Cour constitutionnelle
Arrêt n° 67/2024
du 20 juin 2024
Numéros du rôle : 8031, 8032, 8033, 8034, 8035 et 8037
En cause : les recours en annulation totale ou partielle de la loi du 16 décembre 2022
« modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et introduisant un plafond sur les recettes issues du marché des producteurs d’électricité », introduits par la SA « 2Valorise Ham » et autres, par la SA « Luminus » et autres, par la SPRL « Rouge Lux » et la SC « Biospace », par l’ASBL « Fédération Belge des Entreprises Électriques et Gazières » et autres, par la SA « Electrabel » et par la SA « Eoly Energy ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Frank Meersschaut, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 20 et 21 juin 2023
et parvenues au greffe les 21 et 22 juin 2023, des recours en annulation totale ou partielle de la loi du 16 décembre 2022 « modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et introduisant un plafond sur les recettes issues du marché des producteurs d’électricité » (publiée au Moniteur belge du 22 décembre 2022) ont été introduits par la SA « 2Valorise Ham », la SA « 2Valorise Amel » et la SA « 2Valorise », assistées et représentées par Me David Haverbeke, avocat au barreau de Bruxelles, par la SA « Luminus », la SA « EDF Belgium », la SC « ActiVent Wallonie », la SA « e-NosVents », la SC « Lumiwind » et la SC « Luminus Wind Together », assistées et représentées par Me Axel Haelterman et Me Maxim Wuyts, avocats au barreau de Bruxelles, par la SPRL « Rouge Lux » et la SC « Biospace », assistées et représentées par Me Philippe Bossard et Me Thomas Deridder, avocats au barreau de Charleroi, par l’ASBL « Fédération Belge des Entreprises Électriques et Gazières », l’ASBL « Organisatie voor Duurzame Energie Vlaanderen » et la SA « Wind4Wallonia 2 », assistées et représentées par
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Me Damien Verhoeven, Me Vincent Verbelen et Me Mathilde Victor, avocats au barreau de Bruxelles, par la SA « Electrabel », assistée et représentée par Me Xavier Taton, Me Henk Vanhulle et Me Lieve Swartenbroux, avocats au barreau de Bruxelles, et par la SA « Eoly Energy », assistée et représentée par Me Thomas Chellingsworth et Me Delphine Holemans, avocats au barreau de Bruxelles.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 8031, 8032, 8033, 8034, 8035 et 8037 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Bart Martel, Me Korneel Decroix et Me Kristof Caluwaert, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit des mémoires, les parties requérantes ont introduit des mémoires en réponse et le Conseil des ministres a également introduit des mémoires en réplique.
Par ordonnance du 27 mars 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Danny Pieters et Kattrin Jadin, a :
- décidé que les affaires étaient en état et fixé l’audience au 24 avril 2024.
- invité les parties requérantes à fournir à la Cour, par courrier recommandé à la poste au plus tard le 19 avril 2024, les avis de paiement pour les deux périodes de prélèvement, conformément à l’article 22quater, § 2, de la loi du 29 avril 1999 « relative à l’organisation du marché de l’électricité », tel qu’il a été introduit par l’article 6 de la loi du 16 décembre 2022
« modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et introduisant un plafond sur les recettes issues du marché des producteurs d’électricité », pour autant que ces avis de paiement leur aient déjà été notifiés, et, dans le même délai, à les transmettre au Conseil des ministres, ainsi que par courrier électronique, au greffe de la Cour (greffe@const‑court.be).
Toutes les parties requérantes ont introduit des avis de paiement.
À l’audience publique du 24 avril 2024 :
- ont comparu :
. Me David Haverbeke, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 8031;
. Me Axel Haelterman et Me Maxim Wuyts, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 8032;
. Me Thomas Deridder, également loco Me Philippe Bossard, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 8033;
. Me Damien Verhoeven, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 8034;
. Me Xavier Taton et Me Matthieu Possoz, avocats au barreau de Bruxelles, loco Me Henk Vanhulle, pour la partie requérante dans l’affaire n° 8035;
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. Me Thomas Chellingsworth, pour la partie requérante dans l’affaire n° 8037;
. Me Bart Martel, Me Korneel Decroix, Me Kristof Caluwaert et Me Baptiste Verbruggen, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteurs Danny Pieters et Kattrin Jadin ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant aux moyens
Position des parties requérantes dans l’affaire n° 8031
A.1.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8031 soutiennent, dans un premier moyen, que l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 « modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et introduisant un plafond sur les recettes issues du marché des producteurs d’électricité » (ci-après : la loi du 16 décembre 2022) viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe de la sécurité juridique, avec le principe de la motivation et avec le principe de la confiance légitime.
Dans une première branche, les parties requérantes critiquent la différence de traitement que la disposition attaquée fait naître entre les entreprises qui sont soumises à un plafond de 130 euros/MWh et celles qui sont soumises à un plafond de 180 euros/MWh, selon la technologie qu’elles utilisent. Selon les parties requérantes, cette différence de traitement ne repose pas sur une justification objective ou pertinente. À cet égard, les parties requérantes contestent tant le plafond de 130 euros/MWh que celui de 180 euros/MWh, et en particulier la marge de 50 euros/MWh, que le législateur a appliquée pour ces deux plafonds.
Dans une seconde branche, les parties requérantes critiquent le fait que la disposition attaquée soumet à un plafond de 180 euros/MWh les entreprises qui produisent de l’électricité à partir de déchets issus de la biomasse comme celles qui produisent de l’électricité à partir d’autres combustibles, bien qu’elles aient des coûts d’investissements et d’exploitation plus élevés que les entreprises qui génèrent de l’électricité à partir d’autres combustibles. Elles soulignent que, pour l’année 2022, elles avaient atteint un « levelized cost of energy » (LCOE)
(coût actualisé de l’énergie) de 374,06 euros/MWh pour leurs installations situées à Ham et un LCOE de 421,19 euros/MWh pour celles situées à Amel. Selon les parties requérantes, aucun motif ne justifie cette identité de traitement de manière objective et pertinente. Eu égard aux chiffres objectifs et disponibles de l’Agence flamande de l’énergie et du climat (Vlaams Energie- en Klimaatagentschap), le législateur aurait dû prévoir un plafond supérieur pour les centrales à biomasse.
A.1.2. Dans un deuxième moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 8031 soutiennent que l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 viole les articles 10 et 11, lus en combinaison avec les articles 16, 170 et 172, de la Constitution.
Dans une première branche, elles critiquent l’effet rétroactif de la disposition attaquée, en ce que le plafond est appliqué du 1er août 2022 au 30 juin 2023, alors qu’en vertu de l’article 22, paragraphe 2, c), du règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 « sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie » (ci-après : le règlement (UE) 2022/1854), les États membres ne sont tenus d’appliquer un
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plafond que du 1er décembre 2022 au 30 juin 2023. Selon les parties requérantes, cet effet rétroactif n’est pas justifié.
Dans une seconde branche, les parties requérantes dénoncent le fait que la disposition attaquée, en prévoyant un prélèvement de 100 % sur les recettes excédant le plafond de 180 euros/MWh, porte une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété. À titre subsidiaire, elles invoquent la violation du principe de la sécurité juridique, du principe de la motivation et du principe de la confiance légitime, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été reproduits dans le cadre du premier moyen.
A.1.3. Dans un troisième moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 8031 dénoncent la violation, par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 8 du règlement (UE) 2022/1854. Selon les parties requérantes, cette dernière disposition s’oppose à ce que les États membres introduisent un plafond qui empêche les producteurs de récupérer leurs coûts d’investissements et d’exploitation. En fixant un plafond à 180 euros/MWh pour chaque MWh d’électricité produit pendant la période imposable, la disposition attaquée viole cette interdiction. À titre subsidiaire, les parties requérantes demandent que la Cour pose à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle sur la compatibilité de la disposition attaquée avec l’article 8 du règlement (UE) 2022/1854.
Position des parties requérantes dans l’affaire n° 8032
A.2.1.1. Dans un premier moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 8032 soutiennent que l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2, points 5) et 9), 6, 7 et 8 du règlement (UE) 2022/1854, ainsi qu’avec l’article 16 de la Constitution, avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Les parties requérantes critiquent les cinq présomptions pour la détermination des « recettes issues du marché » en fonction de la technique de production utilisée, telles qu’elles sont visées à l’article 22ter, § 5, alinéa 2, 1° à 5°, nouveau, de la loi du 29 avril 1999 « relative à l’organisation du marché de l’électricité » (ci-après : la loi du 29 avril 1999). Dès lors que la loi ne permet pas de renverser ces présomptions sur la base des recettes réelles, elle peut avoir pour effet, selon elles, que des impôts doivent être payés sur des recettes qui n’existent pas. Selon les parties requérantes, un tel constat vaut non seulement en ce qui concerne les présomptions visées à l’article 22ter, § 5, alinéa 2, 1° et 2°, pour lesquelles la loi du 16 décembre 2022 ne permet pas d’apporter la preuve contraire, mais également en ce qui concerne les présomptions prévues aux dispositions 3° à 5° de cet article. Même si ces dernières présomptions sont réfragables selon l’article 22ter, § 5, alinéa 2, 6°, de la loi du 29 avril 1999, le contribuable doit recourir à d’autres présomptions irréfragables pour apporter la preuve contraire, de sorte que, dans ces cas, il ne peut pas non plus se fonder sur ses recettes réelles. À cet égard, les parties requérantes renvoient en particulier au fait que toutes ces présomptions supposent une vente d’électricité par jour au prix du jour, bien qu’il puisse arriver que le contrat de vente ne prévoie pas une vente d’électricité à un prix horaire ou au prix de toute heure du mois, mais au prix horaire moyen de ce mois. Dans un tel cas, ces présomptions peuvent avoir pour effet que le producteur concerné est censé avoir dépassé le plafond de 130 euros/MWh, alors que la moyenne mensuelle est inférieure à celui-ci. La disposition attaquée crée dès lors une identité de traitement entre les producteurs dont les recettes réelles n’excèdent pas le plafond et ceux dont les recettes réelles excèdent le plafond, sans qu’existe une justification raisonnable à cet égard.
A.2.1.2. Dans une première branche, les parties requérantes soutiennent que la disposition attaquée, en ce qu’elle recourt à des présomptions irréfragables, viole les articles 2, points 5) et 9), 6, 7 et 8 du règlement (UE) 2022/1854, qui exigent que le plafond soit appliqué aux revenus qu’un producteur « perçoit »
d’une « transaction ». En outre, le principe de proportionnalité, tel qu’il est consacré par le droit de l’Union européenne, exige aussi que le contribuable ait la possibilité d’apporter une preuve contraire. Selon les parties requérantes, contrairement à ce qui a été soutenu lors des travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022, il est possible de calculer les recettes effectives. Elles sont ainsi déjà soumises à une obligation imposée par le droit de l’Union de rendre compte de chaque transaction en matière de vente d’électricité sur le marché de gros de l’énergie (ce qu’on appelle les obligations de rapportage en vertu du règlement REMIT). Aucun élément ne permet d’expliquer pourquoi ces données ne pourraient pas non plus être utilisées dans le cadre de l’application de la loi du 16 décembre 2022. En outre, la loi du 16 décembre 2022 exige que les parties requérantes mentionnent dans leur déclaration le profil d’électricité produit et vendu en quart horaire de chaque installation de production d’électricité. Selon les parties requérantes dans l’affaire n° 8032, le Conseil des ministres confond l’impossibilité, sur le plan technique, de détecter un électron avec la possibilité réelle, sur le plan économique, de déterminer les
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recettes d’une installation de production donnée. Selon elles, il est, dans de nombreux cas, tout à fait possible de lier à une installation de production donnée le prix auquel une certaine quantité d’électricité produite a été vendue, comme, par exemple, dans le cadre d’un contrat d’achat d’électricité, qui relève de la troisième présomption. À
supposer que le prélèvement attaqué soit appliqué sur les revenus réels des parties requérantes, celles-ci seraient redevables d’un montant de 19,9 millions d’euros pour la période du 1er août 2022 au 31 décembre 2022. Or, l’application des présomptions donne lieu à un prélèvement de 41,6 millions d’euros pour la même période. En ce qui concerne la période du 1er janvier 2023 au 30 juin 2023, le supplément d’impôt s’élève à 5,8 millions d’euros.
Par ailleurs, il ne peut y avoir de présomption de mauvaise foi de la part des producteurs et il ne peut être déduit du considérant 37 du règlement (UE) 2022/1854 que le recours à des présomptions est autorisé. Enfin, le recours à des présomptions irréfragables porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété des producteurs.
A.2.1.3. Dans une seconde branche, les parties requérantes allèguent que la disposition attaquée fait naître une différence de traitement non raisonnablement justifiée entre les producteurs qui relèvent du champ d’application des présomptions visées à l’article 22ter, § 5, alinéa 2, 1° et 2°, de la loi du 29 avril 1999 et les producteurs auxquels s’appliquent les présomptions visées aux 3° à 5° de cet article. Alors que les producteurs relevant de la première catégorie ne peuvent renverser les présomptions qui leur sont applicables, les producteurs relevant de la seconde catégorie de producteurs, eux, peuvent le faire. Contrairement à ce que le Conseil des ministres soutient, la simple circonstance que la stratégie de vente relative aux centrales nucléaires a déjà été déterminée pour l’application de la contribution de répartition ne saurait justifier le caractère irréfragable des présomptions applicables aux centrales nucléaires, dès lors que cette stratégie ne correspond pas à la réalité.
L’électricité que la société « EDF Belgium » produit depuis sa centrale nucléaire (Tihange 1) est vendue selon un accord intragroupe conclu avec la société « EDF France », conformément au principe « at arm’s length » (principe de pleine concurrence), qui implique que la vente a lieu à un prix concurrentiel, comme si la société « EDF Belgium » vendait à un acheteur indépendant. Selon les parties requérantes, le mécanisme correcteur prévu à l’article 22quater, §§ 5 et 6, de la loi du 29 avril 1999 ne résout rien, étant donné que l’application du prélèvement à des recettes fictives a pour effet qu’elles aussi sont encore plus lourdement taxées que si elles pouvaient démontrer leurs revenus réels.
A.2.1.4. À titre subsidiaire, les parties requérantes demandent à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir si les articles 2, points 5) et 9), 6, 7 et 8 du règlement (UE) 2022/1854 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent au recours à des présomptions irréfragables pour la détermination des recettes issues du marché.
A.2.2. Dans un deuxième moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 8032 dénoncent la violation, par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6 et 8 du règlement (UE) 2022/1854, avec l’article 16 de la Constitution, avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et avec les articles 16 et 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Selon les parties requérantes, la disposition attaquée viole l’article 6 du règlement (UE) 2022/1854, en ce qu’elle instaure un plafond de 130 euros/MWh, alors que la disposition précitée du règlement ne prévoit qu’un plafond de 180 euros/MWh. La référence, faite par le Conseil des ministres, au rapport de la Commission européenne sur l’application du règlement ne conduit pas à une autre conclusion, étant donné que ce rapport ne comporte aucune appréciation de la validité juridique de l’exécution du règlement. En outre, la Commission européenne constate, dans ce rapport, que l’application, par certains États membres, du plafond à des recettes « présumées » plutôt qu’à des recettes réalisées donne lieu à des situations paradoxales dans lesquelles le producteur peut être contraint de vendre de l’électricité à perte. En outre, la disposition attaquée est également contraire à l’article 8 du règlement, étant donné que les conditions fixées dans cet article pour pouvoir adopter des mesures limitant davantage les recettes issues du marché obtenues par les acteurs du marché ne sont pas remplies. En tout état de cause, un tel plafonnement constitue une ingérence disproportionnée dans leur droit de propriété ainsi que dans leur liberté d’entreprendre. Ainsi, le prélèvement attaqué augmente de 40 millions d’euros les pertes comptables et fiscales de la première partie requérante et le montant du prélèvement correspond aux dépenses d’investissement des parties requérantes, de sorte qu’il les prive de la libre administration de leurs actifs et de la possibilité pour eux de faire des investissements supplémentaires.
À titre subsidiaire, les parties requérantes demandent à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir si l’article 8 du règlement (UE) 2022/1854 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’instauration d’un plafond de 130 euros/MWh.
A.2.3. Dans un troisième moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 8032 font valoir que l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution. Selon les parties requérantes, la disposition attaquée fait naître une différence de traitement entre les producteurs relevant de l’application de la
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présomption visée à l’article 22ter, § 5, alinéa 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999, qui, en cas de déséquilibre du réseau d’électricité, peuvent prendre en compte les coûts dans le cadre de la détermination des recettes issues du marché, alors que les producteurs relevant de l’application des dispositions visées aux points 1°, 2°, 4° et 5° de cet article ne le peuvent pas. Si l’électricité est vendue par le biais d’un contrat d’achat d’électricité, les coûts de déséquilibre sont inclus dans la formule tarifaire et peuvent donc être pris en compte. Lorsque l’électricité est vendue d’une autre manière, les coûts de déséquilibre ne sont pas inclus et ne peuvent donc pas être pris en compte. Selon les parties requérantes, cette différence de traitement est dénuée de toute justification raisonnable à la lumière de l’objectif de la loi du 16 décembre 2022, qui consiste à taxer les surprofits des producteurs d’électricité.
Position des parties requérantes dans l’affaire n° 8033
A.3.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8033 soutiennent, dans un premier moyen, que la loi du 16 décembre 2022 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution et le principe de l’égalité devant l’impôt, en ce que, pour autant qu’elles puissent en juger sur la base du texte de la loi du 16 décembre 2022, cette dernière soumet à un prélèvement les producteurs qui produisent de l’électricité à partir de biogaz par un processus de biométhanisation et à l’aide d’une installation de cogénération, mais pas ceux qui produisent de l’électricité à partir de biométhane par épuration et compression du biogaz et par un processus de biométhanisation.
Dans une première branche, les parties requérantes soutiennent que cette différence de traitement ne repose pas sur un critère de distinction objectif et qu’elle n’est pas raisonnablement justifiée, étant donné que les deux catégories de producteurs partent du biogaz et recourent à un processus de biométhanisation, et qu’ils font donc usage de techniques de production comparables. La simple circonstance que le conditionnement des deux produits peut différer ne conduit pas à une autre conclusion, étant donné que cela n’a qu’un impact limité sur le transport du produit. En outre, tant dans le droit de l’Union que dans la législation des régions, les deux techniques de production sont considérées comme des techniques équivalentes pour remplacer les combustibles fossiles.
Dans une seconde branche, les parties requérantes dans l’affaire n° 8033 allèguent que la différence de traitement ne repose pas sur un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Étant donné qu’il découle du considérant 34 du règlement (UE) 2022/1854 que, pour atteindre les objectifs du plan « REPowerEU », le plafond sur les recettes issues du marché ne peut pas s’appliquer aux technologies utilisant des combustibles en remplacement du gaz naturel, tels que le biométhane, et recourant également à la technique de cogénération du biométhane, la loi du 16 décembre 2022 ne peut pas non plus s’appliquer à cette dernière technique. Ainsi qu’elles le soutiennent dans leur mémoire en réponse, un même raisonnement s’applique à la lumière de la législation régionale, et plus particulièrement du Plan de la Région wallonne « Air Climat Énergie 2030 ». Contrairement à ce qu’affirme le Conseil des ministres, la différence de traitement ne saurait être justifiée sur la base du fait que le législateur peut travailler avec des catégories approximatives. Étant donné que l’article 8, paragraphe 1, a), du règlement (UE) 2022/1854 permet aux États membres d’effectuer une distinction entre les technologies, le fait que le législateur belge n’ait pas fait usage de cette possibilité est une erreur d’appréciation manifeste.
Puisque la loi du 16 décembre 2022 a repris cette distinction de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854, les parties requérantes demandent à titre subsidiaire à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle sur l’interprétation qui doit être donnée à l’article 7, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854.
A.3.2. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8033 soutiennent, dans un deuxième moyen, que la loi du 16 décembre 2022 viole les articles 10, 11 et 170 de la Constitution ainsi que le principe de la prévisibilité de l’impôt, dès lors qu’il n’est pas certain, selon elles, qu’elles relèvent du champ d’application de la loi du 16 décembre 2022. Selon elles, cette incertitude est causée par le fait que la loi précitée ne détermine pas ce qu’il y a lieu d’entendre par « biogaz » et par « biométhane ».
A.3.3. Dans un troisième moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 8033 soutiennent que la loi du 16 décembre 2022 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution et le principe de l’égalité devant l’impôt, en ce qu’elle fait dépendre le champ d’application du prélèvement du seul fait que l’installation a ou non une puissance installée minimale de 1 MW, sans prévoir une progressivité du prélèvement, une dérogation ou une exception pour certains types d’installations. Selon les parties requérantes, ce choix du législateur a des conséquences financières graves, en particulier pour elles, étant donné qu’elles doivent faire face à de lourds investissements. Dès lors que l’article 7, paragraphe 3, du règlement (UE) 2022/1854 n’oblige pas les États
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membres à exonérer du prélèvement les producteurs générant de l’électricité au moyen d’installations de production d’électricité d’une puissance installée maximale de 1 MW, mais leur donne seulement la possibilité de le faire, le législateur doit pouvoir justifier pourquoi il a fait usage de cette possibilité. Le fait d’éviter des coûts administratifs excessifs ne constitue pas un argument suffisant aux yeux des parties requérantes, étant donné que le prélèvement repose sur une déclaration détaillée qui doit être introduite par les contribuables, de sorte que les coûts administratifs de la CREG sont limités.
Position des parties requérantes dans l’affaire n° 8034
A.4.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8034 soutiennent, dans un premier moyen, que l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 7, 8, 20 et 22 du règlement (UE) 2022/1854, avec l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après : le TFUE), avec le principe de la coopération loyale, prévu à l’article 4, paragraphe 3, du Traité sur l’Union européenne (ci-après : le TUE), avec les principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union, avec le principe de la solidarité énergétique et avec les principes de la sécurité juridique et de non-
rétroactivité, en ce qu’il applique le prélèvement à partir du 1er août 2022.
Dans une première branche, les parties requérantes soutiennent que cette application temporelle viole les dispositions précitées du règlement (UE) 2022/1854, qui ne permettent aux États membres de plafonner les recettes issues du marché qu’à partir du 1er décembre 2022. Selon les parties requérantes, la loi du 16 décembre 2022 fait naître, sur ce point, une différence de traitement par rapport aux entreprises qui ne relèvent pas du prélèvement et à celles qui n’en relèvent qu’à partir du 1er décembre 2022. Les parties requérantes soulignent qu’il découle tant du texte, du but et de l’économie du règlement (UE) 2022/1854 que de l’article 122, paragraphe 1, du TFUE, qui constitue le fondement juridique du règlement, que celui-ci vise à créer une harmonisation maximale, sans permettre aux États membres d’y déroger. Cette harmonisation maximale empêche également les États membres d’anticiper l’entrée en vigueur imminente du règlement (UE) 2022/1854, ce qui découle aussi du fait que l’application anticipative qui était prévue dans la proposition de règlement initiale n’a pas été reprise dans le texte final du règlement, à la demande expresse des États membres. Compte tenu de tous ces éléments, l’application de la loi du 16 décembre 2022 à partir du 1er août 2022 est également contraire au principe de la coopération loyale, tel qu’il est prévu à l’article 4, paragraphe 3, du TUE. À la référence, faite par le Conseil des ministres, au rapport de la Commission européenne sur l’application du règlement, la partie requérante apporte la réponse fournie par la partie requérante dans l’affaire n° 8032, telle qu’elle est reproduite en A.2.2.
Dans une deuxième branche, les parties requérantes dénoncent la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique et avec le principe de la non-rétroactivité, en ce que le prélèvement attaqué s’applique à des transactions qui ont déjà été clôturées. Elles soulignent que le prélèvement attaqué, qui s’applique par transaction, est un impôt non pas direct, mais indirect. En ce qu’elle s’applique aux transactions qui ont été clôturées entre le 1er août 2022 et le 22 décembre 2022, la loi du 16 décembre 2022 a un effet rétroactif. La loi du 16 décembre 2022 porte également atteinte à la sécurité juridique et à la sécurité économique des producteurs, étant donné que ceux-ci ne pouvaient pas prévoir, au moment de la clôture de la transaction, qu’un impôt serait prélevé sur leurs transactions. L’objectif d’intérêt général visé à travers le règlement (UE) 2022/1854 ne justifie pas la rétroactivité de la loi du 16 décembre 2022. Pour autant que le Conseil des ministres renvoie également à la limitation de l’impact de la forte hausse des prix de l’énergie sur les finances de l’État belge, un tel motif ne peut pas non plus suffire pour justifier la rétroactivité.
Dans une troisième branche, qu’elles invoquent à titre subsidiaire, les parties requérantes soutiennent que, même si le règlement (UE) 2022/1854 autorisait les États membres à anticiper son entrée en vigueur imminente et même si la rétroactivité de la loi du 16 décembre 2022 pouvait être justifiée, son application à partir du 1er août 2022 est, en tout état de cause, contraire au principe de la solidarité énergétique. Selon les parties requérantes, ce principe impose aux institutions de l’Union et aux États membres l’obligation de tenir compte des intérêts tant de l’Union que des différents États membres dans le cadre de la mise en œuvre de leur politique énergétique et, en cas de conflit d’intérêts, de procéder à une mise en balance de ceux-ci. Selon les parties requérantes, il ne ressort pas des travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022 que le législateur ait tenu compte des conséquences de l’application du prélèvement à partir du 1er août 2022 pour le bon fonctionnement du marché intérieur et pour les intérêts des autres États membres.
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A.4.2. Dans un deuxième moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 8034 dénoncent la violation, par la loi du 16 décembre 2022, des articles 10, 11, 16 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 7 et 8 juncto l’article 2, points 5) et 9), du règlement (UE) 2022/1854, avec l’article 288 du TFUE, avec les principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union et avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.
