Cour constitutionnelle
Arrêt n° 79/2024
du 10 juillet 2024
Numéro du rôle : 7975
En cause : la question préjudicielle relative à l’article 59, § 4, du Code des impôts sur les revenus 1992 (exercices d’imposition 2017 et 2018), posée par le Tribunal de première instance du Brabant wallon.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Yasmine Kherbache, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt et Magali Plovie, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 31 mars 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 13 avril 2023, le Tribunal de première instance du Brabant wallon a posé la question préjudicielle suivante :
« L’article 59 du Code des impôts sur les revenus 1992 et plus particulièrement le paragraphe 4 de cette disposition (tel qu’applicable aux exercices d’imposition 2017 et 2018)
viole-t-il le principe constitutionnel d’égalité ou de non-discrimination tel que prévu aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution s’il est interprété d’une telle façon que toutes les pensions extra-légales constituées au cours de toute une carrière doivent être prises en compte dans le cadre du calcul de la règle des 80 % (et donc également celles constituées dans le cadre d’une activité professionnelle antérieure auprès d’une autre entreprise) indépendamment du nombre d’années qui peuvent être prises en compte par l’employeur actuel/la société en question dans le numérateur de la fraction de carrière en vertu de l’article 35 § 2, 2° de l’AR/CIR 92 (et le cas échéant l’article 35 § 3 de l’AR/CIR 92), tandis que le nombre d’années qui peuvent être prises en compte dans le numérateur de la fraction de carrière diffère selon que le bénéficiaire des pensions change ou non d’employeur / de société au cours de sa carrière, ce qui fait que, pour un employé ou dirigeant d’entreprise qui ne change pas d’employeur / de société, un montant total plus élevé de pensions extra-légales peut être constitué au moyen de
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primes déductibles que pour un employé ou un dirigeant d’entreprise qui a changé d’employeur / de société ? ».
Des mémoires et mémoires en réponse ont été introduits par :
- la SNC « Touch & Coach Consult », assistée et représentée par Me Alain Huyghe et Me Marie Krug, avocats au barreau de Bruxelles;
- l’ASBL « Assuralia », la SA « AG Insurance », la SA « Allianz Benelux », la SA « AXA Belgium », la SA « Baloise Belgium », la SA « KBC Assurances », la SA « NN Insurance Belgium » et la SC « P&V Assurances », assistées et représentées par Me Alain Huyghe et Me Marie Krug (parties intervenantes);
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Anne Vranckx, avocate au barreau de Bruxelles.
Par ordonnance du 24 avril 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Magali Plovie et Willem Verrijdt, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
À la suite de la demande de différentes parties à être entendues, la Cour, par ordonnance du 15 mai 2024, a fixé l’audience au 12 juin 2024.
À l’audience publique du 12 juin 2024 :
- ont comparu :
. Me Alain Huyghe et Me Marie Krug, pour la SNC « Touch & Coach Consult » et pour l’ASBL « Assuralia » et autres;
- les juges-rapporteurs Magali Plovie et Willem Verrijdt ont fait rapport;
- Me Marie Krug a été entendue;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Le 1er avril 2015, la SNC « Touch & Coach Consult » conclut au profit de ses dirigeants, Jean-Marc Vertroost et Catherine Delbrouck, des contrats d’engagement individuel de pension (ci-après : contrats EIP) auprès de la SA « AG Insurance ». Les primes et cotisations de rattrapage versées dans le cadre de ces contrats sont intégralement déduites par la SNC « Touch & Coach Consult » à titre de frais professionnels à l’impôt des
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sociétés pour les exercices d’imposition 2017 et 2018, sur la base des articles 49, 52, 3°, b), et 195 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992).
Par des avis de rectification du 2 octobre 2019, l’administration fiscale fait savoir à la SNC « Touch & Coach Consult » que les primes payées dans le cadre des contrats EIP doivent être rejetées en tant que frais professionnels déductibles, en raison du dépassement de la limite de 80 % prévue à l’article 59 du CIR 1992, et qu’un accroissement d’impôt de 10 % est dû pour chaque exercice.
Après le rejet de sa réclamation administrative dirigée contre les cotisations concernées, la SNC « Touch & Coach Consult » introduit une action devant le Tribunal de première instance du Brabant wallon.
Le Tribunal estime qu’on n’aperçoit pas clairement si les termes « au regard de l’ensemble des pensions légales et des pensions extra-légales exprimées en rentes annuelles » contenus dans l’article 59, § 4, du CIR 1992 désignent l’ensemble des réserves de tous les contrats du premier et du deuxième piliers constituées au sein de l’entreprise visée (champ d’application matériel) ou toutes les pensions légales et extra-légales constituées durant la totalité de la carrière, en ce compris celles constituées au cours d’une activité professionnelle antérieure (champ d’application temporel). Il estime que, compte tenu de l’objectif du législateur, il y a lieu, pour le calcul de la limite de 80 %
dans le cas d’une carrière qui s’est déroulée au sein de plusieurs entreprises, de prendre en compte uniquement les pensions extra-légales constituées au sein de l’entreprise concernée et non les pensions constituées auprès des employeurs précédents. Dès lors que cette disposition soumet à des traitements fiscaux différents deux catégories de contribuables qui se trouvent apparemment dans des situations identiques et que la source de cette discrimination provient de l’article 59, § 4, du CIR 1992 dans son interprétation par l’administration fiscale, le Tribunal estime qu’il s’indique de poser à la Cour la question préjudicielle reproduite plus haut.
III. En droit
-A-
A.1.1. Se référant à l’arrêt de la Cour n° 23/2023 du 9 février 2023 (ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.023), le Conseil des ministres estime, à titre principal, que la question préjudicielle ne relève pas de la compétence de la Cour. Il soutient que l’article 59 du CIR 1992 énonce une règle anti-abus dont la mise en œuvre concrète est prévue et explicitée dans l’arrêté royal du 27 août 1993 « d’exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 » (ci-
après : l’AR/CIR 1992).
A.1.2. Le Conseil des ministres estime à titre subsidiaire que la question préjudicielle appelle une réponse négative. Premièrement, il ressort de la disposition en cause et des travaux préparatoires que tous les capitaux de pension doivent être pris en compte pour le calcul de la limite de 80 %. Cette mesure est pertinente au regard de l’objectif du législateur d’éviter la constitution de pensions excessives par le biais de cotisations déductibles fiscalement. Le législateur a voulu maintenir les prestations extra-légales destinées à compléter la pension légale dans une certaine limite permettant au travailleur de bénéficier d’une pension « convenable » et éviter qu’une partie de la rémunération du travailleur soit transformée en prestations extra-légales bénéficiant d’une taxation sensiblement plus avantageuse. Deuxièmement, à défaut de prendre en compte la prestation extra-légale constituée auprès d’un autre employeur, le travailleur peut bénéficier de prestations légales et extra-légales sensiblement supérieures à 80 % de sa dernière rémunération brute annuelle normale. Troisièmement, la prise en considération de l’ensemble des prestations extra-légales antérieurement constituées permet de tenir compte du fait que celles-
ci continuent à générer des intérêts même si le travailleur a changé d’employeur. Quatrièmement, les exemples cités par la juridiction a quo sont trop simplistes et irréalistes. Cinquièmement, la règle en cause n’est pas discriminatoire, dès lors qu’elle s’applique à toutes les entreprises.
