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27/06/2024 | BELGIQUE | N°72/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 27 juin 2024, 72/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 72/2024
du 27 juin 2024
Numéro du rôle : 8056
En cause : le recours en annulation de l’allocation 41.10 du programme 11 dans la division organique 01, et des articles 1er et 2 du décret de la Communauté française du 14 décembre 2022 « contenant le budget des dépenses de la Communauté française pour l’année budgétaire 2023 », introduit par le Gouvernement flamand.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kher

bache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin J...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 72/2024
du 27 juin 2024
Numéro du rôle : 8056
En cause : le recours en annulation de l’allocation 41.10 du programme 11 dans la division organique 01, et des articles 1er et 2 du décret de la Communauté française du 14 décembre 2022 « contenant le budget des dépenses de la Communauté française pour l’année budgétaire 2023 », introduit par le Gouvernement flamand.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Frank Meersschaut, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 juillet 2023 et parvenue au greffe le 6 juillet 2023, le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me Bart Martel, Me Kristof Caluwaert et Me Quinten Jacobs, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l’allocation 41.10 du programme 11 dans la division organique 01, et des articles 1er et 2 du décret de la Communauté française du 14 décembre 2022 « contenant le budget des dépenses de la Communauté française pour l’année budgétaire 2023 » (publié au Moniteur belge du 4 janvier 2023).
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
- le Gouvernement de la Communauté française, assisté et représenté par Me Marc Uyttendaele et Me Anne Feyt, avocats au barreau de Bruxelles;
- le président du Parlement de la Communauté française, assisté et représenté par Me François Tulkens et Me Jonathan Renaux, avocats au barreau de Bruxelles.
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La partie requérante a introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 27 mars 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Danny Pieters et Kattrin Jadin, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
À la suite de la demande de la partie requérante à être entendue, la Cour, par ordonnance du 10 avril 2024, a fixé l’audience au 15 mai 2024.
À l’audience publique du 15 mai 2024 :
- ont comparu :
. Me Bart Martel et Me Quinten Jacobs, également loco Me Kristof Caluwaert, pour la partie requérante;
. Me Anne Feyt, également loco Me Marc Uyttendaele, pour le Gouvernement de la Communauté française;
. Me François Tulkens et Me Jonathan Renaux, pour le Parlement de la Communauté française;
- les juges-rapporteurs Danny Pieters et Kattrin Jadin ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
A.1.1. Le Parlement de la Communauté française et le Gouvernement de la Communauté française font valoir que le recours en annulation est irrecevable, étant donné qu’il est en réalité dirigé contre le projet de budget de fonctionnement du Parlement de la Communauté française pour l’année budgétaire 2023. La Cour n’est pas compétente pour connaître des recours en annulation dirigés contre des actes d’assemblées législatives qui ne sont pas des normes législatives.
A.1.2. Selon le Gouvernement flamand, il ressort tant de l’intitulé et du dispositif de la requête que des moyens invoqués que le recours en annulation est dirigé contre des normes législatives qui relèvent de la
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compétence de la Cour, plus précisément la division organique 01, programme 11, allocation 41.10, et les articles 1er et 2 du décret du 14 décembre 2022 « contenant le budget des dépenses de la Communauté française pour l’année budgétaire 2023 » (ci-après : le décret du 14 décembre 2022). La circonstance que le budget de fonctionnement du Parlement de la Communauté française est indissociablement lié à ce décret n’y change rien.
A.2.1. Selon le Parlement de la Communauté française et le Gouvernement de la Communauté française, le recours en annulation est également irrecevable en ce qu’il invite la Cour à statuer sur des actes que ce Parlement a adoptés dans le cadre de son autonomie parlementaire, telle qu’elle est prévue à l’article 60 de la Constitution et à l’article 44 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. L’autonomie parlementaire, qui est un aspect de la séparation des pouvoirs, porte notamment sur la détermination et sur la libre gestion du budget du Parlement. Il n’appartient dès lors pas au pouvoir législatif de s’immiscer dans la gestion financière du Parlement.
Le décret du 14 décembre 2022 se limite simplement à l’approbation de la dotation nécessaire au Parlement de la Communauté française, à sa demande, pour fonctionner au cours de l’année suivante, sans que le pouvoir législatif puisse exercer le moindre pouvoir de contrôle quant au montant de la dotation. Il s’ensuit que le recours en annulation est en réalité dirigé contre le budget de fonctionnement du Parlement de la Communauté française pour l’année budgétaire 2023, qui est un acte du Parlement, qui ne nécessite pas une intervention des membres du Gouvernement et qui ne relève pas de la compétence de la Cour. Aucune juridiction n’est compétente pour contrôler les règlements des parlements au regard des règles de droit supérieures.
