).
Dans la troisième sous-branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées sont discriminatoires en ce qu’elles traitent différemment les locataires privés et les locataires de logements sociaux.
Les travaux préparatoires ne justifient pas cette différence de traitement. Les locataires de logements sociaux constituent pourtant une catégorie de locataires plus précarisée et une grande proportion de logements sociaux ont de mauvaises performances énergétiques.
A.8.5. Dans la quatrième branche, elles soutiennent que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre les locataires et les bailleurs. Les deux catégories de personnes se trouvent dans des situations comparables, dans la mesure où elles sont toutes les deux touchées par la hausse de l’inflation et des prix de l’énergie. Les augmentations concernent également les matériaux de construction, les primes des assurances incendie, le précompte immobilier et les intérêts des crédits hypothécaires. Les bailleurs doivent en supporter les conséquences. Les parties requérantes invoquent l’exemple du troisième requérant qui, en raison de la mesure attaquée, va perdre des montants largement supérieurs aux charges supportées par les locataires de ses biens. Les mesures, invoquées par les différentes autorités ayant déposé un mémoire, qui bénéficient aux bailleurs ne sont pas suffisantes pour remédier à ce problème. Certaines de ces mesures ne sont pas disponibles pour les bailleurs car elles sont réservées aux propriétaires-occupants. En outre, la mesure attaquée concerne aussi les baux de résidence secondaire, alors qu’un ménage louant une résidence secondaire ne peut pas être considéré comme se trouvant dans une situation intenable.
A.8.6. Dans la cinquième branche, les parties requérantes allèguent que les dispositions attaquées font naître une identité de traitement entre les bailleurs, qu’ils donnent en location un logement unifamilial ou un appartement.
Les deux catégories de bailleurs se trouvent dans des situations différentes. Dans le cas d’une copropriété, les travaux requis pour améliorer les performances énergétiques concernent souvent les parties communes de l’immeuble. Pour exécuter de tels travaux, il faut recueillir l’accord des copropriétaires à une majorité des deux tiers. Par conséquent, il est beaucoup plus difficile pour les propriétaires d’un appartement que pour les propriétaires d’un logement unifamilial d’obtenir à court terme une classe énergétique favorable. Contrairement à ce qu’allègue le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, les deux catégories de bailleurs évoquées dans cette branche sont bien définies.
A.8.7. Dans la sixième branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées sont discriminatoires en ce qu’elles traitent de la même manière les bailleurs de maisons unifamiliales et les propriétaires bailleurs d’appartements, alors que les performances énergétiques de ces biens sont différentes.
Statistiquement, les maisons unifamiliales sont plus énergivores que les appartements, notamment parce qu’elles ont plus de surfaces de déperdition thermique, en particulier les maisons à trois ou quatre façades. La mesure aurait pu être différenciée et basée sur les moyennes par type de bien, pour ne pas discriminer les maisons unifamiliales, qui, souvent, ne parviennent pas à atteindre une classe énergétique « D ».
A.8.8. Dans la septième branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées font naître, entre les bailleurs, une identité de traitement discriminatoire, fondée sur l’année d’établissement du certificat de performance énergétique. En 2017, le protocole pour l’établissement des certificats a été révisé et a inclus les sous-
sols aménagés et chauffés dans la surface brute de plancher, ce qui peut avoir un impact considérable sur le score obtenu. Les parties requérantes prennent l’exemple d’une habitation dont le score de performance énergétique est passé de F à D en raison de cette seule différence. Le bailleur qui a fait sa demande de certificat avant ce changement ne pourra pas indexer son loyer, à moins de réaliser les travaux conseillés par l’expert ayant établi le certificat, ce qui peut être coûteux, alors que le bailleur qui a fait établir son certificat après ce changement pourra indexer son loyer.
A.8.9. Dans la huitième branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées sont discriminatoires, en ce qu’elles traitent différemment les propriétaires privés et les propriétaires de logements sociaux alors qu’ils se trouvent dans des situations similaires, et elles se réfèrent aux arguments qu’elles ont soulevés dans la troisième sous-branche de la troisième branche. Elles répètent que la plupart des aides invoquées par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale sont indisponibles pour les propriétaires-bailleurs.
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A.9.1. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale estime que le deuxième moyen n’est pas fondé.
En ce qui concerne la première branche, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale considère que le critère du certificat de performance énergétique est objectif. La procédure de certification est objective. Le calcul de la performance énergétique est réalisé par un logiciel et le certificateur n’intervient pas dans ce calcul. La méthodologie de calcul est indépendante de l’occupation du bien. L’encodage, dans le logiciel, des données mesurées par le certificateur se fait selon les lignes directrices prévues dans un protocole mis à disposition par Bruxelles-Environnement. Le certificat de performance énergétique délivré en violation du protocole ou dans lequel figurent des erreurs peut être révoqué. Si un certificateur manque à ses obligations, il peut voir son agrément retiré ou suspendu. La législation relative à la certification de la performance énergétique est en constante évolution, pour tenir compte des technologies les plus novatrices. L’amélioration constante des outils et méthodes de calcul de la performance énergétique témoigne de l’effectivité de ce critère.
La circonstance que le bailleur n’est tenu de disposer d’un certificat de performance énergétique que lorsque le bien est mis en vente ou en location, et ce depuis le 1er novembre 2011 seulement, et que, en dehors de ces cas, le certificat de performance énergétique ne sera obligatoire qu’à partir de 2025 n’a pas d’impact sur l’objectivité de ce certificat en tant que critère choisi par le législateur ordonnanciel. L’ordonnance attaquée est en outre une norme législative de même niveau que celle qui prévoit que le certificat de performance énergétique sera obligatoire à partir de 2025. Enfin, l’argument des parties requérantes reviendrait à empêcher toute mesure législative liée à l’obtention d’un certificat de performance énergétique, ce qui ne se peut.
Contrairement à ce qu’allèguent les parties requérantes, l’accès à la profession de certificateur a toujours été réglementé, d’abord par une ordonnance de 2007, puis par un arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-
Capitale de 2011 qui renforçait les exigences et prévoyait des mécanismes de contrôle de qualité. Les exigences ont été encore renforcées par la suite, par des arrêtés de 2014 et de 2016. Quant aux certificats de performance énergétique établis avant le renforcement des exigences, rien n’interdit aux propriétaires-bailleurs qui possèdent un tel certificat d’en solliciter un nouveau s’ils estiment que c’est utile. De plus, les griefs des parties requérantes relatifs à l’accès à la profession et à la formation des certificateurs ainsi qu’au nombre de révocations des certificats relèvent de l’exécution de la méthode prédéfinie pour calculer le score de performance énergétique et sont étrangers à la question du caractère objectif ou non du critère de distinction. En ce qui concerne le nombre de certificats révoqués, il est normal qu’il soit élevé, puisque les contrôles effectués par Bruxelles-Environnement le sont en priorité à l’égard des certificats qui ont fait l’objet d’une plainte.
La réglementation relative au certificat de performance énergétique a pour but de permettre l’évaluation théorique de la performance énergétique d’un bâtiment, sur la base des documents recueillis et des constats effectués sur place, selon une méthodologie de calcul prédéfinie. Même si cette méthodologie n’implique pas nécessairement que les résultats obtenus par les différents certificateurs soient rigoureusement les mêmes, il ne peut en être déduit que le certificat PEB ne serait pas un critère objectif. Les exemples mentionnés par les parties requérantes ne sont ni vérifiables, ni généralisables. Le critère du certificat de performance énergétique a pour effet de déterminer, sur la base d’un constat factuel, sans appréciation subjective du législateur ni de l’administration, les loyers qui peuvent être indexés ou non, le cas échéant partiellement. Ceci suffit à rendre ce critère de distinction objectif. Cette objectivité n’est pas remise en cause par le fait que des erreurs humaines peuvent survenir dans le processus de certification.
A.9.2. En ce qui concerne la deuxième branche, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale considère que la mesure attaquée est pertinente à l’égard des objectifs poursuivis par le législateur ordonnanciel.
L’un des deux objectifs de l’ordonnance attaquée était d’éviter une indexation brutale des loyers, alors que l’inflation atteignait des records et que les prévisions de la Banque nationale de Belgique ne prévoyaient pas d’accalmie immédiate. La diminution ultérieure de l’inflation n’est pas un élément pertinent, puisqu’il a eu lieu après l’adoption de la mesure attaquée. En outre, cette diminution a été en partie influencée par la stagnation des loyers. Le rapport 2022 de la Banque nationale de Belgique confirme d’ailleurs l’impact positif, même s’il est insuffisant, de l’ordonnance attaquée dans la limitation du choc dû à l’augmentation drastique des prix de l’énergie pour les ménages modestes. L’autre objectif de l’ordonnance attaquée était d’accélérer la rénovation du bâti, conformément aux objectifs fixés par la Commission européenne, en incitant les propriétaires à investir dans la performance énergétique de leurs biens.
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Eu égard au large pouvoir d’appréciation du législateur ordonnanciel en matière socio-économique, la mesure attaquée permet d’atteindre les objectifs précités. Il est pertinent d’agir sur l’indexation, puisque celle-ci est basée sur l’indice santé, qui tient compte de l’évolution des prix de l’énergie. La non-prise en compte de la consommation énergétique concrète des biens dans la certification de la performance énergétique permet justement de garantir l’objectivité des données et la comparabilité des biens, puisqu’il s’agit de mesurer la performance d’un bien et non sa consommation, laquelle peut varier selon le profil des locataires et donner une impression trompeuse en ce qui concerne les ménages les plus précarisés, qui sont forcés de réduire leur consommation. Les autres critiques des parties requérantes ne démontrent pas que la méthodologie de calcul de la performance énergétique serait illégale ou erronée et ne suffisent pas à démontrer l’absence de fiabilité du certificat de performance énergétique. La Région de Bruxelles-Capitale met des aides à la rénovation à la disposition des propriétaires et a exonéré certains travaux d’isolation du permis d’urbanisme et d’autres formalités requises. La circonstance que certains travaux, telle l’isolation d’une des deux façades, ne pourraient pas être réalisés, ou en tout cas pas à brève échéance, ne disqualifie pas la mesure attaquée, étant donné que d’autres travaux peuvent être réalisés, par exemple au niveau de la toiture, de la ventilation, des châssis, de l’installation de panneaux solaires, etc. Dès lors que les mesures incitatives mises en place depuis plusieurs années par la Région de Bruxelles-Capitale ne suffisent pas, le législateur a pu considérer qu’il devait adopter un autre type de mesures incitatives.
A.9.3. En ce qui concerne la troisième branche, et plus particulièrement l’argument tiré des charges forfaitaires, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale souligne que l’indexation du loyer et la révision des charges sont des systèmes distincts et que l’indexation des loyers a lieu indépendamment des charges réelles ou forfaitaires et du système y afférent. La mesure attaquée ne saurait donc pas créer de discrimination entre les locataires sur la base de frais qui n’ont pas de rapport direct avec les dispositions attaquées. De plus, les parties requérantes ne démontrent pas qu’un nombre important de locataires seraient concernés. Subsidiairement, les charges forfaitaires peuvent être révisées ou converties en charges réelles. Plus subsidiairement, l’identité de traitement entre les locataires ne produit pas des effets disproportionnés à l’égard des personnes prétendument discriminées, c’est-à-dire les locataires qui payent des charges réelles et les locataires qui payent des charges forfaitaires. Enfin, il n’appartient pas à la Cour de substituer son appréciation de ce qu’implique une meilleure justice sociale pour les locataires à celle du pouvoir législatif, dès lors que le choix du législateur n’est pas manifestement erroné.
En ce qui concerne la non-prise en compte des revenus des locataires, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale considère que les parties requérantes n’identifient pas clairement les catégories de personnes à comparer et que la différence de traitement entre les locataires indépendants et les locataires employés, dont le revenu est indexé, ne trouve pas sa source dans la norme attaquée, de sorte que le moyen, en cette branche et en cette sous-branche, est irrecevable. De plus, l’indexation des salaires ne suffit pas à compenser la hausse du prix de l’énergie pour certains ménages ayant une grande consommation, notamment en raison de la performance énergétique de leur logement. Subsidiairement, les locataires ayant des revenus différents ne se trouvent pas dans des situations essentiellement différentes au regard de la mesure attaquée parce que l’augmentation des prix de l’énergie concerne tous les ménages et que tous les locataires, indépendamment de leurs revenus, sont susceptibles d’habiter dans un logement à faible performance énergétique, dont la rénovation serait opportune. À cet égard, il faut aussi tenir compte de l’objectif d’augmenter la performance énergétique du bâti bruxellois. Pour les mêmes raisons, même si l’on considérait qu’il existe deux catégories de locataires, l’identité de traitement entre ces catégories reposerait sur une justification raisonnable et pertinente et ne produirait pas des effets disproportionnés à l’égard des locataires à faibles revenus.
En ce qui concerne la différence de traitement entre les locataires de biens privés et les locataires de logements sociaux, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale soutient que le critère de distinction est objectif et pertinent au regard de la mesure attaquée car, contrairement aux loyers des biens privés, le calcul du loyer des logements sociaux fait l’objet d’une réglementation détaillée, dont il résulte, par exemple, que le loyer social est de maximum 24 % des revenus du ménage, de sorte que, même si l’indexation peut le faire augmenter, il sera toujours sans commune mesure avec le loyer d’un logement privé. De plus, la mesure attaquée, qui poursuit des objectifs légitimes, ne produit pas des effets disproportionnés. Enfin, si une discrimination existait, elle ne trouverait pas sa source dans l’ordonnance attaquée.
A.9.4. En ce qui concerne la différence de traitement entre les locataires et les bailleurs (quatrième branche), le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale estime que la mesure attaquée est raisonnablement justifiée et proportionnée, dès lors qu’elle différencie les propriétaires selon la classe énergétique de leurs biens, et il
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souligne que les propriétaires pouvaient bénéficier des aides à la rénovation prévues par la Région de Bruxelles-
Capitale, outre les aides fédérales dont ils pouvaient bénéficier au même titre que tous les autres citoyens et les primes pour la rénovation du bâti mises à disposition par plusieurs communes bruxelloises. Que ces aides ne couvrent pas le coût réel des rénovations est justifié. Les pouvoirs publics ne peuvent prendre en charge la totalité des rénovations du bâti privé nécessaires dans le contexte des objectifs climatiques fixés. Les propriétaires sont également des acteurs de lutte contre le réchauffement climatique.
A.9.5. En ce qui concerne la cinquième branche, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale fait valoir que les parties requérantes n’identifient pas précisément les catégories de bailleurs dont elles allèguent qu’elles ont été traitées différemment, de sorte que le moyen est irrecevable en cette branche. Subsidiairement, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale estime qu’au regard des objectifs de la norme attaquée, il n’y a pas lieu de distinguer les propriétaires d’une maison unifamiliale des propriétaires d’un appartement, les deux catégories devant faire en sorte de rénover les biens dont la performance énergétique est faible. De plus, l’identité de traitement entre ces deux catégories de propriétaires est raisonnablement justifiée eu égard aux objectifs poursuivis, et la mesure attaquée, incitative et non punitive, ne produit pas des effets disproportionnés pour les propriétaires d’un appartement en copropriété, car elle est temporaire. Les difficultés soulevées par les parties requérantes sont hypothétiques, elles ne relèvent pas du contrôle de la Cour et elles ne résultent pas de l’ordonnance attaquée.