Dans une première branche, les parties requérantes critiquent le fait que le prélèvement attaqué soit établi sur la base de présomptions qui sont irréfragables ou qui ne peuvent être renversées que sur la base d’autres présomptions. Elles renvoient à cet égard au fait, mentionné en A.2.1.1, selon lequel toutes ces présomptions sont basées sur une vente d’électricité par jour au prix de ce jour ou sur une vente à un prix horaire, alors que tel n’est pas toujours le cas dans la pratique. Ainsi, les producteurs d’énergie renouvelable peuvent aussi accorder des réductions commerciales sur le prix fixé contractuellement, afin de garantir que l’électricité fournie localement coûte toujours moins cher que celle qui est fournie par un réseau de distribution. Les données techniques dites courantes, sur lesquelles ces présomptions sont fondées, selon le Conseil des ministres, ne correspondent dès lors pas aux données qu’utilisent effectivement les installations de production concernées. À l’argument du Conseil des ministres, relatif au caractère irréfragable des présomptions visées à l’article 22ter, § 5, alinéa 2, 1° et 2°, selon lequel la stratégie de vente pour les centrales nucléaires a déjà été déterminée dans le cadre de l’application de la contribution de répartition, les parties requérantes apportent la réponse reproduite en A.2.1.3. Dès lors que le prélèvement est appliqué sur les recettes qui n’ont pas été réellement perçues, la disposition attaquée viole les articles 6, 7 et 8 du règlement (UE) 2022/1854, qui comportent l’exigence selon laquelle le plafond de prix doit être appliqué aux recettes réellement perçues. Du considérant 30 du règlement aussi il ressort que le plafond ne peut être appliqué que sur les recettes issues du marché qui ont été réalisées. Pour toutes les raisons mentionnées en A.2.1.2 et en A.2.1.3, les parties requérantes estiment que les motifs qui sont invoqués dans les travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022 pour justifier le recours à des présomptions ne sauraient convaincre.
Selon les parties requérantes, le législateur avait donc, par le recours à des présomptions irréfragables, pour seul but que le prélèvement attaqué génère des recettes suffisantes.
À titre subsidiaire, les parties requérantes demandent à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle similaire à la question préjudicielle visée en A.2.1.4.
Dans une seconde branche, les parties requérantes soutiennent que la combinaison d’un impôt sur des recettes non perçues et d’un taux d’imposition de 100 % a pour effet que la loi du 16 décembre 2022 équivaut à une confiscation et viole par conséquent les articles 10, 11, 16 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.
A.4.3. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8034 soutiennent, dans un troisième moyen, que la loi du 16 décembre 2022, en ce qu’elle prévoit un plafond de 130 euros/MWh, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6 et 8 du règlement (UE) 2022/1854, avec l’article 288 du TFUE, avec les principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union et avec le principe de la solidarité énergétique.
Dans une première branche, les parties requérantes soutiennent que le plafond n’est pas compatible avec le règlement (UE) 2022/1854. Il découle tant de l’article 6 et de l’article 2, point 9), du règlement que de l’objectif qu’il poursuit, à savoir appréhender de manière coordonnée la hausse des prix de l’énergie, que les États membres ne peuvent instaurer qu’un plafond de 180 euros/MWh. Le mot « maximum » cité dans l’article 6, paragraphe 1, du règlement souligne que le plafond de 180 euros/MWh est le plafond le plus strict, de sorte que les États membres peuvent uniquement le revoir à la hausse, mais pas à la baisse. Sinon, c’est le mot « minimum » qui aurait été utilisé à l’article 6, paragraphe 1, du règlement. En outre, l’article 8 du règlement (UE) 2022/1854, qui, moyennant le respect de conditions strictes, permet aux États membres de limiter davantage, par des « mesures en cas de crise », les recettes issues du marché obtenues par les producteurs d’électricité, serait, dans ce cas, tout à fait superflu.
À titre subsidiaire, les parties requérantes demandent à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle similaire à la question préjudicielle visée en A.2.2.
Dans une seconde branche, les parties requérantes allèguent que l’instauration d’un plafond de 130 euros/MWh ne peut pas non plus être fondée sur l’article 8, précité, du règlement (UE) 2022/1854. Étant donné qu’il s’agit d’une dérogation à un plafond qui a été élaboré de manière coordonnée au niveau européen, les conditions d’application de cette disposition doivent être interprétées de manière restrictive. Premièrement, il découle du considérant 40 du règlement (UE) 2022/1854 que l’instauration d’un plafond inférieur doit pouvoir
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être justifiée sur la base de circonstances spécifiques. Ces circonstances ne ressortent toutefois pas des travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022. Ainsi, il n’y est pas expliqué pourquoi le plafond est établi sur la base des prix de l’électricité de 2019, qui étaient relativement bas à l’époque, alors que le plafond prévu à l’article 6 du règlement (UE) 2022/1854 a été établi sur la base des prix qui étaient en vigueur juste avant la guerre en Ukraine, lorsqu’ils étaient au plus haut. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la crise de la COVID-19
n’a pas eu un impact anormal sur les prix de l’énergie. Les travaux préparatoires ne démontrent pas non plus quelles circonstances spécifiques propres à la situation en Belgique pourraient justifier l’instauration d’un plafond de 130 euros/MWh. Deuxièmement, selon les parties requérantes, les conditions fixées à l’article 8, paragraphe 2, du règlement (UE) 2022/1854 ne sont pas remplies non plus. Le plafond de 130 euros/MWh est disproportionné et discriminatoire, il compromet les signaux d’investissement et il ne garantit pas la couverture des coûts d’investissements et d’exploitation. De plus, il fausse le marché de gros de l’électricité, étant donné qu’une centrale qui est soumise au prélèvement attaqué doit intégrer le coût de ce prélèvement dans ses frais de fonctionnement, si bien qu’elle doit soit vendre à perte, soit interrompre ses ventes d’électricité, jusqu’à ce que ce coût soit couvert.
Cela affecte également sa place dans l’« ordre de préséance économique ». En outre, le plafond attaqué signifie qu’une installation de production belge est taxée 30 % plus lourdement qu’une installation de production qui est soumise au plafond européen. Enfin, le plafond de 130 euros/MWh n’est pas compatible avec le droit de l’Union.
Position de la partie requérante dans l’affaire n° 8035
A.5.1. La partie requérante dans l’affaire n° 8035 prend un premier moyen de la violation, par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2, point 5), 6 et 8 du règlement (UE) 2022/1854, en ce que, dans le cadre de la débition du prélèvement, la disposition attaquée ne tient compte que de présomptions, alors que les articles, précités, du règlement requièrent que le plafond soit appliqué aux revenus réellement perçus. Alors que les première et deuxième présomptions sont irréfragables, les troisième, quatrième et cinquième présomptions ne peuvent être renversées que si le producteur peut démontrer, pour l’ensemble de son parc de production, y compris pour les installations qui ne relèvent pas du champ d’application de la loi du 16 décembre 2022, que ses recettes réelles issues du marché diffèrent des revenus qui ont été établis conformément à ces présomptions. Cette charge de la preuve est dès lors disproportionnée pour un producteur qui dispose d’un parc de production aussi étendu et différencié que la partie requérante dans l’affaire n° 8035. En outre, même si la partie requérante parvient à administrer cette preuve, le prélèvement est toujours calculé sur la base d’une autre présomption. Pourtant, la partie requérante a la possibilité de calculer les recettes effectives issues de ses installations de production qui relèvent de l’application de la loi du 16 décembre 2022. À
l’argumentation développée par le Conseil des ministres pour appuyer le caractère irréfragable des première et deuxième présomptions, la partie requérante apporte la réponse reproduite en A.2.1.3. Selon la partie requérante, l’application des première et deuxième présomptions, plutôt qu’un prélèvement effectué sur la base de ses recettes réelles, entraîne une taxe supplémentaire de 190 millions d’euros pour le premier semestre de 2023.
À titre subsidiaire, la partie requérante demande à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle similaire à la question préjudicielle visée en A.2.1.4.
A.5.2. Dans un deuxième moyen, la partie requérante dans l’affaire n° 8035 soutient que les articles 5 et 6
de la loi du 16 décembre 2022 violent les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 22, paragraphe 2, c), du règlement (UE) 2022/1854, en ce que ces dispositions appliquent le plafond sur les recettes issues du marché à partir du 1er août 2022. Selon elle, tant la disposition précitée que l’article 7, paragraphe 2, du règlement ne permettent aux États membres d’instaurer un plafond sur les recettes issues du marché qu’à partir du 1er décembre 2022, ce qui est logique aussi dans le contexte du règlement adopté comme mesure exceptionnelle pendant l’hiver 2022-2023. La partie requérante souligne aussi à cet égard que les États membres ne sont pas non plus autorisés à prévoir une application anticipative du règlement (UE) 2022/1854. La proposition de règlement initiale prévoyait une telle application, mais cette possibilité a ensuite été supprimée lors de l’élaboration du règlement et remplacée par le texte actuel de l’article 22, paragraphe 2, c). Enfin, il découle des différents considérants que le règlement doit être appliqué de manière uniforme par les États membres.
L’application du plafond à partir du 1er août 2022 est dès lors contraire non seulement au règlement, mais aussi au principe de proportionnalité et au principe de subsidiarité.
À titre subsidiaire, la partie requérante demande à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir si les articles 6, 7, 8 et 22, paragraphe 2, c), du
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règlement (UE) 2022/1854 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une application du plafond sur les recettes issues du marché à partir du 1er août 2022.
A.5.3. La partie requérante dans l’affaire n° 8035 soutient, dans un troisième moyen, que l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2, point 9), 6, 7 et 8 du règlement (UE) 2022/1854, en ce que la disposition attaquée prévoit un plafond de 130 euros/MWh. Selon la partie requérante, il découle tant des dispositions précitées du règlement (UE) 2022/1854 que de l’intention du Conseil d’intervenir de manière uniforme pour tous les États membres que les États membres ne peuvent instaurer qu’un plafond de 180 euros/MWh. Selon la partie requérante, la disposition attaquée ne saurait être justifiée sur la base de l’article 8 du règlement (UE) 2022/1854, dès lors qu’en vertu du paragraphe 1, d), de cette disposition, la fixation d’un plafond spécifique n’est possible que pour les recettes issues du marché provenant de la vente d’électricité produite à partir de houille. S’il devait être jugé que la disposition attaquée relève du champ d’application de l’article 8, les conditions d’application de cette disposition ne sont en tout cas pas remplies, selon la partie requérante. Le plafond de 130 euros/MWh est disproportionné et discriminatoire, étant donné que, combiné avec les autres prélèvements auxquels est soumise la partie requérante, il a eu pour effet de lui faire subir une perte d’exploitation importante. Par ailleurs, il compromet les signaux d’investissement et il ne garantit pas la couverture des coûts d’investissements et d’exploitation. De plus, il fausse le marché de gros de l’électricité. Enfin, le plafond de 130 euros/MWh n’est pas compatible avec le droit de l’Union, étant donné que les producteurs d’électricité ne pouvaient pas s’attendre à ce que le législateur belge instaure un plafond inférieur au plafond européen.
À titre subsidiaire, la partie requérante demande à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle similaire à la question préjudicielle visée en A.2.2.
A.5.4. Dans un quatrième moyen, la partie requérante dans l’affaire n° 8035 soutient que la disposition attaquée viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu’elle fait naître une différence de traitement entre les producteurs d’électricité à partir d’énergie nucléaire et les autres producteurs d’électricité. Alors que les recettes issues du marché sont déterminées sur la base de présomptions irréfragables pour la première catégorie de producteurs (article 22ter, § 5, alinéa 21, 1° et 2°), elles sont déterminées sur la base de présomptions réfragables pour la seconde catégorie de producteurs (article 22ter, § 5, alinéa 2, 3°, 4° et 5°). Selon la partie requérante, cette différence de traitement ne repose pas sur un critère de distinction pertinent. Contrairement à la jurisprudence citée dans les travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022, les producteurs d’électricité à partir d’énergie nucléaire, tout comme les autres producteurs d’électricité, peuvent communiquer le prix exact de la vente de leur électricité. Pour le motif exposé en A.2.1.3, le Conseil des ministres ne peut pas se référer utilement à la contribution de répartition pour justifier le caractère irréfragable des première et deuxième présomptions. À la lumière de l’objectif de la loi du 16 décembre 2022, qui consiste à prélever un impôt sur le total des surprofits des producteurs d’électricité, toutes les installations auraient dès lors dû avoir été soumises au même traitement. En tout cas, selon la partie requérante, la différence de traitement ne repose pas sur un critère de distinction proportionné. Le recours à des présomptions qui ne peuvent pas être renversées par le contribuable va manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par le législateur.
A.5.5. La partie requérante dans l’affaire n° 8035 soutient, dans un cinquième moyen, que la loi du 16 décembre 2022 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique, avec le principe de non-rétroactivité et avec le principe de la confiance légitime, en ce qu’elle prévoit l’application du plafond à partir du 1er août 2022 et donc avant son entrée en vigueur le 22 décembre 2022.
Dans la mesure où le plafond est d’application sur des transactions individuelles et, partant, doit être considéré comme un impôt indirect, il s’applique à des faits qui ont été définitivement accomplis avant l’entrée en vigueur de la loi du 16 décembre 2022 et a dès lors un effet rétroactif. Selon la partie requérante, la circonstance que des coûts peuvent être déduits dans le cadre de l’application du prélèvement des recettes issues du marché ne conduit pas à une autre conclusion, dès lors que ces coûts sont également déduits par transaction individuelle. En ce qui concerne la qualification d’impôt direct ou indirect, il n’est pas non plus pertinent que le prélèvement attaqué fasse l’objet d’un enrôlement ou que le législateur ait visé à le qualifier d’impôt direct. Selon la partie requérante, la qualification d’impôt direct ou indirect n’est du reste pas pertinente, s’il a été démontré, comme dans l’affaire présentement examinée, que le prélèvement attaqué s’applique à des situations qui sont devenues définitives avant l’entrée en vigueur de la loi du 16 décembre 2022. Selon la partie requérante, il n’est pas démontré que cet effet rétroactif est indispensable pour atteindre un objectif d’intérêt général. La justification de l’adoption du plafond ne constitue pas une justification de son effet rétroactif. Il ne suffit pas non plus de faire référence à une étude menée par la CREG sur la hausse des prix de l’électricité survenue en 2021. En outre, la rétroactivité n’est pas
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pertinente pour lutter contre la hausse des prix de l’électricité, étant donné que les prix étaient déjà fixés contractuellement et payés par les consommateurs avant l’entrée en vigueur de la loi du 16 décembre 2022. Enfin, l’objectif consistant à préserver les finances publiques ne peut pas non plus justifier la rétroactivité. À tout le moins la disposition attaquée porte atteinte au principe de la sécurité juridique et au principe de la confiance légitime, étant donné que la partie requérante ne pouvait pas prévoir qu’après la clôture de ses transactions, une loi serait adoptée, qui aurait un impact sur ces transactions. À titre subsidiaire, la partie requérante demande à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle sur la compatibilité du plafond attaqué avec le principe de la sécurité juridique et avec le principe de la confiance légitime, en ce qu’il est applicable à partir du 1er août 2022.
A.5.6. La partie requérante dans l’affaire n° 8035 prend un sixième moyen de la violation, par la loi du 16 décembre 2022, de l’article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lus en combinaison ou non avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Selon la partie requérante, la loi du 16 décembre 2022 affecte de manière disproportionnée le droit de propriété, en ce qu’elle prévoit un taux d’imposition de 100 %, une base imposable déterminée sur la base de présomptions (irréfragables), une diminution à 130 euros/MWh du plafond de 180 euros/MWh prévu dans le règlement (UE) 2022/1854 et une application du plafond préalablement à son entrée en vigueur. La partie requérante fait aussi valoir que les producteurs d’électricité sont déjà soumis à différents prélèvements, comme l’impôt des sociétés et la contribution de répartition pour l’exploitation de centrales nucléaires. Selon la partie requérante, l’ensemble de ces éléments a eu pour effet qu’en 2022, elle a subi une perte d’exploitation de 2 431 695 493 euros. Elle évalue le montant du prélèvement pour 2022 à 384 millions d’euros et à plus de 700 millions d’euros pour 2023.
Position de la partie requérante dans l’affaire n° 8037
A.6.1. La partie requérante dans l’affaire n° 8037 soutient, dans un premier moyen, que l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution et le principe de proportionnalité qu’ils prévoient, lus en combinaison avec les articles 2, point 5), 6 et 7 du règlement (UE) 2022/1854, avec l’article 288
du TFUE et avec les principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union. Selon la partie requérante, la disposition attaquée fait naître une différence de traitement entre, d’une part, les contribuables qui relèvent de l’application du prélèvement attaqué et qui sont taxés sur la base de revenus inexistants et présumés de manière irréfragable et, d’autre part, les contribuables qui sont soumis à d’autres impôts, tels que la contribution de solidarité temporaire pour le secteur pétrolier, et qui ne sont pas taxés sur la base de revenus inexistants et présumés de manière irréfragable. Elle soutient qu’en vertu du règlement (UE) 2022/1854, seules les recettes issues du marché qui ont été réalisées peuvent être plafonnées. Elle souligne également que, lorsqu’un producteur comme elle se protège contre les variations des prix de gros de l’électricité et ne tire par conséquent aucun avantage des pics des prix de l’électricité qui avaient donné lieu à l’instauration du plafond, ce dernier ne peut lui être appliqué comme si elle tirait un avantage de ces hausses de prix. Selon elle, c’est à tort que le Conseil des ministres affirme que, lorsque la production d’électricité relève d’un contrat d’achat d’électricité, les recettes issues du marché sont calculées conformément aux dispositions de ce contrat. Dans le cadre de la déclaration de la partie requérante pour la période du 1er août 2022 au 31 décembre 2022, la CREG n’a en effet tenu compte que du prix à un jour fixé dans le contrat, même si ce prix n’est utilisé que comme paramètre intermédiaire dans la formule de calcul et qu’il ne s’agit pas du prix réel. Selon la partie requérante, cette différence de traitement est dénuée de toute justification raisonnable, dès lors que l’objectif poursuivi par le législateur aurait tout aussi bien pu être atteint par le recours à des présomptions pouvant être renversées sur la base des recettes réelles issues du marché. Contrairement à ce qu’affirme le Conseil des ministres, les contrats d’achat d’électricité actuels permettent de déterminer le prix réellement réalisé par MWh produit et vendu. La partie requérante conteste en outre que l’objectif consistant à diminuer les charges administratives des contribuables et des institutions publiques chargées de la perception du prélèvement peut justifier le recours à des présomptions. Enfin, la partie requérante estime que le Conseil des ministres ne peut faire usage de catégories approximatives dans le cadre de la détermination de la base imposable, étant donné que les présomptions utilisées ne correspondent pas du tout à la réalité.
A.6.2. La partie requérante dans l’affaire n° 8037 prend un second moyen de la violation, par la disposition attaquée, de l’article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme. En ce qu’elle instaure un prélèvement de 100 % sur des recettes inexistantes et présumées de manière irréfragable, la disposition attaquée constitue une atteinte disproportionnée du droit de propriété. La partie requérante dans l’affaire n° 8037 joint à cet égard la correspondance électronique
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qu’elle a échangée avec la CREG au sujet de sa déclaration pour la première période de prélèvement, dont il ressort, selon elle, que la CREG refuse de prendre en considération le prix fixe qui était prévu dans le contrat d’achat d’électricité. Selon elle, ceci démontre qu’elle n’est pas taxée sur ses recettes réelles issues de la vente d’électricité.
Position du Conseil des ministres
Position du Conseil des ministres dans l’affaire n° 8031
A.7.1. Le Conseil des ministres estime que la première branche du moyen dans l’affaire n° 8031 est irrecevable, dès lors qu’il n’est pas exposé en quoi la disposition attaquée viole les normes de contrôle citées par les parties requérantes.
Selon le Conseil des ministres, la branche du moyen n’est en tout cas pas fondée. Il souligne que le règlement (UE) 2022/1854 ne s’oppose pas à une diminution du plafond, étant donné que son article 6, paragraphe 1, mentionne uniquement un plafonnement à « maximum » 180 euros par MWh et que son article 8, paragraphe 1, a), permet aux États membres de maintenir ou d’instaurer des mesures qui limitent davantage les recettes issues du marché obtenues par les producteurs générant de l’électricité, parmi lesquelles la possibilité de différencier les technologies. Selon le Conseil des ministres, les parties requérantes négligent la justification qui est contenue dans les travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022 quant au choix de fixer à 180 euros/MWh le plafond pour les installations qui produisent de l’électricité à partir de biocarburants solides ou gazeux.
Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes dans l’affaire n° 8031, la marge de 50 euros/MWh que le législateur a appliquée tant en ce qui concerne le plafond de 130 euros/MWh qu’en ce qui concerne celui de 180 euros/MWh repose sur des critères objectifs. La marge de 50 euros/MWh appliquée dans le cadre du plafond de 130 euros/MWh tient compte de l’inflation, de la hausse du coût de livraison de l’électricité, de la hausse des risques commerciaux et des chiffres fournis par la Banque nationale sur les pertes subies du passé. Le plafond de 180 euros/MWh est fondé sur la hausse des prix des combustibles pour la biomasse gazeuse ou solide.
A.7.2. En réponse à la seconde branche du premier moyen dans l’affaire n° 8031, le Conseil des ministres soutient que les travaux préparatoires contiennent également une justification détaillée du fait de soumettre au plafond de 180 euros/MWh tant les entreprises qui produisent de l’électricité à partir de déchets de biomasse que celles qui produisent de l’électricité à partir d’autres combustibles. Selon le Conseil des ministres, la circonstance que la première catégorie d’entreprises aurait des coûts d’investissements et d’exploitation plus élevés ne conduit pas à une autre conclusion, dès lors que, dans le cadre de la formulation d’une norme abstraite qui s’applique à un nombre indéterminé de cas, le législateur peut faire usage de catégories de personnes générales.
A.7.3. En réponse à la première branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 8031, le Conseil des ministres souligne que le plafond attaqué doit être qualifié d’impôt direct applicable aux recettes excédentaires que les producteurs d’électricité ont acquises pendant la période imposable. Étant donné que la première période imposable s’est achevée le 31 décembre 2022 et que, partant, la dette fiscale n’est devenue définitive qu’à ce moment-là, la loi du 16 décembre 2022 n’est pas rétroactive. Mais même si cette loi était rétroactive, cette rétroactivité est en tout cas indispensable, selon le Conseil des ministres, pour atteindre un objectif d’intérêt général, à savoir l’application du plafond à un moment où les prix de l’électricité ont connu la hausse la plus forte.
A.7.4. En ce qui concerne la seconde branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 8031, le Conseil des ministres souligne que, lors des travaux préparatoires une grande attention a été accordée à la motivation de la compatibilité du plafond de 180 euros/MWh avec le droit de propriété. Plus particulièrement, il est renvoyé, dans les travaux préparatoires, au fait que le plafond est toujours plus élevé que le prix moyen de l’électricité auquel le marché en 2019 pouvait raisonnablement s’attendre pour 2022, au fait que les recettes imposées étaient inattendues et qu’elles ont été causées par des circonstances externes et exceptionnelles, et au fait que l’impôt n’est d’application que du 1er août 2022 au 30 juin 2023. En ce qui concerne le taux du prélèvement de 100 %, le Conseil des ministres observe que le prélèvement attaqué n’est pas appliqué sur les recettes ou bénéfices imposables ordinaires des producteurs d’électricité, mais sur les recettes excédentaires, à savoir sur les recettes supérieures à un plafond de 180 euros/MWh, dans le cas des parties requérantes dans l’affaire n° 8031.
A.7.5. En ce qui concerne le troisième moyen dans l’affaire n° 8031, le Conseil des ministres déduit de la requête que les parties requérantes contestent uniquement la compatibilité de l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 avec l’article 8, paragraphe 2, c), du règlement (UE) 2022/1854. Le Conseil des ministres observe à cet égard que le plafond a précisément été établi à 130 euros/MWh pour ne pas compromettre les signaux d’investissement
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pour la production d’électricité. Ce plafond est en effet de 50 euros/MWh supérieur au prix maximum auquel l’on pouvait s’attendre avant la crise de la COVID-19 et la crise énergétique, à savoir 80 euros/MWh. Le législateur a même tenu compte de la situation spécifique des producteurs qui utilisent les combustibles de biomasse, comme les parties requérantes dans l’affaire n° 8031, en augmentant, pour elles, le plafond à 180 euros/MWh. Selon le Conseil des ministres, l’on ne peut pas attendre du législateur qu’il relève davantage le plafond pour elles, étant donné que, dans le cadre de la formulation d’une norme abstraite qui s’applique à un nombre indéterminé de cas, il peut faire usage de catégories de personnes générales.
Étant donné que le troisième moyen n’est manifestement pas fondé, il n’y a pas lieu, selon le Conseil des ministres, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
Position du Conseil des ministres dans les affaires nos 8032, 8033, 8034 et 8035
Le recours à des présomptions dans le cadre de la détermination des recettes issues du marché
A.8.1. Le Conseil des ministres allègue, en ce qui concerne la première branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 8034, que les parties requérantes n’exposent pas en quoi la loi du 16 décembre 2022 viole l’article 288
du TFUE et les principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union, de sorte que cette branche du moyen n’est pas recevable.
A.8.2. En réponse à la première branche du premier moyen dans l’affaire n° 8032, au deuxième moyen dans l’affaire n° 8034, quant au fond, et au premier moyen dans l’affaire n° 8035, le Conseil des ministres observe que le considérant 37 du règlement (UE) 2022/1854 autorise explicitement les États membres à recourir à des « estimations raisonnables » pour calculer le plafond sur les recettes issues du marché, de sorte que le législateur belge a pu déterminer les recettes issues du marché à l’aide de présomptions. Cela ressort aussi du fait que le règlement laisse aux États membres une large marge d’appréciation pour déterminer la manière dont le plafond est appliqué. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes dans ces affaires, le règlement ne requiert pas que ces estimations soient réfragables. Le recours à des présomptions a été jugé nécessaire parce qu’il n’est pas possible de déterminer un prix pour chaque MWh vendu. L’affirmation des parties requérantes dans les affaires nos 8032 et 8034 selon laquelle il existe, sur le plan économique, une réelle possibilité de déterminer les revenus d’une installation de production donnée est inexacte. La circonstance que l’électricité qui est produite à partir d’installations différentes peut être vendue sur des marchés différents, en fonction du profil de l’utilisateur, influence aussi le prix auquel l’électricité est vendue. Or, comme chaque forme d’électricité est injectée sans distinction sur le réseau, il est impossible, surtout lorsque le contribuable dispose de plusieurs installations de production, de déterminer quelle installation a produit une telle quantité d’électricité qui a été vendue à un utilisateur donné à un prix donné. En recourant à des présomptions, le législateur a dès lors voulu éviter de laisser aux seuls contribuables le soin de calculer le prélèvement. Selon le Conseil des ministres, le fait que les producteurs d’électricité tels que les parties requérantes soient déjà soumis à ce qu’on appelle les obligations de rapportage REMIT n’est pas pertinent, puisque les informations qui doivent être communiquées dans le cadre de ces obligations ne portent pas sur le prix de l’électricité produite par les différentes installations. En outre, ces présomptions réduisent aussi les charges administratives des contribuables et des institutions publiques qui sont chargées de la perception du prélèvement. Ces présomptions sont basées sur des données techniques courantes en matière de production d’électricité, qui sont bien connues des débiteurs du prélèvement. Elles ont en outre été proposées par la CREG et convenues avec des représentants des secteurs. Dès lors que la loi du 16 décembre 2022
prévoit plusieurs présomptions qui sont applicables aux technologies de production en fonction de leurs spécificités, le législateur a veillé à ce que ces présomptions correspondent autant que possible à la réalité.
Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes dans les affaires nos 8032, 8034 et 8035, le contribuable ne doit pas recourir à d’autres « présomptions » pour renverser les troisième, quatrième et cinquième présomptions.
Les éléments prévus à l’article 22ter, § 5, alinéa 2, 6°, b), c) et d), de la loi du 29 avril 1999 sont simplement des modalités pour déterminer les recettes issues du marché par transaction.
La condition selon laquelle le contribuable doit apporter la preuve des recettes dérogatoires issues du marché pour l’ensemble de son parc de production s’explique par l’impossibilité, mentionnée plus haut, de lier une quantité donnée d’électricité vendue à une installation de production donnée, lorsque le contribuable dispose de plusieurs installations. Sans cette condition, le contribuable pourrait déterminer ses recettes issues du marché sur la base du prix le plus bas obtenu pour l’électricité produite par une installation qui ne relève pas du champ d’application de la loi du 16 décembre 2022. La règle contenue dans l’article 22ter, § 5, alinéa 2, 6°, a), de la loi du 29 avril 1999
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répond dès lors à l’obligation prévue à l’article 6, paragraphe 3, du règlement (UE) 2022/1854, qui consiste, pour les États membres, à « mettre en place des mesures efficaces pour empêcher tout contournement des obligations incombant aux producteurs ».
Comme indiqué dans les travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022, le caractère irréfragable des première et deuxième présomptions est justifié par le fait que la stratégie de vente concernant les centrales nucléaires a déjà été déterminée pour l’application de la contribution de répartition, de sorte qu’il n’est pas déraisonnable de considérer que les exploitants des centrales nucléaires suivront la même stratégie en ce qui concerne le plafond. La référence, faite par les parties requérantes dans les affaires nos 8032 et 8034, à la circonstance que l’électricité produite par la société « EDF Belgium » à partir de sa centrale nucléaire (Tihange 1)
est vendue selon un accord intragroupe conclu avec la société « EDF France », et donc pas selon la stratégie de vente préalablement définie, prouve, selon le Conseil des ministres, la nécessité du caractère irréfragable de la présomption applicable à cette centrale nucléaire, étant donné que les ventes intragroupe se prêtent par excellence à la vente d’électricité en dessous du prix du marché concurrentiel.
Le Conseil des ministres estime dès lors que le recours à des présomptions dans le cadre de la détermination des recettes issues du marché n’est pas contraire aux dispositions du règlement (UE) 2022/1854 et n’est donc pas contraire non plus aux articles 10 et 11 de la Constitution. Selon lui, le contrôle au regard de l’article 288 du TFUE
et des principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union ne conduit pas à une autre conclusion.
Dès lors que le recours à des présomptions dans le cadre de la détermination des recettes issues du marché n’a pas pour effet le prélèvement d’une taxation sur des revenus fictifs ou inexistants, il ne s’agit pas non plus, selon le Conseil des ministres, d’une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété.
Étant donné que le premier moyen dans l’affaire n° 8032, le deuxième moyen dans l’affaire n° 8034 et le premier moyen dans l’affaire n° 8035 ne sont pas fondés, il n’y a pas lieu, selon le Conseil des ministres, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne les questions préjudicielles suggérées par les parties requérantes dans ces affaires.
A.8.3. À la seconde branche du premier moyen dans l’affaire n° 8032 et au quatrième moyen dans l’affaire n° 8035, le Conseil des ministres répond d’abord en faisant référence à ce qui a été exposé en A.8.2. La différence de traitement entre les producteurs d’électricité à partir d’énergie nucléaire et les autres producteurs d’électricité repose sur un critère de distinction objectif, à savoir le fait que la stratégie de vente a déjà ou non été légalement définie comme base pour le calcul du prélèvement. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes dans les affaires nos 8032 et 8035, les producteurs d’électricité à partir d’énergie nucléaire, qui relèvent des première et deuxième présomptions, suivent aussi cette stratégie de vente dans la pratique. Ce critère de distinction est aussi pertinent, dès lors qu’il vise à éviter que les centrales nucléaires qui relèvent des première et deuxième présomptions soient soumises à une double taxation. La loi du 16 décembre 2022 ne viole dès lors pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
A.8.4. En réponse au troisième moyen dans l’affaire n° 8032, le Conseil des ministres observe d’abord que, sans entrer dans les détails, il est impossible d’établir la différence de traitement visée par les parties requérantes.
Il ne saurait en tout cas être question d’une différence de traitement, dès lors qu’il n’est pas possible de déduire des coûts de déséquilibre pour la moindre présomption. Ceci est aussi logique, étant donné que la loi du 16 décembre 2022 n’impose pas les bénéfices, mais uniquement les recettes supplémentaires.
Le champ d’application temporel du plafond
A.9.1. En réponse à la première branche du premier moyen dans l’affaire n° 8034 et au deuxième moyen dans l’affaire n° 8035, le Conseil des ministres observe d’abord que l’application du plafond à partir du 1er août 2022, telle qu’elle est prévue dans la loi du 16 décembre 2022, n’est pas contraire au règlement (UE) 2022/1854.
Étant donné que ce règlement est une mesure d’urgence temporaire, ce qui ressort du fait qu’il repose sur l’article 122, paragraphe 1, du TFUE, l’application du plafond qu’il prévoit à partir du 1er décembre 2022 doit être vue comme une obligation pour les États membres de prévoir, certainement à partir de cette date, un plafond uniforme, sans toutefois les empêcher de déjà prendre les mesures applicables avant cette date. Une telle conception est également conforme à pratiquement tous les considérants du règlement qui s’inscrivent dans l’objectif, poursuivi par le règlement, de protéger les utilisateurs contre les prix élevés de l’énergie. Dans une étude du 29 mars 2023 sur l’effectivité et sur les effets distributifs de la taxation des surprofits, commandée par le Parlement européen, il est par ailleurs mentionné explicitement que le plafond doit être appliqué au moins du
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1er décembre 2022 au 30 juin 2023. Le règlement n’implique pas une harmonisation maximale, ainsi qu’il ressort du fait qu’il permet aux États membres d’adopter la flexibilité nécessaire dans de nombreux autres domaines, et du fait que treize États membres en tout ont décidé d’appliquer le plafond au-delà de la période prévue dans le règlement. À la lumière de ce qui précède, il est dès lors logique, selon le Conseil des ministres, que l’application anticipative qui était prévue dans la proposition de règlement initiale ait été supprimée par la suite, étant donné que le règlement ne vise pas du tout à restreindre la liberté de décision des États membres pour la période antérieure au 1er décembre 2022. L’application temporelle du plafond, telle qu’elle a été introduite par la loi du 16 décembre 2022, n’est dès lors pas contraire aux principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union, ni avec le principe de proportionnalité, avec le principe de subsidiarité et avec le principe de la coopération loyale, tel qu’il est défini à l’article 4, paragraphe 3, du TUE. Enfin, selon le Conseil des ministres, l’application du plafond à partir du 1er août 2022 peut aussi être fondée sur l’article 8, paragraphe 1, a), du règlement (UE) 2022/1854, qui autorise les États membres à prendre des mesures qui limitent davantage les recettes issues du marché obtenues par les acteurs du marché. Étant donné que les griefs formulés par les parties requérantes sont manifestement non fondés, il n’y a pas lieu, selon le Conseil des ministres, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
A.9.2. À la deuxième branche du premier moyen dans l’affaire n° 8034 et au cinquième moyen dans l’affaire n° 8035, le Conseil des ministres répond en faisant référence à ce qui a été exposé en A.7.3. Le prélèvement attaqué n’est pas perçu sur chaque transaction individuelle, mais sur une série de transactions prises dans leur ensemble et réparties sur une période déterminée, de sorte que le montant du prélèvement dû n’est connu avec précision qu’à la fin de chaque période. Le prélèvement attaqué constitue donc un impôt direct, ainsi qu’il ressort également du fait qu’il faut déduire différents coûts avant que le montant du prélèvement soit connu et du fait que le prélèvement doit faire l’objet d’un enrôlement. À titre subsidiaire, même si le prélèvement attaqué était appliqué avec effet rétroactif, cette rétroactivité est, selon le Conseil des ministres, indispensable pour atteindre l’objectif d’intérêt général, à savoir l’application du plafond à un moment où la hausse des prix de l’électricité était la plus forte.
Selon le Conseil des ministres, la loi du 16 décembre 2022 ne viole pas non plus le principe de la sécurité juridique et le principe de la confiance légitime, qui sont garantis au niveau du droit de l’Union. Ces principes ne sont en effet pas applicables, étant donné que le règlement (UE) 2022/1854 prévoit uniquement l’obligation d’introduire un plafond à partir du 1er décembre 2022. En toute hypothèse, l’application temporelle prévue par la loi du 16 décembre 2022 ne saurait avoir affecté les attentes légitimes des producteurs, étant donné qu’ils ne pouvaient eux-mêmes pas s’attendre à ce qu’ils puissent percevoir des bénéfices à ce point élevés. Selon le Conseil des ministres, eu égard à ce qui précède, il n’y a pas lieu de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suggérée par les parties requérantes dans l’affaire n° 8035. À titre infiniment subsidiaire, l’annulation de la loi du 16 décembre 2022 doit, selon le Conseil des ministres, être limitée à l’effet rétroactif, de sorte que le prélèvement reste dû à partir de son entrée en vigueur le 22 décembre 2022.
A.9.3. En réponse à la troisième branche du premier moyen dans l’affaire n° 8034, le Conseil des ministres observe d’abord que le principe de la solidarité énergétique ne peut pas être invoqué contre les dispositions explicites d’un règlement. Ce principe ne peut donc pas avoir pour effet que le règlement (UE) 2022/1854 implique une harmonisation maximale, lorsque ni le texte ni l’économie de ce règlement ne permettent de le déduire. Il ressort en tout cas des travaux préparatoires que la loi du 16 décembre 2022 ménage un équilibre entre les intérêts de l’Union et ceux des différents États membres, de sorte que ce principe n’a pas été violé.
Le montant du plafond
A.10.1. Pour répondre au deuxième moyen dans l’affaire n° 8032, au troisième moyen dans l’affaire n° 8034
et au troisième moyen dans l’affaire n° 8035, le Conseil des ministres fait d’abord référence à ce qui a été exposé en A.7.1. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes dans l’affaire n° 8034, l’article 8 du règlement (UE) 2022/1854 ne s’oppose pas à l’interprétation du mot « maximal », contenu dans l’article 6, paragraphe 1. Selon le Conseil des ministres, l’article 8 précité tend surtout à autoriser les États membres à prendre, outre la diminution éventuelle du plafond, d’autres mesures dans le cadre de la lutte contre les prix élevés de l’électricité, en vue de limiter davantage les recettes issues du marché obtenues par les producteurs d’électricité.
Par ailleurs, le Conseil des ministres souligne que le rapport de la Commission européenne sur l’application du règlement mentionne que le plafond « a eu des effets conséquents principalement dans les États membres qui, conformément à l’article 8, paragraphe 1, a), ont opté pour un plafond inférieur à 180 euros/MWh », ce qui démontre que les États membres ont effectivement la possibilité d’instaurer un plafond inférieur, sur la base de l’article 8, paragraphe 1, a), du règlement (UE) 2022/1854. Il ressort d’ailleurs de ce rapport que dix-sept États membres ont fixé un plafond inférieur. Enfin, la section de législation du Conseil d’État aussi a reconnu cette possibilité dans son avis sur l’avant-projet de loi qui a donné lieu à la loi du 16 décembre 2022. Contrairement à
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ce que soutiennent les parties requérantes dans les affaires nos 8032, 8034 et 8035, ni le texte de l’article 8, paragraphe 1, d), du règlement (UE) 2022/1854 ni la ratio legis du règlement ne permettent de déduire qu’un plafond inférieur ne peut être instauré que pour les recettes issues du marché provenant de la vente d’électricité produite à partir de houille. La mention expresse de la houille dans l’article 8, paragraphe 1, d), du règlement (UE) 2022/1854 s’explique uniquement par le fait que la production d’électricité à partir de houille n’est en principe pas soumise au plafond. La possibilité pour les États membres d’introduire un plafond inférieur, mais non un plafond supérieur, cadre avec l’intention générale du règlement. S’il n’était pas précisé qu’il s’agit d’un « maximum », les États membres pourraient introduire un plafond à ce point élevé qu’aucun plafond sur les recettes issues du marché n’est en réalité applicable, de sorte que l’intention d’introduire un plafond « commun » serait perdue. À supposer que les États membres prévoient un plafond inférieur, ce risque n’existe pas.
Étant donné que le texte et la ratio legis du règlement sont clairs, il n’est pas nécessaire, selon le Conseil des ministres, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne les questions préjudicielles suggérées par les parties requérantes.
A.10.2. Pour répondre à la remarque formulée par les parties requérantes dans les affaires nos 8032, 8034 et 8035 selon laquelle les conditions d’application de l’article 8 du règlement (UE) 2022/1854 ne seraient pas remplies, le Conseil des ministres renvoie tout d’abord aux travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022.
Il ressort de ces travaux préparatoires que la fixation du plafond à 130 euros/MWh tient compte, d’une part, du prix de l’électricité qui était en vigueur avant la crise de la COVID-19 et la crise énergétique, à savoir 80 euros/MWh et, d’autre part, d’une marge de 50 euros/MWh pour couvrir les risques commerciaux et les pertes accumulées des producteurs. Selon le Conseil des ministres, cette justification suffit et, contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, ni l’article 8 précité ni le considérant 40 du règlement n’exigent que les travaux préparatoires démontrent les circonstances spécifiques à la situation belge qui pourraient justifier l’instauration d’un plafond de 130 euros/MWh. Le Conseil des ministres observe ensuite que la loi du 16 décembre 2022 remplit les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, du règlement (UE) 2022/1854. Selon le Conseil des ministres, le plafond de 130 euros/MWh est proportionné et non discriminatoire. L’année 2019 est l’année la plus proche qui a précédé la crise de la COVID-19 et la crise énergétique, ce qui permet d’éviter une sous-estimation des recettes escomptées. Contrairement à ce qu’affirment les parties requérantes, le règlement (UE) 2022/1854 ne permet pas de déduire que le plafond de 180 euros/MWh qu’il prévoit a été fixé sur la base des prix qui s’appliquaient juste avant que la guerre éclate en Ukraine. Mais, même si tel était le cas, le Conseil des ministres n’aperçoit pas encore en quoi le fait que le législateur belge ait choisi un autre point de référence serait arbitraire, dès lors que ni le règlement ni le principe de proportionnalité ne s’y opposent. À la critique formulée par les parties requérantes dans les affaires nos 8032, 8034 et 8035 concernant la marge de 50 euros/MWh que le législateur a appliquée pour arriver au plafond de 130 euros/MWh, le Conseil des ministres répond en se référant à ce qui a été exposé en A.7.1.
Par ailleurs, le plafond de 130 euros/MWh ne compromet pas les signaux d’investissement et couvre les coûts d’investissements et d’exploitation, compte tenu de la marge de 50 euros/MWh mentionnée plus haut. Le Conseil des ministres conteste en outre l’affirmation selon laquelle le plafond fausserait le marché de gros de l’électricité.
Il répète à cet égard que le règlement (UE) 2022/1854 permet expressément aux États membres d’instaurer un plafond inférieur, ainsi que l’ont fait par ailleurs dix-sept d’entre eux en tout. Enfin, selon le Conseil des ministres, le plafond de 130 euros/MWh est compatible avec le droit de l’Union.
A.10.3. Pour répondre à l’allégation de violation, par le plafond, du droit de propriété, formulée dans le deuxième moyen dans l’affaire n° 8032, le Conseil des ministres fait référence à ce qui a été exposé en A.7.4. En ce qui concerne le rapport entre le plafond et la contribution de répartition et la redevance annuelle qui doivent être payées par les exploitants des centrales nucléaires, le Conseil des ministres renvoie à l’article 22quater, §§ 5
et 6, de la loi du 29 avril 1999, introduit par l’article 6 de la loi du 16 décembre 2022, qui contient un mécanisme correcteur à cet égard. Les recettes issues du marché qui sont inférieures au plafond sont soumises au paiement de la contribution de répartition ou de la redevance annuelle, comme c’était le cas auparavant. Les recettes issues du marché qui excèdent le plafond sont soumises au prélèvement de 100 %, tout comme pour les autres producteurs.
En ce que les parties requérantes critiqueraient le taux de 100 %, le Conseil des ministres souligne que cela découle directement de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854, de sorte que leur critique n’est pas recevable.
A.10.4. Pour répondre à l’allégation de violation, par le plafond, de la liberté d’entreprendre, dénoncée dans le deuxième moyen dans l’affaire n° 8032, le Conseil des ministres fait référence à ce qui a été exposé en A.7.4.
En ce que, pour appuyer leur critique, les parties requérantes dans l’affaire n° 8032 renvoient à l’impact sur les finances de la première partie requérante dans cette affaire, le Conseil des ministres rappelle que, dans le cadre de la formulation d’une norme abstraite qui s’applique à un nombre indéterminé de cas, le législateur ne doit pas tenir compte de la situation spécifique d’un producteur.
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A.10.5. Étant donné qu’il découle de ce qui précède que la critique dirigée contre le plafond prévu par la loi du 16 décembre 2022 est manifestement non fondée, il n’y a pas lieu, selon le Conseil des ministres, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
La compatibilité du prélèvement attaqué avec le droit de propriété
A.11. En réponse au sixième moyen dans l’affaire n° 8035, le Conseil des ministres renvoie d’abord à sa réfutation des critiques formulées contre les différents aspects du prélèvement attaqué, comme il a été exposé en A.8, en A.9 et en A.10. En ce que la partie requérante dans l’affaire n° 8035 dirige sa critique contre la marge de 50 euros/MWh que le législateur a appliquée pour atteindre le plafond de 130 euros/MWh, le Conseil des ministres répond en se référant à ce qui a été exposé en A.7.1. En ce qui concerne spécifiquement le taux du prélèvement, le Conseil des ministres observe encore que la loi du 16 décembre 2022 ne prélève pas un impôt sur les bénéfices des producteurs d’électricité par MWh produit, mais uniquement sur les « surprofits », soit la différence positive entre les recettes issues du marché obtenues par les producteurs et le plafond de 130 euros/MWh. En ce que la partie requérante dans l’affaire n° 8035, par sa critique selon laquelle elle aussi est déjà soumise à d’autres prélèvements, fait référence à la contribution de répartition dans le cadre de l’exploitation de centrales nucléaires, le Conseil des ministres observe que la contribution de répartition n’est pas un impôt, mais une contribution qui vise à couvrir les coûts importants liés à la fission de combustibles nucléaires et au démantèlement des centrales nucléaires. La référence à l’impôt des sociétés n’est pas non plus pertinente, étant donné que, contrairement au prélèvement attaqué, l’impôt des sociétés n’est pas une taxe temporaire et qu’il est dû sur les bénéfices bruts d’une entreprise. Enfin, le Conseil des ministres conteste le montant de la perte d’exploitation que la partie requérante dans l’affaire n° 8035 estime avoir subie.
Le champ d’application de la loi du 16 décembre 2022
A.12.1. En réponse à la première branche du premier moyen dans l’affaire n° 8033, le Conseil des ministres observe d’abord que le champ d’application personnel de la loi du 16 décembre 2022 a été reproduit textuellement de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854, de sorte que, par le moyen, la Cour est invitée à procéder au contrôle d’une disposition d’un règlement du droit de l’Union, pour lequel elle n’est pas compétente.
Le premier moyen, en sa première branche, est dès lors irrecevable. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes dans l’affaire n° 8033, le texte de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 est clair, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle à ce sujet.
En tout cas, la première branche du premier moyen dans l’affaire n° 8033 n’est pas fondée, selon le Conseil des ministres. Selon lui, il ressort tant du règlement (UE) 2022/1854 que de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 « relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (refonte) » (ci-après : la directive (UE) 2018/2001) que le biométhane doit être traité de la même manière que le gaz naturel, mais pas de la même manière que le biogaz. Étant donné que le biométhane et le biogaz diffèrent conceptuellement l’un de l’autre, il ne s’agit pas d’une différence de traitement entre des catégories de producteurs comparables. L’exclusion du biométhane du champ d’application du règlement (UE) 2022/1854 repose à tout le moins sur un critère de distinction raisonnablement justifié, à savoir les conditionnements différents de ces technologies. À la lumière de l’objectif de la loi du 16 décembre 2022, qui consiste à imposer les surprofits obtenus à partir des technologies « inframarginales », et compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur en matière fiscale et de la possibilité pour lui de travailler avec des catégories approximatives, il est raisonnablement justifié que cette loi ne s’applique pas au gaz naturel ni au biométhane, qui, en raison de leurs caractéristiques techniques, sont en effet des technologies « marginales ». En ce que, par la référence, dans leur mémoire en réponse, au Plan de la Région wallonne « Air Climat Énergie 2030 », les parties requérantes dans l’affaire n° 8033 soutiendraient que la loi du 16 décembre 2022 porte atteinte aux compétences de la Région wallonne, le Conseil des ministres souligne qu’une partie requérante n’est pas autorisée à modifier, dans un mémoire en réponse, la portée d’un moyen.
A.12.2. En réponse à la seconde branche du premier moyen dans l’affaire n° 8033, le Conseil des ministres observe que les parties requérantes ne démontrent pas en quoi la différence de traitement ne reposerait pas sur un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Pour le surplus, le Conseil des ministres fait référence au large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur en matière fiscale et à la possibilité pour lui de travailler avec des catégories approximatives.
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A.12.3. Étant donné que l’article 7, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 est le résultat d’une mise en balance des intérêts réfléchie et légitime opérée par le législateur européen, il n’y a pas lieu, selon le Conseil des ministres, de suivre la suggestion des parties requérantes de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle sur l’interprétation de cette disposition.
A.12.4. En réponse au deuxième moyen dans l’affaire n° 8033, le Conseil des ministres observe que le législateur européen a clairement visé l’électricité qui est produite à partir de combustibles de biomasse, y compris à partir de combustibles gazeux. Étant donné que les parties requérantes produisent de l’électricité à partir du biogaz et que la directive (UE) 2018/2001 définit le « biogaz » comme « les combustibles ou carburants gazeux produits à partir de la biomasse », les parties requérantes relèvent du champ d’application de la loi du 16 décembre 2022.
A.12.5. Au troisième moyen dans l’affaire n° 8033, le Conseil des ministres répond d’abord que l’article 7, paragraphe 3, du règlement (UE) 2022/1854 permet expressément aux États membres, en particulier lorsque l’application du plafond entraîne des charges administratives importantes, de ne pas appliquer le plafond aux producteurs qui produisent de l’électricité avec des installations de production disposant d’une puissance installée jusqu’à 1 MW. Selon le Conseil des ministres, en ce qu’elles critiquent le fait que la loi du 16 décembre 2022 ne prévoit pas de progressivité du prélèvement, ni de dérogation ou d’exception pour certains types d’installations, les parties requérantes formulent une simple critique d’opportunité.
La demande, formulée à titre subsidiaire, de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne
A.13. À titre subsidiaire, à supposer que la Cour juge que l’interprétation du règlement (UE) 2022/1854
suscite des doutes, le Conseil des ministres, dans son mémoire en réplique, demande à la Cour de poser quatre questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne. Les première et deuxième questions préjudicielles portent sur le recours à des présomptions dans le cadre du calcul du prélèvement et sur le fait de savoir si le contribuable doit pouvoir renverser ces présomptions. La troisième question préjudicielle vise à savoir si les États membres peuvent introduire un plafond de 130 euros/MWh sur les recettes issues du marché et la quatrième question préjudicielle vise à savoir si les États membres peuvent appliquer le plafond sur les recettes issues du marché avant le 1er décembre 2022, date de l’entrée en vigueur des articles 6, 7 et 8 du règlement (UE) 2022/1854, qui concernent le plafond sur les recettes issues du marché.
Position du Conseil des ministres dans l’affaire n° 8037
A.14.1. Selon le Conseil des ministres, la Cour n’est pas compétente pour connaître du premier moyen dans l’affaire n° 8037. Dans la mesure où la partie requérante soutient que la loi du 16 décembre 2022 ne tient pas compte du fait que, dans ses contrats, elle s’est protégée contre les variations de prix et n’a dès lors tiré aucun avantage des pics des prix de l’électricité, sa critique porte sur l’application de la loi du 16 décembre 2022, pour laquelle la Cour n’est pas compétente. En outre, le moyen est irrecevable à défaut d’exposé en ce qu’il dénonce la violation de l’article 288 du TFUE et des principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union. Quant au fond, le Conseil des ministres répond en se référant à ce qui a été exposé en A.8.2. Puisque l’article 22ter, § 5, alinéa 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999 dispose que, lorsque la production d’électricité est couverte par un contrat d’achat d’électricité, les recettes issues du marché sont calculées conformément aux termes du contrat, si le contrat d’achat d’électricité prévoit un prix fixe, il sera tenu compte de ce prix fixe.
A.14.2. Puisque le second moyen dans l’affaire n° 8037, tout comme le premier moyen dans cette affaire, procède de la prémisse selon laquelle la partie requérante est imposée sur la base de recettes inexistantes et présumées de manière irréfragable, le Conseil des ministres estime que le moyen n’est pas fondé, pour les motifs qui ont été exposés en A.14.1. Selon le Conseil des ministres, la circonstance que la partie requérante dans l’affaire n° 8037 se réfère à la correspondance électronique qu’elle aurait échangée avec la CREG en ce qui concerne sa déclaration pour la première période de prélèvement ne convainc pas. Non seulement, il n’appartient pas à la CREG d’interpréter les dispositions attaquées, mais en outre, la CREG a entre-temps adopté le point de vue du Conseil des ministres selon lequel il sera tenu compte des dispositions contractuelles applicables pour calculer le prélèvement.