A.2.2. Le Gouvernement flamand observe que l’autonomie parlementaire peut tout au plus constituer un argument dans l’appréciation du bien-fondé du recours, mais pas dans l’appréciation de sa recevabilité, dès lors que la Cour peut contrôler la constitutionnalité de toutes les normes législatives, même des normes législatives qui fixent un budget. Par ailleurs, la gestion financière du Parlement est d’un tout autre ordre que l’adoption d’un règlement de fonctionnement interne. Dans la mesure où le budget de fonctionnement du Parlement de la Communauté française vise à subventionner de manière structurelle certaines associations culturelles et donc à conférer des droits à une catégorie déterminée de citoyens, il ne s’agit plus d’une norme d’ordre interne, mais d’un instrument politique. En outre, le Parlement de la Communauté française a approuvé le budget de fonctionnement, de sorte que la Cour peut inclure ce budget dans son contrôle du budget des dépenses, tel qu’il figure dans le décret du 14 décembre 2022.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
A.3.1. Dans un premier moyen, le Gouvernement flamand invoque la violation, par l’allocation 41.10 du programme 11 dans la division organique 01 du décret du 14 décembre 2022 et par les articles 1er et 2 du même décret, en ce qu’ils portent sur cette allocation, des articles 127, § 2, et 175, alinéa 2, de la Constitution et de l’article 4 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
Selon le Gouvernement flamand, il découle de ces dispositions que la Communauté française est exclusivement compétente pour fixer, dans sa propre région linguistique, les moyens financiers destinés à mener une politique en matière culturelle. Le décret du 14 décembre 2022 vise cependant en partie à allouer des moyens financiers en vue de soutenir des associations francophones qui sont établies dans la région de langue néerlandaise.
C’est ce qui ressort, selon le Gouvernement flamand, d’un article publié par la chaîne publique de radiodiffusion francophone RTBF, fondé sur des informations et des témoignages. Concrètement, le budget de fonctionnement du Parlement de la Communauté française pour l’année budgétaire 2023 prévoit, sous le titre I « dépenses générales », point O « relations multilatérales internationales », qui doit être lu en combinaison avec le budget des dépenses du Parlement de la Communauté française pour l’année budgétaire 2023, tel qu’il a été fixé par le décret du 14 décembre 2022, l’octroi d’une dotation de 285 000 euros et d’une dotation de 471 000 euros à la section belge de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (ci-après : l’APF), une organisation internationale composée de parlements ayant en commun l’usage de la langue française, qui a son siège à Paris. Cette section reverse ensuite une partie de ces dotations à l’ASBL « PointCulture », une association qui a pour but de promouvoir la culture française dans la Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne. Enfin, l’ASBL « PointCulture » répartit les dotations entre 29 associations francophones de la région de langue néerlandaise qui tendent à promouvoir la francophonie.
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Le seul fait que la finalité concrète des dotations ne ressort pas clairement du budget des dépenses ni du budget de fonctionnement ne conduit pas, selon le Gouvernement flamand, à une autre conclusion, étant donné qu’il découle de la jurisprudence de la Cour qu’il convient d’examiner l’objet réel des dispositions concernées. Il ressort tant de l’article précité de la RTBF que du mémoire introduit auprès de la Cour par le Parlement de la Communauté française que la Communauté française, par les dispositions attaquées, entendait subventionner des associations culturelles francophones dans la région de langue néerlandaise. Contrairement à ce que soutient le Parlement de la Communauté française, il ne saurait donc être admis que les effets extraterritoriaux des dispositions attaquées ont un caractère purement potentiel. Le fait que les dispositions attaquées contrarient la politique culturelle de la Communauté flamande découle, selon le Gouvernement flamand, du fait que lui-même octroie des subventions pour promouvoir le rôle fédérateur du néerlandais dans la périphérie flamande autour de Bruxelles, aux fins de l’intégration des allophones (par ailleurs nombreux) qui y habitent. Cette politique est évidemment entravée de manière significative lorsque d’autres autorités octroient des subventions à des associations francophones dans les communes périphériques.
Selon le Gouvernement flamand, le Parlement de la Communauté française ne peut utilement se référer au décret de la Communauté flamande du 23 avril 2021 « sur le soutien des arts professionnels » (ci-après : le décret du 23 avril 2021). En effet, contrairement au décret du 23 avril 2021, le décret du 14 décembre 2022 n’exige pas l’existence d’un lien territorial.
Les dispositions attaquées s’assimilent dès lors à la protection de la minorité francophone dans les communes de la région de langue néerlandaise, qui ne relève pas de la compétence de la Communauté française.