A.9.6. En ce qui concerne la sixième branche, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale estime que l’identité de traitement entre les bailleurs de maisons unifamiliales et les bailleurs d’appartements est justifiée, dès lors que ceux-ci se trouvent dans des situations identiques et que cette identité de traitement est raisonnablement justifiée et pertinente au regard de la norme attaquée. L’objectif d’améliorer la performance énergétique des bâtiments en Région de Bruxelles-Capitale vaut pour toutes les habitations et l’objectif de pallier la hausse des loyers concomitante à la hausse exponentielle du prix de l’énergie vaut pour tous les locataires d’un bien à faible performance énergétique. De plus, le fait que les maisons unifamiliales ont un score de performance énergétique plus faible est directement lié à la réalité d’une plus grande consommation énergétique dans les maisons. Ensuite, pour les raisons évoquées dans le cadre de la cinquième branche, la mesure attaquée ne produit pas des effets disproportionnés pour les propriétaires d’une maison unifamiliale. Enfin, la non-différenciation entre les classes de performance énergétique pour les appartements et les mêmes classes pour les maisons unifamiliales ne trouve pas sa source dans la norme attaquée.
A.9.7. En ce qui concerne la septième branche, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale considère que la différence de traitement alléguée trouve sa source dans un arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et non dans la norme attaquée et que, surabondamment, il ne peut être soutenu, sous peine d’empêcher toute modification réglementaire, que la différence de traitement entre les propriétaires d’un bien dont le certificat de performance énergétique a été établi en janvier 2017 et ceux d’un bien dont le certificat de performance énergétique a été établi en juin 2017 serait discriminatoire, dès lors qu’elle est raisonnablement justifiée par la nécessité de mettre l’instrument technique à jour pour garantir l’objectivité du processus de certification. Rien n’empêche de surcroît les propriétaires qui estiment que leur certificat ne reflète pas correctement la performance énergétique de leur bien de demander un nouveau certificat.
A.9.8. En ce qui concerne la huitième branche, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale fait valoir que les propriétaires de logements privés et les propriétaires de logements sociaux ne sont aucunement comparables, ces derniers étant des sociétés qui ont conclu un contrat de gestion avec le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, qui ont des caractéristiques particulières définies dans le Code bruxellois du logement et qui poursuivent un objectif fondamentalement différent de celui des propriétaires privés, à savoir permettre aux personnes précarisées d’accéder au logement et améliorer l’offre d’habitations sociales. Même si ces catégories étaient comparables, le critère de distinction serait objectif et pertinent par rapport à la mesure attaquée, eu égard aux caractéristiques des propriétaires de logements sociaux décrites ci-dessus et étant donné que le calcul du loyer des logements sociaux fait l’objet d’une réglementation détaillée. La différence de traitement est également raisonnable et proportionnée au regard du contexte exceptionnel d’urgence sociale et de son caractère temporaire, d’autant que le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a adopté des mesures pour permettre aux propriétaires de bénéficier de primes ou de prêts à taux zéro pour commencer des travaux de rénovation énergétique. Enfin, s’il fallait conclure à une discrimination, celle-ci ne trouverait pas sa source dans l’ordonnance attaquée.
A.10.1. Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale estime que le deuxième moyen n’est pas fondé. En ce qui concerne le caractère objectif du critère de distinction (première branche), il rappelle qu’en vertu de la jurisprudence de la Cour, le législateur dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu pour déterminer sa politique
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dans les matières socio-économiques et que la politique du logement occupe une place centrale dans les politiques sociales et économiques des sociétés modernes. Hormis le cas de l’erreur manifeste, il n’appartient pas à la Cour de s’engager dans un contrôle d’opportunité ni de substituer son appréciation à celle du législateur quant à ce qu’implique la justice sociale. Quant à la circonstance que le bailleur n’est tenu de disposer d’un certificat de performance énergétique que lorsque le bien est mis en vente ou en location et ce, seulement depuis le 1er novembre 2011, elle n’empêche pas d’obtenir un certificat pour les biens mis en location après cette date.
Quant à la fiabilité des certificats de performance énergétique, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale avance en substance les mêmes arguments que le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et relève que les parties requérantes n’identifient pas d’autre critère qui serait plus objectif. Par ailleurs, le système des certificats de performance énergétique est toujours en vigueur dans les 27 États de l’Union européenne, sans que le législateur européen ait jugé bon de l’abroger.
A.10.2. En ce qui concerne la pertinence de la mesure attaquée (deuxième branche), le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale avance en substance les mêmes arguments que le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et il expose que l’utilisation de valeurs par défaut dans la méthodologie de calcul de la performance énergétique permet de garantir l’égalité entre les demandeurs de certificats lorsque des éléments probants ne sont pas disponibles. Quant à l’argument des parties requérantes selon lequel les dispositions attaquées n’inciteraient en pratique pas les propriétaires à exécuter des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur immeuble, en raison de la difficulté de réaliser certains travaux à brève échéance, il est basé sur des situations marginales. De plus, même si les propriétaires-bailleurs ne réalisent pas des travaux entre octobre 2022
et octobre 2023, la démarche qu’entreprendront nombre de propriétaires-bailleurs qui n’en disposent pas déjà pour obtenir un certificat de performance énergétique de leur bien va déjà dans le sens souhaité par le législateur ordonnanciel : la première étape vers des travaux d’amélioration de la performance énergétique est de disposer du diagnostic et des recommandations contenus dans le certificat de performance énergétique.
A.10.3. En ce qui concerne les discriminations invoquées par les parties requérantes entre différentes catégories de locataires (troisième branche), le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale considère que les parties requérantes évoquent des situations tout à fait particulières et tentent d’en tirer des généralités. Les propriétaires-bailleurs qui ne demandent pas la révision des charges forfaitaires ou leur conversion en charges réelles prennent cette décision eux-mêmes et décident ainsi de supporter eux-mêmes le coût de la hausse des prix de l’énergie. Quant aux différents niveaux de revenus des locataires, ils ne sont pas déterminants, eu égard aux objectifs poursuivis par le législateur ordonnanciel. Quant à la non-applicabilité de l’ordonnance attaquée aux logements sociaux, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale avance en substance les mêmes arguments que le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale.
A.10.4. En ce qui concerne la quatrième branche, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale estime que les propriétaires et les locataires ne se trouvent pas dans des situations comparables au regard des objectifs poursuivis par l’ordonnance attaquée. Contrairement à ce qu’allèguent les parties requérantes, les propriétaires-
bailleurs ont également reçu diverses aides. Quant à l’application de la mesure attaquée aux baux de résidence secondaire, les locataires de ces biens sont dans la même situation que les autres locataires au regard des deux objectifs poursuivis par le législateur ordonnanciel. Subsidiairement, il n’est pas manifestement déraisonnable de traiter tous les baux d’habitation de la même manière.
A.10.5. En ce qui concerne la cinquième branche, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale relève qu’au regard des objectifs poursuivis par le législateur ordonnanciel, il n’y a pas lieu de distinguer les propriétaires-
bailleurs de maisons unifamiliales des propriétaires-bailleurs d’appartements situés dans une copropriété, même s’il peut s’avérer plus difficile pour ces derniers de convaincre la majorité suffisante des copropriétaires pour réaliser des travaux de rénovation énergétique. Par ailleurs, les mesures attaquées ne sont pas disproportionnées à leur égard.
A.10.6. En ce qui concerne la sixième branche aussi, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale relève qu’au regard des objectifs poursuivis par le législateur ordonnanciel, il n’y a pas lieu de distinguer les propriétaires-
bailleurs de maisons unifamiliales des propriétaires-bailleurs d’appartements. De plus, la difficulté pour les propriétaires-bailleurs de maisons unifamiliales d’améliorer la performance énergétique de ces biens s’équilibre avec la difficulté pour les propriétaires-bailleurs d’appartements situés dans une copropriété, soulevée par les parties requérantes dans la cinquième branche, de convaincre la majorité suffisante des copropriétaires pour réaliser des travaux de rénovation énergétique. Ceci prouve que, globalement, les dispositions attaquées ne sont pas discriminatoires et qu’elles permettent d’atteindre un équilibre entre les locataires et les différents types de propriétaires et de biens.
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A.10.7. En ce qui concerne la discrimination alléguée entre les bailleurs selon l’année d’établissement du certificat de performance énergétique (septième branche), le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale estime que le cas des parties requérantes n’est pas courant et que rien n’empêche les personnes concernées de faire réaliser un nouveau certificat de performance énergétique.
A.10.8. En ce qui concerne la discrimination alléguée entre les bailleurs de logements privés et les bailleurs de logements sociaux (huitième branche), le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale renvoie aux arguments qu’il a développés dans le cadre de la troisième branche. Ce qui vaut pour les locataires des logements sociaux vaut également pour les propriétaires de ces logements.
A.11.1. Le Gouvernement flamand estime que le deuxième moyen n’est pas fondé et souligne que le législateur ordonnanciel dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer sa politique en matière de logement, d’environnement et d’énergie.
En ce qui concerne le caractère objectif du critère de distinction (première branche), le Gouvernement flamand expose tout d’abord qu’il n’est pas question d’une discrimination entre les bailleurs qui pourront continuer à indexer le loyer et les bailleurs qui ne pourront pas le faire pendant une année, ou qui ne pourront le faire que dans une mesure limitée.
Le Gouvernement flamand estime en effet que les dispositions attaquées poursuivent des objectifs légitimes d’intérêt général. En raison de la crise énergétique, le législateur ordonnanciel a voulu, d’une part, protéger les locataires contre les charges exorbitantes et, d’autre part, encourager les bailleurs à réaliser des travaux d’économie d’énergie, afin de rendre le patrimoine de logements locatifs plus durable à la lumière des objectifs climatiques de la Région de Bruxelles-Capitale et de l’Union européenne. L’allégation des parties requérantes selon laquelle le premier objectif ne serait plus d’actualité ne saurait être suivie. Le législateur ordonnanciel devait agir rapidement pour faire face à la crise énergétique. Des chiffres de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz montrent que, durant le deuxième semestre de 2022, le niveau des prix de l’électricité et du gaz a largement dépassé celui de 2020. Des chiffres du régulateur bruxellois de l’énergie (Brugel) montrent qu’en mai 2023, le prix de marché moyen de l’énergie n’avait baissé que de 10 % par rapport à celui enregistré au même moment un an plus tôt. Ce prix est encore de 80 % supérieur à celui enregistré en janvier 2017.
Le Gouvernement flamand expose également que la classe énergétique du logement loué constitue un critère de distinction objectif. Il est possible de vérifier simplement si un bailleur dispose d’un certificat de performance énergétique et quelle en est la classe. Les critiques des parties requérantes quant à la méthode de calcul de la performance énergétique sont sans lien avec le caractère objectif du critère de distinction. En outre, la Cour ne vérifie que le caractère objectif du critère de distinction proprement dit, à savoir le certificat de performance énergétique, et non des éventuels critères sous-jacents, comme la méthode de calcul de ce certificat. En tout cas, les parties requérantes ne démontrent pas que cette méthode de calcul n’est pas objective. Cette méthode a été fixée dans un cadre réglementaire détaillé et elle est étayée scientifiquement. De même, il importe peu que la méthode de calcul ait déjà été modifiée auparavant ou que le score énergétique précis puisse varier concrètement en fonction de l’expert qui a effectué le calcul.
A.11.2. En ce qui concerne la deuxième branche, il est, selon le Gouvernement flamand, pertinent et nécessaire, au regard de l’objectif de garantir le caractère financièrement abordable du logement, de prévoir, en fonction de l’efficacité énergétique du logement, une limitation de la possibilité d’indexer le loyer. Il s’agit d’une mesure prise durant une période de crise caractérisée par une inflation élevée et par des prix de l’énergie en hausse.
Si le loyer était également adapté à la forte hausse du coût de la vie par le biais de l’indexation automatique, les locataires seraient frappés doublement. Des recherches dans le domaine des sciences sociales montrent d’ailleurs que les logements à mauvaises performances énergétiques sont principalement occupés par des locataires financièrement vulnérables. En outre, le coût total du logement mobilise une part beaucoup plus importante du revenu disponible des locataires sur le marché du logement privé que celle du revenu disponible des propriétaires et locataires sociaux.
Selon le Gouvernement flamand, la classe énergétique constitue également un critère pertinent au regard de l’objectif de favoriser les performances énergétiques du patrimoine de logements locatifs de la Région de Bruxelles-Capitale et donc d’atteindre les objectifs climatiques bruxellois et européens. Les bailleurs privés ne sont pas suffisamment incités à réaliser les investissements nécessaires pour rendre les logements locatifs économes en énergie. Par conséquent, le besoin de rénovations énergétiques est nettement plus élevé pour les logements locatifs privés.
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Selon le Gouvernement flamand, les griefs des parties requérantes quant à la méthode de calcul du score énergétique ne portent pas atteinte au caractère pertinent du label énergétique comme critère de distinction. Il est vrai que le score énergétique porte sur la consommation d’énergie théorique, mais il permet de comparer les performances énergétiques des bâtiments et de faire abstraction du comportement des occupants. Il est de plus inévitable que la méthode de calcul tienne compte de valeurs standards. Le certificat de performance énergétique se conçoit comme un outil facile à utiliser, applicable à grande échelle et disponible dans un délai relativement court.
Selon le Gouvernement flamand, le fait que certains bailleurs ne soient pas légalement tenus de disposer d’un certificat de performance énergétique n’empêche pas le législateur ordonnanciel d’exiger également de la part de ces bailleurs qu’ils fassent établir un tel certificat pour pouvoir prétendre à une indexation du loyer. Le coût à supporter pour faire établir un certificat de performance énergétique n’est pas prohibitif.
Le Gouvernement flamand souligne également que le législateur ordonnanciel n’est pas obligé de tenir compte des particularités de chaque cas. L’exigence de pertinence ne va pas jusqu’à obliger le législateur ordonnanciel à démontrer que la mesure attaquée incite chaque bailleur individuel à procéder à des rénovations.
La mesure attaquée fait d’ailleurs partie d’un train de mesures plus larges qui visent à améliorer les performances énergétiques des logements de la Région de Bruxelles-Capitale.
Enfin, la mesure attaquée ne produit pas des effets disproportionnés pour les bailleurs. Cette mesure porte exclusivement sur la possibilité pour le bailleur d’indexer le loyer, mais elle n’a aucune incidence sur la valeur nominale du loyer. En outre, la mesure attaquée est limitée dans le temps et ne s’applique pas aux logements d’une classe énergétique avantageuse. L’indexation du loyer reste possible pour les logements de classe énergétique E, fût-ce à concurrence de la moitié seulement. Enfin, le bailleur peut recourir à différentes mesures de soutien de la Région de Bruxelles-Capitale pour rénover l’habitation sur le plan énergétique.