Se référant à l’arrêt de la Cour de cassation du 15 janvier 2009 (ECLI:BE:CASS:2009:ARR.20090115.12), le Conseil des ministres observe que la limitation de la carrière prise en considération pour le calcul de la règle de 80 % à celle qui est effectuée au sein de l’entreprise concernée s’explique par le fait que l’entreprise ne peut pas
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financer les prestations extra-légales de son travailleur ou de son dirigeant d’entreprise en raison de l’activité effectuée par celui-ci en dehors de l’entreprise.
A.2.1. Le Conseil des ministres observe qu’il n’appartient pas à la SNC « Touch & Coach Consult » de proposer une interprétation de l’article 59, § 4, du CIR 1992 différente de celle retenue par la juridiction a quo dans la question préjudicielle. Cette disposition prévoit clairement que « l’ensemble » des pensions légales et des pensions extra-légales doivent être prises en compte, de sorte qu’il n’y a pas lieu de distinguer dans cette disposition un « angle matériel » et un « angle temporel ».
Selon le Conseil des ministres, il ressort des points 59/43 à 59/46 du commentaire du Code des impôts sur les revenus que les cotisations patronales doivent être liées à la rémunération versée par l’employeur pour être déductibles par celui-ci. L’extrait du commentaire auquel la SNC « Touch & Coach Consult » se réfère concerne le cas d’un travailleur ou d’un dirigeant d’entreprise qui travaille simultanément pour différents employeurs ou différents établissements d’un même employeur. Il ne peut être déduit de ce commentaire qu’en cas de changement d’employeur, il ne devrait pas être tenu compte des engagements de pension antérieurs souscrits en faveur du travailleur ou du dirigeant d’entreprise.
Le Conseil des ministres soutient que l’administration fiscale n’a jamais varié dans son interprétation de l’article 59, § 4, du CIR 1992. La circonstance que des contribuables aient pu, en l’absence de tout contrôle, bénéficier d’une déduction allant au-delà de la limite de 80 % ne démontre pas l’existence d’une interprétation officielle de l’administration fiscale autorisant un tel dépassement.
Le Conseil des ministres fait valoir que l’avis rendu le 22 juin 2004 par le groupe de travail chargé d’étudier la règle de 80 % formule des suggestions sans valeur légale.
Il estime que le fait que le segment de phrase ajouté à l’article 1453/1, § 1er, alinéa 2, 3°, du CIR 1992 n’a pas été ajouté à l’article 59, § 4, du CIR 1992 implique que la limite introduite par le législateur pour les indépendants n’est pas transposable aux travailleurs et dirigeants d’entreprise. Il ajoute que cette mesure concerne une catégorie spécifique de pension extra-légale et non l’ensemble des pensions extra-légales.
A.2.2. Selon le Conseil des ministres, deux catégories de personnes ne peuvent pas à la fois être considérées comme étant dans des situations identiques et dans des situations différentes au regard de la même mesure. D’une part, en ce qui concerne l’identité de traitement fiscal de deux catégories de contribuables qui se trouvent dans des situations différentes, ces deux catégories de contribuables n’existent pas. Au regard de la mesure en cause, l’employeur qui emploie un primo-arrivant sur le marché du travail et celui qui emploie un travailleur ou un dirigeant d’entreprise qui a une carrière professionnelle antérieure ne sont pas dans des situations différentes, puisqu’ils emploient l’un et l’autre une personne à l’égard de laquelle la règle de 80 % doit être respectée.
D’autre part, en ce qui concerne la différence de traitement fiscal de deux catégories de contribuables qui se trouvent dans des situations identiques, celle-ci ne se situe pas dans l’article 59, § 4, du CIR 1992 mais dans l’article 35 de l’AR/CIR 1992.
A.2.3. Le Conseil des ministres expose que la rémunération du travailleur ou du dirigeant d’entreprise change lorsqu’il change d’employeur. Il ajoute que, dans la pratique, les contrats à prestations définies sont devenus l’exception et les contrats à contributions définies, la règle. Par ailleurs, la pension extra-légale n’est qu’un élément parmi d’autres de la politique salariale à laquelle l’employeur peut avoir recours. Il se peut que le montant prévu par le règlement de pension soit inférieur ou supérieur au capital obtenu aux termes de l’application de la règle des 80 %, ou qu’aucun règlement de pension n’existe au sein de l’entreprise concernée.
Enfin, plusieurs possibilités s’offrent au travailleur ou au dirigeant d’entreprise qui change d’employeur en ce qui concerne le capital constitué dans le cadre d’une assurance de groupe auprès de son ancien employeur. Il peut maintenir le montant acquis aux conditions prévues dans le plan de pension. Il peut utiliser ce montant pour une couverture décès d’un montant équivalent. Il peut transférer la pension complémentaire qu’il a constituée à l’assureur de son nouvel employeur, dans une « structure d’accueil » ou encore dans un organisme de pension spécialisé. Dans la première hypothèse, la réserve acquise au moment du changement d’employeur ne correspond pas à la prestation acquise à l’échéance, dès lors que des intérêts vont continuer à être générés. La solution
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préconisée par la SNC « Touch & Coach Consult » conduirait automatiquement à dépasser la limite de 80 %
voulue par le législateur en cas de changement d’employeur. En effet, d’une part, la limite de 80 % aura été calculée dans le chef du premier employeur comme si le travailleur allait y faire sa carrière complète, alors que ce ne sera finalement pas le cas. D’autre part, les modalités de calcul prises initialement en compte ne pourront plus être revues malgré le changement d’employeur, ce qui aura un impact sur le montant que le travailleur pourra obtenir au titre de pension extra-légale du fait de son activité auprès de son premier employeur.