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Quant au maintien des effets
A.15. À titre subsidiaire, le Conseil des ministres demande à la Cour de maintenir définitivement les effets des dispositions attaquées pour le passé. Selon le Conseil des ministres, une annulation non modulée entraînerait des difficultés budgétaires et administratives importantes, puisqu’elle aurait pour effet que les prélèvements déjà payés pourraient être récupérés. Les recettes issues de ces prélèvements ont toutefois déjà été utilisées dans le cadre du financement de plusieurs mesures pour limiter les effets des coûts des prix de l’énergie élevés pour les clients finals. Une annulation non modulée exposerait l’État belge à une diminution des recettes fiscales d’un montant d’environ un milliard d’euros. En outre, la loi du 16 décembre 2022 donne exécution à une obligation du droit de l’Union qui trouve son fondement dans un règlement. Une annulation avec effet rétroactif aurait pour effet qu’un plafond sur les recettes issues du marché ne s’appliquerait plus en Belgique, de sorte qu’il serait porté atteinte aux objectifs du règlement (UE) 2022/1854 et qu’il naîtrait un « vide juridique » qui serait plus préjudiciable pour le droit de l’Union. À titre subsidiaire, le Conseil des ministres demande à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir si le droit de l’Union s’oppose à un maintien des effets de la loi du 16 décembre 2022.
A.16.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8032 s’opposent à un maintien des effets. Selon elles, il ne peut pas être utilement soutenu qu’une annulation non modulée causerait de graves difficultés budgétaires. Non seulement les recettes du prélèvement attaqué sont actuellement estimées à moins de 200 millions d’euros, mais en outre, les parties requérantes ne demandent pas l’annulation de la loi du 16 décembre 2022 dans son intégralité, mais uniquement de ses aspects spécifiques. En outre, elles soulignent que la primauté du droit de l’Union s’oppose au maintien des effets d’une norme nationale qui est contraire à une norme du droit de l’Union.
A.16.2. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8033 s’opposent également à un maintien des effets. Selon elles, un maintien des effets priverait l’arrêt d’annulation à prononcer de tout effet utile, étant donné que le prélèvement ne sera plus applicable au moment où la Cour rendra sa décision.
A.16.3. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8034 soulignent que les effets d’une disposition nationale qui est contraire à une norme du droit de l’Union ne peuvent être maintenus que lorsque la Cour de justice de l’Union européenne l’autorise. Un tel arrêt n’existe pas. Elles soulignent en outre que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, les motifs budgétaires et administratifs ne sauraient suffire pour maintenir les effets d’une disposition qui est contraire à une norme du droit de l’Union. En outre, selon les parties requérantes, le Conseil des ministres ne démontre pas qu’une annulation non modulée de la loi du 16 décembre 2022 causerait de graves difficultés budgétaires. En outre, l’État belge savait qu’en adoptant le plafond attaqué, il dérogeait au plafond européen, de sorte qu’il doit également assumer les conséquences de son choix. Enfin, elles contestent l’allégation selon laquelle une annulation non modulée de la loi du 16 décembre 2022 donnerait lieu à un « vide juridique » plus préjudiciable pour le droit de l’Union.
A.16.4. Selon la partie requérante dans l’affaire n° 8035, il découle de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que les effets d’une disposition nationale qui est contraire au droit de l’Union ne peuvent pas être maintenus sur la base de motifs budgétaires. À titre subsidiaire, la partie requérante demande à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle sur la possibilité, pour la Cour, dans le cas où elle annulerait la loi du 16 décembre 2022, d’en maintenir les effets.
A.16.5. Selon la partie requérante dans l’affaire n° 8037, la demande de maintien des effets ne saurait être fondée sur des motifs budgétaires, dès lors que les griefs qu’elle invoque ne portent pas sur le prélèvement proprement dit, mais uniquement sur le recours à des présomptions dans le cadre de la détermination du fondement de ce prélèvement.
20
-B-
Quant à la loi du 16 décembre 2022 et à son contexte
B.1.1. Les parties requérantes demandent l’annulation totale ou partielle de la loi du 16 décembre 2022 « modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et introduisant un plafond sur les recettes issues du marché des producteurs d’électricité » (ci-après : la loi du 16 décembre 2022).
B.1.2. La loi du 16 décembre 2022 vise à répondre à « [la] crise actuelle de l’énergie, qui a débuté en 2021 dans la période post-COVID-19 et s’[est] intensifiée avec l’agression armée de l’Ukraine par la Russie au début 2022 » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-
3042/001, p. 4). Cette crise « a entraîné une baisse sensible et une perturbation importante des approvisionnements en gaz et a fait grimper les prix du gaz », de sorte que « le prix de l’électricité a également augmenté substantiellement », jusqu’à un niveau « treize fois plus élevé que le niveau de prix observé avant la crise du COVID-19 » (ibid.).
Cette crise « frappe durement les ménages et les entreprises établis en Belgique », tandis qu’« [il] ressort des études [...] de la [Commission de régulation de l’électricité et du gaz] que certains producteurs d’électricité sont les principaux bénéficiaires de recettes excédentaires en raison de la hausse des prix sur les marchés » (ibid., p. 5). Il s’agit, selon le législateur, d’une conséquence de la structure du marché de l’électricité ainsi que du mécanisme de formation des prix qui en découle, qui ont pour effet que les prix du marché de l’électricité sont fixés par le niveau des coûts marginaux de la dernière centrale sollicitée (« pay as clear »), ce qui, en d’autres termes, veut dire qu’ « à chaque instant, l’unité marginale la plus chère fixe le prix du marché » (ibid.). Il en résulte que « certains producteurs d’électricité à partir de technologies dites ‘ inframarginales ’, eu égard à la place occupée par leurs installations dans ‘ l’ordre de mérite ’ (à savoir, le classement des installations de production en fonction de leurs coûts marginaux respectifs), réalisent d’importantes recettes excédentaires, c’est-à-dire des recettes qui excèdent largement les recettes qui pouvaient être raisonnablement attendues lors de la prise de décision relative aux investissements relatifs à ces installations » (ibid.).
21
La loi du 16 décembre 2022 vise dès lors à « taxer les surprofits des producteurs qui ne subissent pas une augmentation de leurs coûts variables de production », dans un but de « redistribution de ces surprofits, en tout ou en partie, aux consommateurs finals » (ibid.).
B.1.3. Par l’instauration d’un plafond sur les recettes issues du marché des producteurs d’électricité, la loi du 16 décembre 2022 tend, selon son article 2, à la mise en œuvre partielle du règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 « sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie » (ci-après : le règlement (UE) 2022/1854). Ce règlement vise à apporter une réponse rapide et coordonnée à la forte hausse des prix de l’énergie et à l’inflation générale dans la zone euro qui résultent de l’escalade de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine (considérants 1, 4, 5 et 6 du règlement). À
cette fin, les articles 6 à 11 du règlement prévoient un cadre commun pour l’instauration d’un plafond sur les recettes issues du marché des producteurs d’électricité et pour la répartition des recettes excédentaires entre les consommateurs finals. Selon l’exposé des motifs de la proposition qui est à l’origine du règlement (UE) 2022/1854, ce règlement vise à « récupérer les recettes excédentaires auprès des producteurs dont les coûts marginaux sont les moins élevés, tels que ceux recourant aux énergies renouvelables, au nucléaire ou au lignite (‘ technologies inframarginales ’), par l’application d’un plafond ex post sur les recettes par MWh d’électricité produite. [...] [La mesure] reproduit les résultats du marché qui pourraient être attendus pour ces technologies si les chaînes d’approvisionnement mondiales fonctionnaient normalement et si l’énergie n’était pas instrumentalisée par le biais de ruptures d’approvisionnement en gaz » (COM(2022) 473 final, pp. 6 et 7).
Les articles 2, points 5) et 9), 6, 7, 8 et 10 du règlement (UE) 2022/1854 disposent :
« Article 2
Définitions
[...]
5) ‘ recettes issues du marché ’ : les revenus réalisés qu’un producteur perçoit en échange de la vente et de la fourniture d’électricité dans l’Union, quelle que soit la forme contractuelle sous laquelle cet échange a lieu, y compris les contrats d’achat d’électricité et d’autres opérations de couverture contre les fluctuations du marché de gros de l’électricité, à l’exclusion de toute aide accordée par les États membres;
22
[...]
9) ‘ recettes excédentaires ’ : une différence positive entre les recettes que les producteurs tirent du marché par MWh d’électricité et le plafond sur les recettes issues du marché de 180 EUR par MWh d’électricité prévu à l’article 6, paragraphe 1 ».
« Article 6
Plafond obligatoire sur les recettes issues du marché
1. Les recettes issues du marché obtenues par les producteurs d’électricité à partir des sources visées à l’article 7, paragraphe 1, sont plafonnées à un maximum de 180 EUR par MWh d’électricité produite.
2. Les États membres veillent à ce que le plafond sur les recettes issues du marché s’applique à toutes les recettes issues du marché obtenues par les producteurs et, le cas échéant, par les intermédiaires participant aux marchés de gros de l’électricité au nom des producteurs, indépendamment de l’échéance de la transaction et du fait que l’électricité soit échangée dans un cadre bilatéral ou sur un marché centralisé.
3. Les États membres mettent en place des mesures efficaces pour empêcher tout contournement des obligations incombant aux producteurs en vertu du paragraphe 2. Ils veillent notamment à ce que le plafond sur les recettes issues du marché soit appliqué de manière effective lorsque les producteurs sont contrôlés, ou partiellement détenus, par d’autres entreprises, en particulier lorsqu’ils font partie d’une entreprise verticalement intégrée.
4. Les États membres décident d’appliquer le plafond sur les recettes issues du marché lors du règlement de l’échange d’énergie ou par la suite.
5. La Commission fournit des orientations aux États membres pour la mise en œuvre du présent article ».
« Article 7
Application du plafond sur les recettes issues du marché aux producteurs d’électricité
1. Le plafond sur les recettes issues du marché prévu à l’article 6 s’applique aux recettes issues du marché provenant de la vente d’électricité produite à partir des sources suivantes :
a) énergie éolienne;
b) énergie solaire (solaire thermique et solaire photovoltaïque);
c) énergie géothermique;
d) hydroélectricité sans réservoir;
e) combustibles issus de la biomasse (combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse), à l’exclusion du biométhane;
f) déchets;
g) énergie nucléaire;
h) lignite;
23
i) produits à base de pétrole brut;
j) tourbe.
2. Le plafond sur les recettes issues du marché prévu à l’article 6, paragraphe 1, ne s’applique pas aux projets de démonstration ni aux producteurs dont les recettes par MWh d’électricité produite sont déjà plafonnées à la suite de mesures étatiques ou publiques non adoptées en vertu de l’article 8.
3. Les États membres peuvent, en particulier dans les cas où l’application du plafond sur les recettes issues du marché prévu à l’article 6, paragraphe 1, entraîne une charge administrative importante, décider que le plafond en question ne s’applique pas aux producteurs produisant de l’électricité au moyen d’installations de production d’électricité d’une puissance installée maximale de 1 MW. [...]
[...]
5. Les États membres peuvent décider que le plafond sur les recettes issues du marché ne s’applique qu’à 90 % des recettes issues du marché dépassant le plafond sur les recettes issues du marché prévu à l’article 6, paragraphe 1.
6. Les producteurs, les intermédiaires et les acteurs du marché concernés, ainsi que les gestionnaires de réseau le cas échéant, fournissent aux autorités compétentes des États membres et, le cas échéant, aux gestionnaires de réseau et aux opérateurs désignés du marché de l’électricité, toutes les données nécessaires à l’application de l’article 6, y compris en ce qui concerne l’électricité produite et les recettes issues du marché qui y sont liées, indépendamment de l’échéance de la transaction et du fait que l’électricité soit échangée dans un cadre bilatéral, au sein de la même entreprise ou sur un marché centralisé ».
« Article 8
Mesures nationales en cas de crise
1. Les États membres peuvent :
a) maintenir ou introduire des mesures qui limitent davantage les recettes issues du marché obtenues par les producteurs générant de l’électricité à partir des sources énuméré[e]s à l’article 7, paragraphe 1, y compris la possibilité d’effectuer une distinction entre les technologies, ainsi que les recettes issues du marché perçues par d’autres acteurs du marché, y compris ceux qui négocient les échanges d’électricité;
b) fixer un plafond sur les recettes issues du marché plus élevé pour les producteurs générant de l’électricité à partir des sources énumérées à l’article 7, paragraphe 1, à condition que leurs coûts d’investissements et d’exploitation dépassent le maximum fixé à l’article 6, paragraphe 1;
c) maintenir ou introduire des mesures nationales visant à limiter les recettes issues du marché perçues par les producteurs générant de l’électricité à partir de sources ne figurant pas à l’article 7, paragraphe 1;
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d) fixer un plafond spécifique pour les recettes issues du marché provenant de la vente d’électricité produite à partir de houille;
[...]
2. Les mesures visées au paragraphe 1, conformément au présent règlement :
a) sont proportionnées et non discriminatoires;
b) ne compromettent pas les signaux d’investissement;
c) font en sorte que les coûts d’investissements et de fonctionnement soient couverts;
d) ne faussent pas le fonctionnement des marchés de gros de l’électricité et, en particulier, n’affectent pas l’ordre de préséance économique ni la formation des prix sur le marché de gros;
e) sont compatibles avec le droit de l’Union ».
« Article 10
Répartition des recettes excédentaires
1. Les États membres veillent à ce que toutes les recettes excédentaires résultant de l’application du plafond sur les recettes issues du marché soient utilisées pour financer des mesures de soutien aux clients finals d’électricité qui atténuent l’incidence des prix élevés de l’électricité sur ces clients, d’une manière ciblée.
[...]
4. Les mesures visées au paragraphe 1 peuvent par exemple comprendre :
a) l’octroi d’une compensation financière aux clients finals d’électricité pour la réduction de leur consommation d’électricité, y compris au moyen de systèmes d’enchères ou d’appels d’offres visant à réduire la demande;
b) des transferts directs aux clients finals d’électricité, y compris par des réductions proportionnelles des tarifs d’accès au réseau;
c) l’indemnisation des fournisseurs qui doivent livrer de l’électricité à des clients à un prix inférieur aux coûts à la suite d’une intervention publique ou de l’État dans la fixation des prix conformément à l’article 13;
d) la réduction des coûts d’achat d’électricité des clients finals d’électricité, y compris pour un volume limité d’électricité consommée;
e) la promotion des investissements des clients finals d’électricité dans les technologies de décarbonation, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ».
25
Le règlement (UE) 2022/1854 est entré en vigueur le 8 octobre 2022 (article 22, paragraphe 1) et ses articles 6, 7 et 8 s’appliquent du 1er décembre 2022 au 30 juin 2023
(article 22, paragraphe 2, c)).
B.1.4.1. En exécution du règlement (UE) 2022/1854, l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 insère, dans la loi du 29 avril 1999 « relative à l’organisation du marché de l’électricité »
(ci-après : la loi du 29 avril 1999), un article 22ter qui prévoit un plafonnement des recettes issues du marché des producteurs d’électricité, par le biais d’un prélèvement au profit de l’État sur les recettes excédentaires réalisées entre le 1er août 2022 et le 30 juin 2023 (article 22ter, § 1er, de la loi du 29 avril 1999). Ce plafond est de 130 euros/MWh (article 22ter, § 4, alinéa 1er). Par dérogation à ce qui précède, le plafond est fixé à 180 euros/MWh pour les installations qui produisent de l’électricité à partir de combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse (article 22ter, § 4, alinéa 3). Un plafond de 180 euros/MWh s’applique également aux incinérateurs de déchets municipaux (article 22ter, § 4, alinéa 4). Lorsque l’électricité vendue a été produite au moyen d’une installation de production d’électricité bénéficiant d’une aide à la production qui varie en fonction de l’évolution du prix du marché de l’électricité, le plafond est fixé à 130 euros par MWh d’électricité ou au niveau du « levelized cost of energy »
(LCOE) majoré de 50 euros par MWh d’électricité si ce résultat dépasse 130 euros/MWh, sans toutefois pouvoir dépasser 180 euros par MWh d’électricité (article 22ter, § 4, alinéa 2).
Le prélèvement est égal à 100 % des « recettes excédentaires », c’est-à-dire de « la différence positive entre les recettes issues du marché et le plafond sur les recettes issues du marché tel que fixé conformément au paragraphe 4, calculées pour chaque transaction de vente d’électricité en MWh livrés au cours de la période visée au paragraphe 1er, et par installation de production d’électricité située en Belgique relevant d’une des technologies énumérées à l’article 7.1 du règlement (UE) 2022/1854, d’une puissance installée minimale de 1 MW »
(article 22ter, § 3, alinéas 1er et 2).
B.1.4.2. L’article 22ter, § 2, de la loi du 29 avril 1999 détermine qui est soumis au prélèvement :
« Le prélèvement est dû par :
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1° toute personne physique ou morale ayant, pendant la période visée au paragraphe 1er, injecté de l’électricité sur le réseau de transport, un réseau ayant une fonction de transport, un réseau (fermé) de distribution, un réseau fermé industriel, un réseau de traction ferroviaire ou une ligne directe, au moyen d’une installation de production d’électricité située en Belgique relevant d’une des technologies énumérées à l’article 7.1 du règlement (UE) 2022/1854, d’une puissance installée minimale de 1 MW;
2° tout exploitant nucléaire au sens de l’article 2, 5°, de la loi du 11 avril 2003 sur la contribution de répartition;
3° toute société contributive au sens de l’article 2, 11°, de la loi du 11 avril 2003 sur la contribution de répartition;
4° tout propriétaire de la centrale nucléaire visée à l’article 4/1 de la loi du 31 janvier 2003
sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité.
Par dérogation à l’alinéa 1er, le prélèvement n’est pas dû par les communautés énergétiques citoyennes et les communautés d’énergie renouvelable, ou les communautés équivalentes visées par les législations régionales, à condition que les recettes excédentaires soient directement transférées aux consommateurs qui sont membres de ces communautés ».
B.1.4.3. L’article 22ter, § 5, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999 reprend, pour expliciter la notion de « recettes issues du marché », la définition contenue dans l’article 2, point 5), du règlement (UE) 2022/1854, mentionnée en B.1.3.
Pour la détermination des recettes issues du marché, l’article 22ter, § 5, alinéa 2, 1° à 5°, contient un certain nombre de présomptions :
« 1° pour les centrales nucléaires visées par la loi du 11 avril 2003 sur la contribution de répartition, les recettes issues du marché sont calculées par installation conformément à la section 3 de l’annexe à la loi du 11 avril 2003 sur la contribution de répartition, telle que modifiée par la loi du 25 décembre 2016 portant modifications de la loi du 11 avril 2003 sur les provisions constituées pour le démantèlement des centrales nucléaires et pour la gestion des matières fissiles irradiées dans ces centrales et de la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité, étant entendu que :
a) le volume d’électricité vendu à terme est considéré avoir fait l’objet d’une transaction par jour où une cotation journalière d’un produit baseload calendrier a été publiée par la plateforme d’échange de blocs d’énergie visée dans la section 3 précitée;
b) le volume d’électricité vendu sur le marché à un jour est considéré avoir fait l’objet d’une transaction pour chaque période de livraison d’une heure pour le volume horaire concerné;
2° pour la centrale nucléaire visée par l’article 4/1 de la loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité, les recettes
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issues du marché sont calculées conformément à l’article 4/1, § 2, alinéa 3, de la loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité, étant entendu que:
a) le volume d’électricité vendu à terme est considéré avoir fait l’objet d’une transaction lors du premier jour ouvrable de chaque mois où une cotation journalière d’un produit baseload calendrier a été publiée par la plateforme d’échange de blocs d’énergie considérée dans le cadre de l’application de l’article 4/1 précité;
b) le volume d’électricité vendu sur le marché à un jour est considéré avoir fait l’objet d’une transaction pour chaque période de livraison d’une heure pour le volume horaire concerné;
3° pour les installations de production non visées aux 1° et 2° et dont la production est couverte par un contrat d’achat d’électricité, les recettes issues du marché sont calculées conformément aux termes de ce contrat, pour autant que les conditions commerciales du contrat correspondent aux conditions raisonnables du marché, étant entendu que :
a) le volume d’électricité vendu à terme est considéré avoir fait l’objet d’une transaction par jour pris en compte par le contrat susvisé pour déterminer le prix;
b) le volume d’électricité vendu sur le marché à un jour est considéré avoir fait l’objet d’une transaction pour chaque période de livraison d’une heure pour le volume horaire concerné;
4° pour les installations de production non visées aux 1°, 2° et 3° qui ne bénéficient pas d’un mécanisme d’aide à la production, ou qui bénéficient d’un mécanisme d’aide à la production dont le montant ne dépend pas de l’évolution du prix de l’électricité, ou qui bénéficient d’un mécanisme d’aide à la production dont le montant dépend de l’évolution du prix de l’électricité sur une période de trois ans, les recettes issues du marché sont calculées en considérant que :
a) la production annuelle moyenne attendue à la vente en année-1 est considérée comme vendue à terme sur la base d’un produit baseload annuel selon la stratégie de vente d’un tiers en année-3 (CAL+3), un tiers en année-2 (CAL+2) et un tiers en année-1 (CAL+1) aux prix publiés par une plateforme d’échange de blocs d’énergie opérant en Belgique. Cette production annuelle moyenne attendue à la vente en année-1 est considérée correspondre à la production annuelle de 2019 pour les installations de production d’électricité relevant des technologies énumérées à l’article 7.1, a), b), d), e), et f), du règlement (UE) 2022/1854. Si l’installation de production d’électricité n’était pas opérationnelle en 2019, cette production attendue en année-
1 est communiquée par le débiteur. Pour les autres installations de production d’électricité, cette production annuelle moyenne attendue à la vente en année-1 est considérée correspondre à 85 %
de la puissance maximale de l’installation de production d’électricité;
b) la différence positive entre le volume d’électricité produit et vendu par quart d’heure et le volume d’électricité visé au a) est considérée comme vendue au prix de référence du marché sur une base horaire;
28
c) le volume d’électricité vendu à terme est considéré avoir fait l’objet d’une transaction par jour où une cotation journalière d’un produit baseload calendrier a été publiée par une plateforme d’échange de blocs d’énergie opérant en Belgique;
d) le volume d’électricité vendu sur le marché à un jour est considéré avoir fait l’objet d’une transaction pour chaque période de livraison d’une heure;
5° pour les installations de production non visées aux 1°, 2°, 3° et 4°, les recettes issues du marché sont calculées en considérant que :
a) la production annuelle moyenne attendue à la vente en année-1 est considérée comme vendue à terme sur la base d’un produit baseload annuel en année-1 (CAL+1) aux prix publiés par une plateforme d’échange de blocs d’énergie opérant en Belgique. Cette production annuelle moyenne attendue à la vente en année-1 est considérée correspondre à la production annuelle de 2019 pour les installations de production d’électricité relevant des technologies énumérées à l’article 7.1, a), b), d), e), et f), du règlement (UE) 2022/1854. Si l’installation de production d’électricité n’était pas opérationnelle en 2019, cette production attendue en année-
1 est communiquée par le débiteur. Pour les autres installations de production d’électricité, cette production annuelle moyenne attendue à la vente en année-1 est considérée correspondre à 85 %
de la puissance maximale de l’installation de production d’électricité;
b) la différence positive entre le volume d’électricité produit et vendu par quart d’heure et le volume d’électricité visé au a) est considérée comme vendue au prix de référence du marché sur une base horaire;
c) le volume d’électricité vendu à terme est considéré avoir fait l’objet d’une transaction par jour où une cotation journalière d’un produit baseload calendrier a été publiée par une plateforme d’échange de blocs d’énergie opérant en Belgique, sur une période d’un an ou, lorsqu’un mécanisme de soutien de l’installation de production est fondé sur l’évolution du prix de l’électricité sur une période six mois, sur une période de six mois;
d) le volume d’électricité vendu sur le marché à un jour est considéré avoir fait l’objet d’une transaction pour chaque période de livraison d’une heure ».
L’article 22ter, § 5, alinéa 2, 6°, de la loi du 29 avril 1999 détermine les présomptions pouvant être renversées ainsi que la façon dont il doit être procédé pour ce faire :
« 6° pour les installations de production d’électricité visées aux 3°, 4° et 5°, le débiteur visé au paragraphe 2 peut apporter la preuve que les recettes issues du marché diffèrent de celles reprises aux 3°, 4° et 5°, à condition que le débiteur apporte cette preuve pour l’ensemble de son parc de production, et étant entendu que :
a) les ventes et les achats d’électricité intervenant au sein d’une entreprise verticalement intégrée ou entre entreprises dont l’une est contrôlée ou partiellement détenue directement ou indirectement par l’autre, sont réputées avoir été conclues pour l’application du présent article sur la base d’un prix cohérent avec le prix du marché du jour de la transaction pour la période
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de livraison concernée par la transaction, tel que publié par une plateforme d’échange de blocs d’énergie opérant en Belgique;
b) tout volume d’électricité produit et vendu, mais non vendu à terme est réputé vendu au prix de référence du marché;
c) chaque vente d’électricité à terme constitue une transaction définie par sa date de transaction, son prix et son volume;
d) le volume d’électricité vendu sur le marché à un jour est considéré avoir fait l’objet d’une transaction pour chaque période de livraison d’une heure ».
En vertu de l’article 22ter, § 5, alinéa 3, de la loi du 29 avril 1999, les recettes excédentaires sont, sauf pour la présomption visée au 3°, réduites des coûts liés à l’achat de volumes d’électricité en vue de livrer des volumes d’électricité vendus et non produits au cours de la période visée au paragraphe 1er lorsque la production effective est inférieure à la production vendue à terme, à hauteur de l’écart positif entre le prix de référence du marché et le plafond sur les recettes excédentaires visé au paragraphe 4.
B.1.4.4. L’article 22ter, § 6, de la loi du 29 avril 1999 dispose que la déclaration doit être introduite auprès de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (ci-après : la CREG).