A.3.2. En ordre subsidiaire, le Gouvernement flamand demande à la Cour de formuler une réserve de compétence expresse, et plus précisément de considérer que les dotations précitées ne peuvent en aucun cas être interprétées en ce sens qu’elles constituent une allocation de moyens financiers pour 2023 à des associations culturelles francophones établies dans la région de langue néerlandaise en général et dans les communes de la périphérie et de la frontière linguistique qui en font partie en particulier. Contrairement à ce que fait valoir le Parlement de la Communauté française, une telle réserve ne s’assimile pas à une injonction au Parlement.
A.4.1. Le Parlement de la Communauté française se réfère à la jurisprudence de la Cour et du Conseil d’État, dont il ressort, selon lui, que l’exercice de compétences peut avoir des effets extraterritoriaux, pour autant que ces effets aient un caractère potentiel et qu’ils ne contrarient pas l’exercice de compétences par une autre autorité. Par ailleurs, il découle de cette jurisprudence que les effets extraterritoriaux ne sont inconstitutionnels que s’ils sont concentrés sur une partie « suspecte » du territoire de l’autre autorité, comme les communes à facilités.
Le Parlement de la Communauté française estime que les dispositions attaquées respectent cette jurisprudence, et donc que le premier moyen n’est pas fondé.
Tout d’abord, l’affectation des dotations concernées à la section belge de l’APF relève de l’exercice des compétences communautaires en matière de relations internationales. Le fait que cette section reverse ensuite une partie de ces dotations à l’ASBL « PointCulture » s’inscrit également dans le cadre de cette compétence, ce qui ressort clairement des statuts de cette ASBL, qui vise uniquement à la promotion du secteur culturel, sans qu’aucun critère géographique soit appliqué. Le Parlement de la Communauté française constate par ailleurs que la Communauté flamande subventionne elle-même aussi directement le secteur culturel dans la région de langue française et dans la région de langue allemande. Ainsi, le décret du 23 avril 2021 prévoit la possibilité pour les organisations établies à l’étranger, y compris dans la région de langue française et dans la région de langue allemande, de demander des subventions à la Communauté flamande. Dans son avis relatif au projet qui est à l’origine du décret du 23 avril 2021, la section de législation du Conseil d’État a expressément jugé que ces effets extraterritoriaux ne tendent pas à soutenir les minorités néerlandophones dans la région de langue française ou dans la région de langue allemande, vu que le demandeur doit être impliqué dans des activités artistiques au sein de la Communauté flamande, de sorte que les artistes et travailleurs du secteur des arts qui sont établis dans la région de langue française ou dans la région de langue allemande et dont les activités s’adressent aux habitants de ces régions linguistiques ne relèvent pas du régime de subvention. Selon le Parlement de la Communauté française, il convient de suivre le même raisonnement pour ce qui est du décret du 14 décembre 2022. Si les associations néerlandophones établies dans la région de langue française peuvent recevoir des subventions de la Communauté flamande, les associations francophones établies dans la région de langue néerlandaise peuvent recevoir des subventions de la Communauté française.
Par ailleurs, les effets extraterritoriaux des dispositions attaquées n’ont qu’un caractère potentiel, étant donné que l’utilisation qui est faite des dotations concernées constitue un aspect non pas du décret du 14 décembre 2022
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mais de l’application qui est faite de ce décret, laquelle ne relève pas de la compétence de la Cour. Contrairement à ce que le Gouvernement flamand laisse entendre, la section belge de l’APF n’est pas une émanation du Parlement de la Communauté française, de sorte que le Parlement n’est pas davantage responsable des suites réservées à ces dotations. Ces effets extraterritoriaux ne contrarient pas davantage la politique culturelle de la Communauté flamande, puisque le principe de la territorialité ne s’oppose pas à ce que chacun – indépendamment de la région linguistique dans laquelle il se trouve – ait droit à l’épanouissement culturel qu’il choisit librement, et la Communauté flamande ne peut dès lors pas interdire les aides financières en faveur d’organisations culturelles francophones.
A.4.2. Le Parlement de la Communauté française fait valoir que la Cour ne peut pas accéder à la demande du Gouvernement flamand de rejeter le recours en annulation sous réserve d’interprétation. Pareille réserve serait en effet déraisonnable, dès lors qu’elle imposerait au pouvoir législatif de la Communauté française de prédire l’avenir et de prévoir notamment qu’aucun aspect du budget ne peut avoir des effets extraterritoriaux. Par ailleurs, pareille réserve ferait naître une discrimination entre les associations culturelles établies dans les communes à facilités et les associations culturelles établies dans les autres communes de la région de langue néerlandaise.