A.3.1. La SNC « Touch & Coach Consult » expose que la limite de 80 % comporte un plafond pour le montant des pensions légales et extra-légales qui peuvent être constituées par le biais de primes de pension déductibles fiscalement. C’est ainsi que la somme de la pension légale et de la pension extra-légale du bénéficiaire ne peut, lors de la mise à la retraite, excéder 80 % de la dernière rémunération brute annuelle normale avant la retraite. Un des paramètres qu’il convient de prendre en compte pour calculer la limite de 80 % est la fraction de carrière, qui détermine le nombre d’années pouvant être financées. Conformément à l’article 35, § 2, 2°, de l’AR/CIR 1992, la fraction a pour numérateur le nombre d’années réellement travaillées ou encore à travailler au sein de l’entreprise actuelle et pour dénominateur le nombre d’années de la durée normale d’activité professionnelle (soit en principe 40 ans). Si le dirigeant concerné n’a pas travaillé durant toute sa carrière dans la même entreprise, cette dernière peut, conformément à l’article 59, § 1er, alinéa 3, du CIR 1992, lu en combinaison avec l’article 35, § 3, de l’AR/CIR 1992, ajouter au numérateur dix années maximum d’activité professionnelle antérieure. Dans ce cas, les capitaux de pension complémentaire constitués durant ces années de carrière valorisées doivent être pris en compte dans le calcul de la limite de 80 %.
La SNC « Touch & Coach Consult » fait valoir que, pour établir le numérateur de la fraction de carrière, il est essentiel de savoir si le dirigeant concerné a travaillé au sein de la même entreprise ou non durant toute sa carrière. Si tel est le cas, le numérateur de la fraction de carrière est égal à son dénominateur. Si tel n’est pas le cas, l’entreprise dans laquelle le dirigeant travaille actuellement peut, à titre optionnel, ajouter au maximum dix années d’activité professionnelle antérieure effectuée dans une autre entreprise au numérateur de la fraction de carrière.
La SNC « Touch & Coach Consult » estime que l’article 59, § 4, du CIR 1992 précise quels types de pensions doivent être pris en compte ou non pour le calcul de la limite de 80 % (champ d’application matériel).
En revanche, cette disposition ne dit rien explicitement sur l’obligation ou non de prendre en compte les conventions de pension conclues dans le cadre d’une activité professionnelle antérieure effectuée dans une autre entreprise (champ d’application temporel). Selon elle, il ne faut pas tenir compte des pensions extra-légales constituées au sein de l’ancienne entreprise qui a employé l’intéressé, seules les années travaillées et à travailler dans l’entreprise actuelle peuvent être financées et cette fraction de carrière s’applique également à la pension légale à prendre en compte. La SNC « Touch & Coach Consult » souligne qu’il ressort de la pratique antérieure de l’administration fiscale et d’un avis du 22 juin 2004 du groupe de travail chargé d’étudier la règle de 80 % que, pour calculer la limite de 80 %, il ne faut pas tenir compte d’un éventuel capital de pension constitué au profit du dirigeant dans une entreprise précédente, un point de vue qui, selon elle, trouve également appui dans la doctrine.
Or, elle considère que l’administration fiscale a conféré une nouvelle interprétation à l’article 59 du CIR 1992, selon laquelle toutes les pensions extra-légales constituées sur l’ensemble de la carrière de l’intéressé doivent toujours être prises en compte pour le calcul de la limite de 80 %.
A.3.2. La SNC « Touch & Coach Consult » souligne que les conventions de pension pour les travailleurs indépendants sont soumises à un autre régime que celui que l’administration fiscale applique aux pensions complémentaires des dirigeants d’entreprise. Elle se réfère à l’article 1453/1, § 1er, alinéa 2, 3°, du CIR 1992, qui prévoit également une limite de 80 %, mais dispose expressément à cet égard que, pour le calcul de cette limite, il convient de ne tenir compte que des pensions extra-légales se rapportant aux années prises en compte dans la fraction de carrière. Il ressort selon elle des travaux préparatoires que le législateur a voulu que la pension extra-
légale qui peut être constituée par un indépendant ne dépende pas du choix d’exercer ou non l’activité indépendante par l’intermédiaire d’une personne morale.
A.4.1. La SNC « Touch & Coach Consult » estime que l’interprétation donnée par l’administration fiscale à l’article 59 du CIR 1992 crée une discrimination quant au nombre d’années pouvant être financées selon la règle des 80 %, en ce que des entreprises qui se trouvent dans des situations différentes sont traitées de la même manière.
Selon elle, l’entreprise qui verse des primes de pension au profit d’un dirigeant qui y a toujours travaillé se trouve dans une situation différente de celle d’une entreprise qui verse des primes au profit d’un dirigeant qui a déjà
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constitué un capital de pension complémentaire au sein d’une autre entreprise. Même si tous les autres paramètres sont identiques, la limite de 80 % à prendre en compte pour la seconde catégorie d’entreprises est en tout état de cause – en raison de la différence dans le calcul du numérateur de la fraction de carrière – inférieure à celle à prendre en compte pour la première catégorie d’entreprises. En revanche, pour calculer la limite de 80 %, toutes les entreprises doivent toujours tenir compte de toutes les pensions extra-légales constituées durant les années déjà accomplies par le dirigeant, et donc indépendamment du point de savoir si les primes de pension portent sur des années travaillées au sein de la même entreprise ou au sein de plusieurs entreprises.
Même si l’entreprise dont le dirigeant a déjà constitué un capital de pension complémentaire au sein d’une entreprise précédente fait usage de l’option permettant de valoriser l’activité professionnelle antérieure à raison de dix ans maximum, l’égalité de traitement de situations différentes continue de découler de l’article 59 du CIR 1992, tel qu’il est interprété par l’administration fiscale.
Selon la SNC « Touch & Coach Consult », l’égalité de traitement n’est pas adéquate pour atteindre l’objectif poursuivi par la limite de 80 %. Si l’on veut éviter que le total des prestations légales et extra-légales au moment de la mise à la retraite dépasse 80 % de la dernière rémunération brute annuelle normale, il y a lieu, dans le cas d’une carrière qui s’est déroulée dans plusieurs entreprises, de tenir compte uniquement, pour une partie déterminée de la carrière, des pensions extra-légales qui portent sur cette partie de la carrière. La SNC « Touch & Coach Consult » estime en outre que l’égalité de traitement n’est pas non plus proportionnée à l’objectif poursuivi par la loi. Elle pénalise ainsi non seulement la mobilité professionnelle, mais il est aussi moins intéressant pour les entreprises d’engager des travailleurs « plus âgés » (par exemple, les plus de 45 ans) si une pension extra-légale a déjà été constituée pour ces personnes dans l’entreprise où elles travaillaient précédemment.