Pour la période du 1er août 2022 au 31 décembre 2022, la déclaration devait avoir été déposée le 30 avril 2023 au plus tard, et, pour la période du 1er janvier 2023 au 30 juin 2023, le 7 septembre 2023 au plus tard (article 22ter, § 6, alinéas 1er et 2). L’article 22ter, § 6, détermine également les données qui doivent figurer dans la déclaration (article 22ter, § 6, alinéa 3). La CREG établit le modèle de la déclaration et le format des documents à transmettre (article 22ter, § 6, alinéa 4). Elle propose, pour chaque période, le prélèvement dû pour chaque débiteur et transmet ces propositions au Service public fédéral Économie, PME, Classes moyennes et Énergie (article 22ter, § 7, alinéa 1er, et § 8). Lorsque le débiteur soit n’a pas introduit la déclaration dans le délai prévu, soit n’a pas mentionné tous les éléments nécessaires à la détermination de ses recettes excédentaires, la CREG peut proposer un prélèvement d’office (article 22ter, § 7, alinéa 2).
B.1.4.5. L’article 6 de la loi du 16 décembre 2022 insère un article 22quater dans la loi du 29 avril 1999. Le paragraphe 1er de cet article charge la CREG de contrôler la déclaration et de formuler une proposition de fixation du montant du prélèvement. En vertu du paragraphe 2 de
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cet article, le Service public fédéral Économie fixe, dans les quinze jours ouvrables de la réception de la proposition de la CREG, le cas échéant de manière provisoire, le montant du prélèvement dû et il notifie au débiteur concerné un avis de paiement. Cet avis mentionne l’assiette du prélèvement, la somme à payer, le mode de calcul, l’échéance du paiement, les formalités à respecter et les voies de recours.
En vertu de l’article 22quater, § 4, les débiteurs ne peuvent en aucune façon facturer ou répercuter le prélèvement directement ou indirectement sur d’autres entreprises ou clients finals.
B.1.4.6. Pour les centrales nucléaires visées à l’article 14 de la loi du 11 avril 2003 « sur la contribution de répartition » (ci-après : la loi du 11 avril 2003), à savoir les centrales Doel 3, Doel 4, Tihange 2 et Tihange 3, l’article 22quater, § 5, prévoit une réduction du prélèvement à concurrence de la partie de la contribution de répartition portant sur les recettes issues du marché qui excèdent le plafond de 130 euros/MWh d’électricité. Pour la centrale nucléaire visée à l’article 4/1 de la loi du 31 janvier 2003 « sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité » (ci-après : la loi du 31 janvier 2003), c’est-à-dire la centrale Tihange 1, le prélèvement constitue une charge réelle au sens de l’article 4/1, § 2, alinéa 2, 1°, de la loi du 31 janvier 2003.
B.1.4.7. L’article 22quater, § 6, de la loi du 29 avril 1999 dispose que les recettes du prélèvement sont utilisées conformément à l’article 10 du règlement (UE) 2022/1854. Le prélèvement constitue une dépense professionnelle fiscalement déductible au sens de l’article 49 du Code des impôts sur les revenus 1992 (article 22quater, § 7).
B.1.4.8. En vertu de son article 11, la loi du 16 décembre 2022 est entrée en vigueur à la date de sa publication au Moniteur belge, à savoir le 22 décembre 2022.
Quant aux moyens
B.2. Dans leurs moyens, les parties requérantes dans les affaires nos 8031, 8032, 8033, 8034, 8035 et 8037 font valoir en substance que l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 viole :
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(1) les articles 10, 11, 170 et 172 de la Constitution ainsi que le principe de l’égalité devant l’impôt et le principe de la prévisibilité de l’impôt, en ce que cette disposition exclut les producteurs d’électricité à partir de biométhane du champ d’application du plafond sur les recettes issues du marché (premier et deuxième moyens dans l’affaire n° 8033);
(2) les articles 10, 11 et 172 de la Constitution ainsi que le principe de l’égalité devant l’impôt, en ce que cette disposition fait reposer le champ d’application du prélèvement sur le seul fait de savoir si l’installation de production dispose ou non d’une puissance installée minimale de 1 MW (troisième moyen dans l’affaire n° 8033);
(3) les articles 10, 11 et 172 de la Constitution ainsi que le droit de propriété, en ce que cette disposition prévoit un prélèvement de 100 % sur l’excédent des recettes issues du marché obtenues (seconde branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 8031 et sixième moyen dans l’affaire n° 8035);
(4) les articles 10, 11, 170 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6
et 8 du règlement (UE) 2022/1854, avec l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après : le TFUE), avec les principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union, avec le principe de la solidarité énergétique, ainsi que le droit de propriété et la liberté d’entreprendre, en ce que cette disposition fixe à 130 euros/MWh le plafond sur les recettes issues du marché (deuxième moyen dans l’affaire n° 8032, troisième moyen dans l’affaire n° 8034; troisième et sixième moyens dans l’affaire n° 8035);
(5) les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 8 du règlement (UE) 2022/1854, ainsi qu’avec le principe de la sécurité juridique, avec le principe de la motivation et avec le principe de la confiance légitime, en ce que cette disposition soumet certains producteurs à un plafond de 130 euros/MWh et d’autres producteurs à un plafond de 180 euros/MWh, en fonction de la technologie qu’ils utilisent (premier et troisième moyens dans l’affaire n° 8031);
(6) les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2, points 5) et 9), 6, 7 et 8 du règlement (UE) 2022/1854, avec l’article 288 du TFUE et avec les principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union, ainsi que le droit de propriété,
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en ce que cette disposition fixe le montant des recettes issues du marché, et donc la base imposable, exclusivement sur la base de cinq présomptions, lesquelles sont soit irréfragables, soit réfragables mais uniquement au moyen d’autres présomptions, au lieu de fixer ce montant sur les recettes réelles des producteurs d’électricité (premier moyen dans l’affaire n° 8032, deuxième moyen dans l’affaire n° 8034, premier, quatrième et sixième moyens dans l’affaire n° 8035; premier et second moyens dans l’affaire n° 8037);
(7) les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que cette disposition fait naître une différence de traitement entre les producteurs relevant de la troisième présomption, qui peuvent déduire les coûts d’un déséquilibre du réseau d’électricité du montant des recettes issues du marché, et les autres producteurs relevant des autres présomptions, qui ne le peuvent pas (troisième moyen dans l’affaire n° 8032);
(8) les articles 10, 11, 170 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 7, 8, 20 et 22 du règlement (UE) 2022/1854, avec l’article 288 du TFUE, avec le principe de la coopération loyale prévu à l’article 4, paragraphe 3, du Traité sur l’Union européenne (ci-
après : le TUE), avec les principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union, avec le principe de la solidarité énergétique, avec les principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime et avec le principe de la non-rétroactivité des lois, ainsi que le droit de propriété, en ce que cette disposition prévoit un prélèvement rétroactif à partir du 1er août 2022, alors que cette rétroactivité est contraire aux dispositions précitées du règlement (UE) 2022/1854 et n’est pas indispensable pour l’intérêt général (première branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 8031, premier moyen dans l’affaire n° 8034; deuxième, cinquième et sixième moyens dans l’affaire n° 8035).
En ce qui concerne la non-application du prélèvement aux installations qui produisent de l’électricité à partir de biométhane
B.3. Les premier et deuxième moyens dans l’affaire n° 8033 sont pris de la violation, par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, des articles 10, 11, 170 et 172 de la Constitution ainsi que du principe de l’égalité devant l’impôt et du principe de la prévisibilité de l’impôt, en ce que cette disposition soumet à un prélèvement les seuls producteurs qui produisent de l’électricité à partir de biogaz par un processus de biométhanisation et à l’aide d’une installation
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de cogénération, et non ceux qui produisent de l’électricité à partir de biométhane par épuration et compression du biogaz et par un processus de biométhanisation.
Dans le premier moyen, les parties requérantes allèguent que cette différence de traitement n’est pas raisonnablement justifiée.
Dans le deuxième moyen, les parties requérantes font valoir que la disposition attaquée n’est pas claire, dès lors qu’elle ne leur permet pas de déduire si la production d’électricité à partir de biogaz issu d’un processus de biométhanisation relève du champ d’application de la loi du 16 décembre 2022. À titre subsidiaire, elles demandent à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle au sujet de l’interprétation qu’il y a lieu de donner à l’article 7, paragraphe 1, e), du règlement (UE) 2022/1854.
La Cour examine d’abord le deuxième moyen.
B.4.1. La mesure attaquée est un impôt.
B.4.2. L’article 170, § 1er, de la Constitution dispose :
« Aucun impôt au profit de l’État ne peut être établi que par une loi ».
L’article 172 de la Constitution dispose :
« Il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts.
Nulle exemption ou modération d’impôt ne peut être établie que par une loi ».
B.4.3. Il ressort de ces dispositions que les éléments essentiels de tout impôt établi au profit de l’autorité fédérale doivent, en principe, être déterminés par une assemblée délibérante démocratiquement élue, et que ces éléments doivent être mentionnés dans la loi au moyen de termes précis, non équivoques et clairs.
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Font partie des éléments essentiels de l’impôt la désignation des contribuables, la matière imposable, la base imposable, le taux d’imposition et les éventuelles exonérations et diminutions d’impôt.
B.4.4. Le principe de légalité en matière fiscale exige ainsi que le législateur indique, en des termes clairs, précis et non équivoques, qui est redevable, de telle sorte, d’une part, que chacun puisse – en s’entourant au besoin de conseils éclairés – prévoir raisonnablement les conséquences fiscales de ses actes dans un contexte donné, sans que le législateur en arrive à une rigidité excessive, et, d’autre part, que l’administration fiscale et le juge ne se voient pas conférer un trop grand pouvoir discrétionnaire.
Le principe de légalité n’empêche pas qu’un pouvoir d’appréciation soit conféré à l’administration fiscale sous le contrôle des juridictions. Cela ne signifie pas que la disposition en cause ne satisfait pas à l’exigence de prévisibilité.
La condition de prévisibilité se trouve remplie lorsque le contribuable peut savoir, à partir du libellé des dispositions législatives et, au besoin, à l’aide de leur interprétation par les juridictions, s’il est soumis à l’impôt.
B.5.1. Il ressort de l’article 22ter, § 2, 1°, et § 3, alinéa 2, de la loi du 29 avril 1999, inséré par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, que le prélèvement attaqué est dû par toute personne physique ou morale ayant injecté, entre le 1er août 2022 et le 30 juin 2023, de l’électricité sur le réseau, au moyen d’une installation de production d’électricité située en Belgique « relevant d’une des technologies énumérées à l’article 7.1 du règlement (UE) 2022/1854 ». Il en découle que la loi du 16 décembre 2022 renvoie à l’article 7, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 pour ce qui est du champ d’application du plafond.
B.5.2. L’article 7, paragraphe 1, e), du règlement (UE) 2022/1854 dispose que le plafond sur les recettes issues du marché prévu à l’article 6, paragraphe 1, du règlement s’applique aux recettes issues du marché provenant de la vente d’électricité « produite » à partir de combustibles issus de la biomasse (combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse), à l’exclusion du biométhane. Le considérant 34 du règlement (UE) 2022/1854 explique cette exclusion de la manière suivante :
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« Le plafond sur les recettes issues du marché ne devrait pas s’appliquer aux technologies utilisant des combustibles qui remplacent le gaz naturel, tels que le biométhane, afin de ne pas compromettre la conversion des centrales électriques au gaz existantes conformément aux objectifs du plan REPowerEU qui figurent notamment dans la communication de la Commission du 18 mai 2022 relative au plan REPowerEU (ci-après dénommé ‘ plan REPowerEU ’) ».
La proposition qui est à l’origine du règlement (UE) 2022/1854 précise, dans le même ordre d’idées, que « le plafond ne devrait pas s’appliquer aux centrales électriques fonctionnant au biométhane. Cette mesure est nécessaire pour préserver les incitations de ces technologies et types de production à réduire la consommation de gaz, comme l’explique la communication REPowerEU » (COM(2022) 473 final, p. 10).
B.5.3. Hormis la précision selon laquelle il s’agit de combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse, le règlement (UE) 2022/1854 ne contient pas en soi une description plus précise de la notion de « combustibles issus de la biomasse ». Cela étant, l’article 2, deuxième alinéa, point 28), de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 « relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (refonte) » contient, lui, une définition du « biogaz », qu’il décrit comme « les combustibles ou carburants gazeux produits à partir de la biomasse ».
B.6.1. Puisque le considérant 34 du règlement (UE) 2022/1854 et la proposition à l’origine de ce règlement ne parlent pas d’électricité « produite » à partir de biométhane, mais de l’« utilisation » du biométhane et de centrales électriques « fonctionnant » au biométhane, il existe un doute raisonnable quant à la question de savoir si les parties requérantes dans l’affaire n° 8033, en ce qu’elles produisent de l’électricité à partir de biogaz par un processus de biométhanisation et à l’aide d’une installation de cogénération, relèvent du champ d’application du plafond. La question se pose donc de savoir si, à la lumière du considérant 34 du règlement (UE) 2022/1854 et de la proposition qui est à l’origine de ce règlement, cette technologie doit être considérée comme de l’électricité produite à partir de biométhane et si elle doit donc être exclue du champ d’application du plafond.
B.6.2. L’article 267 du TFUE habilite la Cour de justice à statuer, à titre préjudiciel, aussi bien sur l’interprétation des conventions et des actes des institutions de l’Union européenne que
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sur la validité de ces actes. En vertu du troisième alinéa de cette disposition, une juridiction nationale est tenue de saisir la Cour de justice lorsque ses décisions - comme celles de la Cour constitutionnelle - ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne. En cas de doute raisonnable sur l’interprétation ou sur la validité d’une disposition du droit de l’Union européenne importante pour la solution d’un litige pendant devant une telle juridiction nationale, celle-ci doit, même d’office, poser une question préjudicielle à la Cour de justice (voy. aussi CJUE, grande chambre, 6 octobre 2021, C-561/19, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi SpA, ECLI:EU:C:2021:799, points 32-33, 39-47 et 53).
B.6.3. Dès lors qu’il existe un doute raisonnable quant à l’interprétation qu’il y a lieu de donner à l’article 7, paragraphe 1, e), du règlement (UE) 2022/1854, il convient, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la première question préjudicielle formulée dans le dispositif.
B.7. Dans leur premier moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 8033 font valoir que l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, dans l’interprétation selon laquelle le prélèvement attaqué s’applique aux producteurs qui, comme elles, produisent de l’électricité à partir de biogaz, par un processus de biométhanisation et à l’aide d’une installation de cogénération, viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
B.8.1. Le principe d’égalité et de non-discrimination contenu dans les articles 10 et 11 de la Constitution n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s’oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu’apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
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B.8.2. L’article 172, alinéa 1er, de la Constitution constitue une application particulière, en matière fiscale, du principe d’égalité et de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.8.3. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu’en soit l’origine : les règles constitutionnelles de l’égalité et de la non-
discrimination sont applicables à l’égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique.
B.8.4. Le principe d’égalité et de non-discrimination est également garanti par les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
L’article 20 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose :
« Toutes les personnes sont égales en droit ».
L’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose :
« 1. Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.
2. Dans le domaine d’application des traités et sans préjudice de leurs dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite ».
B.9.1. Comme il est dit en B.5.2, l’exclusion des recettes issues du marché provenant de la vente d’électricité produite à partir de biométhane de l’application du plafond s’explique par le souci du législateur de l’Union de ne pas compromettre les objectifs du plan REPowerEU, conformément, notamment, à la communication de la Commission du 18 mai 2022 relative à ce plan (COM(2022) 230 final). Le plan REPowerEU « vise à réduire dès que possible [la]
dépendance [de l’Union européenne] à l’égard des combustibles fossiles russes en accélérant rapidement la transition propre et en unissant nos forces pour parvenir à un système énergétique plus résilient et à une véritable union de l’énergie » (COM(2022) 230 final, p. 1). Afin de réaliser cet objectif, le plan REPowerEU propose d’intensifier le développement du biométhane
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issu du biogaz, notamment « en établissant un partenariat industriel pour le biogaz et le biométhane pour stimuler la chaîne de valeur des gaz renouvelables, en prenant des mesures supplémentaires pour encourager les producteurs de biogaz à créer des communautés énergétiques [et] en prévoyant des incitations en faveur de la conversion du biogaz en biométhane » (ibid., p. 9). Dans le plan REPowerEU, le biogaz et le biométhane sont donc considérés comme étant des sources comparables dans le cadre de la transition des énergies fossiles vers les énergies renouvelables.
B.9.2. Par conséquent, la question se pose de savoir si l’article 7, paragraphe 1, e), du règlement (UE) 2022/1854 est compatible avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce qu’il n’exclut du champ d’application du plafond que les recettes issues du marché provenant de la vente d’électricité produite à partir de biométhane par épuration et compression du biogaz et par un processus de biométhanisation, et non les recettes issues du marché provenant de la vente d’électricité produite à partir de biogaz par un processus de biométhanisation et à l’aide d’une installation de cogénération. Il y a dès lors lieu, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la deuxième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
En ce qui concerne la non-application du prélèvement attaqué aux installations d’une puissance installée maximale de 1 MW
B.10. Le troisième moyen dans l’affaire n° 8033 est pris de la violation, par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution et du principe de l’égalité devant l’impôt, en ce que la disposition attaquée fonde le champ d’application du prélèvement sur le seul fait de savoir si l’installation de production dispose ou non d’une puissance installée minimale de 1 MW, sans prévoir un taux progressif ni une dérogation ou une exception pour certains types d’installations.
B.11.1. Il ressort de l’article 22ter, § 2, 1°, et § 3, alinéa 2, de la loi du 29 avril 1999, inséré par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, que le prélèvement attaqué n’est dû que pour les installations de production d’électricité « d’une puissance installée minimale de 1 MW ». La disposition attaquée fait usage, à cette fin, de la possibilité prévue à l’article 7, paragraphe 3, première phrase, du règlement (UE) 2022/1854. Cet article permet aux États membres de
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décider, « en particulier dans les cas où l’application du plafond sur les recettes issues du marché prévu à l’article 6, paragraphe 1, entraîne une charge administrative importante, [...]
que le plafond en question ne s’applique pas aux producteurs produisant de l’électricité au moyen d’installations de production d’électricité d’une puissance installée maximale de 1 MW ».
B.11.2. Les travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022 expliquent l’usage de cette possibilité comme suit :
« Toutefois, conformément à l’article 7.3 du règlement (UE) 2022/1854, il est fait usage de la possibilité laissée aux États membres de ne pas inclure les débiteurs produisant de l’électricité au moyen d’installations de production d’électricité d’une puissance installée maximale de 1 MW. Ce seuil s’apprécie par installation de production suivant la puissance installée telle qu’elle figure sur des documents tels que permis, octrois de subsides, autorisations, décisions, contrat de raccordement et d’accès, etc. En effet, en dessous de ce seuil, les producteurs doivent être considérés comme des petits producteurs (qui sont généralement des particuliers / prosumers) pour lesquels la charge administrative de perception du prélèvement serait disproportionnée par rapport à la quantité d’électricité éventuellement vendue à des tiers (dans la mesure où, pour ces installations, l’électricité est également en grande partie autoconsommée) » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3042/001, pp. 19-
20).
Il en résulte que la justification du législateur rejoint la justification formulée à l’article 7, paragraphe 3, première phrase, du règlement (UE) 2022/1854 pour ce qui concerne la possibilité d’exempter de l’application du plafond les installations d’une puissance installée inférieure à 1 MW, à savoir la volonté de tenir compte de ce que l’application du plafond sur les recettes issues du marché prévu à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement est susceptible d’entraîner une charge administrative importante. Cette possibilité existait déjà dans la version initiale de l’article 7, paragraphe 3, tel qu’il figurait dans la proposition qui est à l’origine du règlement (UE) 2022/1854, étant entendu que la puissance minimale avait été établie à un niveau beaucoup plus faible, en l’occurrence à 20 kW : « Afin d’éviter des charges administratives excessives et de garantir une application efficace de la mesure proposée, les États membres devraient être autorisés à exclure de l’application du plafond sur les recettes les producteurs qui produisent de l’électricité au moyen d’installations d’une capacité inférieure à 20 kW » (COM(2022) 473 final, pp. 10 et 39). Dans le cadre du processus législatif qui a suivi, le seuil minimal a finalement été relevé à 1 MW.
40
B.12. Selon les parties requérantes dans l’affaire n° 8033, ce sont en particulier les producteurs d’électricité à partir de la biomasse, comme elles, qui sont préjudiciés par le seuil minimal de 1 MW, parce que nombre de centrales à biomasse disposent d’une puissance installée minimale soit juste supérieure soit juste inférieure à 1 MW et que, par conséquent, soit elles relèvent tout juste, soit elles ne relèvent tout juste pas de l’application du prélèvement attaqué.
B.13.1. C’est le propre d’un seuil de créer une différence de traitement entre les personnes qui atteignent le seuil et celles qui ne l’atteignent pas.
B.13.2. Non seulement au regard de l’objectif d’éviter des charges administratives excessives, mais aussi compte tenu de l’économie du règlement (UE) 2022/1854 consistant à apporter une réponse aux recettes issues du marché extraordinaires obtenues par la vente d’électricité à des prix élevés et à des coûts marginaux plus faibles (considérant 4 du règlement (UE) 2022/1854), le seuil de 1 MW, qui, par nature, s’applique principalement aux producteurs professionnels, n’est pas sans justification raisonnable. L’atteinte de ce seuil entraîne l’application d’un prélèvement à un taux de 100 % (voy. B.16.1 à B.16.4) sur les recettes qui excèdent le plafond réduit prévu à l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 (voy.
B.19 à B.26).
Ce constat peut soulever la question de savoir si le seuil d’une puissance installée de 1 MW
est compatible avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Dès lors que, pour l’instauration de ce seuil, la disposition attaquée met en œuvre l’article 7, paragraphe 3, première phrase, du règlement (UE) 2022/1854, et que ni cet article ni aucun autre article du règlement ne permettent aux États membres de prévoir un taux progressif ni une dérogation ou une exception en fonction de la puissance installée de l’installation concernée, il y a lieu, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne, la troisième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
En ce qui concerne le taux du prélèvement attaqué
B.14. Le deuxième moyen, en sa seconde branche, dans l’affaire n° 8031 et le sixième moyen dans l’affaire n° 8035 sont pris de la violation, par l’article 5 de la loi du 16 décembre
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2022, des articles 10, 11, 16, 170 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que cette disposition fixe à 100 % le taux du prélèvement attaqué.
B.15.1. L’article 16 de la Constitution dispose :
« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
L’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après : le Premier Protocole additionnel) dispose :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».
L’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose :
« 1. Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général.
2. La propriété intellectuelle est protégée ».
B.15.2. L’article 1er du Premier Protocole additionnel et l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ayant une portée analogue à celle de l’article 16 de la Constitution, les garanties qu’ils contiennent forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle de la disposition attaquée.
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B.15.3. L’article 1er du Premier Protocole additionnel offre une protection non seulement contre une expropriation ou une privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase) mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase). Un impôt ou une autre contribution constituent, en principe, une ingérence dans le droit au respect des biens.
En outre, aux termes de l’article 1er du Premier Protocole additionnel, la protection du droit de propriété « ne [porte] pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».
L’ingérence dans le droit au respect des biens n’est compatible avec ce droit que si elle est raisonnablement proportionnée au but poursuivi, c’est-à-dire si elle ne rompt pas le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et celles de la protection de ce droit. Même si le législateur fiscal dispose d’une large marge d’appréciation, un impôt viole dès lors ce droit s’il fait peser sur le contribuable une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière (CEDH, 31 janvier 2006, Dukmedjian c. France, ECLI:CE:ECHR:2006:0131JUD006049500, §§ 52-58; décision, 15 décembre 2009, Tardieu de Maleissye e.a. c. France, ECLI:CE:ECHR:2009:1215DEC005185407; 16 mars 2010, Di Belmonte c. Italie, ECLI:CE:ECHR:2010:0316JUD007263801, §§ 38-40).
B.15.4. Il appartient au législateur d’établir le taux de l’impôt. Il dispose en la matière d’une large marge d’appréciation. En effet, les mesures fiscales constituent un élément essentiel de la politique socio-économique. Elles assurent non seulement une part substantielle des recettes qui doivent permettre la réalisation de cette politique, mais elles permettent également au législateur d’orienter certains comportements et d’adopter des mesures correctrices afin de donner corps à la politique sociale et économique.
Les choix sociaux qui doivent être réalisés lors de la collecte et de l’affectation des ressources relèvent de la compétence du législateur. La Cour ne peut sanctionner de tels choix politiques ainsi que les motifs qui les fondent que s’ils reposent sur une erreur manifeste ou s’ils sont déraisonnables.
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B.16.1. En vertu de l’article 22ter, § 3, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, le prélèvement est égal à 100 % des recettes « excédentaires » provenant de la vente d’électricité, c’est-à-dire de la différence positive entre les recettes issues du marché et le plafond fixé conformément au paragraphe 4 de cette disposition.
B.16.2. En précisant que les recettes issues du marché obtenues par les producteurs d’électricité sont « plafonnées » à un maximum de 180 euros/MWh, l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 suppose un écrémage complet – ou un prélèvement à 100 % –
des recettes qui excèdent ce plafond. L’article 7, paragraphe 5, de ce même règlement autorise toutefois les États membres à appliquer ce plafond à seulement 90 % de l’excédent des recettes issues du marché. Selon le considérant 39 du règlement, cette possibilité doit permettre aux États membres de garantir la « sécurité d’approvisionnement ».
B.16.3. Les travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022 justifient le choix du taux de 100 % comme suit :
« Le prélèvement est fixé à 100 pour cent des recettes excédentaires. Le règlement (UE) 2022/1854 prévoit [en] effet une captation totale des recettes au-delà du plafond qu’il détermine – sans préjudice pour les États membres de prévoir un plafond spécifique » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3042/001, p. 21).
Il ressort de ce commentaire que, pour fixer le taux à 100 % sur les recettes excédentaires, le législateur s’est fondé sur le texte de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854.
B.16.4. Certes, ainsi que le soulignent les travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022 (ibid., pp. 21-23) et le Conseil des ministres, le taux d’imposition de 100 % n’est pas appliqué sur les recettes imposables des producteurs d’électricité visés à l’article 22ter, § 2, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999, mais sur les recettes « excédentaires » dont ces producteurs ont bénéficié, par ailleurs pour une période limitée, grâce à la vente d’électricité, c’est-à-dire les recettes qui dépassent un certain plafond, tout en étant, comme l’indique le commentaire mentionné en B.1.2 et en B.1.3, nettement supérieures aux recettes que les producteurs pouvaient raisonnablement escompter.