A.11.3. En ce qui concerne la troisième branche, le Gouvernement flamand estime que l’identité de traitement entre les locataires, quelle que soit leur situation financière, est aussi raisonnablement justifiée. Étant donné le contexte de la crise énergétique et vu l’objectif double des dispositions attaquées, il ne peut être reproché au législateur ordonnanciel de ne pas avoir tenu compte du revenu et du mode de calcul des dépenses énergétiques de chaque locataire. Par rapport à l’objectif d’augmenter la performance énergétique des logements locatifs, la situation financière du locataire est de toute façon sans importance. En outre, le législateur ordonnanciel devait agir vite et il pouvait raisonnablement considérer que les locataires paient en général les frais et charges réels. Le cas échéant, le bailleur est libre de demander au juge la révision des frais et charges forfaitaires, ou leur conversion en frais et charges réels. Enfin, la différence de traitement entre les locataires privés et les locataires sociaux est justifiée par le fait que, dans le cadre d’une location d’un logement social, plusieurs autres mesures existent pour rendre le coût du logement plus abordable et le législateur ordonnanciel a pris d’autres mesures encore pour promouvoir les performances énergétiques des locations sociales.
A.11.4. En ce qui concerne la différence de traitement entre les locataires et les bailleurs (quatrième branche), le Gouvernement flamand souligne les différences objectives entre les deux catégories de personnes sur le plan financier. Contrairement aux bailleurs, les locataires sont doublement frappés par l’inflation élevée, dans la mesure où celle-ci fera augmenter aussi bien le coût de l’énergie que le loyer. Le locataire n’a pas la possibilité d’améliorer lui-même l’efficacité énergétique du logement. Le bailleur dispose par définition d’une autre résidence principale et se trouve dès lors en principe dans une situation financière plus confortable que le locataire. En outre, la location de logements constitue une activité économique. Les inconvénients que le régime attaqué fait subir aux bailleurs relèvent des risques d’exploitation normaux d’une telle activité. D’ailleurs, les dispositions attaquées n’affectent pas la valeur nominale du loyer, mais seulement la possibilité de l’indexer. Dans la mesure où les parties requérantes font valoir que le régime attaqué traite tous les bailleurs de la même manière, le Gouvernement flamand observe qu’il relève du pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur ordonnanciel de faire dépendre les loyers des logements privés des performances énergétiques du logement, et non de la situation financière du bailleur individuel.
A.11.5. En ce qui concerne l’identité de traitement entre les bailleurs de maisons unifamiliales et les bailleurs d’appartements (cinquième et sixième branches), le Gouvernement flamand expose qu’un appartement est en effet plus économe en énergie qu’une maison et que le certificat de performance énergétique a précisément pour objectif d’exprimer cette différence, afin que les acheteurs ou locataires potentiels puissent comparer différents types de logements et faire un choix éclairé. L’identité de traitement entre les propriétaires de ces biens malgré cette différence factuelle se justifie donc au regard de l’objectif climatique du législateur ordonnanciel. Quant à
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l’argument selon lequel, dans une copropriété, il faudra beaucoup de temps pour obtenir l’accord des copropriétaires, le Gouvernement flamand fait valoir qu’il suffira la plupart du temps de réaliser des travaux dans les parties privatives des appartements.
A.11.6. En ce qui concerne l’identité de traitement entre les bailleurs, que leur certificat de performance énergétique soit antérieur ou postérieur à mars 2017 (septième branche), le Gouvernement flamand relève que, selon la Cour, des situations ne sont comparables que si elles se manifestent au même moment. Les situations de deux propriétaires qui ont chacun fait établir un certificat de performance énergétique à des moments différents ne peuvent donc pas être comparées. Il ne peut donc y avoir une discrimination à cet égard, d’autant que le législateur ordonnanciel a prescrit un renforcement quinquennal des exigences en matière de performances énergétiques en fonction des progrès techniques.
A.12.1. Le Gouvernement wallon estime que le deuxième moyen n’est pas recevable, dans la mesure où les parties requérantes ne fournissent aucune précision quant aux catégories de personnes qu’elles entendent voir comparées.
A.12.2. Selon le Gouvernement wallon, le deuxième moyen n’est en tout cas pas fondé. Le Gouvernement wallon souligne le caractère fondamental du droit à un logement décent, garanti notamment par l’article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution. Les législateurs compétents doivent non seulement respecter ce droit, mais aussi le protéger et le mettre en œuvre en adoptant eux-mêmes des mesures. Le Gouvernement wallon fait référence à des chiffres de l’Office belge de statistique dont il ressort qu’en octobre 2022, l’inflation a atteint son plus haut niveau depuis juin 1975. Cette hausse a été consécutive à l’évolution des prix de l’énergie.
En ce qui concerne le caractère objectif du critère de la performance énergétique (première branche), le Gouvernement wallon observe que les différentes critiques émises par les parties requérantes visent en réalité la réglementation relative au certificat de performance énergétique, qui trouve son fondement dans la directive (UE) 2010/31 du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 « sur la performance énergétique des bâtiments (refonte) ». Ces critiques sont étrangères aux dispositions attaquées et ne peuvent dès lors être appréciées dans le cadre du recours présentement examiné.
En ce qui concerne la pertinence des mesures attaquées au regard de l’objectif du législateur ordonnanciel d’améliorer la performance énergétique du bâti (deuxième branche), le Gouvernement wallon soutient que le but des mesures attaquées n’est pas seulement d’inciter les propriétaires à réaliser précipitamment des travaux de rénovation, mais aussi d’induire à moyen et long terme un changement du comportement des propriétaires des biens à faible performance énergétique.
En ce qui concerne les différentes discriminations entre les locataires alléguées par les parties requérantes (troisième à huitième branches), le Gouvernement wallon relève que les parties requérantes citent un grand nombre de différences et d’égalités de traitement spécifiques. Il est cependant impossible pour le législateur ordonnanciel de tenir compte de toutes les différences et égalités de traitement qu’une mesure pourrait induire, a fortiori sans savoir s’il pourrait les justifier explicitement dans les travaux préparatoires. Le législateur ordonnanciel ne peut pas tenir compte des particularités de chaque cas d’espèce.
Le Gouvernement wallon soulève, pour le reste, des arguments qui sont en substance similaires à ceux du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. En ce qui concerne la différence de traitement entre les bailleurs et les locataires (quatrième branche), le Gouvernement wallon ajoute que l’on ne peut pas parler de catégories de personnes comparables. Dans la mesure où les parties requérantes critiquent la différence de traitement entre les bailleurs selon qu’ils louent un logement unifamilial ou un appartement (cinquième branche), leurs critiques portent en réalité sur le régime de la copropriété et non sur les dispositions attaquées.
Quant au troisième moyen dans l’affaire n° 7964
A.13.1. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique. Ce moyen est subdivisé en plusieurs branches.
A.13.2. Dans la première branche, les parties requérantes font valoir que ce n’est que depuis le 1er novembre 2011 que les bailleurs doivent présenter un certificat de performance énergétique lors de la mise en location d’un logement, si bien que certains bailleurs ne sont pas tenus de disposer d’un tel certificat. L’ordonnance traite de la
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même manière ces bailleurs et ceux qui, ayant mis leur bien en location après cette date, étaient tenus de fournir un certificat de performance énergétique à leur locataire mais ont omis de le faire. Les bailleurs ayant mis leur bien en location avant le 1er novembre 2011 sont sanctionnés par l’impossibilité d’indexer le loyer alors qu’ils n’ont violé aucune disposition légale. Une lecture littérale de l’article 3 de l’ordonnance attaquée rend d’ailleurs impossible toute indexation du loyer dès lors que celui-ci requiert que le certificat de performance énergétique ait été remis au plus tard au moment de la conclusion du bail, ce qui n’a pas été le cas pour les baux conclus avant le 1er novembre 2011.
A.13.3. Dans la deuxième branche, les parties requérantes soutiennent que l’ordonnance attaquée est discriminatoire en ce qu’elle traite de la même manière les bailleurs disposant d’un certificat F ou G et ceux qui ne disposent pas d’un certificat, en violation de leur obligation légale en ce sens. Une atteinte a été portée aux attentes légitimes des premiers de ne pas subir de conséquences négatives avant 2033.
A.13.4. Dans la troisième branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées imposent une sanction aux propriétaires-bailleurs d’un logement de classe énergétique E, F ou G et non aux propriétaires qui occupent eux-mêmes leur logement de classe énergétique E, F ou G. Selon le Plan régional air-climat-énergie, aucune sanction n’aurait dû assortir un mauvais score de performance énergétique avant 2033 (classes F et G) ou 2045 (classe E). Les dispositions attaquées vont ainsi plus loin que les mesures prévues dans le Plan régional air-
climat-énergie. Bien que les propriétaires-bailleurs aient pu considérer qu’ils disposeraient d’un délai d’encore 10
ou 22 ans pour améliorer les performances énergétiques de leur immeuble, ils sont maintenant contraints, contrairement aux propriétaires-occupants, d’exécuter des travaux de grande envergure à court terme sous peine de se voir pénaliser. De plus, les propriétaires qui occupent eux-mêmes leur logement sont éligibles à plus de primes et d’aides et ceux d’entre eux qui sont salariés vont bénéficier de l’indexation de leur salaire, alors que les propriétaires-bailleurs dont le loyer est le seul revenu ne pourront pas l’indexer. Contrairement à ce que soutiennent le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et le Gouvernement wallon, ces deux catégories de propriétaires sont comparables, dès lors que les propriétaires qui en relèvent ont tous vu les coûts d’entretien des biens augmenter et qu’ils sont tenus par les mêmes obligations dans le cadre du Plan régional air-climat-énergie.
A.14.1. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale soutient que le troisième moyen n’est pas fondé. En ce qui concerne la première branche, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale considère que les propriétaires ayant mis leur bien en location avant le 1er novembre 2011 et n’ayant pas changé de locataire depuis ne peuvent se prétendre discriminés par rapport aux propriétaires ayant mis leur bien en location après cette date car les pouvoirs publics doivent pouvoir adapter leur politique aux circonstances changeantes de l’intérêt général et nul ne peut prétendre à l’immutabilité d’une politique. La lecture littérale de l’article 3 de l’ordonnance attaquée que proposent les parties requérantes est erronée, le certificat de performance énergétique pouvant être produit en cours de bail pour permettre l’indexation du loyer à partir de ce moment.
A.14.2. En ce qui concerne la deuxième branche, la Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale estime que les propriétaires-bailleurs ayant mis leur bien en location avec un certificat de performance énergétique de classe F ou G ne sont pas comparables aux propriétaires-bailleurs ayant mis leur bien en location après le 1er novembre 2011 sans certificat de performance énergétique, en violation de leur obligation légale, les premiers faisant l’objet d’une mesure incitative et les seconds faisant l’objet d’une mesure punitive. De plus, la mesure attaquée ne produit pas des effets disproportionnés pour les bailleurs parce qu’elle porte exclusivement sur la possibilité pour le bailleur d’indexer le loyer, mais n’a aucune incidence sur la valeur nominale du loyer et qu’elle ne s’applique qu’aux biens les plus énergivores.
A.14.3. En ce qui concerne la troisième branche, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale considère que les propriétaires-bailleurs se trouvent dans une situation fondamentalement différente de celle des propriétaires-occupants. Subsidiairement, le critère de distinction, à savoir la perception d’un loyer, est objectif et pertinent au regard de l’objectif d’éviter une indexation brutale des loyers. La mesure attaquée, limitée aux biens les plus énergivores, est en outre adéquate et proportionnée aux deux objectifs poursuivis, eu égard notamment à la large marge d’appréciation dont dispose le législateur ordonnanciel en matière socio-économique.
A.15. Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale soutient que le troisième moyen, en ses trois branches, n’est pas fondé. Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale estime que les parties requérantes ne
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tiennent pas compte de l’un des deux objectifs poursuivis par le législateur, à savoir celui de soutenir les locataires de logements mal isolés qui subissent de plein fouet la hausse importante des prix de l’énergie. Dans ce cadre, le certificat de performance énergétique est utilisé non pas « pour lui-même », mais parce qu’il permet une mesure objective de la performance énergétique des biens loués. Il n’est pas déraisonnable pour le législateur ordonnanciel de traiter de la même manière tous les propriétaires-bailleurs d’un bien de faible performance énergétique. Ces propriétaires-bailleurs ne sont pas sanctionnés parce qu’ils auraient violé une de leurs obligations, mais ils se voient interdire l’indexation eu égard à l’impact de la faible performance énergétique de leur bien sur leur locataire. Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale soulève également en substance les mêmes arguments que le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale en ce qui concerne l’absence d’une atteinte à la sécurité juridique des bailleurs ayant mis leur bien en location avant le 1er novembre 2011.
A.16.1. Le Gouvernement flamand estime que le troisième moyen n’est pas fondé. En ce qui concerne la première branche, le Gouvernement flamand reconnaît que les bailleurs qui ont conclu un bail d’habitation avant le 1er novembre 2011 ne sont pas tenus de disposer d’un certificat de performance énergétique. Cela n’empêche cependant pas le législateur ordonnanciel d’inciter ces bailleurs à faire établir tout de même un tel certificat, lequel peut être établi dans un délai relativement court et pour un coût modique. Quoi qu’il en soit, les bailleurs précités peuvent considérer qu’à l’avenir, ils devront faire établir un certificat de performance énergétique, par exemple lorsqu’ils souhaiteront à nouveau proposer le logement à la location. Enfin, en ce qui concerne la protection du locataire, peu importe que le contrat de bail date d’avant ou d’après le 1er novembre 2011.
A.16.2. En ce qui concerne les deuxième et troisième branches, le Gouvernement flamand estime qu’il est raisonnablement justifié de traiter différemment les propriétaires d’un logement selon qu’ils mettent ce logement en location ou qu’ils l’occupent eux-mêmes. Contrairement aux propriétaires-occupants, les propriétaires-bailleurs ne sont en effet pas suffisamment incités à rénover énergétiquement leur logement, dans la mesure où c’est tout d’abord le locataire qui en retire un avantage, à savoir une diminution des dépenses énergétiques. À cet égard, le législateur ordonnanciel a pu estimer qu’il était nécessaire d’intervenir immédiatement, compte tenu des circonstances exceptionnelles de la crise énergétique. Si les bailleurs avaient été informés largement à l’avance de l’adoption de la réglementation attaquée, ils auraient eu la possibilité d’encore indexer le loyer avant l’entrée en vigueur de cette réglementation. La Région de Bruxelles-Capitale a par ailleurs pris d’autres mesures pour inciter également les propriétaires-occupants à réaliser des travaux d’économies d’énergie.