Par ailleurs, la non-déductibilité des primes de pension peut aussi avoir des incidences négatives sur le choix d’une entreprise de conclure ou non un contrat EIP. Il devient dès lors moins intéressant pour les travailleurs plus âgés de fonder leur propre entreprise pour y poursuivre leur carrière en tant que dirigeant. Par ailleurs, le fait que l’interprétation de l’administration fiscale ne trouve pas d’appui dans la disposition en cause ni dans les dispositions pertinentes de l’AR/CIR 1992 a pour conséquence qu’il est porté une atteinte disproportionnée au principe selon lequel tout contribuable doit pouvoir déterminer avec un degré minimum de prévisibilité le régime fiscal qui lui sera appliqué. Enfin, l’interprétation donnée par l’administration fiscale à l’article 59 du CIR 1992
viderait aussi complètement de sa substance le caractère optionnel de la valorisation des années de carrière dans une activité professionnelle antérieure. En ce que l’article 59 du CIR 1992 est interprété dans le sens que l’administration fiscale lui donne, il fait naître une égalité de traitement discriminatoire, selon la SNC « Touch & Coach Consult ». Cette discrimination est encore plus frappante dans une situation dans laquelle l’entreprise actuelle n’opte pas pour la valorisation des années de carrière exercées antérieurement en dehors de cette entreprise.
A.4.2. Selon la SNC « Touch & Coach Consult », la nouvelle interprétation de l’administration fiscale fait naître par ailleurs une inégalité de traitement entre une entreprise qui conclut une convention de pension au profit d’un dirigeant qui y a déjà travaillé depuis le début de sa carrière ou, à tout le moins, depuis de nombreuses années, et une entreprise qui conclut une convention de pension au profit d’un dirigeant qui a effectué une activité professionnelle antérieure au sein d’une autre entreprise. Dans la seconde situation, l’entreprise actuelle ne peut plus constituer, dans de nombreux cas, qu’une très faible pension extra-légale au profit du dirigeant par le biais de primes fiscalement déductibles, ou ne peut pas le faire du tout, alors que les primes de pension auraient été intégralement déductibles si le même dirigeant avait toujours travaillé au sein de la même entreprise. Cette différence de traitement fiscal est encore plus importante si la rémunération du dirigeant dans l’entreprise actuelle est inférieure à celle qu’il touchait dans son entreprise précédente.
La SNC « Touch & Coach Consult » souligne qu’au regard de l’objectif poursuivi par le législateur lorsqu’il a instauré la limite de 80 %, les deux catégories d’entreprises se trouvent dans des situations comparables. Le capital de pension qui est jugé « excessif » par le législateur est le même pour deux dirigeants d’entreprise différents qui ont accompli la même durée de carrière et qui ont toujours perçu la même rémunération brute annuelle et pour lesquels le même nombre d’années de carrière est financé. Compte tenu de l’objectif du législateur, la question de savoir si les dirigeants ont, durant leur carrière, travaillé dans une ou plusieurs entreprises n’est ni pertinente ni adéquate.
En outre, selon la SNC « Touch & Coach Consult », la différence de traitement fiscal des deux catégories d’entreprise a des effets disproportionnés, dès lors que la limite de 80 % ne peut être pleinement utilisée que pour un dirigeant d’entreprise qui est actif toute sa carrière au sein de la même entreprise. En ce que l’article 59 du CIR 1992 est interprété dans le sens de l’administration fiscale, il fait naître une différence de traitement discriminatoire, selon la SNC « Touch & Coach Consult ».
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A.4.3. Toutefois, l’article 59 du CIR 1992 est susceptible également, selon la SNC « Touch & Coach Consult », de recevoir une interprétation conforme à la Constitution. Cette disposition n’exige en effet pas (et en tout cas pas explicitement) que les pensions extra-légales constituées par le dirigeant d’entreprise durant une activité professionnelle antérieure soient également prises en compte pour calculer la limite de 80 % dans l’entreprise où le dirigeant concerné travaille actuellement. La SNC « Touch & Coach Consult »
estime que, s’il y a lieu de prendre seulement en compte les pensions extra-légales déjà financées se rapportant aux années de carrière qui sont financées et indiquées au numérateur de la fraction de carrière, il n’y a pas de violation du principe d’égalité et de non-discrimination. Elle souligne que cette interprétation a été explicitement reprise dans le régime légal relatif aux conventions de pension pour les travailleurs indépendants (article 1453/1, § 1er, alinéa 2, 3°, du CIR 1992). L’interprétation conforme à la Constitution rejoindrait par ailleurs la volonté du législateur et permettrait d’éviter les traitements incohérents et discriminatoires, notamment lorsqu’une personne exerce d’abord une activité de dirigeant d’entreprise et ensuite une activité en tant qu’indépendant-personne physique.
A.5. La SNC « Touch & Coach Consult » expose que le contrôle de la limite de 80 % a lieu au cours de la carrière de l’affilié lors du paiement des primes de pensions et non à la fin de sa carrière, vu la sanction de non-
déductibilité des primes attachée au dépassement de cette limite. Il n’est pas toujours possible de tenir compte de la durée totale de la carrière. Il résulte en effet du fait que la limite de 80 % doit s’apprécier par entreprise que seules les années travaillées et à travailler au sein de l’entreprise actuelle peuvent être financées et que la pension légale est uniquement prise en compte dans la mesure où elle se rapporte aux années financées. Ce n’est que si l’affilié a travaillé au sein de la même entreprise que l’ensemble de sa carrière peut être financée.
Selon la SNC « Touch & Coach Consult », il ne ressort ni de l’article 45, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1964, ni de l’article 59, § 1er, 2°, du CIR 1992, ni des travaux préparatoires qu’il faut tenir compte des pensions extra-légales constituées tout au long de la carrière de l’affilié.
La SNC « Touch & Coach Consult » conteste la thèse du Conseil des ministres selon laquelle la question préjudicielle ne relève pas de la compétence de la Cour. L’affaire qui a donné lieu à l’arrêt n° 23/2023, précité, concernait une problématique différente de celle dont la Cour est saisie dans l’affaire présentement examinée. Cet arrêt ne peut dès lors pas être transposé en l’espèce. Le nombre d’années qui peuvent être financées lorsqu’un affilié change d’entreprise est fixé par l’article 59 du CIR 1992, lequel n’habilite pas le Roi à déterminer ce paramètre, contrairement à la notion de « dernière rémunération annuelle brute » en cause dans l’arrêt n° 23/2023.
Par ailleurs, les années à financer pour un affilié qui a changé d’entreprise au cours de sa carrière sont également spécifiées dans la loi. Par son arrêt n° 145/2022 du 10 novembre 2022 (ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.145), la Cour a confirmé ce point en se déclarant, à tout le moins implicitement, compétente pour répondre à une question préjudicielle qui portait sur la même problématique que celle visée dans l’affaire présentement examinée.
Selon la SNC « Touch & Coach Consult », le Conseil des ministres adopte une lecture sélective de l’article 59 du CIR 1992 et de son objectif. Cette disposition, dans l’interprétation retenue par l’administration fiscale, ne permet pas d’obtenir une pension convenable, même en cas de rémunération décroissante.