A.5. Le Gouvernement de la Communauté française estime qu’il n’est pas nécessaire de répondre au moyen quant au fond, étant donné que les dispositions décrétales attaquées, contrairement aux dispositions décrétales qui ont fait l’objet des affaires ayant conduit aux arrêts de la Cour nos 54/96 (ECLI:BE:GHCC:1996:ARR.054), 22/98
(ECLI:BE:GHCC:1998:ARR.022), 50/99 (ECLI:BE:GHCC:1999:ARR.050) et 56/2000
(ECLI:BE:GHCC:2000:ARR.056), ne portent pas sur la fixation de crédits pour la promotion de la culture par la Communauté française, dont le Gouvernement de la Communauté française a par la suite réglé l’utilisation concrète, mais sur la fixation de la dotation octroyée au Parlement. De telles dispositions décrétales échappent à la compétence de la Cour. Pour le surplus, le Gouvernement de la Communauté française fait référence à la réfutation du moyen par le Parlement de la Communauté française.
En ce qui concerne le second moyen
A.6. Le Gouvernement flamand prend un second moyen, qu’il formule en ordre subsidiaire, de la violation, par les dispositions attaquées, des règles répartitrices de compétences, en particulier du principe de proportionnalité en matière de répartition des compétences et du principe de la loyauté fédérale, tel qu’il est inscrit à l’article 143, § 1er, de la Constitution. À supposer que la Cour réponde en ce qui concerne le premier moyen que la Communauté française est compétente pour adopter les dispositions attaquées, la Communauté française a en tout cas violé le principe de proportionnalité et le principe de la loyauté fédérale. En effet, la Communauté française a, sans la moindre forme de coopération ou de concertation avec la Communauté flamande, affecté des moyens financiers au subventionnement d’associations culturelles francophones dans la région de langue néerlandaise. De la sorte, la Communauté française contrecarre également l’objectif politique du Gouvernement flamand qui consiste à renforcer le caractère flamand de la périphérie autour de Bruxelles. Le Gouvernement flamand réitère à cet égard ce qui a été dit à l’alinéa 2 du A.3.1. Contrairement à ce qu’affirme le Parlement de la Communauté française, un montant annuel de presque 500 000 euros ne peut être considéré comme un financement négligeable.
A.7. Selon le Parlement de la Communauté française, les dotations concernées ne contrarient pas la politique culturelle de la Communauté flamande, dès lors que celle-ci ne peut pas interdire les aides financières en faveur d’organisations culturelles francophones. En outre, les dotations concernées ne représentent qu’un montant inférieur à 500 000 euros, alors que le budget total de la politique culturelle de la Communauté flamande dépasse 1,5 milliard d’euros. Enfin, le Parlement de la Communauté française réfute le point de vue du Gouvernement flamand selon lequel le décret du 14 décembre 2022 aurait dû être précédé d’une forme de coopération ou de concertation avec la Communauté flamande. Un tel point de vue revient en effet à considérer que l’adoption de tout budget d’une entité fédérée ou fédérale doit être précédée d’une coopération ou concertation, dès lors que toute mesure budgétaire peut avoir des effets extraterritoriaux.
Par conséquent, le second moyen n’est pas fondé.
A.8. Le Gouvernement de la Communauté française répond au second moyen en réitérant sa réponse au premier moyen, telle qu’elle est synthétisée en A.5.
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-B-
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte
B.1.1. Le recours tend à l’annulation de l’allocation 41.10 du programme 11 dans la division organique 01 du décret de la Communauté française du 14 décembre 2022 « contenant le budget des dépenses de la Communauté française pour l’année budgétaire 2023 » (ci-après :
le décret du 14 décembre 2022), et des articles 1er et 2 de ce décret, en ce qu’ils portent sur cette allocation.
B.1.2. Le décret du 14 décembre 2022 fixe le budget des dépenses de la Communauté française pour l’année budgétaire 2023. En vertu de l’article 1er de ce décret, des crédits d’engagement et de liquidation destinés à couvrir les dépenses de la Communauté française de l’année budgétaire 2023 sont ouverts au tableau budgétaire ventilant les crédits afférents aux programmes en articles de base, annexé au décret. Le décret du 14 décembre 2022 prévoit diverses dépenses, dont celles répertoriées sous le chapitre « Services généraux » :
[Montants en INITIAL
milliers d’euros]
Crédits d’engagement Crédits de liquidation Fonds Budgétaires Fonds Budgétaires Moyens d’engagement Moyens de liquidation CHAPITRE I 1.391.300 1.367.487 23.175 23.175
Services généraux
B.1.3. Les montants figurant sous le chapitre « Services généraux » sont ensuite scindés en plusieurs divisions organiques qui sont exposées dans le tableau budgétaire annexé au décret du 14 décembre 2022.
Pour 2023, la division organique 01, programme 1, alloue une dotation de 37 041 000 euros au Parlement de la Communauté française. Le tableau de synthèse indique :
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En milliers d’euros Libellé Crédits initiaux Eng. Liq.