Selon le Gouvernement flamand, l’on n’aperçoit pas pourquoi les bailleurs pouvaient légitimement s’attendre à ce que les exigences relatives aux économies d’énergie des logements locatifs demeurent inchangées. Pour atteindre les objectifs climatiques européens et bruxellois, il est nécessaire d’augmenter le nombre de logements qui sont rénovés. Le Plan régional air-climat-énergie ne pouvait pas susciter chez les bailleurs de logements peu économes en énergie l’attente légitime que les objectifs généraux et spécifiques en matière de rénovation de bâtiments qu’il contient ne puissent pas être renforcés ou affinés par le législateur ordonnanciel. Les plans nationaux Énergie et Climat s’inscrivent dans le cadre des obligations imposées aux États membres de l’Union européenne conformément à la directive (EU) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 « sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE)
n° 663/2009 et (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE) n° 525/2013 du Parlement européen et du Conseil ». De tels plans sont d’abord destinés à la Commission européenne. Les justiciables individuels ne peuvent en tirer aucun droit. Il appartient au législateur ordonnanciel de prendre d’ores et déjà des mesures permettant d’atteindre les objectifs à long terme en matière d’énergie et de climat.
A.17. Le Gouvernement wallon estime que le troisième moyen n’est pas fondé. En ce qui concerne les deux premières branches, les parties requérantes aspirent, selon le Gouvernement wallon, à ce que le législateur ordonnanciel impose une sanction aux propriétaires qui ne disposent pas d’un certificat de performance énergétique au moment où ils mettent leur immeuble en location. Or, une telle sanction existe déjà. De plus, en ce qui concerne la première branche, exiger la production d’un certificat de performance énergétique par les propriétaires qui n’en ont pas l’obligation légale afin de permettre l’indexation des loyers n’est ni déraisonnable, ni disproportionné. En ce qui concerne la troisième branche, le Gouvernement wallon est d’avis que les propriétaires-occupants et les propriétaires-bailleurs ne sont pas suffisamment comparables au regard des objectifs socio-économiques de la mesure attaquée. De plus, cette mesure a été prise dans des circonstances exceptionnelles et imprévisibles, et elle a un caractère temporaire. Compte tenu de ces éléments, la mesure attaquée ne porte pas atteinte aux attentes légitimes des bailleurs concernés.
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Quant au quatrième moyen dans l’affaire n° 7964 et au moyen unique dans l’affaire n° 7974
A.18.1. Le quatrième moyen dans l’affaire n° 7964 est pris de la violation de l’article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après : le Premier Protocole additionnel). Le moyen unique dans l’affaire n° 7974 est pris de la violation du droit de propriété garanti par l’article 16 de la Constitution.
A.18.2. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7964 font valoir que les dispositions attaquées constituent une ingérence dans le droit au respect des biens. En effet, les dispositions attaquées n’ont pas répondu à l’attente légitime des bailleurs concernés qui escomptaient pouvoir indexer le loyer. Cette ingérence n’est pas justifiée par une exigence d’intérêt général. Les effets de la réglementation attaquée sont en tout cas disproportionnés aux objectifs poursuivis par le législateur ordonnanciel. Les inconvénients que cette réglementation entraîne pour les bailleurs ne sont pas proportionnés aux avantages dont les locataires bénéficient. Le législateur ordonnanciel a gelé ou limité l’indexation de la source de revenus des propriétaires, mais n’a pas pris en compte le fait que les bailleurs sont tout aussi confrontés à plusieurs hausses de coûts. De plus, l’augmentation des prix de l’énergie ne représente que 50 % de l’inflation. Or, le législateur ordonnanciel a annulé totalement l’indexation pour la plupart des propriétaires. La mesure va donc au-delà de l’objectif annoncé. En outre, la performance énergétique d’un bien est déjà devenue un élément constitutif du loyer suite à l’adoption des articles 5 et 6 de l’arrêté d’exécution du 19 octobre 2017 « instaurant une grille indicative de référence des loyers », qui prévoit que le loyer de référence peut être majoré ou minoré d’une somme forfaitaire selon le niveau de performance énergétique. Les simulations faites sur le site internet « loyers.brussels » démontrent l’impact substantiel du certificat de performance énergétique sur le pouvoir de négociation du bailleur. Si l’on ajoute l’interdiction d’indexer à la différence importante de loyer selon la classe du certificat de performance énergétique, le propriétaire est pénalisé de manière encore plus disproportionnée. Le juste équilibre entre les intérêts des bailleurs et ceux des locataires est d’autant plus mis à mal que la mesure n’est pas limitée aux locataires les plus démunis et payant des charges réelles. Enfin, le législateur ordonnanciel n’a pas prévu de période transitoire, de sorte que les bailleurs concernés n’ont pas pu s’adapter à la réglementation attaquée. Les bailleurs n’ont pas pu prévoir qu’ils devraient disposer d’un certificat de performance énergétique ni qu’ils devraient d’ores et déjà atteindre certains objectifs énergétiques.
A.18.3. La partie requérante dans l’affaire n° 7974 fait valoir que la mesure attaquée constitue une ingérence dans le droit de propriété car, à défaut de période transitoire, elle rend impossible en pratique l’indexation des loyers des biens dont la classe énergétique a été fixée à F ou G. En effet, les travaux à réaliser pour obtenir une meilleure classe énergétique sont impossibles à réaliser à brève échéance en raison du grand nombre d’immeubles concernés, de la pénurie de main-d’œuvre et du manque de disponibilité des matériaux requis. L’isolation des façades par l’extérieur est par ailleurs impossible pour les bâtiments classés; pour les autres, elle requiert un permis d’urbanisme. L’isolation par l’intérieur n’est pas toujours possible. La partie requérante ajoute que les objectifs du législateur ordonnanciel sont basés sur des prémisses erronées parce que les salaires et allocations sociales des locataires ont été indexés et que les locataires savent la quantité d’énergie qu’ils peuvent consommer en fonction de la qualité du logement qu’ils prennent en location. La partie requérante soutient qu’un bien construit aux normes de l’époque de sa construction doit avoir un loyer qui en permet l’entretien, ce qui implique, vu l’augmentation du coût de la main-d’œuvre et des matériaux, que ce loyer soit relié à l’indice des prix à la consommation. Dans son mémoire en réponse, la partie requérante soutient que, pour ces mêmes motifs, l’ordonnance attaquée viole également les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe de la sécurité juridique, et l’article 14 de la Constitution.
A.19. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale soutient que le quatrième moyen n’est pas fondé.
La restriction du droit de propriété des propriétaires est justifiée par un motif d’intérêt général, eu égard au fait que la crise énergétique a placé un grand nombre de locataires dans une situation de précarité. Un taux d’inflation de 12 % avec une flambée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires est une situation exceptionnelle. Le correctif social mis en place est adapté au déséquilibre contractuel que la crise énergétique a provoqué et la mesure, limitée aux biens les plus énergivores, n’est pas manifestement disproportionnée au but poursuivi. L’absence d’un régime transitoire, vu le contexte d’urgence climatique et de crise des prix de l’énergie, est également proportionnée à l’objectif poursuivi. La circonstance que la mesure n’est pas limitée aux ménages les plus démunis est justifiée au regard de l’objectif d’inciter les propriétaires de logements de faible performance énergétique à réaliser des travaux de rénovation.
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A.20. Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale estime que le quatrième moyen n’est pas fondé. S’il y a une ingérence dans le droit de propriété, elle est justifiée par un motif d’intérêt général et elle est proportionnée.
Ainsi, la mesure est limitée aux biens les plus énergivores et elle ne conduit pas à une réduction de la valeur nominale du loyer. L’argument des parties requérantes selon lequel la performance énergétique d’un bien est déjà devenue un élément constitutif du loyer à la suite de l’instauration d’une grille de référence des loyers ne peut être suivi. Cette grille n’est qu’indicative, elle n’a pas empêché une forte hausse des loyers et elle tient compte de multiples facteurs autres que la performance énergétique. L’arrêté bruxellois instaurant cette grille ne suffit pas à atteindre les objectifs poursuivis par l’ordonnance attaquée.
A.21. Le Gouvernement flamand estime que le quatrième moyen n’est pas fondé. Il soulève des arguments similaires à ceux du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et soutient que la mesure attaquée ne peut pas être considérée comme une expropriation ou une privation de propriété, mais qu’elle revient tout au plus à régler l’usage de la propriété au sens de l’article 1er, alinéa 2, du Premier Protocole additionnel. Le Gouvernement flamand souligne en outre que le droit à un logement décent constitue un droit fondamental garanti par l’article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution et par l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il en va de même pour le droit à la protection de la santé et pour le droit à la protection d’un environnement sain, garantis par l’article 23, alinéa 3, 2° et 4°, de la Constitution. L’article 23, alinéa 2, de la Constitution oblige les différents législateurs, lorsqu’ils garantissent les droits économiques, sociaux et culturels, à prendre en compte les obligations correspondantes des citoyens. De plus, l’article 7bis de la Constitution oblige les régions à poursuivre, dans l’exercice de leurs compétences, les objectifs d’un développement durable dans ses dimensions sociale, économique et environnementale, dont la lutte contre le réchauffement climatique.
A.22. Le Gouvernement wallon estime que le quatrième moyen n’est pas fondé, principalement pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés par le Gouvernement flamand.
Quant au maintien des effets
A.23. Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et le Gouvernement flamand demandent qu’en cas d’annulation, les effets des dispositions attaquées soient maintenus conformément à l’article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle. La rétroactivité de l’annulation serait de nature à créer l’insécurité juridique et à plonger dans des difficultés financières les locataires vis-à-vis desquels le loyer ne pouvait pas être indexé, ou seulement partiellement, du fait de l’application des dispositions attaquées.
A.24. Les parties requérantes estiment qu’il n’y a pas lieu d’accéder à la demande de maintien des effets. Il n’est pas démontré qu’une annulation non modulée dans le temps entraîne un risque de perturbation de l’ordre juridique.
-B-
Quant à l’ordonnance attaquée et à son contexte
B.1. Le recours en annulation est dirigé contre l’ordonnance de la Région de Bruxelles-
Capitale du 13 octobre 2022 « portant modification du Code bruxellois du Logement en vue de modifier l’indexation des loyers » (ci-après : l’ordonnance attaquée). Cette ordonnance limite
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la possibilité d’indexer le loyer pour les habitations ne disposant pas d’un certificat de performance énergétique ou disposant d’un certificat de performance énergétique de classe E, F ou G.
B.2.1. Le certificat de performance énergétique est, aux termes de l’article 2.1.1, 11°, de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 2 mai 2013 « portant le Code bruxellois de l’Air, du Climat et de la Maîtrise de l’Énergie » (ci-après : le COBRACE), un « document qui présente les indicateurs de performance énergétique d’une unité PEB sous forme numérique, alphabétique et graphique ».
La « performance énergétique d’un bâtiment (PEB) » est « la quantité d’énergie effectivement consommée ou estimée pour répondre aux différents besoins liés à une utilisation standardisée du bâtiment, ce qui peut inclure entre autres le chauffage, l’eau chaude, le refroidissement, la ventilation et l’éclairage. Cette quantité est exprimée par un ou plusieurs indicateurs numériques résultant d’un calcul réalisé suivant une des méthodes de calcul définies à l’annexe 2.1 » (article 2.1.1, 1°, du COBRACE). Une « unité PEB » est un « ensemble de locaux dans un même volume protégé, conçu ou modifié pour être utilisé séparément et qui répond à la définition d’une affectation définie par le Gouvernement » (article 2.1.1, 2°, du COBRACE).
Le certificat de performance énergétique « contient des valeurs de référence sur la base desquelles les intéressés peuvent visualiser la performance énergétique de l’unité PEB et la comparer avec celle d’autres unités PEB de même affectation ». Il « comprend aussi des recommandations concernant l’amélioration rentable de la performance énergétique de l’unité PEB. La performance énergétique d’une unité PEB est exprimée par un indicateur de consommation énergétique en kWh/m2 par an et un indicateur d’émission de CO2 en kg/m2 par an » (article 2.2.12, § 1er, du COBRACE). La durée de validité du certificat de performance énergétique est de dix ans (article 2.2.12, § 2, du COBRACE).
B.2.2. Les certificats de performance énergétique sont établis par des certificateurs agréés conformément aux dispositions de l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-
Capitale du 17 février 2011 « relatif à l’agrément des certificateurs qui établissent un certificat PEB ou un certificat PEB Bâtiment public ».
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B.2.3. Conformément à l’article 2 de l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-
Capitale du 17 février 2011 « relatif au certificat PEB établi par un certificateur pour les unités PEB Habitations individuelles » (ci-après : l’arrêté du 17 février 2011 relatif au certificat PEB), tel qu’il a été modifié par l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 6 octobre 2016 « portant modification de divers arrêtés d’exécution de l’ordonnance du 2 mai 2013 portant le Code bruxellois de l’Air, du Climat et de la Maîtrise de l’Énergie », le certificat de performance énergétique est conforme au modèle fixé par l’arrêté ministériel du 21 décembre 2016 « fixant le modèle du certificat PEB pour les unités PEB Habitation individuelle et les unités tertiaires ». Il est produit par un logiciel fourni par l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement et contient au minimum les éléments suivants :
« 1°. la performance énergétique exprimée par ses indicateurs et une classe énergétique telle que fixée à l’annexe 2 du présent arrêté.
2°. les recommandations rentables classées en fonction de leur pertinence, émises de manière à donner au bénéficiaire du certificat PEB les informations les plus complètes sur les mesures à entreprendre à deux occasions différentes :
a) lors d’une rénovation importante de l’enveloppe ou des systèmes techniques de l’unité PEB ou du bâtiment qui l’abrite;
b) lors de travaux touchant à des éléments individuels de l’enveloppe ou des systèmes techniques de l’unité PEB ou du bâtiment qui l’abrite, hors rénovation importante ».
B.2.4. Les valeurs limites des classes du certificat de performance énergétique en Région de Bruxelles-Capitale sont fixées comme suit, dans l’annexe 2 de l’arrêté du 17 février 2011
relatif au certificat PEB, telle qu’elle a été remplacée par l’article 15 de l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 6 octobre 2016 « portant modification de divers arrêtés d’exécution de l’ordonnance du 2 mai 2013 portant le Code bruxellois de l’Air, du Climat et de la Maîtrise de l’énergie » :
Classe énergétique kWhEP/m²/an A++ 346
B.2.5. Les règles précitées relatives au certificat de performance énergétique s’inscrivent dans le cadre de la transposition de la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 « sur la performance énergétique des bâtiments (refonte) » (ci-après :
la directive 2010/31/UE). L’article 11, paragraphe 1, de la directive 2010/31/UE dispose que les États membres « arrêtent les mesures nécessaires pour établir un système de certification de la performance énergétique des bâtiments » et que « le certificat de performance énergétique inclut la performance énergétique du bâtiment et des valeurs de référence telles que les exigences minimales en matière de performance énergétique, afin que les propriétaires ou locataires du bâtiment ou de l’unité de bâtiment puissent comparer et évaluer sa performance énergétique ».
En vertu de l’article 2bis, paragraphe 1, de cette directive, « chaque État membre établit une stratégie de rénovation à long terme pour soutenir la rénovation du parc national de bâtiments résidentiels et non résidentiels, tant publics que privés, en vue de la constitution d’un parc immobilier à haute efficacité énergétique et décarboné d’ici à 2050, facilitant ainsi la transformation rentable de bâtiments existants en bâtiments dont la consommation d’énergie est quasi nulle ».