La SNC « Touch & Coach Consult » fait valoir que le problème en cause est que les sociétés devraient être traitées différemment, dès lors que les années qui peuvent être financées diffèrent selon que l’affilié a toujours travaillé au sein de la même entreprise ou non. Elle souligne que l’administration fiscale a confirmé qu’une partie des primes payées dans l’affaire à l’origine de la question préjudicielle présentement examinée auraient été déductibles si son dirigeant d’entreprise avait effectué toute sa carrière en son sein. Par ailleurs, le fait que les pensions extra-légales déjà constituées génèrent des intérêts ne garantit pas que le même montant de pension extra-
légale puisse être constitué en faveur du dirigeant qui a travaillé pour la même entreprise durant toute sa carrière et en faveur du dirigeant qui a travaillé pour plusieurs entreprises. La pension extra-légale constituée pour le dirigeant de la première catégorie générera aussi des intérêts, de sorte que ce paramètre est sans incidence. Selon la SNC « Touch & Coach Consult », les exemples du Conseil des ministres démontrent que la limite de 80 % peut être pleinement utilisée uniquement en présence d’un dirigeant qui a travaillé pour la même entreprise durant toute sa carrière.
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A.6.1. Les parties intervenantes estiment qu’elles justifient d’un intérêt à leur intervention. Les parties, qui sont des entreprises d’assurances, soulignent toutes le fait qu’elles ont conclu nombre de conventions en vue de la constitution d’une pension extra-légale – l’interprétation de la disposition en cause a une incidence considérable sur le traitement fiscal de ces conventions – et qu’elles sont systématiquement consultées au sujet du traitement fiscal des primes concernées. Elles estiment que leur intérêt découle également du fait que la réponse à la question préjudicielle influencera leur rentabilité future, dès lors que, du point de vue fiscal, il pourrait ne pas s’avérer intéressant pour les entreprises de conclure une convention de pension au profit d’un dirigeant qui a déjà travaillé dans une autre entreprise par le passé. L’ASBL « Assuralia » expose qu’elle représente pratiquement toutes les entreprises d’assurances belges et étrangères actives sur le marché belge, qu’elle dispose, en vertu de l’article 9:25
du Code des sociétés et des associations, de la qualité requise en tant qu’association professionnelle pour ester en justice afin de défendre les droits individuels de ses membres et que la Cour a déjà admis à plusieurs reprises son intérêt à agir.
A.6.2. De manière analogue à la SNC « Touch & Coach Consult », les parties intervenantes contestent la thèse du Conseil des ministres selon laquelle la question préjudicielle ne relève pas de la compétence de la Cour.
Elles estiment que la question préjudicielle appelle une réponse affirmative. Elles étaient leur point de vue par des arguments analogues à ceux de la SNC « Touch & Coach Consult ».
-B-
B.1. Par la question préjudicielle, la juridiction a quo souhaite savoir si l’article 59 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992), tel qu’il était applicable aux exercices d’imposition 2017 et 2018, est compatible avec le principe d’égalité et de non-
discrimination garanti par les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
B.2.1. Comme il ressort de la décision de renvoi, la question préjudicielle porte essentiellement sur la méthode de calcul de ce qu’on appelle la « limite de 80 % » pour la déductibilité fiscale des primes qu’une entreprise verse dans le cadre d’un contrat individuel relatif à des engagements de pension au profit d’un dirigeant d’entreprise.
Selon l’article 195, § 1er, du CIR 1992, les dirigeants d’entreprise sont assimilés à des travailleurs pour l’application des dispositions en matière de frais professionnels et leurs rémunérations ainsi que les charges sociales connexes à celles-ci sont considérées comme des frais professionnels. L’article 59, en cause, du CIR 1992 s’applique ainsi également aux cotisations et primes patronales versées en exécution d’un engagement individuel de pension complémentaire de retraite et/ou de survie au profit d’un dirigeant d’entreprise.
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B.2.2. Conformément à l’article 52, 3°, b), deuxième tiret, du CIR 1992, tel qu’il était applicable aux exercices d’imposition 2017 et 2018, les cotisations et primes patronales – sous réserve des dispositions des articles 53 à 66bis du CIR 1992 – versées en exécution d’un engagement individuel de pension complémentaire de retraite et/ou de survie, en vue de la constitution d’une rente ou d’un capital en cas de vie ou de décès, constituent des frais professionnels.
B.2.3. L’article 59 du CIR 1992, tel qu’il était applicable aux exercices d’imposition 2017
et 2018, (ci-après : la disposition en cause) dispose :
« § 1er. Les cotisations et primes patronales visées à l’article 52, 3°, b, ne sont déductibles à titre de frais professionnels qu’aux conditions et dans les limites suivantes :
1° il faut qu’elles soient versées à titre définitif à une entreprise d’assurance ou à une institution de prévoyance ou à une institution de retraite professionnelle établie dans un État membre de l’Espace économique européen;
2° les prestations légales et extra-légales en cas de retraite, exprimées en rentes annuelles, ne peuvent dépasser 80 p.c. de la dernière rémunération brute annuelle normale et doivent tenir compte d’une durée normale d’activité professionnelle.
Pour les contrats qui ne sont pas des engagements de type ‘ prestations définies ’, les prestations extra-légales y afférentes sont déterminées en tenant compte des caractéristiques du contrat, des réserves acquises afférentes au contrat et des paramètres suivants :
- le taux des augmentations des rémunérations, y compris l’indexation;
- le taux de capitalisation à appliquer aux réserves acquises;
- le taux des participations aux bénéfices;
3° les prestations légales et complémentaires en cas d’incapacité de travail, exprimées en rentes annuelles, ne peuvent excéder la rémunération brute annuelle normale;
4° l’employeur doit produire les éléments justificatifs dans les formes et les délais déterminés par le Roi;
5° les informations demandées en application de l’arrêté royal du 25 avril 2007 portant exécution de l’article 306 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006, doivent avoir été fournies.
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Pour vérifier si les limites visées à l’alinéa 1er, 2° et 3°, sont respectées, les prestations y visées qui sont liquidées en capital, sont à convertir en rentes à l’aide des données qui figurent au tableau fixé par le Roi, qui, sans tenir compte d’une réversibilité ou de l’indexation des rentes différées dans la limite de 2 % par an à compter de leur prise de cours, indique pour différents âges à la prise de cours de la rente, le capital censé nécessaire pour payer par douzièmes et à terme échu une rente annuelle de 1 euro. Les données du tableau peuvent être adaptées s’il y a lieu pour tenir compte de la réversibilité ou de l’indexation des rentes différées dans la limite de 2 % par an à compter de leur prise de cours.