CHAPITRE I – Services généraux
DIVISION ORGANIQUE 01 – Dotations au Parlement et au Médiateur de la Communauté française
Programme 1 – Parlement CELL 37.041 37.041
Programme 2 – Médiateur de la Communauté française
CELL 1.294 1.294
TOTAUX DIVISION ORGANIQUE 01
CELL 38.335 38.335
La dotation de 37 041 000 euros au Parlement de la Communauté française est également mentionnée dans le tableau budgétaire annexé au décret du 14 décembre 2022, sous la dénomination « article de base (AB) 41.10 », « Programme – Activité (PA) 11 », « Programme 1 », « activité 11 ».
B.2. Il ressort des travaux préparatoires du décret du 14 décembre 2022 que la dotation octroyée au Parlement de la Communauté française est destinée à « couvrir les rémunérations du personnel et des agents des groupes politiques ainsi que les frais de fonctionnement du Parlement » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2022-2023, n° 468/1, annexe 2, p. 6).
Quant à l’objet et à l’étendue du recours
B.3.1. Le Gouvernement flamand demande l’annulation de l’allocation 41.10 du programme 11 dans la division organique 01, et des articles 1er et 2 du décret du 14 décembre 2022, en ce qu’ils portent sur cette allocation.
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B.3.2. Comme il est dit en B.1.3, la dotation de 37 041 000 euros allouée par la Communauté française au Parlement de la Communauté française figure dans le tableau budgétaire sous la dénomination « article de base (AB) 41.10 », « Programme –
Activité (PA) 11 », « Programme 1 », « activité 11 ». Par conséquent, la Cour lit la requête en ce sens qu’il est demandé d’annuler cette allocation 41.10.
B.4.1. Le Gouvernement flamand demande également l’annulation de l’article 2 du décret du 14 décembre 2022, en ce qu’il porte sur l’allocation 41.10, mentionnée en B.3.2.
B.4.2. La Cour doit déterminer l’étendue du recours en annulation à partir du contenu de la requête, et en particulier sur la base de l’exposé des moyens. La Cour limite dès lors son examen aux dispositions contre lesquelles des griefs sont exprimés.
Dès lors que le Gouvernement flamand développe des griefs exclusivement contre l’allocation 41.10 et contre l’article 1er du décret du 14 décembre 2022, la Cour limite son examen à ceux-ci.
Quant à la recevabilité du recours
B.5.1. Le Parlement de la Communauté française et le Gouvernement de la Communauté française font valoir que le recours en annulation est irrecevable, dès lors qu’il est en réalité dirigé contre le projet de budget de fonctionnement du Parlement de la Communauté française pour l’année budgétaire 2023, qui ne peut être considéré comme une norme susceptible d’être attaquée devant la Cour.
B.5.2. En vertu de l’article 142, alinéa 2, de la Constitution et de l’article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour est compétente pour statuer sur les recours en annulation d’une loi, d’un décret ou d’une règle visée à l’article 134 de la Constitution pour cause de violation des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l’autorité fédérale, des communautés et des régions et pour cause de violation des articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de la Constitution.
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B.5.3. Comme il est dit en B.4.2, il ressort de la requête que le recours est dirigé contre l’allocation 41.10 et contre l’article 1er du décret du 14 décembre 2022, en ce qu’il porte sur cette allocation. Il s’agit de dispositions législatives.
Quant au fond
B.6.1. Dans un premier moyen, le Gouvernement flamand invoque la violation, par l’allocation 41.10 et par l’article 1er du décret du 14 décembre 2022, en ce qu’il porte sur cette allocation, des articles 127, § 2, et 175, alinéa 2, de la Constitution et de l’article 4 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Selon le Gouvernement flamand, les dispositions attaquées tendent à allouer des moyens financiers en vue de soutenir des associations francophones qui sont établies dans la région de langue néerlandaise, ce qui ne relève pas de la compétence de la Communauté française.
Le second moyen, formulé en ordre subsidiaire, est pris de la violation, par les mêmes dispositions attaquées, des règles répartitrices de compétences, en particulier du principe de proportionnalité en matière de répartition des compétences et du principe de la loyauté fédérale, contenu dans l’article 143, § 1er, de la Constitution. Le Gouvernement flamand estime que la Communauté française, en affectant, sans la moindre forme de participation ou de collaboration avec la Communauté flamande, des moyens financiers au subventionnement d’associations culturelles francophones situées dans la région de langue néerlandaise, entrave la politique du Gouvernement flamand qui consiste à renforcer le caractère flamand de la périphérie autour de Bruxelles.
B.6.2. Eu égard à leur connexité, la Cour examine les deux moyens conjointement.