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Un prélèvement à un taux de 100 % ou un écrémage total de ces recettes peut, compte tenu également de la possibilité d’abaisser le plafond (voy. B.19 à B.26), être considéré comme une ingérence dans le droit au respect des biens au sens de l’article 1er du Premier Protocole additionnel (comp. CEDH, 2 juillet 2013, R.Sz. c. Hongrie, ECLI:CE:ECHR:2013:0702JUD004183811, §§ 54-56 ; 25 juin 2013, Gáll c. Hongrie, ECLI:CE:ECHR:2013:0625JUD004957011, §§ 64-65; 14 mai 2013, N.K.M. c. Hongrie, ECLI:CE:ECHR:2013:0514JUD006652911, §§ 65-66), qui pourrait rompre le juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la protection du droit de propriété.
B.16.5. Dès lors que la disposition attaquée a repris de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 le taux d’imposition de 100 % sur l’excédent des recettes issues du marché, il y a lieu, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la quatrième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
En ce qui concerne le plafond général de 130 euros/MWh
B.17. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 8032, le troisième moyen dans l’affaire n° 8034 et les troisième et sixième moyens dans l’affaire n° 8035 sont pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6 et 8 du règlement (UE) 2022/1854, avec l’article 288 du TFUE, avec les principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union, avec le principe de la solidarité énergétique, ainsi que du droit de propriété, tel qu’il est garanti par l’article 16 de la Constitution, par l’article 1er du Premier Protocole additionnel et par l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et de la liberté d’entreprendre, telle qu’elle est garantie par l’article 16 de la même Charte.
Les moyens sont dirigés contre l’instauration, par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, d’un plafond de 130 euros/MWh. Les parties requérantes font d’abord valoir que ce plafond est contraire au règlement (UE) 2022/1854, dès lors que l’article 6 de ce règlement autorise seulement l’instauration d’un plafond de 180 euros/MWh et qu’il n’est pas non plus satisfait aux conditions de dérogation à ce plafond, telles qu’elles sont fixées à l’article 8 du règlement.
À titre subsidiaire, les parties requérantes demandent à la Cour de poser à la Cour de justice de
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l’Union européenne une question préjudicielle au sujet de l’interprétation des articles 6 et 8 du règlement. Elles font en outre valoir que le plafond de 130 euros/MWh porte une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété et à leur liberté d’entreprendre, dès lors que ce plafond les empêche de récupérer leurs coûts d’investissements et d’exploitation.
B.18. En vertu de l’article 288, alinéa 2, du TFUE, un règlement a une portée générale, il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre.
L’applicabilité directe implique qu’il n’est en principe pas nécessaire que les autorités nationales prennent des mesures d’application. Toutefois, certaines dispositions des règlements peuvent nécessiter l’adoption de mesures d’application par les États membres. Ces derniers peuvent adopter des mesures d’application d’un règlement s’ils n’entravent pas son applicabilité directe, s’ils ne dissimulent pas sa nature communautaire et s’ils précisent l’exercice de la marge d’appréciation qui leur est conférée par ce règlement tout en restant dans les limites de ses dispositions (CJUE, 25 octobre 2012, C-592/11, Ketelä, ECLI:EU:C:2012:673, points 35 et 36; 21 décembre 2011, C-316/10, Danske Svineproducenter, ECLI:EU:C:2011:863, points 39 à 41).
B.19. L’article 22ter, § 4, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999, inséré par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, instaure un plafond de 130 euros/MWh, en principe, sur les recettes que les producteurs ont perçues entre le 1er août 2022 et le 30 juin 2023 sur la vente et sur la livraison d’électricité. Comme il est dit plus haut, un prélèvement de 100 %, calculé pour chaque transaction de vente d’électricité en MWh livrés, est appliqué sur les « recettes excédentaires », à savoir les recettes issues du marché qui excèdent le plafond de 130 euros/MWh (article 22ter, § 3, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999).
B.20. L’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 fixe le plafond sur les recettes issues du marché « à un maximum de 180 EUR par MWh ». L’article 8, paragraphe 1, a), du règlement permet toutefois aux États membres de maintenir ou d’introduire, à titre de « mesures nationales en cas de crise », des mesures qui « limitent davantage les recettes issues du marché, [...] y compris la possibilité d’effectuer une distinction entre les technologies [...] ».
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B.21. Les travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022 justifient l’instauration d’un plafond inférieur comme suit :
« Le plafond de 180 euros/MWh ne correspond pas à la réalité du marché belge de l’électricité et a été fixé, dans le présent projet de loi à 130 euros/MWh, ou si le soutien est basé sur le LCOE, au LCOE de l’installation concernée majorée de 50 euros (mais à 130 euros/MWh minimum sans toutefois pouvoir dépasser 180 euros/MWh), hormis pour la biomasse et incinérateurs de déchets municipaux pour lesquels le plafond est fixé à 180 euros/MWh (voy.
article 22ter, § 4, en projet).
[...]
Paragraphe 4
Le règlement (UE) 2022/1854 fixe le plafond sur les recettes issues du marché à 180 euros/MWh, considéré comme ‘ nettement et systématiquement ’ supérieur aux prix de pointe moyens sur le marché de gros avant février 2022, et donc comme à un niveau bien supérieur aux attentes des acteurs du marché lors des décisions initiales d’investissement au cours de cette période.
L’article 8.1, a), du règlement (UE) 2022/1854 permet toutefois aux États membres de limiter davantage les recettes issues marché des producteurs visés.
En effet, la Commission européenne prévoit que le plafond soit supérieur au prix de pointe moyen attendu. La Commission considère, en effet, que les heures de pointes correspondent à minimum 10 % des heures les plus chères.
La valeur maximale du prix de pointe moyen attendu peut donc être estimée, par la moyenne des prix des 10 % des heures les plus chères sur EPEX SPOT Belgique, observée avant la crise énergétique actuelle et avant la crise du COVID-19 pour éviter de la sous-estimer.
La CREG a pris la valeur maximale du prix de pointe moyen attendu, estimée par la moyenne des prix des 10 % des heures les plus chères sur EPEX SPOT Belgium, observée avant la crise énergétique actuelle et avant la crise du COVID-19 pour éviter de la sous-estimer. Le prix de pointe moyen attendu peut donc être estimé aux environs de 80 euros/MWh. En effet, en 2019, le prix de pointe moyen en Belgique était de 76 euros/MWh et sur la période 2016-
2019, le prix de pointe moyen en Belgique était de 86 euros/MWh. La CREG a également examiné les prix à terme pour 2022 en 2019. Dans ce contexte, les attentes des acteurs belges qui produisent de l’électricité était inférieures à 53 euros/MWh.
Le niveau auquel le plafond est fixé ne devrait pas compromettre la capacité des producteurs auxquels il est appliqué, y compris les producteurs d’énergie renouvelable, à récupérer leurs investissements et leurs coûts d’exploitation, et devrait préserver et encourager les investissements futurs dans les capacités nécessaires à un système électrique décarboné et fiable. Sur cette base, il est proposé d’ajouter au prix de pointe moyen attendu avant la crise énergétique une marge de 50 euros/MWh et de donc fixer le plafond des revenus du marché à 130 euros/MWh (soit les 80 euros/MWh précité + 50 euros/MWh).
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[...]
Les prix de pointe attendus de 80 euros/MWh (pendant 10 % du temps), calculés par la CREG, incluent déjà le signal d’investissement attendu.
Cependant, il faut également tenir compte du fait que le niveau général des prix a augmenté plus que prévu. La dernière analyse des prix, le ‘ Rapport semestriel 2022 de l’Institut des comptes nationaux: Évolution de l’inflation en Belgique et dans les pays voisins au premier semestre 2022 ’, montre que l’inflation globale en Belgique, mesurée sur la base de l’indice harmonisé de prix à la consommation (IPCH), s’est établie en moyenne à 9,9 % au deuxième trimestre 2022. Il s’agit du niveau le plus élevé depuis le début des calculs en 1997 selon la méthodologie d’Eurostat. Depuis le début de 2021, l’inflation globale en Belgique a augmenté chaque trimestre.
Près des deux tiers de cette inflation totale en Belgique sont dus à l’inflation des prix de l’énergie. Les prix des produits énergétiques ont augmenté en moyenne de 64,3 % sur un an au deuxième trimestre, selon les dernières données trimestrielles disponibles.
[...]
Pour en tenir compte, une marge de 62,5 % sur le revenu maximal attendu de 80 euros/MWh est une marge raisonnable et responsable.
En outre, sur la base de la recommandation de la BNB, il y a lieu de fixer un seuil suffisamment élevé pour tenir compte des pertes passées (p. 23 de la note précitée de la BNB).
Selon la BNB (p. 13 de la note de la BNB précitée), les pertes subies dans le passé représentent environ 2 milliards euros sur les 3 dernières années (y compris les pertes exceptionnelles non récurrentes). Eu égard à la production annuelle inframarginale d’électricité en Belgique d’environ 50 TWh, un prix de 40 euros/MWh de la période fiscale concernée couvrirait toutes ces pertes.
La marge prévue couvre ainsi à la fois les risques commerciaux accrus et les pertes passées.
Les deux peuvent donc être pris en considération à hauteur de 50/50, ce qui aboutit, arrondi, à 130 euros/MWh.
À partir de ce point de référence, l’article 8.2, b), du règlement (UE) 2022/1854 indique explicitement que les mesures nationales adoptées par les États membres ne peuvent pas compromettre les signaux d’investissement, et l’article 8.2, c), que les coûts d’investissement et d’exploitation sont couverts. Ainsi, des recettes non prévues peuvent être réalisé[e]s pour dégager un bénéfice et permettre les investissements dont notre pays a besoin pour la sécurité de l’approvisionnement et la transition énergétique. Toutefois, une situation donnée ne devrait pas conduire à ce que les mêmes acteurs bénéficient de recettes exceptionnelles au détriment des consommateurs. Sur cette base, il est donc appliqué une marge raisonnable de 50 euros supplémentaires à ces 80 euros/MWh. De cette façon, le plafond belge doit être fixé à 130 euros/MWh » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3042/001, pp. 8, 24-27).
Il en résulte que le législateur fonde l’abaissement du plafond sur l’article 8, paragraphe 1, a), du règlement (UE) 2022/1854. Dans ses mémoires, le Conseil des ministres déduit la
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possibilité de déroger au plafond de 180 euros/MWh tant de l’article 8, paragraphe 1, a), précité, que de l’utilisation du terme « maximum » dans le texte de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854.
B.22.1. Sur le plan terminologique, il pourrait se déduire du terme « maximum » utilisé à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 que cette disposition ne s’oppose pas à ce que les États membres instaurent un plafond inférieur, ce qui rejoindrait également l’objectif du règlement consistant à imposer les bénéfices élevés des producteurs d’électricité et à en utiliser le produit pour financer des mesures visant à limiter les conséquences des prix élevés de l’électricité pour les clients finaux (voy. les considérants 1, 3, 4, 5 et 8, du règlement, ainsi que son article 10).
B.22.2. Toutefois, compte tenu de la particularité du plafond, qui consiste, en principe, à imposer intégralement les recettes issues du marché excédant une certaine limite – avec comme conséquence que plus la limite du plafond est fixée à un niveau bas, plus les recettes imposées sont importantes et donc plus l’impôt est lourd –, le terme « maximum » utilisé à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 pourrait également être interprété en ce sens que les États membres peuvent relever le plafond de 180 euros/MWh à un niveau supérieur, mais pas l’abaisser. Dans cette interprétation, le montant de 180 euros/MWh constitue plutôt une « limite minimale », qui ne peut pas être abaissée par les États membres.
Une telle interprétation rejoindrait l’objectif, également poursuivi par le règlement (UE) 2022/1854, de ne pas mettre en péril la position financière et la capacité d’investissement des producteurs d’électricité. C’est ainsi que le considérant 27 du règlement (UE) 2022/1854 dispose que le niveau auquel le plafond sur les recettes issues du marché est fixé « ne devrait pas compromettre la capacité des producteurs concernés, y compris les producteurs d’énergie renouvelable, à récupérer leurs coûts d’investissements et d’exploitation » et « devrait protéger et encourager les investissements futurs dans les capacités nécessaires à un système électrique décarboné et fiable ». Le même considérant énonce que « [le] plafonnement des recettes issues du marché, étant un plafonnement uniforme dans l’ensemble de l’Union, est le plus adapté pour préserver le fonctionnement du marché intérieur de l’électricité, dans la mesure où il maintient une concurrence fondée sur les prix entre les producteurs d’électricité qui exploitent des technologies différentes, notamment dans le
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domaine des énergies renouvelables ». Aux termes du considérant 29 du règlement, « le plafond sur les recettes issues du marché fixé à 180 EUR par MWh est systématiquement plus élevé, y compris en prévoyant une marge raisonnable, que l’actuel coût actualisé de l’énergie (LCOE)
pour les technologies de production concernées, ce qui permet aux producteurs auxquels il s’applique de couvrir leurs coûts d’investissements et d’exploitation ». Aux termes de ce considérant, le plafond ne devrait pas, étant donné cette marge considérable, compromettre les investissements dans de nouvelles capacités inframarginales.
B.22.3. Enfin, le terme « maximum » utilisé à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 pourrait également être interprété comme exprimant simplement l’idée du plafonnement. Dans cette interprétation, l’expression selon laquelle les recettes issues du marché « sont plafonnées à un maximum de 180 EUR par MWh » équivaudrait à dire que ces recettes sont plafonnées à 180 euros/MWh. La définition des « recettes excédentaires » à l’article 2, point 9), du règlement (UE) 2022/1854 renvoie du reste au « plafond sur les recettes issues du marché de 180 EUR par MWh d’électricité prévu à l’article 6, paragraphe 1 », sans employer le terme « maximum ».
B.22.4. Les interprétations mentionnées en B.22.1 à B.22.3 du terme « maximum »
figurant à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 suscitent également des questions quant à l’articulation de cette disposition avec l’article 8, paragraphe 1, du règlement.
Comme il a été dit plus haut, l’article 8, paragraphe 1, a), du règlement autorise les États membres à maintenir ou à introduire des mesures nationales en cas de crise qui « limitent davantage » les recettes issues du marché obtenues par les producteurs, ce qui pourrait s’entendre, notamment, par l’instauration d’un plafond inférieur. En vertu de l’article 8, paragraphe 1, b), les États membres peuvent fixer un plafond sur les recettes issues du marché plus élevé pour les producteurs qui relèvent du champ d’application du règlement, à condition que leurs coûts d’investissements et d’exploitation dépassent le plafond fixé à l’article 6, paragraphe 1.
Toutefois, comme il ressort du B.1.3, l’article 8, paragraphe 2, du règlement (UE) 2022/1854 soumet à des conditions strictes l’introduction des mesures visées à l’article 8, paragraphe 1. Ainsi, ces mesures doivent être proportionnées et non discriminatoires (article 8, paragraphe 2, a)), mais aussi compatibles avec le droit de l’Union (article 8, paragraphe 2, e)). À cela s’ajoute qu’elles ne peuvent pas compromettre les signaux
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d’investissement (article 8, paragraphe 2, b)), qu’elles doivent faire en sorte que les coûts d’investissements et de fonctionnement soient couverts (article 8, paragraphe 2, c)) et qu’elles ne peuvent pas fausser le fonctionnement des marchés de gros de l’électricité (article 8, paragraphe 2, d)). Tant l’interprétation mentionnée en B.22.1 que l’interprétation mentionnée en B.22.2 pourraient impliquer que les États membres puissent déroger sans aucune restriction au plafond fixé à l’article 6, paragraphe 1, de sorte que l’article 8, paragraphe 1, a) et b), du règlement pourrait être considéré comme une disposition superflue. Il existe donc un doute quant à l’interprétation qu’il y a lieu de donner à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854.
B.22.5. Il existe à tout le moins un doute quant à la question de savoir si l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 permet à un État membre d’introduire un plafond inférieur de 50 euros/MWh au plafond fixé dans ce règlement, ce qui représente un abaissement significatif, d’une part, et un alourdissement tout aussi significatif, d’autre part. À cet égard, il convient de renvoyer non seulement à l’objectif, précité, du règlement consistant à préserver les intérêts des producteurs d’électricité, mais également à l’économie du règlement consistant à apporter une réponse coordonnée à la hausse des prix de l’énergie. Aux termes du considérant 9 du règlement, « [des] mesures nationales non coordonnées pourraient affecter le fonctionnement du marché intérieur de l’énergie, mettant en péril la sécurité de l’approvisionnement et entraînant de nouvelles hausses de prix dans les États membres les plus touchés par la crise ». Selon le considérant 11, des plafonnements non coordonnés des recettes issues du marché de l’électricité produite, notamment à partir de sources d’énergie renouvelables ou du nucléaire, par des producteurs aux coûts marginaux plus faibles (dits « producteurs inframarginaux ») pourraient entraîner d’importantes distorsions entre les producteurs de l’Union.
B.22.6. Il existe également un doute quant à la question de savoir si le plafond instauré par la disposition attaquée peut être justifié sur la base de l’article 8, paragraphe 1, a), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2022/1854. Les parties requérantes dans les affaires nos 8031, 8032, 8034 et 8035 le contestent en tout cas.
Premièrement, les parties requérantes et le Conseil des ministres ont des opinions divergentes quant à la question de savoir si un abaissement du plafond en vertu de l’article 8, paragraphe 1, a), du règlement (UE) 2022/1854 doit pouvoir être justifié en tant que « mesure
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nationale en cas de crise » au sens du titre de l’article 8. Les parties requérantes sont d’avis que tel est bien le cas, ce qu’elles déduisent du considérant 40 du règlement. En vertu de ce considérant, la possibilité pour les États membres d’introduire ou de maintenir des mesures nationales en cas de crise doit être perçue comme une réponse aux différences considérables pouvant exister entre les États membres en ce qui concerne « le bouquet de production et la structure des coûts des installations de production d’électricité », cette possibilité devant être utilisée « dans des conditions spécifiques ». Selon les parties requérantes, il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.21 que le recours, par le législateur, à l’article 8, paragraphe 1, a), du règlement est justifié plutôt sur la base de la motivation générale fondant l’instauration d’un plafond, à savoir l’augmentation des prix sur le marché belge de l’électricité. Le Conseil des ministres conteste toutefois que l’on puisse déduire du terme « mesure nationale en cas de crise » et du considérant précité que l’instauration d’un plafond inférieur doit reposer sur une telle justification spécifique.
Il existe en outre un doute quant à la question de savoir si le plafond instauré par la disposition attaquée répond aux conditions auxquelles l’article 8, paragraphe 2, subordonne l’instauration d’une mesure nationale en cas de crise, compte tenu de ce qui a été dit en B.22.5.
B.23. Dès lors qu’il résulte de ce qui précède qu’il existe un doute raisonnable quant à savoir si les articles 6, paragraphe 1, et 8 du règlement (UE) 2022/1854 peuvent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à un État membre de fixer à 130 euros/MWh le plafond sur les recettes issues du marché, il y a lieu, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la cinquième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
B.24. Les parties requérantes dans les affaires nos 8031, 8032, 8034 et 8035 allèguent également que le plafond de 130 euros/MWh, tel qu’il a été instauré par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, porte une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété et à leur liberté d’entreprendre.
B.25.1. En ce qui concerne l’explication relative au droit de propriété, il peut être renvoyé à ce qui est dit en B.15.1 à B.15.4.
B.25.2.1. La liberté d’entreprendre, telle qu’elle est notamment visée à l’article II.3 du Code de droit économique et dans le décret d’Allarde du 2-17 mars 1791, abrogé, qui visait la
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liberté de commerce et d’industrie, a régulièrement servi de norme de référence à la Cour dans son contrôle du respect des articles 10 et 11 de la Constitution. Cette liberté doit s’exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l’Union économique et de l’unité monétaire tel qu’établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi » (article II.4 du même Code).
B.25.2.2. La liberté d’entreprendre précitée est en outre étroitement liée à la liberté d’entreprise, qui est garantie par l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Dès lors que l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a une portée analogue à celle de la liberté d’entreprendre, la Cour tient compte des garanties contenues dans cette disposition dans le cadre de son contrôle de la disposition attaquée.
B.25.2.3. La liberté d’entreprendre ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que la loi, le décret ou l’ordonnance règle l’activité économique des personnes et des entreprises.
Les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne peuvent néanmoins être admises pour autant qu’elles soient instaurées par la loi et qu’elles respectent la substance de ces droits et libertés, qu’elles répondent à des raisons impérieuses d’intérêt général ou aux exigences de la protection des droits et libertés d’autrui, qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et qu’elles n’aillent pas au-
delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (CJUE, grande chambre, 13 novembre 2018, C-33/17, Čepelnik d.o.o., ECLI:EU:C:2018:896, point 42; grande chambre, 22 janvier 2013, C-283/11, Sky Österreich GmbH, ECLI:EU:C:2013:28, points 45-50; 4 mai 2016, C-477/14, Pillbox 38, ECLI:EU:C:2016:324, points 157-160). Par conséquent, le législateur compétent n’interviendrait de manière déraisonnable que s’il limitait la liberté d’entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.
B.25.3.1. Enfin, l’article 194, paragraphe 1, du TFUE dispose :
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« 1. Dans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l’exigence de préserver et d’améliorer l’environnement, la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres :
a) à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie;
b) à assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union;
c) à promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables; et
d) à promouvoir l’interconnexion des réseaux énergétiques ».
B.25.3.2. La Cour de justice de l’Union européenne a déduit de l’article 194, paragraphe 1, du TFUE un « principe de solidarité énergétique », qu’elle a qualifié de « principe fondamental du droit de l’Union » (CJUE, grande chambre, 15 juillet 2021, C-848/19 P, République fédérale d’Allemagne contre République de Pologne, ECLI:EU:C:2021:598, points 37-53). Ce principe de solidarité comporte des droits et des obligations tant pour l’Union que pour les États membres, l’Union étant tenue par une obligation de solidarité à l’égard des États membres et ces derniers étant tenus par une obligation de solidarité entre eux et à l’égard de l’intérêt commun de l’Union et des politiques menées par elle (ibid., point 49). Le principe de solidarité énergétique requiert que les institutions de l’Union procèdent à une mise en balance des intérêts en jeu à la lumière de ce principe, en tenant compte des intérêts tant des États membres que de l’ensemble de l’Union (ibid., point 53).
B.26. Dans l’interprétation selon laquelle les articles 6, paragraphe 1, et 8 du règlement (UE) 2022/1854 permettent à un État membre de fixer le plafond à 130 euros/MWh, la question se pose de savoir si, compte tenu du caractère significatif de l’abaissement du plafond prévu à l’article 6, paragraphe 1, ces articles du règlement sont compatibles avec la liberté d’entreprise et avec le droit de propriété, tels qu’ils sont garantis, respectivement, par les articles 16 et 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi qu’avec le principe de la solidarité énergétique prévu par le droit de l’Union.
Par conséquent, il y a lieu, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la sixième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
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En ce qui concerne le plafond de 180 euros/MWh pour les installations qui produisent de l’électricité à partir de combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse
B.27. Le premier moyen dans l’affaire n° 8031 est pris de la violation, par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe de la sécurité juridique, avec le principe de la motivation et avec le principe de la confiance légitime.
Dans la première branche, les parties requérantes critiquent la différence de traitement que la disposition attaquée fait naître entre les entreprises qui sont soumises à un plafond de 130 euros/MWh et les entreprises qui sont soumises à un plafond de 180 euros/MWh, selon la technologie qu’elles utilisent.
Dans la seconde branche, les parties requérantes critiquent le fait que la disposition attaquée soumet à un plafond de 180 euros/MWh toutes les entreprises qui produisent de l’électricité à partir de la biomasse, bien qu’il puisse y avoir des différences considérables entre ces entreprises quant à leurs coûts d’investissements et d’exploitation.
Dans un troisième moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 8031 invoquent la violation, par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 8 du règlement (UE) 2022/1854. En prévoyant un plafond de 180 euros/MWh, la disposition attaquée porterait une atteinte disproportionnée à la capacité des producteurs d’électricité à partir de déchets issus de la biomasse de récupérer leurs coûts d’investissements et d’exploitation. À titre subsidiaire, les parties requérantes demandent à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle à ce sujet.
B.28. Contrairement à ce que fait valoir le Conseil des ministres, la requête indique suffisamment en quoi les dispositions soumises au contrôle de la Cour violeraient les normes de référence visées dans la première branche du premier moyen. Il ressort en outre des mémoires du Conseil des ministres qu’il a pu répondre aux griefs formulés par les parties requérantes. Le premier moyen, en sa première branche, répond dès lors aux exigences de l’article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.
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L’exception d’irrecevabilité est rejetée.
B.29. En ce que, dans la première branche du premier moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 8031 critiquent le plafond de 130 euros/MWh, la Cour renvoie à ce qui est exposé en B.19 à B.26.
B.30. Dans les première et seconde branches du premier moyen ainsi que dans le troisième moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 8031 critiquent également le plafond de 180 euros/MWh qui s’applique aux entreprises dotées d’installations qui produisent de l’électricité à partir de combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse, telles les parties requérantes.
B.31.1. Le principe de la sécurité juridique interdit au législateur de porter atteinte sans justification objective et raisonnable à l’intérêt que possèdent les sujets de droit d’être en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs actes. Le principe de la confiance légitime, qui est étroitement lié au principe de la sécurité juridique, interdit au législateur de porter atteinte aux attentes légitimes d’une catégorie déterminée de justiciables sans qu’un motif impérieux d’intérêt général le justifie. Le principe de la sécurité juridique et le principe de la confiance légitime sont également garantis par le droit de l’Union (CJUE, 2 février 2023, C-649/20 P, C-658/20 P et C-662/20 P, Royaume d’Espagne c. Commission européenne, ECLI:EU:C:2023:60, point 81; 21 juin 2018, C-5/16, République de Pologne c. Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, ECLI:EU:C:2018:483, point 100; grande chambre, 19 juillet 2016, C-526/14, Kotnik e.a., ECLI:EU:C:2016:570, points 61-69; grande chambre, 21 juillet 2011, C-194/09 P, Alcoa Trasformazioni Srl c. Commission européenne, ECLI:EU:C:2011:497, point 71).