B.3.1. L’ordonnance attaquée est applicable à tous les baux d’habitation. Ses articles 2, 3
et 4 disposent :
« Art. 2. Pour l’application de la présente ordonnance, l’on entend par :
1° Code : l’ordonnance du 17 juillet 2003 portant le Code bruxellois du Logement;
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2° Certificat PEB : certificat de performance énergétique.
Art. 3. A l’article 224/2 du Code, il est inséré un alinéa 2 au § 1er :
‘ L’adaptation du loyer au coût de la vie visée à l'alinéa 1er qui a pour effet d'augmenter le montant du loyer, n’est due que si :
1° le bail écrit a été enregistré conformément à l’article 227 et;
2° le certificat PEB a été produit au locataire conformément à l’article 217. ’.
Art. 4. A l’article 224/2 du Code, il est inséré un paragraphe 1er/1 rédigé comme suit :
‘ § 1er/1. Par dérogation au § 1er, pour les baux en cours relatifs à un logement pour lequel un certificat PEB E a été délivré et dont la date anniversaire échoit à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance, l’adaptation du loyer au coût de la vie sera calculée dans les conditions prévues à l’article 1728bis à hauteur de 50 % maximum de l’indexation autorisée.
Par dérogation au § 1er, pour les baux en cours relatifs à un logement pour lequel un certificat PEB F ou G a été délivré et dont la date anniversaire échoit à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance, il ne peut y avoir d’adaptation du loyer au coût de la vie.
La limitation de l’adaptation du loyer au coût de la vie telle que prévue aux alinéas 1er et 2 est valable 12 mois ’ ».
Ces dispositions sont entrées en vigueur le jour de leur publication au Moniteur belge, soit le 14 octobre 2022, conformément à l’article 5 de l’ordonnance attaquée.
B.3.2. Les articles 2, 3 et 4 de l’ordonnance attaquée limitent donc la possibilité d’indexer le loyer telle qu’elle est prévue à l’article 224/2, § 1er, alinéa 1er, de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 17 juillet 2003 « portant le Code bruxellois du Logement » (ci-après :
le Code bruxellois du logement), qui dispose :
« Si elle n’a pas été exclue expressément, et à condition que le bail ait été conclu par écrit, l’adaptation du loyer au coût de la vie est due, une fois par année de location, à la date d’anniversaire de l’entrée en vigueur du bail, dans les conditions prévues à l’article 1728bis du Code civil. Cette adaptation ne s’opère qu’après que la partie intéressée en ait fait la demande écrite, et n’a d’effet pour le passé que pour les trois mois précédant celui de la demande ».
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B.3.3. Cette disposition fait référence à l’article 1728bis de l’ancien Code civil, qui dispose :
« § 1er. Si une adaptation du loyer au coût de la vie a été convenue, elle ne peut être appliquée qu’une fois par année de location et au plus tôt au jour anniversaire de l’entrée en vigueur du bail. Cette adaptation est faite sur base des fluctuations de l’indice des prix à la consommation.
Le loyer adapté ne peut dépasser le montant qui résulte de la formule suivante : loyer de base multiplié par le nouvel indice et divisé par l’indice de départ.
Le loyer de base est le loyer qui résulte de la convention ou d’un jugement, à l’exclusion de tous frais et charges quelconques expressément laissés à charge du locataire par le bail.
Le nouvel indice est l’indice calculé et désigné à cet effet du mois qui précède celui de l’anniversaire de l’entrée en vigueur du bail.
L’indice de base est l’indice des prix à la consommation du mois précédant le mois pendant lequel la convention a été conclue.
Pour les conventions conclues à partir du 1er février 1994, l’indice de base est toutefois l’indice calculé et nommé à cet effet du mois précédant le mois pendant lequel la convention a été conclue.
§ 2. Les dispositions contractuelles dont l’effet excéderait l’adaptation prévue au présent article sont réductibles à celle-ci ».
B.4.1. Selon les travaux préparatoires, l’ordonnance attaquée institue « un régime temporaire d’indexation des loyers durant l’année 2023, lié à la performance énergétique du logement en adéquation avec les engagements pris par le Gouvernement en matière d’émissions de gaz à effet de serre :
- si le bailleur dispose d’un certificat PEB A, B, C ou D, il pourra indexer le loyer aux conditions prévues à l’article 1728bis du Code civil;
- si le bailleur dispose d’un certificat PEB, E, il pourra indexer le loyer conformément aux conditions prévues à l’article 1728bis du Code Civil à hauteur de 50 % maximum de l’indexation autorisée;
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- si le bailleur dispose d’un certificat PEB F ou G ou ne dispose pas de certificat, il ne pourra pas indexer le loyer ».
L’ordonnance attaquée « prévoit néanmoins de manière définitive d’instaurer une double condition préalable à toute indexation dans le chef du bailleur :
- le bailleur doit avoir enregistré son bail conformément à l’article 227 du Code du Logement;
- le bailleur doit avoir communiqué le certificat PEB du bien mis en location conformément à l’article 217 du Code du Logement » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2022-2023, A-601/1, pp. 4-5).
B.4.2. Constatant que « la crise socioéconomique, la situation géopolitique et la guerre en Ukraine » avaient provoqué une crise énergétique sans précédent, « entraînant une augmentation anormale des loyers qui constitue une rupture d’équilibre dans les relations contractuelles entre le bailleur et le locataire », le législateur ordonnanciel a entendu soutenir « d’une part les locataires confrontés aux différentes crises », mais aussi accompagner « les propriétaires dans leur volonté de rénover leur bien de manière durable », ce qui « s’inscrit pleinement dans le programme d’accélération de la rénovation du bâti bruxellois initié par le Gouvernement » (ibid. , p. 3).
En ce qui concerne ces objectifs, les travaux préparatoires mentionnent :
« La hausse des loyers, due au mécanisme d’indexation, et la hausse des prix de l’énergie sont une double peine pour les locataires de logements mal isolés et créent une situation intenable pour un grand nombre de ménages bruxellois. Cette situation menace la concrétisation du droit au logement consacré par l’article 23 de la Constitution. Résoudre cet enjeu urbain essentiel implique de dépasser les oppositions entre propriétaires et locataires ou entre opérateurs publics et privés pour fédérer les forces vives de la Région. Il relève de la responsabilité du Parlement et du Gouvernement d’adopter les mesures adéquates pour garantir l’effectivité du droit au logement, par exemple le plan d’urgence logement.
[...]
La présente proposition traduit le compromis atteint au sein du gouvernement pour lever la rupture d’équilibre dans les relations contractuelles entre propriétaires et locataires qu’entraîne
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cette indexation anormale. La mesure proposée, en liant l’indexation au certificat PEB, soutient les propriétaires vertueux qui rénovent leurs biens et sanctionne ceux qui mettent en location des passoires énergétiques.
[...]
La proposition est proportionnée, justifiée et nécessaire. Proportionnée car elle protège les locataires, dans une finalité sociale, et s’inscrit dans le cadre des objectifs climatiques et environnementaux de la Région (avec des encouragements à la rénovation du bâti sous la forme de primes et de prêts à taux zéro). Pour rappel, la Région s’est donn[é] les échéances suivantes :
2025 (obligation d’établir un certificat PEB et une estimation des coûts de rénovation), 2033
(obligation d’atteindre un niveau de certification E) et 2045 (obligation d’atteindre un niveau de certification C). Des dispositifs d’aides permettront d’atteindre ces objectifs. Le texte proposé est en cohérence avec le projet de rénovation du bâti porté par le gouvernement, raison pour laquelle il ne vise que les niveaux E, F et G.
La mesure proposée encadre l’indexation de tous les loyers, indépendamment du type de bail, et lie cet encadrement à une double incitation à destination des propriétaires : enregistrer le bail (obligation trop souvent ignorée à l’heure actuelle) et fournir un certificat PEB.
Les modifications apportées à l’article 224/2 du Code du logement sur la question de l’indexation touchent aussi les éléments évoqués à l’article 241 où l’indexation est redéfinie pour les baux de courte durée. La modification concerne bien tous les types de baux.
Cette mesure, qui constitue un grand pas en avant dans la protection des locataires, répond à la mobilisation des associations de défense du droit au logement, et sauvegarde le pouvoir d’achat des Bruxellois.
Il s’agit donc d’un texte nécessaire et urgent » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2022-2023, A-601/2, pp. 4-5).
Quant à la recevabilité de la requête dans l’affaire n° 7974
B.5.1. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et le Gouvernement flamand soutiennent que le recours dans l’affaire n° 7974 est irrecevable à défaut d’exposé d’un moyen d’annulation ou en ce qu’il n’est pris de la violation d’aucune norme dont la Cour assure le respect.
B.5.2. Pour satisfaire aux exigences de l’article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont
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la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
Dans sa requête, la partie requérante, qui n’est pas assistée par un avocat, expose que l’article 4 de l’ordonnance attaquée empêche, en pratique, les propriétaires de logements dont le certificat de performance énergétique est de classe E, F ou G d’indexer le loyer du bien mis en location. Elle indique qu’en sa qualité de propriétaire, elle s’inquiète car un bien construit aux normes de l’époque de sa construction doit générer un loyer qui en permet l’entretien, ce qui implique, vu l’augmentation du coût de la main-d’œuvre et des matériaux, que ce loyer soit relié à l’indice des prix à la consommation. Elle soutient que, par conséquent, l’article 4 de l’ordonnance attaquée viole la Constitution.
De la combinaison de l’allégation d’une violation de la Constitution avec l’invocation, par la partie requérante, de sa qualité de propriétaire, il résulte clairement qu’est invoquée la violation du droit de propriété garanti par l’article 16 de la Constitution. La requête expose donc clairement quelles dispositions violent la Constitution, selon la partie requérante, et pour quels motifs.
Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et le Gouvernement flamand ont d’ailleurs tous pu répondre de manière adéquate à ce grief dans leurs mémoires, en réponse au grief similaire soulevé par les parties requérantes dans l’affaire n° 7964.
L’exception est rejetée.
B.5.3. En ce qu’elle soutient, dans son mémoire en réponse, que l’ordonnance attaquée viole également les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe de la sécurité juridique, et l’article 14 de la Constitution, la partie requérante prend un moyen nouveau qui, pour ce motif, n’est pas recevable. La Cour limite donc son examen du recours dans l’affaire n° 7974 au seul moyen précité, pris de la violation de l’article 16 de la Constitution.
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Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen dans l’affaire n° 7964
B.6. Le premier moyen est pris de la violation de l’article 6, § 1er, IV et VII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980)
et de la compétence résiduelle de l’autorité fédérale. Selon les parties requérantes, c’est l’autorité fédérale, et non la Région de Bruxelles-Capitale, qui était compétente pour adopter les dispositions attaquées.
B.7.1. En vertu de l’article 6, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont notamment compétentes pour :
« II. En ce qui concerne l’environnement et la politique de l’eau :
1° La protection de l’environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l’eau et de l’air contre la pollution et les agressions ainsi que la lutte contre le bruit;
[...] ».
« IV. En ce qui concerne le logement :
1° le logement et la police des habitations qui constituent un danger pour la propreté et la salubrité publiques;
2° les règles spécifiques concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l’habitation ».
« VII. En ce qui concerne la politique de l’énergie :
Les aspects régionaux de l’énergie, et en tout cas :
[...]
(h) L’utilisation rationnelle de l’énergie ».
B.7.2. En vertu de l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, de la loi spéciale du 8 août 1980, « l’autorité fédérale est [...] seule compétente pour : [...] 3° la politique des prix et des revenus,
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à l’exception de la réglementation des prix dans les matières qui relèvent de la compétence des régions et des communautés, sous réserve de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, d) ».
L’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose que l’autorité fédérale est compétente, en ce qui concerne la politique de l’énergie, « pour les matières dont l’indivisibilité technique et économique requiert une mise en œuvre homogène sur le plan national, à savoir : [...] d) les tarifs, en ce compris la politique des prix, sans préjudice de la compétence régionale en matière de tarifs visée à l’alinéa 1er, a) et b) ».
B.7.3. En vertu de l’article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, ces dispositions s’appliquent à la Région de Bruxelles-Capitale.
B.8. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n’en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d’édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.
B.9. La compétence en matière de baux d’habitation, visée à l’article 6, § 1er, IV, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980, a été confiée aux régions par la loi spéciale du 6 janvier 2014
« relative à la Sixième Réforme de l’État » (ci-après : la loi spéciale du 6 janvier 2014).
Aux termes des travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014, les régions sont compétentes pour les « règles spécifiques concernant la location de biens ou des parties de ceux-
ci, destinés à l’habitation », y compris les « règles spécifiques relatives aux contrats de bail qui pourront s’écarter du droit commun déterminé au niveau fédéral ». Le législateur spécial entendait transférer aux régions « [la] totalité des règles spécifiques concernant la location de biens ou de parties de biens destinés à l’habitation », en ce qui concerne, entre autres, les règles concernant « les droits et les obligations du bailleur », « les droits et les obligations du preneur », « l’état du bien loué », « la rénovation », « les réparations et la réalisation de travaux déterminés », « la détermination du loyer, y compris la détermination de prix indicatifs, et
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l’adaptation du loyer au coût de la vie », « la détermination des frais et charges imposés au preneur », « la révision du loyer, des frais et des charges » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, pp. 82-84).
B.10. L’indice des prix à la consommation est un indicateur économique de base. Des indexations sont opérées pour suivre, dans les divers domaines de la politique, l’évolution des prix à la consommation. Un mécanisme d’indexation ne peut par conséquent être considéré comme une matière en soi mais bien comme un instrument que le législateur fédéral, le législateur décrétal et le législateur ordonnanciel peuvent utiliser, chacun pour ce qui le concerne, pour autant qu’ils agissent dans les limites de leurs compétences respectives. À cet égard, l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 confirme que les régions et les communautés sont compétentes pour régler les prix dans les matières relevant de leurs compétences (voy. également Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, p. 99).
B.11. L’ordonnance attaquée restreint, en ce qui concerne les baux d’habitation, la possibilité d’indexer le loyer, en fonction de la performance énergétique du logement. Une telle mesure s’inscrit dans le cadre de la compétence régionale en matière de baux d’habitation, visée à l’article 6, § 1er, IV, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.9, les régions peuvent, en vertu de cette compétence, adopter des règles spécifiques quant à la fixation du montant du loyer de biens destinés à l’habitation, en particulier en ce qui concerne l’adaptation du montant du loyer au coût de la vie. Ce faisant, les régions peuvent déroger aux règles de droit commun relatives à l’indexation des loyers, fixées à l’article 1728bis de l’ancien Code civil.
B.12. Dans l’exercice de leurs compétences, les régions doivent toutefois respecter le principe de proportionnalité, qui est inhérent à tout exercice de compétences. Elles doivent dès lors veiller à ne pas rendre impossible ou exagérément difficile l’exercice des compétences fédérales.
Contrairement à ce que font valoir les parties requérantes, les dispositions attaquées ne rendent pas impossible ou exagérément difficile l’exercice de la compétence résiduelle de l’autorité fédérale en matière de droit civil. Les dispositions attaquées ne portent pas atteinte à
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la possibilité pour l’autorité fédérale de fixer les règles de droit commun en matière de baux à loyer. Ces règles demeurent applicables, d’une part, aux baux à loyer qui n’ont pas été transférés aux régions et, d’autre part, aux aspects des baux à loyer qui ont été transférés aux régions, mais pour lesquels les régions n’ont pas adopté des règles spécifiques.