B.7.1. En vertu de l’article 127, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la Constitution, les Parlements de la Communauté française et de la Communauté flamande règlent par décret, chacun pour ce qui le concerne, les matières culturelles.
Par l’effet de la lecture conjointe de cette disposition et de l’article 175, alinéa 2, de la Constitution, aux termes duquel les Parlements de la Communauté française et de la
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Communauté flamande règlent par décret, chacun en ce qui le concerne, l’affectation de leurs recettes, la fixation de leurs moyens financiers destinés à la mise en œuvre d’une politique culturelle relève de l’acte de régler les matières culturelles.
En vertu de l’article 127, § 2, de la Constitution, les décrets qui règlent, notamment, les matières culturelles ont « force de loi respectivement dans la région de langue française et dans la région de langue néerlandaise, ainsi qu’à l’égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leurs activités, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l’une ou à l’autre communauté ».
Cette disposition constitutionnelle a déterminé une répartition exclusive de compétence territoriale, ce qui suppose que l’objet de toute disposition adoptée par un législateur communautaire puisse être localisé dans le territoire pour lequel il est compétent.
B.7.2. L’article 143, § 1er, de la Constitution dispose :
« Dans l’exercice de leurs compétences respectives, l’État fédéral, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune agissent dans le respect de la loyauté fédérale, en vue d’éviter des conflits d’intérêts ».
Le respect de la loyauté fédérale suppose que, lorsqu’elles exercent leurs compétences, l’autorité fédérale et les entités fédérées ne perturbent pas l’équilibre de la construction fédérale dans son ensemble. La loyauté fédérale concerne plus que le simple exercice des compétences :
elle indique dans quel esprit il doit avoir lieu.
Le principe de la loyauté fédérale oblige chaque législateur à veiller à ce que l’exercice de sa propre compétence ne rende pas impossible ou exagérément difficile l’exercice de leurs compétences par les autres législateurs. En l’espèce, la prise en considération du principe de proportionnalité invoqué par le Gouvernement flamand n’ajoute rien au principe de la loyauté fédérale.
B.7.3. Par l’arrêt n° 54/96 du 3 octobre 1996 (ECLI:BE:GHCC:1996:ARR.054), la Cour a annulé, pour cause de violation des articles 127, § 2, et 175, alinéa 2, de la Constitution, la disposition du décret de la Communauté française du 22 décembre 1994 « contenant le budget
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général des dépenses de la Communauté française de l’année budgétaire 1995 » qui visait à octroyer, pour l’année budgétaire 1995, un crédit de 10,5 millions de francs alloué dans le cadre du programme « Aide aux associations francophones des communes à statut linguistique spécial ».
B.7.4. Les éléments de la cause montrent la nécessité de rappeler que la Cour a jugé, dans cet arrêt :
« B.7.1. Dans le cadre de leur compétence en matière culturelle, les communautés peuvent prendre toute initiative pour la promotion de la culture et pour concrétiser le droit de chacun à l’épanouissement culturel défini à l’article 23, alinéa 3, 5°, de la Constitution.
Ce faisant, elles doivent avoir égard à la répartition exclusive de compétence territoriale que la Constitution établit, en Belgique, en matière culturelle (article 127, § 2, de la Constitution).
B.7.2. Cette délimitation ne signifie pas, en raison de la nature même de la promotion de la culture, que la compétence communautaire en cette matière cesse d’exister au seul motif que les initiatives prises peuvent produire des effets en dehors de la région qui, dans le domaine des matières culturelles, a été confiée aux soins de la communauté concernée conformément à l’article 127 de la Constitution. Toutefois, ces effets extraterritoriaux potentiels des mesures de promotion de la culture ne peuvent contrarier la politique culturelle de l’autre communauté. La délimitation territoriale n’empêche pas davantage que chacun - indépendamment de la région linguistique où il se trouve - a le droit à l’épanouissement culturel qu’il choisit librement.
B.8.1. La question se pose néanmoins de déterminer si la disposition attaquée a pour objet la promotion de la culture par la Communauté française ou si elle a une autre finalité.
B.8.2. La première disposition budgétaire attaquée autorise le Gouvernement de la Communauté française à accorder une aide aux associations francophones des communes à statut linguistique spécial.
Telle qu’elle est conçue et rédigée, cette disposition permet, entre autres, de financer des associations francophones situées dans les communes périphériques, toutes situées dans la région de langue néerlandaise, et dans les communes de la frontière linguistique qui sont également situées dans cette région linguistique. Il s’agit de communes dans lesquelles l’article 129, § 2, de la Constitution reconnaît l’existence de minorités et pour lesquelles la législation contient des mesures de protection de ces minorités.