B.31.2. En vertu de l’article 296 du TFUE, les actes juridiques de l’Union européenne doivent être motivés. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, l’obligation de motivation requiert que la motivation soit adaptée à la nature de l’acte en cause et fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (CJUE, 20 janvier 2022, C-899/19 P, Roumanie
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c. Commission européenne, ECLI:EU:C:2022:41, point 67; grande chambre, 12 septembre 2017, C-589/15 P, Anagnostakis c. Commission, ECLI:EU:C:2017:663, point 28).
B.32.1. Par dérogation au plafond de 130 euros/MWh, l’article 22ter, § 4, alinéa 3, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, prévoit un plafond de 180 euros/MWh pour les installations qui produisent de l’électricité à partir de combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse.
B.32.2. Les travaux préparatoires justifient ce plafond dérogatoire comme suit :
« Pour la biomasse gazeuse ou solide, le plafond est fixé à 180 euros/MWh. Les carburants en question ont connu des augmentations similaires à celles du prix du gaz à la suite de la crise énergétique. Ceci contrairement à d’autres technologies inframarginales qui n’ont pas d’augmentations de carburant similaires, mais seulement d’autres augmentations de coûts telles que le personnel, les coûts de maintenance, etc. Cette augmentation des coûts des combustibles est telle qu’une nouvelle augmentation du plafond de 130 à 180 euros/MWh est justifiée.
Dans le cas de la biomasse, cela est confirmé par l’augmentation du coût des combustibles observée dans les indices allemands, qui font appel aux mêmes flux de matières premières.
Après tout, les flux de biomasse et certainement les flux de déchets de bois sont commercialisés dans un rayon d’au moins 300 km. C’est pourquoi, en Belgique aussi, le lien est fait avec ces indices allemands comme prix compétitif, étant donné que ces flux sont également exportés vers l’Allemagne si les prix y sont plus élevés. Ces coûts disproportionnés des matières premières sont des coûts d’exploitation supplémentaires qui ne se produisent pas avec d’autres technologies inframarginales telles que l’énergie éolienne et solaire.
Cet indice pour les ‘ déchets de bois contaminés (0-150 mm) ’, par exemple, est passé de - 10 euros/tonne (juillet 2021) à + 45 euros/tonne (juillet 2022). Ce coût représente la grande majorité de l’ensemble des coûts d’exploitation d’une telle installation et a donc un impact important sur le coût total d’exploitation. Une tonne de déchets de bois peut produire jusqu’à environ 1 MWh d’électricité, en fonction du contenu énergétique et de l’humidité des matières premières, de sorte que l’augmentation de 55 euros par tonne se traduit par un coût supplémentaire de plus de 50 euros par MWh pour la production d’électricité. Un relèvement du plafond de 130 à 180 euros/MWh est donc pleinement justifié sur la base de cette seule augmentation substantielle des coûts du combustible, qui sont des coûts que d’autres installations de production marginale telles que l’énergie solaire et éolienne n’ont pas. En outre, un plafond inférieur au plafond maximal de 180 euros/MWh entraînerait également une augmentation des exportations de ces combustibles au lieu d’une utilisation locale, ce qui aurait un impact négatif sur les émissions de CO2 puisque l’électricité devrait alors être fournie par d’autres unités de production d’énergie marginales.
Des augmentations disproportionnées du prix des matières premières (et donc des carburants) sont également observées pour le biogaz. Étant donné que les coûts des combustibles représentent une part substantielle de l’ensemble des coûts d’exploitation de ces centrales et que ces coûts ont augmenté bien plus que les autres augmentations de coûts dans le
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secteur de l’électricité, un plafond plus élevé est également conforme à ces coûts nettement plus élevés. Ces coûts plus élevés concernent également, entre autres, les coûts supplémentaires d’épuration des gaz de combustion et les coûts supplémentaires de séchage et de traitement du substrat après la production de biogaz » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3042/001, pp. 28 et 29).
B.33. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8031 se sentent lésées, non en raison du fait qu’elles sont soumises à un plafond plus élevé que les producteurs qui produisent de l’électricité à partir d’autres technologies, auxquels s’applique un plafond de 130 euros/MWh, mais en raison du fait que le plafond supérieur qui leur est appliqué (180 euros/MWh) ne tient pas encore suffisamment compte de leurs coûts d’investissements et d’exploitation. Elles estiment dès lors que le législateur aurait dû fixer le plafond à un montant plus élevé que le montant de 180 euros/MWh.
B.34.1. Le montant de 180 euros/MWh que la disposition attaquée applique aux installations qui produisent de l’électricité à partir de combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse correspond au montant du plafond général qui est prévu à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 et qui s’applique également à la vente d’électricité produite à partir de combustibles issus de la biomasse (combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse), à l’exclusion du biométhane (article 7, paragraphe 1, e), du règlement (UE) 2022/1854).
B.34.2. Ainsi que le soulignent les parties requérantes dans l’affaire n° 8031, l’article 8, paragraphe 1, b), du règlement (UE) 2022/1854 permet effectivement aux États membres, à titre de mesure nationale en cas de crise, de « fixer un plafond sur les recettes issues du marché plus élevé pour les producteurs générant de l’électricité à partir des sources énumérées à l’article 7, paragraphe 1, à condition que leurs coûts d’investissements et d’exploitation dépassent le maximum fixé à l’article 6, paragraphe 1 ». Selon le considérant 42 du règlement, cette possibilité d’instaurer un plafond plus élevé vise à « garantir la sécurité de l’approvisionnement ».
À ce sujet, la ministre de l’Énergie a déclaré au sein de la commission compétente de la Chambre lors des débats concernant le projet qui est à l’origine de la loi du 16 décembre 2022 :
« Pour la ministre, il était évident, depuis le départ, que le plafond de 180 euros/MWh serait difficile pour ce secteur, en raison des coûts qui avaient fortement augmenté. De nombreuses
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consultations ont eu lieu. D’après le règlement européen, un plafond supérieur à 180 euros/MWh n’est possible que si les coûts d’exploitation et des investissements sont supérieurs à ce montant. Pour fixer un plafond supérieur, il fallait pouvoir l’objectiver, ce ne s’est pas avéré possible sur la base de la concertation avec le secteur. Par ailleurs, il est ressorti des consultations avec le secteur que le plafond de 180 euros/MWh était accueilli favorablement » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3042/003, p. 22).
Il en ressort que la ministre compétente a reconnu que les installations qui produisent de l’électricité à partir de combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse étaient confrontées à des coûts de production plus élevés, mais que, compte tenu de la condition, prévue à l’article 8, paragraphe 1, b), du règlement (UE) 2022/1854, relative au dépassement des coûts d’investissements et d’exploitation, il a été choisi, faute de données objectives pouvant étayer cette hausse, de limiter l’augmentation du plafond pour ces installations au montant de 180 euros/MWh prévu de manière générale par le règlement et de ne pas l’augmenter davantage sur la base de l’article 8 du règlement. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8031 estiment toutefois avoir fourni, dans leur requête, des données objectives pouvant étayer ces coûts plus élevés auxquels sont confrontées les installations qui produisent de l’électricité à partir de combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse.
Ainsi qu’il ressort du B.1.3 et comme il est dit en B.22.4, l’article 8, paragraphe 2, du règlement (UE) 2022/1854 subordonne aussi au respect de strictes conditions l’instauration des mesures nationales en cas de crise visées à l’article 8, paragraphe 1, ce qui vaut donc également pour l’augmentation du plafond général.
B.35.1. Dès lors que l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 permet seulement aux États membres d’instaurer un plafond de « maximum » 180 euros/MWh et que les États membres ne peuvent y déroger que dans le cadre des conditions strictes prévues à l’article 8 du règlement, les griefs invoqués par les parties requérantes dans l’affaire n° 8031
soulèvent la question de la validité de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, e), du règlement (UE) 2022/1854, en ce qu’ils appliquent également à la vente d’électricité produite à partir de combustibles issus de la biomasse (combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse) l’obligation de plafonner les recettes issues du marché à un maximum de 180 euros/MWh. Il y a dès lors lieu, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la septième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
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B.35.2. Dans l’hypothèse où, en réponse à la question préjudicielle précitée, la Cour de justice de l’Union européenne conclurait à la validité de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, e), du règlement (UE) 2022/1854, la question se pose de savoir si de l’article 8, paragraphe 1, b), et paragraphe 2, il peut se déduire une obligation, pour un État membre, d’instaurer pour les installations qui produisent de l’électricité à partir de combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse un plafond plus élevé que le plafond de 180 euros/MWh prévu à l’article 6, paragraphe 1, du règlement. Il convient dès lors, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la huitième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
En ce qui concerne l’utilisation de présomptions
B.36. Le premier moyen dans l’affaire n° 8032, le deuxième moyen dans l’affaire n° 8034, les premier, quatrième et sixième moyens dans l’affaire n° 8035 et les premier et deuxième moyens dans l’affaire n° 8037 sont dirigés contre l’utilisation, à l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, de cinq présomptions pour le calcul des recettes issues du marché sur lesquelles le prélèvement attaqué est appliqué.
Le premier moyen dans l’affaire n° 8032, le deuxième moyen dans l’affaire n° 8034, les premier et sixième moyens dans l’affaire n° 8035 et les premier et deuxième moyens dans l’affaire n° 8037 sont pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2, points 5) et 9), 6, 7 et 8 du règlement (UE) 2022/1854, avec l’article 288 du TFUE et avec les principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union, ainsi que du droit de propriété, en ce que la disposition attaquée instaure un plafond sur la base de présomptions qui sont irréfragables ou qui ne peuvent être réfutées qu’au moyen d’autres présomptions, plutôt que sur la base des recettes réelles des producteurs d’électricité. À titre subsidiaire, les parties requérantes demandent à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle à cet égard.
Le quatrième moyen dans l’affaire n° 8035 est pris de la violation des articles 10, 11 et 172
de la Constitution, en ce que la disposition attaquée fait naître une différence de traitement entre les producteurs relevant des première et deuxième présomptions, qui ne peuvent pas apporter
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la preuve contraire, et les producteurs relevant des troisième, quatrième et cinquième présomptions, qui peuvent apporter cette preuve.
B.37.1. Le Conseil des ministres fait valoir que le premier moyen dans l’affaire n° 8037
est irrecevable, en ce qu’il est allégué, à l’appui de ce dernier, que la loi du 16 décembre 2022
ne tient pas compte du fait que la partie requérante dans cette affaire s’est couverte, dans ses contrats, contre les fluctuations de prix et qu’elle n’a par conséquent tiré aucun bénéfice des pics des prix de l’électricité. Selon le Conseil des ministres, cette critique porte sur l’application de la loi du 16 décembre 2022, qui échappe à la compétence de la Cour.
B.37.2. Lorsqu’une exception d’irrecevabilité concerne également la portée qu’il y a lieu de donner à la disposition attaquée, l’examen de la recevabilité se confond avec celui du fond de l’affaire.
L’exception est rejetée.
B.38. Aux fins de la détermination des recettes issues du marché sur lesquelles les plafonds de 130 euros/MWh et de 180 euros/MWh s’appliquent, et donc aux fins de la détermination de la base imposable et du montant du prélèvement, l’article 22ter, § 5, alinéa 2, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, prévoit cinq présomptions applicables aux différentes technologies de production en fonction de leurs particularités. Les travaux préparatoires justifient le recours à des présomptions comme suit :
« Afin de définir le montant du prélèvement, le texte en projet prévoit un certain nombre de présomptions applicables aux technologies de production en fonction de leurs particularités.
En effet, il n’est pas possible de définir précisément un prix pour chaque MWh vendu et livré au cours de la période définie, dans la mesure où ce prix dépend d’une stratégie de vente propre à chaque technologie, mécanisme de support ou autre régime particulier. En plus, au sein d’un portefeuille de production, les producteurs peuvent transférer (entre installations de production)
des transactions de vente liées à des MWh produits. À cet égard, il faut rappeler qu’aux termes du considérant 37 du règlement (UE) 2022/1854, les autorités compétentes peuvent ‘ recourir à des estimations raisonnables pour calculer le plafond sur les recettes issues du marché ’.
[...]
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Ces présomptions sont fondées sur des données techniques courantes en matière de production d’électricité, connues des débiteurs (voy. C. const., arrêt n° 72/2008 du 24 avril 2008, B.7.7).
[...]
Les présomptions visées aux 1° à 5° ont pour objectif d’alléger la charge administrative des débiteurs en recourant à des estimations raisonnables et fondées sur les pratiques du marché » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3042/001, pp. 30, 31 et 34).
B.39.1. La première présomption (article 22ter, § 5, alinéa 2, 1°, de la loi du 29 avril 1999)
concerne les centrales nucléaires visées par la loi du 11 avril 2003. Il s’agit des centrales Doel 3, Doel 4, Tihange 2 et Tihange 3.
La deuxième présomption (article 22ter, § 5, alinéa 2, 2°, de la loi du 29 avril 1999)
concerne la centrale nucléaire visée à l’article 4/1 de la loi du 31 janvier 2003. Il s’agit de la centrale Tihange 1.
L’article 22ter, § 5, alinéa 2, 1° et 2°, de la loi du 29 avril 1999 renvoie, pour le calcul des recettes issues du marché des centrales nucléaires, aux méthodes de calcul qui figurent respectivement dans la loi du 11 avril 2003 et dans la loi du 31 janvier 2003. Par conséquent, le montant du prélèvement pour les exploitants des centrales Doel 3, Doel 4, Tihange 2 et Tihange 3, ainsi que pour les exploitants de la centrale Tihange 1 est calculé de la même manière que, respectivement, la contribution de répartition prévue par la loi du 11 avril 2003
(pour Doel 3, Doel 4, Tihange 2 et Tihange 3) et la redevance annuelle prévue par la loi du 31 janvier 2003 (pour Tihange 1). Selon les travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022, « [...] il est [en effet] impossible de faire un calcul correct du prélèvement sans appliquer la même stratégie de vente : il s’agit de volumes qui ne sont logiquement vendus qu’une seule fois, dans le cadre d’une stratégie donnée. La stratégie de vente devrait donc être identique [...] » (ibid., p. 31).
La disposition attaquée contient des précisions par rapport aux méthodes de calcul prévues par la loi du 11 avril 2003 et par la loi du 31 janvier 2003 pour que le plafond puisse être appliqué. Concrètement, en ce qui concerne la première présomption, dans le cadre du calcul de la contribution de répartition, le volume vendu à terme sur l’année est réputé avoir fait l’objet d’une transaction par jour de cotation journalière. La transaction est donc réputée avoir été
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effectuée à un prix par jour. Le volume d’électricité vendu sur le marché à un jour est réputé avoir fait l’objet d’une transaction pour chaque période de livraison d’une heure pour le volume horaire concerné. En ce qui concerne la deuxième présomption, dans le cadre du calcul de la redevance annuelle, le volume vendu à terme sur l’année est réputé avoir fait l’objet d’une transaction lors du premier jour ouvrable de chaque mois où une cotation journalière a été publiée. Le plafond est donc appliqué sur une transaction au prix du premier jour ouvrable de chaque mois. Le volume d’électricité vendu sur le marché à un jour est réputé avoir fait l’objet d’une transaction pour chaque période de livraison d’une heure pour le volume horaire concerné.
Selon les travaux préparatoires, la circonstance que les première et deuxième présomptions reposent sur les méthodes de calcul prévues par la loi du 11 avril 2003 et par la loi du 31 janvier 2003 justifie pourquoi ces présomptions ne peuvent pas être renversées (ibid., pp. 35-36). Ce caractère irréfragable a en outre pour objectif d’éviter la double imposition (ibid., p. 36).
B.39.2. La troisième présomption (article 22ter, § 5, alinéa 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999) vise les installations qui ne relèvent pas des première ou deuxième présomptions et dont la production est couverte par un contrat d’achat d’électricité. Par « contrat d’achat d’électricité », il convient d’entendre : un Power Purchase Agreement (PPA) ou ses variantes, notamment le Corporate Power Purchase Agreement (CPPA) et les Power Purchase Agreements financiers ou virtuels (VPPA) (ibid., p. 32). Dans le cadre de cette présomption, les recettes issues du marché sont calculées conformément aux termes du contrat, étant entendu que le prix du volume d’électricité vendu à terme est déterminé par transaction par jour visé dans le contrat et que, pour le volume vendu sur le marché à un jour, c’est une transaction par heure de livraison qui est prise en considération.
B.39.3. La quatrième présomption (article 22ter, § 5, alinéa 2, 4°, de la loi du 29 avril 1999) vise les installations qui ne relèvent pas des première, deuxième ou troisième présomptions et qui ne bénéficient pas d’un mécanisme d’aide à la production, ou qui bénéficient d’un mécanisme d’aide à la production qui ne dépend pas de l’évolution du prix de l’électricité ou qui dépend de l’évolution de ce prix sur une période de trois ans. Les producteurs
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qui relèvent de cette présomption sont réputés avoir vendu à terme sur trois ans. Cette présomption peut également s’appliquer aux centrales nucléaires Doel 1 et Doel 2 (ibid., p. 33).
B.39.4. La cinquième présomption (article 22ter, § 5, alinéa 2, 5°, de la loi du 29 avril 1999) vise les installations qui ne relèvent pas des première, deuxième, troisième ou quatrième présomptions. Cette présomption repose sur une couverture de vente à terme sur un an.
B.39.5. L’article 22ter, § 5, alinéa 2, 6°, de la loi du 29 avril 1999 prévoit la possibilité de renverser les troisième, quatrième et cinquième présomptions. Pour ce faire, le contribuable doit apporter la preuve, pour l’ensemble de son parc de production, que les recettes issues du marché diffèrent de celles qui sont déterminées conformément à l’une des présomptions précitées. L’article 22ter, § 5, alinéa 2, 6°, a) à d), de la loi du 29 avril 1999 contient toutefois un certain nombre d’hypothèses liant le contribuable lorsque celui-ci souhaite renverser les troisième, quatrième et cinquième présomptions. Selon les travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022, ces hypothèses constituent des « garde-fous », compte tenu du fait que ces présomptions reposent sur « la pratique normale du marché » (ibid., pp. 34-35). C’est ainsi que les ventes et achats d’électricité intragroupes doivent rester cohérents avec le prix du marché (article 22ter, § 5, alinéa 2, 6°, a)). Selon les travaux préparatoires, ce garde-fou vise spécifiquement à « éviter que des ventes d’électricité à des prix artificiellement bas au sein d’un même groupe aboutissent à exempter les producteurs (qui vendraient l’électricité à un prix inférieur au plafond) et à ce que les recettes excédentaires soient perçues par des tiers (au sein du même groupe) non visés par le présent prélèvement, par exemple des installations avec une capacité limitée » (ibid., p. 35). Par ailleurs, tout volume d’électricité produit et vendu mais non vendu à terme est réputé vendu au prix de référence du marché, c’est-à-dire au prix à un jour (article 22ter, § 5, alinéa 2, 6°, b), juncto l’article 2, 40°, de la loi du 29 avril 1999).
L’article 22ter, § 5, alinéa 2, qualifie de « présomption » la possibilité de renverser les troisième, quatrième et cinquième présomptions.
B.40.1. L’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 dispose que le plafond doit s’appliquer aux « recettes issues du marché » des producteurs, c’est-à-dire, aux termes de l’article 2, point 5), du règlement, aux « revenus réalisés qu’un producteur perçoit en échange
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de la vente et de la fourniture d’électricité ». Ces dispositions laissent entendre que le règlement vise les recettes effectivement réalisées, bien que ni ces dispositions ni aucune autre disposition du règlement ne déterminent expressément la façon dont ces recettes issues du marché doivent être établies.
Le considérant 30 du règlement (UE) 2022/1854 précise toutefois que « [quelle] que soit la forme contractuelle sous laquelle les échanges d’électricité ont lieu, le plafond sur les recettes issues du marché devrait s’appliquer uniquement aux recettes du marché qui ont été réalisées.
Cela est nécessaire pour éviter de nuire aux producteurs qui ne bénéficient pas réellement des prix élevés actuels de l’électricité parce qu’ils ont couvert leurs recettes contre les fluctuations du marché de gros de l’électricité ». Il semble qu’il faille déduire de ce considérant que le règlement (UE) 2022/1854 tend à l’application du plafond aux recettes que le producteur a effectivement obtenues grâce à la vente ou à la livraison d’électricité. Enfin, l’article 7, paragraphe 6, du règlement (UE) 2022/1854 oblige les producteurs, les intermédiaires et les acteurs du marché concernés à fournir aux autorités compétentes des États membres « toutes les données nécessaires à l’application de l’article 6, y compris en ce qui concerne l’électricité produite et les recettes issues du marché qui y sont liées ». Cette obligation d’information détaillée laisse entendre que le producteur sera imposé sur les recettes dont il a effectivement bénéficié et qu’il doit déclarer.
B.40.2. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.38, le législateur fonde le recours à des présomptions pour déterminer la base imposable sur le considérant 37 du règlement (UE) 2022/1854. Ce considérant dispose :
« [...] Compte tenu du grand nombre de transactions pour lesquelles les autorités compétentes des États membres doivent veiller à l’application du plafond sur les recettes issues du marché, ces autorités devraient pouvoir recourir à des estimations raisonnables pour calculer le plafond sur les recettes issues du marché ».
Ainsi qu’il ressort également des travaux préparatoires mentionnés en B.38, le législateur estimait qu’il n’était pas possible de définir précisément un prix pour chaque MWh vendu et livré au cours de la période définie. En ayant toutefois recours à « des estimations raisonnables et fondées sur les pratiques [normales] du marché » (ibid., p. 34), il visait « à coller le plus possible à la réalité » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3042/003, p. 24). Cette façon
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de procéder permet également d’alléger la charge administrative du contribuable (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3042/001, p. 34).
Par ailleurs, les travaux préparatoires indiquent que l’utilisation de présomptions est également fondée sur l’article 6, paragraphe 3, du règlement (UE) 2022/1854, qui impose aux États membres de prendre des mesures efficaces pour éviter que l’application du plafond sur les recettes issues du marché obtenues par les producteurs d’électricité soit contournée (ibid., p. 34).
B.41.1. La Cour constate que les parties requérantes dans les affaires nos 8032, 8034, 8035
et 8037 contestent de manière circonstanciée tant l’impossibilité invoquée par le législateur d’appliquer le plafond aux recettes effectivement réalisées des producteurs d’électricité que le caractère raisonnable des présomptions.
Premièrement, les parties requérantes font valoir qu’il est parfaitement possible de calculer les recettes qu’elles ont effectivement réalisées, sur la base des données que les producteurs doivent fournir pour l’application des présomptions.
Deuxièmement, les parties requérantes démontrent à l’aide de calculs chiffrés que l’application des première, deuxième et troisième présomptions aboutit à un montant plus élevé de recettes issues du marché que la prise en compte de leurs recettes effectives. À cet égard, elles critiquent en particulier le fait que toutes ces présomptions supposent une vente d’électricité par jour au prix de ce jour ou d’une vente par heure, alors que tel n’est pas toujours le cas en pratique. C’est ainsi qu’elles soulignent, en ce qui concerne la troisième présomption, que le contrat d’achat en question peut prévoir une vente du volume total produit en un mois, au prix de la moyenne des prix horaires pour ce mois, ou une vente à prix fixe. Elles allèguent également que les producteurs d’énergie renouvelable sont susceptibles d’accorder des remises commerciales par rapport au prix contractuellement fixé, afin de garantir que l’électricité fournie localement reste moins chère que l’électricité fournie par le réseau de distribution.
En ce qui concerne la première et la deuxième présomptions, les parties requérantes font valoir que les exploitants des centrales nucléaires visées ne sont pas tenus de suivre la stratégie de vente prévue par la loi du 11 avril 2003 et par la loi du 31 janvier 2003. Ainsi, les parties requérantes dans l’affaire n° 8032 allèguent que EDF Belgium vend l’électricité qu’elle produit
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à partir de sa centrale nucléaire (Tihange 1) dans le cadre d’un accord intragroupe avec EDF France conformément au principe de pleine concurrence (at arm’s length), ce qui implique que l’électricité est vendue à un prix concurrentiel, comme si EDF Belgium vendait son électricité à un acheteur indépendant. L’entreprise souligne que cette politique est connue de l’administration fiscale.
B.41.2. Les parties requérantes dans les affaires nos 8032, 8034, 8035 et 8037 estiment que la loi du 16 décembre 2022, en ne tenant pas compte de ces variations, a pour effet qu’elles sont soit soumises au prélèvement attaqué, alors que leurs recettes issues du marché effectives sont inférieures à 130 euros/MWh, soit imposées sur un montant plus élevé de recettes issues du marché que s’il était tenu compte de leurs recettes issues du marché effectives. Selon les calculs des parties requérantes, ces différences peuvent être considérables.
Eu égard au manque de précisions, dans les travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022 et dans les mémoires du Conseil des ministres, quant à l’impossibilité de calculer les recettes effectivement réalisées et quant à la conformité des présomptions à « la pratique normale du marché », toutes deux alléguées par le législateur, les calculs des parties requérantes dans les affaires nos 8032, 8034, 8035 et 8037 paraissent crédibles.
B.42.1. Il existe dès lors un doute raisonnable quant à savoir si l’article 2, point 5), et l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854, lus à la lumière du considérant 30 de celui-ci, peuvent être interprétés en ce sens qu’ils autorisent un État membre à se fonder sur des présomptions plutôt que sur les recettes effectivement réalisées provenant de la vente et de la livraison d’électricité, pour déterminer les recettes issues du marché sur lesquelles le plafond est appliqué, le contribuable soit ne pouvant pas renverser ces présomptions (dans le cas des première et deuxième présomptions), soit le pouvant, mais uniquement sur la base d’une autre présomption, qui ne tient pas compte des recettes provenant de la vente et de la livraison d’électricité effectivement réalisées (troisième, quatrième et cinquième présomptions).
À cet égard, il peut être renvoyé au réexamen de la Commission européenne au sujet de l’exécution du règlement (UE) 2022/1854. Le rapport au Parlement européen et au Conseil du 5 juin 2023 (COM(2023) 302 final) relatif à ce réexamen indique que la Commission a été informée, dans le cadre d’échanges avec les parties prenantes et par l’intermédiaire de plaintes, que la manière dont certains États membres ont mis en œuvre le plafond sur les recettes pouvait
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avoir porté atteinte à des accords d’achat d’électricité (AAE) existants et à d’autres contrats à long terme et découragé la conclusion de nouveaux contrats. Selon la Commission européenne, « cette situation est notamment observée lorsque le plafond ne s’applique pas aux revenus réalisés par un producteur dans le cadre de l’AAE, mais aux revenus ‘ supposés ’ (fictifs)
correspondant, par exemple, aux prix de gros de l’électricité, ce qui entraîne en fin de compte des situations paradoxales dans lesquelles le producteur peut être contraint de vendre de l’électricité à perte ».