Les prestations qui correspondent aux années de service déjà prestées, peuvent être financées sous la forme d’une ou plusieurs cotisations ou primes. Les années de service prestées en dehors de l’entreprise ne sont prises en compte qu’à concurrence de 10 années réellement prestées au maximum. Les prestations qui se rapportent à 5 ans maximum d’activité professionnelle restant encore à prester jusqu’à l’âge normal de la retraite peuvent également être financées sous la forme d’une ou plusieurs cotisations ou primes.
§ 2. Une indexation des rentes visées au § 1er, alinéa 1er, 2° et 3°, est permise.
§ 3. Les limites visées au § 1er, alinéa 1er, 2° et 3°, s’appliquent, d’une part aux cotisations et primes relatives aux assurances complémentaires contre la vieillesse et le décès prématuré et aux engagements de pensions complémentaires et, d’autre part, aux cotisations et primes relatives aux engagements qui doivent être considérés comme un complément aux indemnités légales en cas de décès ou d’incapacité de travail par suite d’un accident du travail ou d’un accident ou bien d’une maladie professionnelle ou d’une maladie. Pour le calcul de ces limites, les cotisations et primes visées à l’article 52, 3°, b, troisième tiret, versées en exécution d’un engagement de solidarité sont réparties, suivant leur objet, entre chacune de ces catégories.
§ 4. En ce qui concerne les cotisations et primes patronales relatives aux assurances complémentaires contre la vieillesse et le décès prématuré et aux engagements de pension complémentaire, la limite de 80 p.c. visée au § 1er, alinéa 1er, 2°, doit s’apprécier au regard de l’ensemble des pensions légales et des pensions extra-légales exprimées en rentes annuelles.
Les prestations résultant de l’épargne-pension et de contrats individuels d’assurance-vie autres que ceux conclus en exécution d’un engagement individuel de pension complémentaire de retraite et/ou de survie, n’entrent pas en ligne de compte.
Les pensions extra-légales comprennent notamment les pensions :
- constituées au moyen de cotisations personnelles visées à l’article 52, 7°bis, ou à l’article 1453;
- constituées au moyen de cotisations patronales;
- attribuées par l’employeur en exécution d’une obligation contractuelle.
Pour les cotisations et primes patronales relatives aux engagements qui doivent être considérés comme un complément aux indemnités légales en cas de décès ou d’incapacité de
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travail par suite d’un accident du travail ou d’un accident ou bien d’une maladie professionnelle ou d’une maladie, la limite à la rémunération brute annuelle normale doit s’apprécier au regard de l’ensemble des prestations légales en cas d’incapacité de travail et des prestations extra-
légales en cas d’incapacité de travail exprimées en rentes annuelles.
Les prestations extra-légales en cas d’incapacité de travail comprennent notamment :
- les prestations en cas d’incapacité de travail constituées au moyen de cotisations patronales;
- les prestations attribuées par l’employeur en exécution d’une obligation contractuelle.
§ 5. Le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des ministres :
1° ce qu’il faut entendre par ‘ rémunération brute annuelle normale ’, ‘ dernière rémunération brute annuelle normale ’ et ‘ durée normale d’activité professionnelle ’ au sens du § 1er, alinéa 1er, 2° et 3°;
2° les différents taux visés au § 1er, alinéa 1er, 2°.
Il saisira les Chambres législatives, immédiatement si elles sont réunies, sinon dès l’ouverture de leur plus prochaine session, d’un projet de loi de confirmation des arrêtés pris en exécution de l’alinéa 1er, 2°.
Il détermine les conditions et le mode d’application de la présente disposition.
§ 6. Les avances sur prestations, la mise en gage des droits à la pension pour sûreté d’un emprunt et l’affectation de la valeur de rachat à la reconstitution d’un emprunt hypothécaire ne font pas obstacle au caractère définitif du versement des cotisations et des primes requis par le § 1er, alinéa 1er, 1°, lorsqu’elles sont consenties pour permettre au travailleur d’acquérir, de construire, d’améliorer, de restaurer ou de transformer des biens immobiliers situés dans un État membre de l’Espace économique européen et productifs de revenus imposables en Belgique ou dans un autre État membre de l’Espace économique européen et pour autant que les avances et les prêts soient remboursés dès que les biens précités sortent du patrimoine du travailleur.
La limite visée à l’alinéa 1er doit être inscrite dans les règlements d’assurance de groupe, les contrats d’assurance, les règlements de pension, les engagements de pension complémentaire visés dans la loi du 28 avril 2003 relative aux pensions complémentaires et au régime fiscal de celles-ci et de certains avantages complémentaires en matière de sécurité sociale et les conventions de pension complémentaire pour les travailleurs indépendants visées dans la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 ».
En vertu du paragraphe 1er, alinéa 1er, 2°, de la disposition en cause, les cotisations et primes patronales versées en exécution d’un contrat individuel relatif à des engagements de pension ne peuvent être déduites à titre de frais professionnels qu’à la condition que les prestations légales et extra-légales en cas de retraite, exprimées en rentes annuelles, ne
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dépassent pas 80 % de la dernière rémunération brute annuelle normale et qu’elles tiennent compte d’une durée normale d’activité professionnelle.
En vertu du paragraphe 4, alinéa 1er, de la disposition en cause, il convient, en ce qui concerne les cotisations et primes relatives aux engagements de pension complémentaire, d’apprécier la limite de 80 % au regard de l’ensemble des pensions légales et des pensions extra-légales exprimées en rentes annuelles.
Sur la base du paragraphe 4, alinéa 2, de la disposition en cause, les pensions extra-légales comprennent notamment les pensions constituées au moyen de cotisations patronales.
En vertu du paragraphe 5, alinéa 1er, de la disposition en cause, le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, ce qu’il faut entendre par « rémunération brute annuelle normale », « dernière rémunération brute annuelle normale » et « durée normale d’activité professionnelle » au sens du paragraphe 1er, alinéa 1er, 2°, de la même disposition, ainsi que les différents taux visés au paragraphe 1er, alinéa 1er, 2°.