De par la définition de son champ d’application ratione loci, cette disposition ne peut pas être considérée comme visant la promotion de la culture par la Communauté française; elle s’analyse en revanche comme une mesure de protection de la minorité francophone établie dans ces communes.
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B.9. Il appartient à chaque législateur, dans la limite de ses compétences, d’assurer la protection des minorités, garantie entre autres par l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Ni la Constitution, ni les lois de réformes institutionnelles n’instituent les Communautés flamande, française et germanophone protectrices respectivement des néerlandophones, des francophones et des germanophones dans les régions linguistiques unilingues de Belgique dont la langue n’est pas la leur. Elles ne les autorisent pas à intervenir dans ces régions linguistiques, en ce domaine, de façon unilatérale ».
B.7.5. La Cour a ensuite rappelé ces principes dans un certain nombre d’arrêts successifs dans lesquels elle devait chaque fois statuer sur des recours en annulation dirigés contre des mesures budgétaires de la Communauté française qui étaient identiques, quant au contenu, aux dispositions budgétaires qui avaient été annulées par l’arrêt n° 54/96, mais qui figuraient dans un autre programme, formulé en des termes plus généraux concernant la promotion et le rayonnement de la langue et de la culture françaises, ainsi que de la Communauté française (arrêts nos 22/98, ECLI:BE:GHCC:1998:ARR.022, 50/99, ECLI:BE:GHCC:1999:ARR.050, 30/2000 ECLI:BE:GHCC:2000:ARR.030, 56/2000, ECLI:BE:GHCC:2000:ARR.056 et 145/2001, ECLI:BE:GHCC:2001:ARR.145). La Cour a annulé ces dispositions budgétaires pour violation des articles 127, § 2, et 175, alinéa 2, de la Constitution (arrêts nos 22/98, 56/2000
et 145/2001 précités) ou les a annulées en ce qu’elles étaient destinées à des associations ayant pour but de soutenir les francophones dans les communes à statut linguistique spécial de la région de langue néerlandaise (arrêts nos 30/2000 et 145/2001 précités). Dans d’autres affaires, le recours en annulation a été rejeté, mais sous la réserve expresse que les dispositions budgétaires concernées ne peuvent en aucun cas s’interpréter comme permettant d’affecter une quelconque partie des montants qu’elles prévoient à l’aide aux associations francophones des communes à statut linguistique spécial (arrêts nos 22/98 et 50/99 précités).
B.8. Le Gouvernement flamand fait valoir que les dispositions présentement attaquées sont aussi dictées par la volonté de financer des associations francophones dans des communes situées dans la région de langue néerlandaise.
Le Parlement de la Communauté française et le Gouvernement de la Communauté française estiment que le Gouvernement flamand confère aux dispositions attaquées une portée qui ne trouve pas appui dans leur texte et qu’à défaut d’un critère de localisation quelconque,
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le champ d’application territorial est réglé par l’article 127, § 2, de la Constitution, en sorte que ces articles ne sauraient être contraires à la disposition constitutionnelle précitée.
B.9.1. Il ne peut être exigé du législateur décrétal qu’il rappelle expressément, dans chaque disposition, les règles répartitrices de compétences que les autorités d’exécution sont, autant que lui-même, censées respecter; il faut donc, même en cas de silence d’un décret d’une communauté sur ce point, présumer que le législateur décrétal se conforme auxdites règles répartitrices et, par conséquent, qu’il ne se fixe pas unilatéralement pour but la protection d’une minorité linguistique dans une région linguistique de Belgique dont la langue n’est pas celle de cette communauté.
B.9.2. Une telle présomption n’est toutefois pas irréfragable. Elle peut être démentie par la réalité. La Cour doit donc rechercher l’objet réel des dispositions attaquées, qui sont rédigées en des termes généraux.
B.10.1. Les dispositions présentement attaquées diffèrent des dispositions budgétaires sur lesquelles la Cour s’est prononcée par les arrêts précités. Elles ne portent pas sur un programme, même formulé en des termes généraux, relatif à la promotion et au rayonnement de la culture et de la langue françaises, ainsi que de la Communauté française, sur la base duquel des moyens financiers sont alloués à des associations francophones établies dans des communes de la région de langue néerlandaise ou sur la base duquel une habilitation est conférée au Gouvernement de la Communauté française pour ce faire, mais elles se limitent à allouer une dotation générale au Parlement de la Communauté française.
Contrairement à ce qui était le cas pour les dispositions qui faisaient l’objet des arrêts précités, il ne peut être déduit des travaux préparatoires des dispositions attaquées que le législateur décrétal, en allouant la dotation générale au Parlement de la Communauté française, avait l’intention de financer des associations francophones établies dans des communes de la région de langue néerlandaise.