B.42.2. La circonstance que l’utilisation de présomptions vise, ainsi qu’il ressort du B.40.2, à alléger les charges administratives pour les contribuables et à lutter contre le contournement du prélèvement n’est pas de nature à supprimer ce doute raisonnable. L’on peut en effet douter qu’une présomption de fraude et d’abus puisse justifier une mesure fiscale de portée générale déterminant la base imposable de manière forfaitaire, sans que le contribuable ait la possibilité d’apporter la preuve qu’il n’est nullement question de fraude ou d’évasion fiscale (CJCE, 7 septembre 2017, C-6/16, Eqiom SAS, ECLI:EU:C:2017:641, points 30-32;
12 septembre 2006, C-196/04, Cadbury Schweppes plc, et Cadbury Schweppes Overseas, ECLI:EU:C:2006:544, point 55; 5 juillet 2012, C-318/10, SIAT, ECLI:EU:C:2012:415, point 40; 19 septembre 2000, C-177/99 et C-181/99, Ampafrance SA, ECLI:EU:C:2000:470, point 62; 26 septembre 2000, C-478/98, Commission des Communautés européennes, ECLI:EU:C:2000:497, point 45). Le même constat vaut en ce qui concerne l’objectif qui consiste à alléger les charges administratives des contribuables.
B.42.3. Par conséquent, il y a lieu, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la neuvième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
B.43. En cas de réponse affirmative à la question préjudicielle précitée, la question se pose de savoir si l’article 2, point 5), et l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854, lus à la lumière du considérant 30 de celui-ci, autorisent un État membre, dans le cadre de l’utilisation de présomptions, à opérer une distinction entre les producteurs d’électricité à partir d’énergie nucléaire, qui ne peuvent pas renverser les présomptions qui leur sont applicables, et les autres producteurs d’électricité à partir d’autres sources, qui peuvent renverser, sur la base d’une autre présomption, les présomptions qui leur sont applicables. Partant, il y a lieu, avant
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de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la dixième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
B.44.1. Les parties requérantes dans les affaires nos 8032, 8034, 8035 et 8037 allèguent également que l’application du plafond sur la base de présomptions qui sont irréfragables ou qui ne peuvent être renversées qu’à l’appui d’autres présomptions, plutôt que sur la base des recettes réelles des producteurs d’électricité, viole le droit de propriété et le principe d’égalité et de non-discrimination.
B.44.2. À supposer que l’article 2, point 5), et l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854, lus à la lumière du considérant 30 de celui-ci, permettent à un État membre de déterminer sur la seule base de présomptions les recettes issues du marché sur lesquelles le plafond est appliqué, sans qu’il soit possible pour les producteurs d’électricité de démontrer les recettes qu’ils ont effectivement réalisées à partir de la vente et de la livraison d’électricité, la question se pose de savoir si les dispositions précitées de ce règlement sont, dans cette interprétation, compatibles avec le droit de propriété, tel qu’il est garanti par l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Il y a dès lors lieu, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la onzième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
B.44.3. À supposer que l’article 2, point 5), et l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854, lus à la lumière du considérant 30 de celui-ci, autorisent un État membre à opérer, dans le cadre de l’utilisation de présomptions pour déterminer les recettes issues du marché sur lesquelles le plafond est appliqué, une distinction entre les producteurs d’électricité à partir d’énergie nucléaire et les producteurs d’électricité à partir d’autres sources, la question se pose de savoir si les dispositions précitées de ce règlement sont, dans cette interprétation, compatibles avec le principe d’égalité et de non-discrimination, garanti par les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il y a dès lors lieu, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la douzième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
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En ce qui concerne la non-prise en compte des coûts de déséquilibre
B.45. Le troisième moyen dans l’affaire n° 8032 est pris de la violation, par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que cette disposition fait naître une différence de traitement entre les producteurs qui relèvent de la troisième présomption, qui peuvent prendre en compte les coûts liés au déséquilibre du réseau d’électricité pour déterminer la base imposable, et les producteurs qui relèvent des autres présomptions, qui ne peuvent pas prendre en compte ces coûts.
B.46. En vertu de l’article 40 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 « concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (refonte) », le gestionnaire de réseau de transport est chargé de garantir la capacité à long terme du réseau de répondre à des demandes raisonnables de transport d’électricité, d’exploiter, d’entretenir et de développer, dans des conditions économiquement acceptables, des réseaux de transport sûrs, fiables et efficaces.
Pour ce faire, le gestionnaire de réseau de transport doit assurer un équilibre permanent des flux d’électricité résultant de l’offre et de la demande d’électricité (article 40, paragraphe 1, a) et i), et paragraphe 4, de la directive; article 8, § 1er, alinéa 2, 4°, de la loi du 29 avril 1999).
Pour ces services d’équilibrage, le gestionnaire de réseau de transport peut demander une indemnité aux producteurs d’électricité. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, première phrase, du règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 « sur le marché intérieur de l’électricité (refonte) », tous les acteurs du marché sont effectivement responsables des déséquilibres qu’ils provoquent dans le système. À cette fin, les acteurs du marché assurent la fonction de responsable d’équilibre ou délèguent contractuellement cette responsabilité au responsable d’équilibre de leur choix (article 5, paragraphe 1, deuxième phrase). Chaque responsable d’équilibre est financièrement responsable des déséquilibres qu’il provoque et s’efforce de parvenir à l’équilibre ou de contribuer à l’équilibrage du système électrique (article 5, paragraphe 1, troisième phrase). Ces tarifs sont équitables, non discriminatoires et fondés sur des critères objectifs (article 12, § 5, 10°, de la loi du 29 avril 1999).
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B.47. Comme il est dit en B.37.2, l’article 22ter, § 5, alinéa 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999
dispose que, dans le cadre de la troisième présomption, les recettes issues du marché sont calculées « conformément aux termes de ce contrat ».
B.48.1. Ni le règlement (UE) 2022/1854 ni la loi du 16 décembre 2022 ne prévoient expressément la possibilité pour les producteurs d’électricité de déduire du montant des recettes issues du marché des coûts tels que l’indemnité qu’ils ont dû payer au gestionnaire de réseau de transport pour avoir provoqué un déséquilibre sur le marché de l’électricité. La seule exception à cet égard est prévue à l’article 22ter, § 5, dernier alinéa, de la loi du 16 décembre 2022, qui autorise les producteurs à déduire de leurs recettes les coûts liés à l’achat d’électricité vendue mais non produite. Cette disposition prévoit toutefois expressément que cette possibilité ne s’applique pas aux producteurs qui relèvent de la troisième présomption.
B.48.2. Il ressort de l’exposé des motifs du projet à l’origine de la loi du 16 décembre 2022
que les différents coûts des producteurs, parmi lesquels les coûts de déséquilibre, sont compris dans la marge de 50 euros/MWh qui a été calculée en plus du prix estimé de 80 euros/MWh pour l’électricité :
« Les coûts de la chaîne de fourniture d’électricité sont exprimés dans le prix final au client.
Outre l’inflation générale, qui peut affecter les coûts des producteurs inframarginaux impliqués dans l’achat de leurs matières premières, le calcul des salaires, la réalisation de nouveaux investissements, etc., il s’agit également d’une expression économique de la façon dont l’électricité est échangée et des risques physiques et financiers sur l’ensemble de la chaîne commerciale sont couverts (par exemple par la couverture, l’optimisation, l’équilibrage et les coûts de financement des garanties (margining) dans le cadre des prix de gros actuellement élevés et volatils du gaz et de l’électricité). Parce que les producteurs font partie de cette chaîne, ils sont également confrontés à cette couverture des risques dans leur production » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3042/001, p. 26).
B.48.3. Par conséquent, les coûts de déséquilibre relèvent des coûts d’exploitation dont le législateur a tenu compte pour déterminer le plafond de 130 euros/MWh. Dès lors que le législateur de l’Union a lui aussi appliqué une marge pour déterminer le plafond de 180 euros/MWh, afin de couvrir les coûts d’investissements et d’exploitation (considérants 27, 28 et 29 du règlement (UE) 2022/1854), il peut être considéré que les coûts de déséquilibre sont également compris dans cette marge. À la lumière de ce qui précède, il est logique que le
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règlement (UE) 2022/1854 et la loi du 16 décembre 2022 ne prévoient pas une possibilité distincte pour les producteurs d’électricité de déduire les coûts de déséquilibre du montant des recettes issues du marché, ces coûts ayant déjà été déduits.
Dès lors que le plafond de 130 euros/MWh s’applique aux producteurs d’électricité quelle que soit la présomption applicable, le segment de phrase qui figure à l’article 22ter, § 5, alinéa 2, 3°, de la loi du 29 avril 1999 et qui dispose que, dans le cadre de la troisième présomption, les recettes issues du marché sont calculées « conformément aux termes de ce contrat » ne saurait être compris en ce sens que les producteurs qui relèvent de cette présomption, contrairement aux producteurs qui relèvent des autres présomptions, seraient autorisés à déduire du montant des recettes issues du marché sur lesquelles le plafond s’applique les coûts liés au déséquilibre qu’ils ont provoqué sur le marché de l’électricité.
B.48.4. La différence de traitement critiquée par les parties requérantes dans l’affaire n° 8032 n’existe pas.
B.49. En ce que les parties requérantes dans l’affaire n° 8032 critiqueraient, par leur moyen, le fait que le niveau auquel la loi du 16 décembre 2022 a fixé le plafond, à savoir 130 euros/MWh, est insuffisant pour couvrir les coûts de déséquilibre, il suffit de renvoyer à ce qui est dit en B.19 à B.26.
En ce qui concerne l’application dans le temps du prélèvement attaqué
B.50. La première branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 8031, le premier moyen dans l’affaire n° 8034 et les deuxième, cinquième et sixième moyens dans l’affaire n° 8035 sont pris de la violation, par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, des articles 10, 11, 170 et 172
de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 7, 8, 20 et 22 du règlement (UE) 2022/1854, avec l’article 288 du TFUE, avec le principe de la coopération loyale prévu à l’article 4, paragraphe 3, du TUE, avec les principes de la primauté et de l’effectivité du droit de l’Union, avec le principe de la solidarité énergétique, avec les principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime et avec le principe de la non-rétroactivité des lois, ainsi que du droit de propriété, en ce que la disposition attaquée prévoit l’application du
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prélèvement sur l’excédent des recettes issues du marché réalisées par les producteurs d’électricité à partir du 1er août 2022.
La Cour examine d’abord la compatibilité du champ d’application temporel de la loi du 16 décembre 2022 avec le droit de l’Union européenne.
B.51. Comme il est dit en B.1.3, le règlement (UE) 2022/1854 est entré en vigueur le 8 octobre 2022 et le plafond est applicable du 1er décembre 2022 au 30 juin 2023.
B.52. En vertu de l’article 22ter, § 1er, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022, le plafond s’applique aux recettes excédentaires réalisées « entre le 1er août 2022 et le 30 juin 2023 » par les contribuables visés au paragraphe 2
de cette disposition.
Les travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2022 justifient l’application temporelle plus large du plafond comme suit :
« En l’espèce, l’objectif d’intérêt général poursuivi par le législateur, à savoir la redistribution des recettes excédentaires des débiteurs est largement démontré par la situation exceptionnelle décrite ci-dessus et par le préambule du règlement (UE) 2022/1854, qui expose notamment que ‘ Les dysfonctionnements sur le marché de l’énergie, provoqués par l’un des principaux acteurs du marché qui a réduit artificiellement l’approvisionnement en gaz dans le contexte de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, et la guerre hybride déclenchée par cette agression, ont conduit à une situation de crise qui nécessite l’adoption d’un ensemble de mesures urgentes, temporaires et exceptionnelles de nature économique afin de faire face à ses effets insupportables pour les consommateurs et les entreprises. S’il n’y est pas remédié rapidement, la situation de crise pourrait avoir des effets néfastes très graves sur l’inflation, la liquidité des opérateurs de marché et l’économie dans son ensemble ’ (8° considérant).
Pour atteindre cet objectif, il est donc indispensable de prévoir que le prélèvement s’applique sur les recettes excédentaires réalisées depuis le 1er août 2022. En effet, dans son étude précitée du 31 août 2022, la CREG a établi que les prix de l’électricité sur les marchés de gros, qui déterminent les revenus des débiteurs, ont connu leur plus forte progression au cours de l’année 2022 (pp. 24 et s.) avec des pics de prix très élevés au mois d’août.
S’agissant de la prévisibilité de la mesure, le règlement (UE) 2022/1854 expose que ‘ Si des hausses occasionnelles et à court terme des prix peuvent être considérées comme une caractéristique normale d’un marché de l’électricité et peuvent être utiles à certains investisseurs pour récupérer leurs investissements dans la production, l’augmentation extrême
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et durable des prix observée depuis février 2022 est très différente d’une situation de marché normale caractérisée par des hausses occasionnelles des prix ’.
Le 8 mars 2022, la Commission européenne a confirmé, dans une communication, ‘ que la réglementation des prix et des mécanismes de transfert visant à protéger les consommateurs et l’économie de l’UE sont possibles ’ (RePowerEU: Action conjointe pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable, COM(2022)108 final, 8 mars 2022, p. 2).
La perturbation durable du marché de l’énergie à partir de février 2022 a également été à l’origine des mesures prises par le gouvernement dès les 15 mars 2022 pour répondre à la crise énergétique et à la hausse des prix.
Au final, les prix de gros très élevés de l’énergie, qui ont été établis en août, ont conduit la Commission européenne à considérer également nécessaire d’intervenir et de proposer le règlement (UE) 2022/1854. Sans cette flambée des prix en août, cela n’aurait peut-être pas eu lieu. La présidente de la CE, Ursula Von der Leyen, a donc déjà évoqué des mesures d’envergure le 30 août, puis confirmé formellement l’introduction d’un plafonnement des prix pour les unités de production inframarginales dans son État de l’Union le 14 septembre 2022.
Compte tenu de ce qui précède, [il] apparaît donc raisonnable de considérer qu’au printemps 2022 les producteurs d’électricité avaient conscience que la hausse des prix n’était pas un phénomène de courte durée et qu’une intervention de l’État était nécessaire pour réduire l’impact sur les consommateurs.
Compte tenu de cette prévisibilité et des pics de prix très élevés du mois d’août, au cours desquels les exploitants d’unités de production infra-marginales ont pu réaliser des revenus indéniablement excessifs et, en plus, les sécuriser pour la production future, il convient que la période de prélèvement sur les recettes excédentaires réalisées s’applique depuis le 1er août 2022 » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3042/001, pp. 17-19).
Il en résulte que le législateur justifie l’extension du champ d’application temporel du plafond par rapport à ce que prévoit le règlement (UE) 2022/1854, d’une part, par l’objectif général du règlement qui consiste à apporter une réponse aux énormes hausses des prix de l’électricité, lesquelles se sont surtout produites depuis février 2022, avec des pics très élevés en août 2022 en Belgique, et, d’autre part, par le postulat que les producteurs d’électricité devaient raisonnablement s’attendre à ce qu’une telle mesure soit instaurée, compte tenu non seulement des hausses de prix précitées, mais aussi du fait que l’instauration d’une telle mesure avait été annoncée à plusieurs reprises.
B.53. Ni l’article 22, paragraphe 2, c), ni aucune autre disposition du règlement (UE) 2022/1854 ne prévoient expressément la possibilité pour les États membres d’appliquer le plafond avant la date du 1er décembre 2022. Cette possibilité était en revanche
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initialement prévue dans la proposition à l’origine du règlement (UE) 2022/1854. L’article 20
de cette proposition disposait effectivement que l’application du plafond à partir du 1er décembre 2022 était « sans préjudice d’une application volontaire anticipée par les États membres » (COM(2022) 473 final, p. 44). Cet ajout a toutefois été supprimé au cours du processus législatif qui a suivi.
Contrairement à ce qui est le cas pour d’autres aspects relatifs au plafond, il n’y a pas non plus de considérant du règlement (UE) 2022/1854 qui traite explicitement d’une application anticipée du plafond. Contrairement à ce qu’indiquent les travaux préparatoires cités en B.52, le simple fait qu’un considérant du règlement énonce, dans le cadre de l’économie générale de ce règlement, la nécessité de prendre des mesures urgentes, temporaires et exceptionnelles de nature économique pour faire face aux effets des hausses de prix pour les consommateurs ne suffit pas pour admettre que le règlement autorise les États membres, sans équivoque possible, à appliquer le plafond avant la date prévue par ce règlement.
Une telle lecture ne peut pas non plus se déduire du fait que l’instauration d’un plafond avait déjà été annoncée à plusieurs reprises au niveau de l’Union européenne. Il n’est pas certain que l’on puisse raisonnablement attendre des producteurs d’électricité qu’ils déduisent de ces annonces que le législateur national appliquerait le plafond avant l’entrée en vigueur du plafond établi par le droit de l’Union. Il peut être souligné à cet égard que la Commission européenne a explicitement mentionné, dans sa communication du 8 mars 2022, à laquelle les travaux préparatoires précités font référence, que les mesures fiscales temporaires que les États membres peuvent prendre en ce qui concerne les bénéfices exceptionnels des producteurs d’électricité « ne devraient pas être rétroactives » (COM(2022) 108 final, p. 4).
B.54. Il existe dès lors un doute raisonnable quant à savoir si le règlement (UE) 2022/1854
peut être interprété en ce sens qu’il permet à un État membre d’appliquer le plafond prévu à l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement avant la date d’application prévue par ce même règlement, à savoir le 1er décembre 2022, de sorte qu’il y a lieu, avant de statuer quant au fond, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la treizième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
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B.55. Dès lors que les parties requérantes dans les affaires nos 8034 et 8035 font également valoir que l’application du plafond à partir du 1er août 2022 est contraire au principe de la sécurité juridique, au principe de la confiance légitime, au principe de la non-rétroactivité des lois, au principe de la solidarité énergétique et à l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il y a lieu, en cas de réponse affirmative à la question préjudicielle mentionnée en B.54, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la quatorzième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
Quant à la demande de maintien des effets
B.56.1. À titre subsidiaire, le Conseil des ministres demande à la Cour de maintenir définitivement les effets des dispositions qu’il y aurait lieu d’annuler. Il renvoie en l’espèce aux difficultés budgétaires et administratives qu’entraînerait une annulation non modulée, compte tenu du fait que les prélèvements déjà payés pourraient être récupérés, alors que le produit de ces prélèvements a déjà été utilisé pour financer différentes mesures visant à limiter les effets des prix élevés de l’électricité pour les clients finals. Le Conseil des ministres souligne en outre que la loi du 16 décembre 2022 met partiellement en œuvre le règlement (UE) 2022/1854, qui impose à l’autorité fédérale de plafonner les recettes issues du marché dont les producteurs d’électricité ont bénéficié entre le 1er décembre 2022 et le 30 juin 2023. Une annulation rétroactive aurait pour conséquence que plus aucun plafond sur les recettes issues du marché ne s’appliquerait en Belgique, ce qui porterait atteinte aux objectifs du règlement (UE) 2022/1854
et engendrerait un « vide juridique » préjudiciable pour le droit de l’Union.
B.56.2. L’article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle dispose :
« Si la Cour l’estime nécessaire, elle indique, par voie de disposition générale, ceux des effets des dispositions annulées qui doivent être considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le délai qu’elle détermine ».
B.56.3. En la matière, la Cour doit tenir compte des limitations qui découlent du droit de l’Union européenne quant au maintien des effets des normes nationales qui doivent être
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annulées parce qu’elles sont contraires à ce droit (CJUE, grande chambre, 8 septembre 2010, C-409/06, Winner Wetten GmbH, ECLI:EU:C:2010:503, points 53-69; grande chambre, 28 février 2012, C-41/11, Inter-Environnement Wallonie ASBL et Terre wallonne ASBL, ECLI:EU:C:2012:103, points 56-63).
En règle générale, ce maintien des effets ne peut avoir lieu qu’aux conditions qui sont fixées par la Cour de justice en réponse à une question préjudicielle. Par conséquent, il convient de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la quinzième question préjudicielle formulée dans le dispositif.
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Par ces motifs,
la Cour,
avant de statuer quant au fond,
pose à la Cour de justice de l’Union européenne les questions préjudicielles suivantes :
1. L’article 7, paragraphe 1, e), du règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 « sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie » doit-il être interprété en ce sens que seule l’électricité produite à partir de biométhane par épuration et compression du biogaz et par un processus de biométhanisation, et non l’électricité produite à partir de biogaz par un processus de biométhanisation et à l’aide d’une installation de cogénération, est exclue du champ d’application du plafond, prévu à l’article 6 de ce règlement, sur les recettes issues du marché provenant de la vente d’électricité ?
2. En cas de réponse affirmative à la première question préjudicielle, l’article 7, paragraphe 1, e), du règlement (UE) 2022/1854 précité, dans l’interprétation selon laquelle seule l’électricité produite à partir de biométhane par épuration et compression du biogaz et par un processus de biométhanisation, et non l’électricité produite à partir de biogaz par un processus de biométhanisation et à l’aide d’une installation de cogénération, est exclue du champ d’application du plafond, prévu à l’article 6 de ce règlement, sur les recettes issues du marché provenant de la vente d’électricité, viole-t-il les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ?
3. L’article 7, paragraphe 3, première phrase, du règlement (UE) 2022/1854 précité viole-
t-il les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce qu’il autorise les États membres, en particulier dans les cas où l’application du plafond sur les recettes issues du marché prévu à l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement entraîne une charge administrative importante, à déclarer le plafond inapplicable aux producteurs qui produisent de l’électricité au moyen d’installations de production d’une puissance maximale installée de 1 MW, sans permettre aux États membres de prévoir un tarif progressif ni une dérogation ou une exception en fonction de la puissance installée de l’installation concernée ?
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4. L’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 précité, compte tenu ou non des réponses à apporter aux cinquième et sixième questions préjudicielles, viole-t-il l’article 17
de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que, en prévoyant que les recettes issues du marché des producteurs d’électricité visés à l’article 7, paragraphe 1, du même règlement sont « plafonnées » à un maximum de 180 euros/MWh, il implique que l’excédent de ces recettes est soumis à un taux de prélèvement de 100 % ?
5. L’article 6, paragraphe 1, et l’article 8 du règlement (UE) 2022/1854 précité, lus à la lumière du considérant 40 de celui-ci, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils autorisent les États membres à instaurer une mesure nationale par laquelle, comme le prévoit l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 « modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et introduisant un plafond sur les recettes issues du marché des producteurs d’électricité », le plafond sur les recettes issues du marché est fixé à 130 euros/MWh, et qui est justifiée par la hausse des prix sur le marché belge de l’électricité ?
6. En cas de réponse affirmative à la cinquième question préjudicielle, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 8 du règlement (UE) 2022/1854 précité violent-ils les articles 16 et 17
de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que le principe de la solidarité énergétique prévu par le droit de l’Union ?
7. L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, e), du règlement (UE) 2022/1854
précité violent-ils les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime ainsi que l’obligation de motivation, prévue à l’article 296 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en ce qu’ils appliquent le plafond obligatoire de maximum 180 euros/MWh sur les recettes issues du marché également à la vente d’électricité produite à partir de combustibles issus de la biomasse (combustibles solides ou gazeux issus de la biomasse) ?
8. L’article 8, paragraphe 1, b), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2022/1854 précité doit-il être interprété en ce sens qu’il impose aux États membres d’instaurer, pour les installations qui produisent de l’électricité à partir de combustibles solides ou gazeux issus de
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la biomasse, un plafond supérieur au plafond de 180 euros/MWh prévu à l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement ?
9. L’article 2, point 5), et l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 précité, lus à la lumière du considérant 30 de celui-ci, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils autorisent un État membre à instaurer une mesure nationale par laquelle, comme le prévoit l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 précitée, les recettes issues du marché sur lesquelles le plafond est appliqué sont exclusivement déterminées sur la base de présomptions, sans qu’il soit possible pour les producteurs d’électricité de démontrer le montant des recettes qu’ils ont effectivement réalisées à partir de la vente et de la livraison d’électricité ?
10. L’article 2, point 5), et l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 précité, lus à la lumière du considérant 30 de celui-ci, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils autorisent un État membre à opérer, en ce qui concerne l’utilisation de présomptions pour déterminer les recettes issues du marché sur lesquelles le plafond est appliqué, une distinction entre les producteurs d’électricité à partir d’énergie nucléaire et les producteurs d’électricité à partir d’autres sources ?
11. En cas de réponse affirmative à la neuvième question préjudicielle, l’article 2, point 5), et l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 précité, lus à la lumière du considérant 30 de celui-ci, violent-ils l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ?
12. En cas de réponse affirmative à la dixième question préjudicielle, l’article 2, point 5), et l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/1854 précité, lus à la lumière du considérant 30 de celui-ci, violent-ils les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ?
13. Les articles 6, paragraphe 1, 7, 8 et 22, paragraphe 2, c), du règlement (UE) 2022/1854
précité doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils autorisent les États membres à instaurer une mesure nationale qui, comme le fait l’article 5 de la loi du 16 décembre 2022 précitée, plafonne les recettes issues du marché avant la date du 1er décembre 2022, à savoir le 1er août 2022 ?
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14. En cas de réponse affirmative à la treizième question préjudicielle, les articles 6, paragraphe 1, 7, 8 et 22, paragraphe 2, c), du règlement (UE) 2022/1854 précité violent-ils les principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime ainsi que le principe selon lequel les règles de droit n’ont pas d’effet rétroactif, le principe de la solidarité énergétique et l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ?
15. Le droit de l’Union doit-il être interprété en ce sens que, à supposer que la Cour constitutionnelle, sur la base des réponses données aux questions préjudicielles qui précèdent, arrive à la conclusion que la loi du 16 décembre 2022 précitée, qui met en œuvre le règlement (UE) 2022/1854 précité, viole une ou plusieurs des obligations découlant des dispositions mentionnées dans ces questions, le droit de l’Union s’oppose à ce que la Cour constitutionnelle puisse maintenir les effets de la loi du 16 décembre 2022 précitée ?
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 20 juin 2024.
Le greffier, Le président,
Frank Meersschaut Luc Lavrysen