B.2.4. L’article 34 de l’arrêté royal du 27 août 1993 « d’exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 » (ci-après : l’AR/CIR 1992), tel qu’il était applicable aux exercices d’imposition 2017 et 2018, dispose :
« Pour l’application des articles 52, 3°, b, et 5°, et 59, du Code des impôts sur les revenus 1992 et de la présente section, on entend :
1° par rémunération brute annuelle normale : le montant global brut de toutes les sommes qui, avant déduction des retenues obligatoirement effectuées en exécution de la législation sociale ou d’un statut légal ou réglementaire y assimilé, sont attribuées ou payées au travailleur pendant une année déterminée, autrement qu’à titre exceptionnel ou occasionnel;
2° par dernière rémunération brute annuelle normale : la rémunération brute annuelle qui, eu égard aux rémunérations antérieures du travailleur, peut être considérée comme normale et qui lui a été payée ou attribuée pendant la dernière année antérieure à sa mise à la retraite, année pendant laquelle il a eu une activité professionnelle normale;
3° par durée normale d’activité professionnelle : 40 ans ou, pour les professions dont l’employeur et le travailleur intéressés établissent que la carrière complète s’étend sur moins ou plus de 40 ans, le nombre d’années de cette carrière complète ».
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L’article 35 de l’AR/CIR 1992, tel qu’il était applicable aux exercices d’imposition 2017
et 2018, dispose :
« [...]
§ 2. La déduction à titre de frais professionnels des cotisations et primes patronales visées au § 1er n’est admise que pendant la durée normale d’activité professionnelle de chaque travailleur et dans la mesure où par travailleur, lesdites cotisations et primes, majorées des cotisations et primes personnelles visées à l’article 1451, 1°, du même Code :
1° ne dépassent pas, par année, les montants dus en vertu du règlement d’assurance de groupe, du contrat d’assurance, du règlement de pension, de l’engagement de pension complémentaire ou de l’engagement de solidarité et qui, en ce qui concerne les engagements collectifs, sont accessibles de manière identique et non discriminatoire à tout le personnel de l’entreprise ou à une catégorie spécifique de ce personnel;
2° donnent droit à des prestations, participations bénéficiaires comprises, dont le montant, en rente annuelle viagère ou converti en rente annuelle viagère, majoré de la pension légale, n’excède pas 80 p.c. de la rémunération brute annuelle normale du travailleur pendant l’année concernée, multipliée par une fraction qui a pour numérateur le nombre d’années de la durée normale d’activité professionnelle réellement accomplies et restant à accomplir dans l’entreprise et pour dénominateur le nombre d’années de la durée normale d’activité professionnelle.
§ 3. Pour les travailleurs qui effectuent au sein de l’entreprise une carrière incomplète, il peut être tenu compte au numérateur de la fraction visée au § 2, 2°, d’une durée d’activité professionnelle supérieure à celle qu’ils presteront dans cette entreprise, à condition que les prestations visées au § 2, 2°, se rapportent à 10 ans maximum d’une activité professionnelle antérieure réellement prestée ou à 5 ans maximum d’activité professionnelle restant encore à prester jusqu’à l’âge normal de la retraite et que le nombre total des années ainsi pris en considération ne dépasse pas le nombre d’années de la durée normale de leur activité professionnelle. En pareil cas, les règlements, contrats, engagements de pension complémentaire et engagements de solidarité visés au § 1er, 2°, doivent en outre mentionner de manière explicite les conditions auxquelles de telles cotisations et primes sont accordées.
Pour vérifier si la limite fixée au § 2, 2° est respectée, les prestations en capital sont à convertir en rente à l’aide des données qui figurent au tableau ci-après, adaptées s’il y a lieu pour tenir compte de la réversibilité ou de l’indexation des rentes différées dans la limite de 2 p.c. par an à compter de leur prise de cours.
[...] ».
B.2.5. La limite de 80 % a été insérée par l’article 5 de la loi du 27 décembre 1984
« portant des dispositions fiscales » dans l’ancien article 45, 3°, b), du Code des impôts sur les revenus 1964 (actuellement l’article 59, § 1er, alinéa 1er, 2°, du CIR 1992).
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Il ressort de l’exposé des motifs relatif au projet de loi que l’objectif du législateur était de remédier à « certaines distorsions existant dans les différents modes de constitution en exemption d’impôt des capitaux tenant lieu de rentes ou de pensions » (Doc. parl., Chambre, 1984-1985, n° 1010/1, p. 1). L’exposé des motifs indique ensuite que « la modification de régime proposée [...] ne peut se réaliser sans certaines adaptations destinées à empêcher la constitution en exemption d’impôt de capitaux anormalement élevés » (ibid., p. 5). Dans son avis sur l’avant-projet de loi, la section de législation du Conseil d’État a confirmé que cet avant-projet « tendrait à éviter la déductibilité de pensions jugées excessives » (ibid., p. 22).
Le projet de loi initial n’a toutefois pas défini la limite au-dessus de laquelle les capitaux de pension constitués seraient considérés comme « excessifs ». La section de législation du Conseil d’État a observé à cet égard que, « pour respecter le prescrit de l’article 110
[actuellement article 170] de la Constitution, cette limite doit être exprimée par la loi » (ibid., p. 22). La limite de 80 % a finalement été insérée dans l’article 5 du projet de loi à la suite d’un amendement déposé par plusieurs députés (Doc. parl., Chambre, 1984-1985, n° 1010/4, p. 7;
n° 1010/13, pp. 56 et 122).
En ce qui concerne la sanction qui s’appliquerait si les capitaux de pension constitués étaient supérieurs à la limite de 80 %, le ministre des Finances a déclaré que « la partie dépassant la limite est rejetée en tant que dépense déductible » (Doc. parl., Chambre, 1984-
1985, n° 1010/13, p. 59). Il a spécifié par ailleurs que « le montant alloué ‘ en trop ’ sera ajouté au bénéfice imposable de l’entreprise » (ibid.).
Ainsi que le Vice-Premier ministre et ministre des Finances, chargé de la Coordination de la lutte contre la fraude, l’a indiqué en réponse à une question parlementaire :
« [En ce qui concerne les pensions complémentaires, la] limite de 80 % doit être appréciée au regard du montant total des pensions légales et des pensions extra-légales, exprimées en rentes annuelles. Les primes qui financent des prestations ne dépassant pas cette limite de 80 %, restent par conséquent déductibles comme frais professionnels.
Lorsqu’un dirigeant d’entreprise ou un travailleur salarié est employé successivement auprès de différents employeurs, des primes étant payées par ces derniers dans le cadre de la
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constitution d’une pension extra-légale, il devra être tenu compte, pour le calcul de la limite de 80 % visée, des années pendant lesquelles ce dirigeant d’entreprise ou ce travailleur salarié a effectivement prestées [sic] auprès de ces employeurs successifs. En définitive, l’intention est bien qu’au terme de la carrière professionnelle d’un dirigeant d’entreprise ou d’un travailleur salarié, le montant total des pensions légales et des pensions extra-légales, exprimées en rentes annuelles, respecte la limite de 80 % » (Q.R., Chambre, 2020-2021, 8 juillet 2021, QRVA 55-058, p. 217).