Selon le Gouvernement flamand, l’affectation de la dotation au financement d’associations francophones établies dans des communes de la région de langue néerlandaise ressort d’un article récent de la chaîne publique de radiodiffusion francophone RTBF dans le cadre d’une enquête qu’elle a réalisée. Selon le Gouvernement flamand, il en ressort que la dotation de la
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Communauté française allouée au Parlement de la Communauté française est utilisée, par le biais d’une intervention de plusieurs institutions et organisations, pour financer des associations francophones établies dans des communes de la région de langue néerlandaise.
Il ressort de l’article de presse précité qu’une première intervention consiste en l’octroi, par le Parlement de la Communauté française, de deux allocations, qui sont inscrites au budget de fonctionnement pour 2023 du Parlement, à la section belge de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (ci-après : l’APF), une association de droit français ayant son siège à Paris, qui a pour mission de représenter les intérêts et les aspirations des peuples de l’espace francophone ainsi que de leurs parlements dans le monde. Le budget de fonctionnement, qui contient une estimation des recettes et dépenses du Parlement, a été élaboré par le bureau du Parlement de la Communauté française et adopté par l’assemblée plénière du Parlement de la Communauté française le 14 décembre 2022 (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2022-2023, nos 459/1 et 459/2; CRI, Parlement de la Communauté française, 2022-2023, n° 9, 14 décembre 2022, p. 84). Le budget compte 19 catégories de dépenses courantes, répertoriées de A à V
(Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2022-2023, n° 459/1, p. 4). La catégorie O
« Relations internationales multilatérales » contient six postes de dépenses, dont deux dotations « APF », à savoir une dotation « APF-Dotation à la section de la CF » de 285 000 euros et une dotation « APF-Dotation complémentaire » de 471 000 euros (ibid., p. 10).
Selon l’article de presse de la RTBF, la section belge de l’APF, officiellement dénommée « Section de la Belgique/Communauté française/Wallonie-Bruxelles », dont le siège est établi dans les bâtiments du Parlement de la Communauté française, reverse la dotation de 471 000 euros à l’ASBL « PointCulture », une association dont le siège est établi à Bruxelles et qui a pour but de promouvoir la francophonie dans la Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne.
Il ressort de l’article de presse précité que l’ASBL « PointCulture » octroie enfin diverses allocations à 29 associations francophones réparties sur l’ensemble de la région de langue néerlandaise qui ont vocation à promouvoir la francophonie. Il ressort des pièces que le Parlement de la Communauté française a déposées que la section belge de l’APF et l’ASBL « PointCulture » ont conclu à cet égard un accord dans lequel la première s’engage à verser chaque année à l’ASBL « PointCulture » un montant que cette dernière doit affecter à
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« la promotion de la francophonie au bénéfice des locuteurs francophones de Belgique en vue de favoriser leur épanouissement culturel au travers d’activités associatives, culturelles, éducatives ».
Il ressort en outre de l’article de presse de la RTBF que deux membres du Parlement de la Communauté française, qui sont également membres de la section belge de l’APF, ont confirmé dans une réaction aux constats précités que les interventions de la section belge de l’APF et de l’ASBL « PointCulture » visent à permettre à la section belge de l’APF d’affecter la dotation du Parlement de la Communauté française au financement des associations et organisations culturelles sur l’ensemble du territoire belge.
B.10.2. Pour autant qu’il puisse être déduit de ce qui précède une intention d’affecter au financement d’associations francophones établies dans des communes de la région de langue néerlandaise une partie de la dotation de la Communauté française au Parlement de la Communauté française, par l’intervention de plusieurs institutions et organisations, il en ressort également que cette intention ne peut pas être imputée à la dotation attaquée, mais à la manière dont cette dotation a été affectée.
B.11. La Cour n’est cependant pas compétente pour statuer sur une éventuelle inconstitutionnalité qui découle non pas des dispositions attaquées, mais de leur application.
B.12. Lorsqu’un législateur délègue, il faut supposer, sauf indications contraires, qu’il entend exclusivement habiliter le délégué à faire de son pouvoir un usage conforme à la Constitution. Lorsque la dotation est ensuite ventilée sous la forme d’une ou de plusieurs subventions, celui qui octroie la subvention doit veiller à ce que, tant lors de l’octroi que lors de l’utilisation de la subvention ou des subventions, la répartition territoriale des compétences en matière culturelle soit respectée. C’est au juge compétent qu’il appartient de contrôler si les limites de l’habilitation qui a été conférée ont été dépassées ou non.
B.13. Les premier et second moyens ne sont pas fondés.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette le recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 27 juin 2024.
Le greffier, Le président,
Frank Meersschaut Luc Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 72/2024
Date de la décision : 27/06/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-06-27;72.2024 ?

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