B.13. Les parties requérantes estiment également que les dispositions attaquées portent atteinte à la compétence de l’autorité fédérale en matière de politique de l’énergie pour régler « les tarifs, en ce compris la politique des prix » (article 6, § 1er, VII, alinéa 2, d), de la loi spéciale du 8 août 1980). La circonstance que la limitation de la possibilité d’indexer les loyers s’applique uniquement aux logements peu économes en énergie ne constitue cependant pas une intervention dans la fixation des tarifs en matière d’énergie ou des prix que payent les clients pour la fourniture d’énergie.
B.14. Le premier moyen n’est pas fondé.
En ce qui concerne le deuxième moyen dans l’affaire n° 7964
B.15. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.
Les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées sont contraires au principe d’égalité et de non-discrimination, en ce qu’elles font naître plusieurs différences de traitement et identités de traitement entre diverses catégories de locataires et de bailleurs.
B.16. Contrairement à ce que fait valoir le Gouvernement wallon, la requête identifie bel et bien les catégories de personnes qui doivent précisément être comparées dans le cadre des discriminations invoquées par les parties requérantes. Il ressort par ailleurs des mémoires déposés par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, par le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, par le Gouvernement flamand et par le Gouvernement wallon que ceux-
ci ont bien compris le deuxième moyen et qu’ils ont donc été en mesure de mener une défense utile. Le deuxième moyen est dès lors recevable.
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B.17. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s’oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu’apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.18. Il appartient au législateur ordonnanciel d’apprécier dans quelle mesure il est opportun de prendre des mesures, dans le cadre de sa politique socio-économique, en vue de promouvoir l’offre de logements abordables et l’efficacité énergétique du parc d’habitations. Il dispose en la matière d’un pouvoir d’appréciation étendu. Lorsque le législateur ordonnanciel prévoit de limiter la possibilité d’indexer les loyers d’habitations peu économes en énergie, il relève de son pouvoir d’appréciation de déterminer les catégories de locataires et de bailleurs qui relèvent de cette mesure. La Cour ne peut censurer les choix politiques opérés et les motifs qui les fondent que s’ils reposent sur une erreur manifeste ou s’ils sont déraisonnables.
B.19. Dans les première et deuxième branches du deuxième moyen, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre, d’une part, les bailleurs d’un logement disposant d’un certificat de performance énergétique A, B, C
ou D et, d’autre part, les bailleurs d’un logement qui ne disposent pas d’un certificat de performance énergétique ou qui disposent d’un certificat de performance énergétique E, F ou G. La possibilité d’indexer les loyers est limitée uniquement à l’égard de cette dernière catégorie de bailleurs. Selon les parties requérantes, cette différence de traitement ne repose pas sur un critère de distinction objectif et elle n’est pas pertinente pour atteindre les objectifs poursuivis.
B.20.1. En vertu de l’article 2 de l’arrêté du 17 février 2011 relatif au certificat PEB, le certificat de performance énergétique contient notamment « la performance énergétique
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exprimée par ses indicateurs » et une classe énergétique dont les valeurs limites sont fixées dans l’annexe 2 de cet arrêté. Les indicateurs numériques de la performance énergétique résultent d’un calcul réalisé selon une des méthodes définies par le législateur ordonnanciel (article 2.1.1, 1°, du COBRACE), par un logiciel fourni par l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement, sur la base des constats effectués par des certificateurs agréés.
B.20.2. Il découle de ce qui précède que la différence de traitement mentionnée en B.19
repose sur un critère de distinction objectif, à savoir le fait qu’un logement ait ou non un certificat de performance énergétique et, dans l’affirmative, la classe énergétique de ce certificat. Pour le surplus, les critiques des parties requérantes sont sans rapport avec le caractère objectif du certificat de performance énergétique en tant que critère de distinction.
B.21. Les parties requérantes contestent également qu’un tel critère de distinction soit pertinent à la lumière des objectifs poursuivis par le législateur ordonnanciel.
Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.4.2, le législateur ordonnanciel vise, par la législation attaquée, à protéger les locataires face à la hausse anormale des loyers et des prix de l’énergie dans un contexte de crise. Le législateur ordonnanciel souhaite aussi inciter les propriétaires à améliorer les performances énergétiques des logements de location.
B.22.1. En ce qui concerne l’objectif de protection des locataires face à la hausse anormale des prix de l’énergie, le législateur ordonnanciel pouvait postuler que les dépenses énergétiques sont en général plus élevées dans un logement dont la classe énergétique n’est pas connue ou de classe E, F ou G, que dans un logement de classe A, B, C ou D. La classe énergétique est un critère de performance énergétique du logement. Il peut être admis que les conséquences de la hausse des prix de l’énergie sont les plus importantes pour les locataires de logements qui ne disposent pas d’un certificat de performance énergétique ou qui disposent d’un certificat de performance énergétique de classe E, F ou G, et que, par conséquent, seuls ces locataires doivent bénéficier d’une limitation de la possibilité d’indexation des loyers.
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B.22.2. La circonstance que, comme le soutiennent les parties requérantes, dans l’intervalle, la hausse de l’inflation et des prix de l’énergie s’avère en réalité plus limitée que la hausse initialement estimée ne conduit pas à une autre conclusion.
Les travaux préparatoires de l’ordonnance attaquée mentionnent que « depuis le mois de décembre 2021, l’indice santé connait une évolution exceptionnelle et n’a cessé d’augmenter jusqu’en septembre 2022 », « portant l’augmentation des loyers en septembre 2022 à 11,20 % ». Ils exposent encore qu’en « septembre 2022, l’inflation est de 11,27 %. Un niveau record depuis 1975 » et que « les prévisions du Bureau du plan font état d’une inflation belge, en moyenne à 9,4 % en 2022 et à 6,5 % en 2023 » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2022-2023, A-601/1, p. 2). Le législateur ordonnanciel s’est donc basé sur des éléments statistiques et des prévisions qui étaient disponibles au moment de l’adoption du régime attaqué. À ce moment, comme l’observe le Gouvernement de la Région de Bruxelles-
Capitale, les prévisions relatives à l’évolution de l’inflation étaient entourées d’une grande incertitude. Les parties requérantes ne démontrent pas que l’appréciation du législateur ordonnanciel repose sur une erreur manifeste.
Dans son mémoire, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale se réfère par ailleurs aux chiffres de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz. Il apparaît entre autres qu’en ce qui concerne les prix de l’électricité et du gaz, « le 3ème trimestre de 2022 est ensuite caractérisé par une nouvelle hausse forte à très forte hausse, qui se poursuit de manière plus ou moins importante au 4ème trimestre de 2022 » (Commission de régulation de l’électricité et du gaz, analyse semestrielle de l’évolution des prix de l’énergie, 2ème semestre 2022, p. 5).
B.22.3. Les parties requérantes remettent en cause la fiabilité du certificat de performance énergétique et la seule prise en compte de la consommation théorique d’énergie du logement.
Ces griefs visent les imperfections et le mode de calcul du certificat de performance énergétique, ainsi que les compétences professionnelles des certificateurs. Ils ne peuvent remettre en cause ce qui précède. En effet, eu égard à la technicité de la matière, le législateur ordonnanciel ne peut se voir reprocher de n’avoir pas tenu compte des spécificités de chaque cas d’espèce. De plus, par la législation attaquée, le législateur ordonnanciel a voulu rapidement réagir à la hausse exceptionnelle des prix de l’énergie. Il a dès lors pu faire usage de catégories
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qui, nécessairement, n’appréhendent la diversité des situations qu’avec un certain degré d’approximation, en se basant sur le système existant des certificats de performance énergétique qui fournit, pour l’application des dispositions attaquées, des critères de distinction objectifs.
Ce système permet en effet de comparer, de manière simple et sans devoir examiner la situation individuelle de chaque locataire, la consommation d’énergie escomptée des logements locatifs.
B.23.1. Les parties requérantes contestent également la pertinence des dispositions attaquées au regard de l’objectif qui consiste à inciter les propriétaires à améliorer les performances énergétiques des logements de location. Elles allèguent que plusieurs travaux indispensables requièrent un permis d’environnement pour des actes urbanistiques ou, dans le cas d’un bâtiment en copropriété, une décision de l’assemblée générale de l’association des copropriétaires. Il serait donc impossible de réaliser de tels travaux dans de nombreux cas. À
tout le moins, les travaux ne pourraient pas, pour cette raison, être réalisés à court terme, alors que la limitation de la possibilité d’indexer les loyers prévue par l’ordonnance attaquée ne s’applique que pour une période de douze mois, à savoir entre le 14 octobre 2022 et le 13 octobre 2023.
B.23.2. Comme l’observe le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, de nombreux travaux d’amélioration de la performance énergétique peuvent être réalisés dans les parties privatives d’un immeuble en copropriété et sans qu’un permis d’urbanisme soit requis.
Ainsi, en vertu des articles 9 et 21/1 de l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 13 novembre 2008 « déterminant les actes et travaux dispensés de permis d’urbanisme, de l’avis du fonctionnaire délégué, de la commune, de la commission royale des Monuments et des Sites, de Bruxelles Mobilité, de Bruxelles Environnement, de la commission de concertation ainsi que des mesures particulières de publicité ou de l’intervention d’un architecte », les travaux d’isolation en intérieur et la pose d’une isolation sur un mur mitoyen ou une façade non visible depuis l’espace public sont, dans certaines conditions, dispensés de permis d’urbanisme. En vertu de l’article 21, 7°, du même arrêté, un permis d’urbanisme n’est, en règle, pas requis non plus pour, notamment, « le remplacement des châssis, vitrages [...] et portes de garage », pour autant que les formes initiales soient maintenues et que l’aspect architectural du bâtiment ne soit pas modifié. De même, en vertu de l’article 33/2 du même
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arrêté, le placement de panneaux capteurs solaires, photovoltaïques ou assimilés est en règle dispensé de permis d’urbanisme lorsque ceux-ci ne sont pas visibles depuis l’espace public, et il en est également dispensé à certaines conditions lorsqu’ils sont visibles depuis l’espace public.
En ce qui concerne les bâtiments en copropriété, en vertu de l’article 3.88, § 1er, 1°, b), du Code civil, une majorité des deux tiers est certes requise pour « tous travaux affectant les parties communes, à l’exception des travaux imposés par la loi et des travaux conservatoires et d’administration provisoire », mais cette exigence n’empêche pas les propriétaires individuels de procéder à des travaux augmentant la performance énergétique dans les parties privatives.
La mesure attaquée incite par ailleurs les bailleurs qui ne l’ont pas encore fait à faire établir un certificat de performance énergétique pour leur bien. Comme le souligne le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, cette démarche, même si elle n’est pas suivie par la réalisation de travaux avant le 13 octobre 2023, constitue une première étape vers une amélioration ultérieure des performances énergétiques des biens concernés, et elle contribue donc déjà en soi à atteindre un des objectifs poursuivis par le législateur.
B.24. La différence de traitement mentionnée en B.19 est par conséquent pertinente au regard des objectifs poursuivis par le législateur ordonnanciel.
B.25.1. La Cour doit encore examiner si les dispositions attaquées ne produisent pas des effets disproportionnés pour les bailleurs d’un logement qui ne disposent pas d’un certificat de performance énergétique ou qui disposent d’un certificat de performance énergétique de classe E, F ou G.
B.25.2. Les dispositions attaquées portent exclusivement sur la possibilité pour les bailleurs concernés d’indexer les loyers. Elles ne portent pas sur la valeur nominale du loyer, que celui-ci ait déjà été indexé ou non, qui reste intégralement dû par le locataire. De surcroît, l’interdiction d’indexation des loyers prévue par l’ordonnance attaquée n’est applicable qu’entre le 14 octobre 2022 et le 13 octobre 2023. Cette interdiction est proportionnée au niveau de performance énergétique du logement, étant donné qu’au cours de cette période, seuls les bailleurs d’un logement de classe énergétique F ou G ont été exclus de la possibilité d’indexer
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les loyers et que les bailleurs d’un logement de classe énergétique E ont encore pu indexer le loyer pour moitié. Depuis le 14 octobre 2023, tous les bailleurs peuvent à nouveau indexer les loyers. Les bailleurs des logements les plus performants sur le plan énergétique, à savoir les logements de classe A, B, C ou D, ne sont soumis à aucune limitation quant à la possibilité d’indexer les loyers.
B.25.3. Les bailleurs qui effectuent des travaux améliorant la performance énergétique de leur logement de location augmentent en outre la valeur de leur bien. De plus, des mesures de soutien financier sont prévues pour les propriétaires désireux de réaliser des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur bien, de sorte qu’il est possible que le bailleur puisse partiellement compenser les coûts des travaux effectués. Ainsi, des primes à la rénovation sont accordées aux propriétaires qui effectuent des travaux de rénovation (articles 1er, 20°, et 6 de l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 31 mars 2022 « relatif à l’octroi de primes à l’amélioration de l’habitat » et annexe 1 de l’arrêté ministériel du 31 mars 2022 « portant exécution de l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 31 mars 2022 relatif à l’octroi de primes à l’amélioration de l’habitat »).
De même, des crédits « ECORENO », à taux d’intérêt limité, sont disponibles, selon les moyens financiers des demandeurs, notamment pour les bailleurs qui souhaitent réaliser des travaux destinés à l’amélioration de la performance énergétique du logement (article 112, § 1er, 1°, du Code bruxellois du logement et articles 13 et suivants de l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 7 juillet 2022 « relatif à l’activité de crédit du Fonds du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale »).
B.25.4. Enfin, les bailleurs qui ne disposaient pas encore d’un certificat de performance énergétique lors de l’entrée en vigueur des dispositions attaquées peuvent toujours faire établir un certificat de performance énergétique par un certificateur agréé. Il n’apparaît pas que le prix moyen de l’établissement d’un certificat de performance énergétique soit excessif ni qu’il soit impossible d’obtenir un tel certificat à bref délai. Un certificat de performance énergétique est valable pour dix ans (article 2.2.12, § 2, du COBRACE) et contient des recommandations destinées à améliorer la rentabilité de la performance énergétique du bâtiment (article 2.2.12, § 1er, du COBRACE), de sorte que ce certificat peut également être utile au bailleur pour d’autres finalités. La circonstance que, comme le soutiennent les parties requérantes, certains bailleurs n’étaient pas tenus de disposer d’un certificat de performance énergétique lors de
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l’entrée en vigueur des dispositions attaquées parce que l’obligation de produire un certificat de performance énergétique lors de la conclusion d’un nouveau contrat de bail n’est valable que depuis le 1er novembre 2011 n’y change rien.
B.25.5. Compte tenu du pouvoir d’appréciation étendu dont dispose en l’espèce le législateur ordonnanciel et du fait que les dispositions attaquées ont été adoptées dans le cadre d’une augmentation imprévue et exceptionnelle des prix de l’énergie, ces dispositions ne produisent dès lors pas des effets disproportionnés pour les bailleurs concernés.