B.3.1. Par la question préjudicielle, il est demandé à la Cour si l’article 59 du CIR 1992
est compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, dans l’interprétation selon laquelle « toutes les pensions extra-légales constituées au cours de toute une carrière doivent être prises en compte dans le cadre du calcul de la règle des 80 % (et donc également celles constituées dans le cadre d’une activité professionnelle antérieure auprès d’une autre entreprise)
indépendamment du nombre d’années qui peuvent être prises en compte par l’employeur actuel/la société en question dans le numérateur de la fraction de carrière en vertu de l’article 35, § 2, 2°, de l’AR/CIR92 (et le cas échéant l’article 35, § 3, de l’AR/CIR92), tandis que le nombre d’années qui peuvent être prises en compte dans le numérateur de la fraction de carrière diffère selon que le bénéficiaire des pensions change ou non d’employeur / de société au cours de sa carrière, ce qui fait que, pour un employé ou dirigeant d’entreprise qui ne change pas d’employeur / de société, un montant total plus élevé de pensions extra-légales peut être constitué au moyen de primes déductibles que pour un employé ou un dirigeant d’entreprise qui a changé d’employeur / de société ».
Il ressort de la motivation de la décision de renvoi que la question préjudicielle porte sur la constitutionnalité de l’identité de traitement entre deux catégories de contribuables qui se trouvent apparemment dans des situations différentes, plus précisément entre, d’une part, l’entreprise qui paie des cotisations et des primes pour des prestations de pension complémentaire au profit d’un dirigeant qui travaille dans cette entreprise pendant toute sa carrière, entreprise qui peut financer toutes les années d’activité professionnelle au moyen de cotisations et de primes fiscalement déductibles, et, d’autre part, l’entreprise qui paie des cotisations et des primes pour des prestations de pension complémentaire au profit d’un dirigeant qui ne travaille pas dans cette entreprise pendant toute sa carrière, entreprise qui ne peut financer au moyen de cotisations et de primes fiscalement déductibles que les années d’activité professionnelle accomplies au sein de cette entreprise, le cas échéant augmentées d’au maximum dix années d’activité professionnelle accomplies en dehors de l’entreprise.
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B.3.2. La question préjudicielle concerne donc le fait qu’en ce que toutes les pensions complémentaires constituées lors de l’ensemble de la carrière doivent être prises en compte pour calculer la limite de 80 %, et donc également les pensions constituées dans le cadre d’une activité professionnelle antérieure effectuée dans une autre entreprise, une entreprise pourrait déduire à titre de frais professionnels un montant total plus élevé de primes versées en exécution d’un engagement individuel de pension complémentaire de retraite au profit d’un dirigeant d’entreprise qui n’a pas changé d’entreprise qu’au profit d’un dirigeant d’entreprise qui a changé d’entreprise.
B.4.1. Comme la Cour l’a jugé par son arrêt n° 54/2024 du 16 mai 2024
(ECLI:BE:GHCC:2024:ARR.054), le législateur a, par la disposition en cause, établi le principe général selon lequel les primes patronales versées en exécution d’un engagement individuel de pension complémentaire de retraite ne peuvent être déduites à titre de frais professionnels qu’en ce que « les prestations légales et extra-légales en cas de retraite, exprimées en rentes annuelles, ne [dépassent pas] 80 p.c. de la dernière rémunération brute annuelle normale et [tiennent]
compte d’une durée normale d’activité professionnelle ». Par ailleurs, le législateur a précisé que cette limite de la constitution du capital de pension par le biais de primes patronales déductibles de 80 % de la dernière rémunération brute annuelle normale doit « s’apprécier au regard de l’ensemble des pensions légales et des pensions extra-légales exprimées en rentes annuelles ».
La disposition en cause limite ainsi le montant global des primes patronales versées en exécution d’un engagement individuel de pension complémentaire de retraite qui peut être déduit à titre de frais professionnels pendant la carrière complète d’un travailleur. Cette disposition prévoit par ailleurs quelles pensions doivent entrer en ligne de compte pour apprécier cette limite.
Comme il est exposé en B.2.5, par cette disposition, le législateur entend éviter la constitution, par le biais de primes et de cotisations déductibles fiscalement, de pensions jugées excessives octroyées à l’âge de la retraite.
Le législateur a fixé les éléments essentiels de la déductibilité et a habilité par ailleurs le Roi, d’une part, à déterminer « ce qu’il faut entendre par ‘ rémunération brute annuelle normale ’, ‘ dernière rémunération brute annuelle normale ’ et ‘ durée normale d’activité
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professionnelle ’ au sens du § 1er, alinéa 1er, 2° et 3°, [de l’article 59 du CIR 1992] » et, d’autre part, à déterminer « les conditions et le mode d’application » de l’article 59 du CIR 1992.
B.4.2. Lorsqu’il détermine sa politique en matière fiscale, le législateur dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu. Dans cette matière, la Cour ne peut censurer les choix politiques du législateur et les motifs qui les fondent que s’ils reposent sur une erreur manifeste ou s’ils sont déraisonnables. Par ailleurs, lorsqu’il détermine les redevables de l’impôt ainsi que les dépenses pouvant faire l’objet d’une déduction fiscale, le législateur doit pouvoir faire usage de catégories qui, nécessairement, n’appréhendent la diversité de situations qu’avec un certain degré d’approximation. Le recours à ce procédé n’est pas déraisonnable en soi. Il revient néanmoins à la Cour d’examiner s’il en va de même quant à la manière dont le procédé est mis en œuvre par la loi.
B.4.3. Dès lors qu’il y a lieu, pour le calcul de la limite de 80 %, de prendre en compte toutes les pensions complémentaires constituées au cours d’une carrière complète, une entreprise qui a versé des primes patronales au profit d’un dirigeant d’entreprise qui a travaillé toute sa carrière au sein de cette entreprise n’est en substance pas traitée différemment sur le plan de la déductibilité fiscale qu’une entreprise qui a versé des primes patronales au profit d’un dirigeant d’entreprise qui n’a pas travaillé toute sa carrière au sein de cette entreprise.
Toutes choses étant égales par ailleurs en ce qui concerne la dernière rémunération brute annuelle normale estimée, la durée normale de l’activité professionnelle et la pension légale à attendre, la latitude dont dispose l’entreprise pour verser au profit d’un dirigeant, dans le cadre d’un exercice d’imposition donné, des primes fiscalement déductibles sera de surcroît la même.
B.4.4. Par conséquent, la mesure en cause n’est pas sans justification raisonnable au regard de l’objectif poursuivi par le législateur et elle ne produit nullement des effets disproportionnés pour les entreprises concernées.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
Compte tenu de ce qui est dit en B.4.3, l’article 59 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu’il était applicable aux exercices d’imposition 2017 et 2018, ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 10 juillet 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Pierre Nihoul