B.26. La différence de traitement entre, d’une part, les bailleurs d’un logement disposant d’un certificat de performance énergétique de classe A, B, C ou D et, d’autre part, les bailleurs d’un logement ne disposant pas d’un certificat de performance énergétique ou disposant d’un certificat de performance énergétique de classe E, F ou G, n’est pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Le deuxième moyen, en ses première et deuxième branches, n’est pas fondé.
B.27. Dans la troisième branche du deuxième moyen, les parties requérantes soutiennent que les dispositions attaquées font naître une discrimination entre plusieurs catégories de locataires. En premier lieu, elles font valoir que les dispositions attaquées traitent tous les locataires de la même manière, sans tenir compte de la mesure dans laquelle ils sont effectivement affectés par l’augmentation des prix de l’énergie. En particulier, les dispositions attaquées n’établiraient pas de distinction selon que le locataire doit payer des charges réelles ou des charges forfaitaires, ou selon les ressources du locataire. Elles ajoutent que les dispositions attaquées feraient naître une différence de traitement entre les locataires privés et les locataires de logements sociaux.
B.28. Il est raisonnablement justifié que l’ordonnance attaquée ne prévoie pas une exception lorsque l’augmentation des prix de l’énergie n’a qu’une incidence limitée sur la situation financière du locataire, en particulier parce que le locataire paie pour sa consommation d’énergie des charges forfaitaires, qu’il a un revenu relativement élevé ou qu’il bénéficie d’une indexation automatique de ses revenus. Comme il est dit en B.22.3, le législateur ordonnanciel ne peut se voir reprocher en l’espèce de ne pas avoir tenu compte des spécificités de chaque cas individuel, d’autant qu’il a voulu, par l’ordonnance attaquée, réagir rapidement face à la hausse exceptionnelle des prix de l’énergie. Le législateur ordonnanciel a dès lors pu opter pour une
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législation prévoyant qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la situation financière individuelle de chaque locataire. Par ailleurs, en cas de frais et de charges forfaitaires, le bailleur est libre de demander une révision ou conversion en frais et charges réels au juge, qui « se prononce notamment sur la base de l’évolution des dépenses réelles » (article 224/2, § 2, du Code bruxellois du logement). De surcroît, la situation financière du locataire n’est en tout cas pas pertinente au regard de l’objectif consistant à encourager les propriétaires à améliorer les performances énergétiques des logements de location.
B.29. En second lieu, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées établissent une différence de traitement injustifiée entre les locataires de logements privés et les locataires de logements sociaux.
Les dispositions attaquées portent sur la possibilité d’indexation prévue à l’article 224/2, § 1er, alinéa 1er, du Code bruxellois du logement. Les contrats de bail social, eux, sont régis par l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 26 septembre 1996
« organisant la location des habitations gérées par la Société du Logement de la Région bruxelloise ou par les sociétés immobilières de service public » (ci-après : l’arrêté du 26 septembre 1996). Comme le lui permet l’article 140 du Code bruxellois du logement, cet arrêté déroge aux règles du Code bruxellois du logement relatives au loyer et à son adaptation.
Il s’ensuit que la limitation, attaquée, de la possibilité d’indexer les loyers ne s’applique pas aux contrats de bail social.
B.30.1. Le calcul du loyer d’un logement social de location est fondé sur un « loyer de base » établi selon le prix de revient du logement (article 57, § 3, de l’arrêté du 26 septembre 1996), dont le montant est multiplié par un coefficient déterminé par les revenus du ménage (article 58 de l’arrêté précité), et adapté selon la composition du ménage (article 59 de l’arrêté précité). Les revenus du ménage pris en compte sont ceux de « l’avant-dernière année précédant l’année antérieure à l’entrée en vigueur du calcul du loyer » (article 2, 14°, de l’arrêté précité), adaptés en fonction de l’indice santé (article 58, § 1er, alinéa 3, de l’arrêté précité). Chaque année, le loyer est revu compte tenu de l’évolution des revenus du ménage (article 63, § 1er, alinéa 1er, de l’arrêté précité). Cependant, le locataire peut demander à tout moment une
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adaptation du loyer si les revenus du ménage se trouvent réduits d’au moins 20 % par rapport à ceux dont il a été tenu compte pour la fixation du loyer (article 60, § 1er, de l’arrêté précité).
Lorsque les revenus du ménage diminuent ou augmentent, le loyer diminue ou augmente donc également. Les loyers des logements sociaux sont par ailleurs plafonnés à 20 % des revenus du ménage si ceux-ci sont inférieurs aux revenus de référence, ou à 22 ou 24 % des revenus du ménage, si ceux-ci sont situés respectivement entre le revenu de référence et le revenu d’admission ou au-dessus du revenu d’admission (article 61 de l’arrêté du 26 septembre 1996).
B.30.2. Pour le surplus, comme l’observent le Parlement de la Région de Bruxelles-
Capitale et le Gouvernement flamand, les locataires de logements sociaux sont nombreux à bénéficier du tarif social pour l’énergie (article 15/10, § 2/2, alinéa 2, de la loi du 12 avril 1965
« relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations » et article 20, § 2/1, de la loi du 29 avril 1999 « relative à l’organisation du marché de l’électricité »). De manière plus générale, le secteur du logement social est financé dans une très large mesure par des ressources publiques.
B.31. Compte tenu des spécificités de la location de logements sociaux, tant en ce qui concerne la fixation du loyer qu’en ce qui concerne le financement, le législateur ordonnanciel a pu estimer que les locataires de logements sociaux n’avaient pas besoin de la protection offerte par l’ordonnance attaquée et qu’il n’était pas opportun, pour les contrats de bail social, de restreindre la possibilité d’indexer les loyers comme il l’a fait pour les contrats de bail privé.
Le deuxième moyen, en sa troisième branche, n’est pas fondé.
B.32. Dans la quatrième branche du deuxième moyen, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre locataires et bailleurs. Les parties requérantes estiment que non seulement les locataires mais également les bailleurs sont affectés par la hausse de l’inflation et des prix de l’énergie, et que les aides dont peuvent bénéficier les bailleurs sont insuffisantes. Elles soutiennent en outre que les locataires d’une résidence secondaire ne peuvent être considérés comme étant dans une situation intenable.
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B.33. Au regard de l’objectif, poursuivi par le législateur ordonnanciel, d’inciter les propriétaires à améliorer les performances énergétiques des logements de location, la distinction entre les locataires et les bailleurs est pertinente, dès lors que ces derniers sont davantage en mesure de réaliser les travaux nécessaires à l’amélioration des performances énergétiques de leurs biens. L’application de la mesure aux baux de résidence secondaire se justifie également au regard de cet objectif. De plus, pour les motifs cités en B.25.2 et B.25.3, les mesures attaquées ne produisent pas des effets disproportionnés pour les bailleurs concernés.
En ce que les parties requérantes font valoir que le législateur ordonnanciel, dans le cadre de l’augmentation de l’inflation et des frais énergétiques, n’a pas prévu des aides suffisantes pour les bailleurs, leurs griefs ne peuvent par ailleurs pas être imputés aux dispositions attaquées.
B.34. Le deuxième moyen, en sa quatrième branche, n’est pas fondé.
B.35. Dans la cinquième branche du deuxième moyen, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées font naître une identité de traitement discriminatoire entre les bailleurs, selon qu’ils donnent en location une habitation unifamiliale ou un appartement. Pour les bailleurs d’un appartement, il serait nettement plus difficile d’obtenir une classe énergétique favorable, étant donné que, pour pouvoir exécuter divers travaux d’économie d’énergie, une décision de l’assemblée générale de l’association des copropriétaires, prise à la majorité des deux tiers des voix, serait requise.
B.36. Comme il est dit en B.22.3 et B.28, le législateur ordonnanciel ne peut se voir reprocher en l’espèce de n’avoir pas pris en compte les spécificités de chaque situation, d’autant qu’il a voulu, par l’ordonnance attaquée, réagir rapidement à la hausse exceptionnelle des prix de l’énergie.
De surcroît, l’ordonnance attaquée ne produit pas des effets disproportionnés pour les bailleurs d’un appartement en copropriété. Comme il est dit en B.23.2, l’autorisation des autres copropriétaires n’est pas nécessaire pour un nombre considérable d’aménagements énergétiques. L’article 3.88, § 1er, du Code civil n’exige en effet une décision de l’assemblée générale de l’association des copropriétaires que pour les travaux effectués dans les parties communes. Cette disposition n’empêche pas les propriétaires individuels de faire des travaux
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dans les parties privatives. En outre, les autres copropriétaires ont en principe également intérêt à effectuer des travaux d’économie d’énergie dans les parties communes, étant donné que de tels travaux augmentent également l’efficacité énergétique de leur propriété.
B.37. Par conséquent, il est raisonnablement justifié que l’ordonnance attaquée ne prévoie pas d’exception pour les bailleurs d’un appartement en copropriété.
Le deuxième moyen, en sa cinquième branche, n’est pas fondé.
B.38. Dans la sixième branche du deuxième moyen, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées sont discriminatoires en ce qu’elles traitent de la même manière les bailleurs de maisons unifamiliales et les bailleurs d’appartements, alors que les performances énergétiques de ces biens sont différentes, les maisons unifamiliales étant plus énergivores dès lors qu’elles ont plus de surfaces de déperdition.
B.39. Comme il est dit en B.21, il ressort des travaux préparatoires que le législateur ordonnanciel, par la législation attaquée, vise à protéger les locataires face à la hausse anormale des loyers et des prix de l’énergie dans un contexte de crise. Le législateur ordonnanciel souhaite aussi inciter les propriétaires à améliorer les performances énergétiques des logements de location. L’identité de traitement est pertinente au regard de ces deux objectifs. Ainsi, les locataires de maisons unifamiliales de faible performance énergétique ne nécessitent pas une protection moindre que les locataires d’appartements de faible performance énergétique. De même, tant les propriétaires de maisons unifamiliales de faible performance énergétique que les propriétaires d’appartements de faible performance énergétique devront, à terme, atteindre les objectifs de performance énergétique fixés par la Région de Bruxelles-Capitale dans son Plan régional air-climat-énergie, à savoir l’obligation d’atteindre un niveau de certification E
en 2033 et C en 2045.
Enfin, pour les motifs cités en B.25.2 et B.25.3, les mesures attaquées ne produisent pas des effets disproportionnés pour les bailleurs concernés.
B.40. Par conséquent, il est raisonnablement justifié que l’ordonnance attaquée ne prévoie pas d’exception pour les bailleurs de maisons unifamiliales.
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Le deuxième moyen, en sa sixième branche, n’est pas fondé.
B.41. Dans la septième branche du deuxième moyen, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées font naître une identité de traitement discriminatoire entre les bailleurs selon que le certificat de performance énergétique de leur bien a été établi avant ou après que le protocole pour l’établissement des certificats a été révisé en 2017 dans le but d’inclure les sous-sols aménagés et chauffés dans la surface brute de plancher.
B.42. Comme il est dit en B.22.3, B.28 et B.36, le législateur ordonnanciel ne peut se voir reprocher en l’espèce de n’avoir pas pris en compte les spécificités de chaque situation, d’autant qu’il a voulu, par la législation attaquée, réagir rapidement face à la hausse exceptionnelle des prix de l’énergie. De plus, les bailleurs qui estiment que les changements survenus en 2017 dans le protocole pour l’établissement des certificats sont de nature à augmenter la classe énergétique de leur bien sont encore libres de faire établir un nouveau certificat de performance énergétique.
Comme il est dit en B.25.4, il n’apparaît pas que le prix moyen de l’établissement d’un certificat de performance énergétique soit excessif ni qu’il soit impossible d’obtenir un tel certificat à court terme.
B.43. Par conséquent, il est raisonnablement justifié que la mesure attaquée ne prévoie pas de distinction selon que le certificat de performance énergétique d’un bien a été établi avant ou après la révision de 2017.
Le deuxième moyen, en sa septième branche, n’est pas fondé.
B.44. Enfin, dans la huitième branche du deuxième moyen, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées sont discriminatoires en ce qu’elles traitent différemment les propriétaires privés et les propriétaires de logements sociaux, alors qu’ils se trouvent dans des situations similaires, et elles se réfèrent aux arguments qu’elles ont soulevés à propos de la différence de traitement entre les locataires de ces biens.
B.45. Comme il est dit en B.30.1 et B.30.2, la location de logements sociaux présente des spécificités en ce qui concerne la fixation du loyer et le financement de ces logements. Par ailleurs, comme le souligne le Gouvernement flamand, diverses mesures spécifiques
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promeuvent la performance énergétique des logements sociaux. Ainsi, en vertu des articles 58
et 67 du Code bruxellois du logement, les sociétés immobilières de service public doivent disposer d’un système de contrôle interne relatif, notamment, à l’amélioration des performances énergétiques et ont parmi leurs missions la rénovation des biens immobiliers. En vertu de l’article 26 de l’arrêté du 26 septembre 1996, elles sont par ailleurs tenues d’affecter les recettes tirées des compléments de loyer perçus pour les logements passifs à des investissements améliorant l’efficacité énergétique du bâti de leur patrimoine. En vertu de l’article 54, § 2ter, alinéa 3, du Code bruxellois du logement, les nouvelles sociétés immobilières de service public doivent, pour obtenir un agrément, notamment mettre en place un programme d’investissement contribuant « à la réduction des émissions de gaz à effet de serre par l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments ».
B.46. Compte tenu de ces spécificités, le législateur ordonnanciel a pu estimer, comme il est dit en B.31, qu’il n’était pas opportun, pour les contrats de bail social, de restreindre la possibilité d’indexer les loyers comme il l’a fait pour les contrats de bail privé.
Le deuxième moyen, en sa huitième branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne le troisième moyen dans l’affaire n° 7964
B.47. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique.
B.48. Dans la première branche du troisième moyen, les parties requérantes font valoir que, lors de l’entrée en vigueur de l’ordonnance attaquée, certains bailleurs n’étaient pas encore tenus de disposer d’un certificat de performance énergétique. En effet, la production d’un certificat de performance énergétique lors de la conclusion d’un nouveau contrat de bail n’est imposée que depuis le 1er novembre 2011 (voy. les articles 18, § 2, alinéa 1er, et 41 de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 7 juin 2007 « relative à la performance énergétique et au climat intérieur des bâtiments », abrogée dans l’intervalle, et l’article 8 de l’arrêté du 17 février 2011 relatif au certificat PEB). Les parties requérantes reprochent à l’ordonnance attaquée de traiter de la même manière ces bailleurs et ceux qui, dès lors qu’ils
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ont mis leur bien en location après le 1er novembre 2011, étaient tenus de fournir un certificat de performance énergétique à leur locataire mais ont omis de le faire. Les bailleurs ayant mis leur bien en location avant le 1er novembre 2011 seraient sanctionnés par l’impossibilité d’indexer le loyer, alors qu’ils n’ont violé aucune disposition légale, ce qui porterait atteinte à leurs attentes légitimes.
Les parties requérantes allèguent par ailleurs qu’une lecture littérale de l’article 3 de l’ordonnance attaquée rend même impossible l’indexation du loyer, dès lors qu’il requiert que le certificat de performance énergétique ait été remis au plus tard au moment de la conclusion du bail, ce qui n’a pas été le cas pour les baux conclus avant le 1er novembre 2011.
B.49. Comme le relèvent le Parlement et le Gouvernement de la Région de Bruxelles-
Capitale, le renvoi à l’article 217 du Code bruxellois du logement dans l’article 3 de l’ordonnance attaquée doit être lu comme visant la formalité de la communication du certificat de performance énergétique, et non le moment auquel la communication doit être faite. Ceci ressort clairement des travaux préparatoires :
« si l’enregistrement du contrat de bail et/ou la production du certificat PEB est/sont effectuées en cours de bail, le bailleur ne pourra pas se prévaloir du bénéfice de l’indexation pour les années qui précèdent » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2022-2023, A-601/1, p. 5).
C’est dans cette interprétation que la Cour examine la constitutionnalité de cette disposition.
B.50.1. Le principe d’égalité et de non-discrimination ne s’oppose pas à ce que le législateur ordonnanciel renonce à ses objectifs initiaux pour en poursuivre d’autres. Ce principe n’est pas violé pour la seule raison qu’une nouvelle disposition déjouerait les calculs de ceux qui avaient compté sur le maintien de la politique antérieure. D’une manière générale, les pouvoirs publics doivent pouvoir adapter leur politique aux exigences changeantes de l’intérêt général.
B.50.2. La circonstance que certains bailleurs ne seraient pas légalement tenus de disposer d’un certificat de performance énergétique n’empêche pas le législateur ordonnanciel de
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prendre une mesure dont le champ d’application dépend du fait de disposer ou non d’un tel certificat et de la classe énergétique mentionnée sur celui-ci. Les bailleurs concernés sont encore libres de faire établir un certificat de performance énergétique. Comme il est dit en B.25.4, il n’apparaît pas que le prix moyen de l’établissement d’un certificat de performance énergétique soit excessif ni qu’il soit impossible d’obtenir un tel certificat à court terme.
B.51. Les parties requérantes ajoutent que les dispositions attaquées établissent une identité de traitement entre, d’une part, les bailleurs qui ont conclu un contrat de bail avant le 1er novembre 2011 et qui, de ce fait, n’étaient pas obligés de disposer d’un certificat de performance énergétique et, d’autre part, les bailleurs qui ont conclu le contrat de bail après cette date mais qui – contrairement aux dispositions mentionnées en B.48 – n’ont pas fait établir un certificat de performance énergétique. La circonstance que l’absence de certificat de performance énergétique est due au fait que le contrat de bail a été conclu à un moment où un tel certificat n’était pas obligatoire ou au fait qu’il a été négligé, en contravention à la législation en vigueur au moment considéré, d’en faire établir un ne présente pas de rapport pertinent avec les objectifs des dispositions attaquées tels qu’ils se dégagent des travaux préparatoires cités en B.4.2, de sorte que le législateur ordonnanciel n’était pas tenu de traiter différemment les deux catégories de bailleurs.
B.52. Le troisième moyen, en sa première branche, n’est pas fondé.
B.53. Dans les deuxième et troisième branches du troisième moyen, les parties requérantes reprochent également à l’ordonnance attaquée de traiter de la même manière les bailleurs disposant d’un certificat F ou G, et ceux qui, dès lors qu’ils ont mis leur bien en location après le 1er novembre 2011, étaient tenus de fournir un certificat de performance énergétique à leur locataire mais ont omis de le faire. Une atteinte aurait ainsi été portée aux attentes légitimes des premiers de ne pas subir de conséquences négatives en raison de la faible performance énergétique de leur bien avant les échéances prévues par le projet de Plan régional air-climat-
énergie. Les parties requérantes allèguent que les dispositions attaquées dérogent aux délais dans lesquels les propriétaires d’une habitation située en Région de Bruxelles-Capitale doivent satisfaire à certaines exigences en matière de performance énergétique, contenues dans le projet de Plan régional air-climat-énergie, approuvé en première lecture par le Gouvernement de la
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Région de Bruxelles-Capitale en mai 2021. À la lumière de ce projet de plan, les propriétaires auraient pu légitimement espérer disposer d’un délai plus long pour améliorer la performance énergétique de l’habitation. Selon les parties requérantes, il n’est pas non plus justifié que les dispositions attaquées visent exclusivement les propriétaires-bailleurs.
B.54. Il appartient en principe au législateur ordonnanciel d’estimer, lorsqu’il décide d’introduire une nouvelle réglementation, s’il est nécessaire ou opportun d’assortir celle-ci de dispositions transitoires. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’est violé que si le régime transitoire ou son absence entraîne une différence de traitement dénuée de justification raisonnable ou s’il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime.
Tel est le cas lorsqu’il est porté atteinte aux attentes légitimes d’une catégorie de justiciables sans qu’un motif impérieux d’intérêt général puisse justifier l’absence d’un régime transitoire.
Le principe de la confiance légitime est étroitement lié au principe de la sécurité juridique, invoqué par les parties requérantes, qui interdit au législateur ordonnanciel de porter atteinte, sans justification objective et raisonnable, à l’intérêt qu’ont les sujets de droit d’être en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs actes.
B.55.1. Le 18 décembre 2019, le Comité de concertation a approuvé le Plan national Énergie Climat que la Belgique avait pour obligation de communiquer à la Commission européenne le 31 décembre 2019 au plus tard, conformément à l’article 3 du règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 « sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) n° 663/2009 et (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, la Directive 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, la directive 2009/119/CE et (UE) 2015/652
du Conseil, et abrogeant le règlement (UE) n° 525/2013 du Parlement européen et du Conseil »
(ci-après : le règlement (UE) 2018/1999). Ce plan est composé de contributions de l’autorité
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fédérale et des trois régions. La partie régionale bruxelloise de ce plan national avait été adoptée par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale le 24 octobre 2019.
B.55.2. Le 25 mai 2021, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a adopté en première lecture un projet de plan Régional air-climat-énergie, destiné, conformément à l’article 14 du règlement (UE) 2018/1999, à mettre à jour la partie régionale bruxelloise du « Plan National Énergie Climat » de 2019. Ce plan régional a ensuite été adopté de manière définitive par arrêté du 27 avril 2023.
Ce plan prévoit ce qui suit :
« Le Gouvernement mettra donc en place, d’ici 2026, un système d’obligation pour le secteur résidentiel comprenant :
1. Dès l’entrée en vigueur du système d’obligation, prévue le 1er janvier 2026, les propriétaires disposeront d’un délai de maximum cinq ans pour faire établir un certificat PEB
visant à déterminer le niveau énergétique du logement. Il est également prévu d’y inclure un estimatif du coût des travaux nécessaires et Bruxelles Environnement évaluera la possibilité d’y inclure un indicateur de faisabilité de l’implantation d’une énergie renouvelable dans le logement. Le Gouvernement charge le GT Formation-Emploi de l’Alliance RENOLUTION de s’assurer que le secteur et le marché des certificateurs soient en capacité de répondre à la demande suite à l’obligation de certification des logements ;
2. A partir du 31 décembre 2029, les unités PEB neuves devront répondre aux exigences PEB ‘ zéro émission ’;
3. 10 ans après l’entrée en vigueur du cadre législatif (adoption prévue en 2023) : les unités PEB résidentielles les plus énergivores devront avoir effectué un saut de classe(s) et atteindre une consommation maximale de 275 kWh/m²/an. Ce qui signifie que les unités PEB dans les classes PEB F et G devront atteindre au minimum la classe PEB E à cet horizon (sauf dérogations);
4. 20 ans après l’entrée en vigueur du cadre législatif, les unités PEB résidentielles de classe D et E devront également faire l’objet d’une rénovation énergétique pour atteindre l’objectif final de performance énergétique, soit 150 kWh/m² par an. Ce qui signifie que les unités PEB résidentielles actuellement dans les classes PEB D et E devront à atteindre la classe C à cet horizon (sauf dérogation).
5. Une communication active sur ce système d’obligation dans le cadre de la campagne de communication RENOLUTION, de sorte qu’il soit connu de toutes les parties prenantes »
(arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 avril 2023 adoptant le Plan régional air-climat-énergie, annexe 1, p. 60).
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B.55.3. Le projet de plan tel qu’il a été adopté en première lecture en mai 2021 n’a pas pu susciter auprès des parties requérantes une attente légitime qu’aucune mesure ne soit prise à court terme afin d’inciter les bailleurs de logements énergivores à procéder à des travaux d’économie d’énergie. Il s’agit d’un projet que le Gouvernement de la Région de Bruxelles-
Capitale n’a adopté de manière définitive que postérieurement à l’adoption de l’ordonnance attaquée. Par ailleurs, la législation attaquée diffère de la mesure mentionnée en B.55.2, qui est sans rapport avec la possibilité d’indexation des loyers mais qui implique que les normes de qualité du logement qui seront d’application en Région de Bruxelles-Capitale dix ans après l’adoption de la législation envisagée porteront également sur la classe énergétique de l’habitation.
B.56. Pour le surplus, le législateur ordonnanciel a pu estimer qu’eu égard notamment aux objectifs formulés dans ce projet de plan, il était nécessaire d’inciter dès à présent les propriétaires-bailleurs à effectuer des travaux pour améliorer les performances énergétiques.
B.57. Comme l’observent le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et le Gouvernement wallon, le choix du législateur ordonnanciel de ne prévoir cette mesure d’incitation qu’à l’égard des propriétaires-bailleurs et non à l’égard des propriétaires-occupants est pertinent au regard de l’objectif de protection des locataires face à la hausse anormale des prix de l’énergie. Ces deux catégories de propriétaires se trouvent dans des situations fondamentalement différentes au regard de la mesure attaquée en tant qu’elle poursuit cet objectif. Au demeurant, pour les motifs cités en B.25.2 et B.25.3, les mesures attaquées ne produisent pas des effets disproportionnés pour les propriétaires concernés.
B.58. Le troisième moyen, en ses deuxième et troisième branches, n’est pas fondé.
En ce qui concerne le quatrième moyen dans l’affaire n° 7964 et le moyen unique dans l’affaire n° 7974
B.59.1. Le quatrième moyen dans l’affaire n° 7964 est pris de la violation de l’article 16
de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après : le Premier Protocole additionnel).
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Les parties requérantes estiment que les dispositions attaquées constituent une ingérence dans le droit au respect des biens des bailleurs d’une habitation qui ne disposent pas d’un certificat de performance énergétique ou qui disposent d’un certificat de performance énergétique de classe E, F ou G. Selon les parties requérantes, cette ingérence n’est pas justifiée par une exigence d’intérêt général.
B.59.2. Le moyen unique dans l’affaire n° 7974 est pris de la violation de l’article 16 de la Constitution, en ce que l’ordonnance attaquée empêche, en pratique, les propriétaires de logements dont le certificat de performance énergétique est de classe E, F ou G d’indexer, le cas échéant complètement, le loyer du bien qu’ils ont mis en location. La partie requérante soutient qu’un bien construit aux normes de l’époque de sa construction doit générer un loyer qui en permet l’entretien, ce qui implique que ce loyer soit relié à l’indice des prix à la consommation.
B.60.1. L’article 16 de la Constitution dispose :
« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
L’article 1er du Premier Protocole additionnel dispose :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».
B.60.2. L’article 1er du Premier Protocole additionnel ayant une portée analogue à celle de l’article 16 de la Constitution, les garanties qu’il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle des dispositions attaquées.
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B.60.3. L’article 1er du Protocole précité offre une protection non seulement contre l’expropriation ou la privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase), mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l’usage des biens (deuxième alinéa).
B.60.4. Toute ingérence dans le droit de propriété doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il faut qu’existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.
B.61.1. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.4.2, le législateur ordonnanciel vise, par la législation attaquée, à protéger les locataires face à la hausse anormale des loyers et des prix de l’énergie dans un contexte de crise. Les travaux préparatoires se réfèrent à l’inflation élevée et à l’augmentation des prix de l’énergie, qui s’expliquent par divers facteurs, parmi lesquels la guerre en Ukraine.
À cet égard, le législateur ordonnanciel a pu estimer que le préjudice subi par les bailleurs du fait de la limitation de la possibilité d’indexer les loyers ne l’emporte pas sur le bénéfice pour les locataires et sur la nécessité de garantir l’effectivité de leur droit au logement. Selon les travaux préparatoires précités, l’augmentation de l’inflation et des prix de l’énergie a des conséquences sérieuses, en particulier pour les locataires : non seulement l’inflation élevée aboutit à une augmentation considérable des loyers indexés, mais l’augmentation des prix de l’énergie implique de surcroît des coûts énergétiques plus élevés pour les locataires, surtout pour les locataires d’une habitation énergivore. Ainsi, selon le législateur ordonnanciel, il était question d’une « crise énergétique sans précédent » et d’une « situation intenable » pour un grand nombre de locataires de logements mal isolés, menaçant leur droit au logement (Doc.
parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2022-2023, n° A-601/2, pp. 3-4). Les parties requérantes ne démontrent pas que cette appréciation du législateur ordonnanciel serait déraisonnable.
La prise en compte de la performance énergétique des loyers dans la grille indicative de référence des loyers instaurée par l’arrêté d’exécution du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 19 octobre 2017 ne remet pas en cause ce qui précède. Comme le souligne le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, cette grille est seulement indicative
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(article 225 du Code bruxellois du logement), et le législateur ordonnanciel a pu considérer que la décision individuelle des parties à un contrat de bail de s’y conformer ne suffit pas à atteindre les objectifs poursuivis par l’ordonnance attaquée.
B.61.2. Le législateur ordonnanciel souhaitait en outre inciter les propriétaires à améliorer les performances énergétiques des logements de location. À la lumière notamment des objectifs climatiques poursuivis par la Région de Bruxelles-Capitale, tels qu’ils sont contenus dans le Plan régional air-climat-énergie qui a été adopté par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale en première lecture le 25 mai 2021, la nécessité d’assurer l’efficacité énergétique du patrimoine de logements peut justifier que le législateur ordonnanciel demande des efforts spécifiques aux bailleurs d’habitations peu économes en énergie.
B.62. Pour le surplus, il découle de ce qui est dit en B.25.2, B. 25.3, B.50.1 et B.50.2 que ni la limitation attaquée de la possibilité d’indexer les loyers en soi ni l’absence de mesures transitoires ne produisent des effets disproportionnés pour les bailleurs d’une habitation ne disposant pas d’un certificat de performance énergétique ou disposant d’un certificat de performance énergétique de classe E, F ou G.
B.63. Par conséquent, les dispositions attaquées ménagent un juste équilibre entre les exigences, poursuivies, de l’intérêt général et celles de la protection du droit au respect des biens des bailleurs concernés.
Le quatrième moyen dans l’affaire n° 7964 et le moyen unique dans l’affaire n° 7974 ne sont pas fondés.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette les recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 20 juin 2024.
Le greffier, Le président,
Frank Meersschaut Pierre Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 63/2024
Date de la décision : 20/06/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-06-20;63.2024 ?

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