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10/07/2024 | BELGIQUE | N°81/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 10 juillet 2024, 81/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 81/2024
du 10 juillet 2024
Numéro du rôle : 8060
En cause : la question préjudicielle relative à l’article L1215-22 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, posée par le Tribunal de première instance du Hainaut, division de Mons.
La Cour constitutionnelle,
composée du juge Thierry Giet, faisant fonction de président, du président Luc Lavrysen, et des juges Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assisté

e du greffier Nicolas Dupont, présidée par le juge Thierry Giet,
après en avoir dé...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 81/2024
du 10 juillet 2024
Numéro du rôle : 8060
En cause : la question préjudicielle relative à l’article L1215-22 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, posée par le Tribunal de première instance du Hainaut, division de Mons.
La Cour constitutionnelle,
composée du juge Thierry Giet, faisant fonction de président, du président Luc Lavrysen, et des juges Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le juge Thierry Giet,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 20 juin 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 10 juillet 2023, le Tribunal de première instance du Hainaut, division de Mons, a posé la question préjudicielle suivante :
« Interprété en ce sens que, sans attendre l’issue de la procédure pénale permettant seule d’établir la matérialité des faits constitutifs du manquement disciplinaire, doivent être remboursées à l’agent les parties retenues de son traitement, lorsque les effets d’une suspension préventive sont supprimés parce qu’une sanction disciplinaire n’a pas pu être infligée à un agent du seul fait de son admission à la pension, alors que les faits constituant le manquement disciplinaire n’ont pu être établis par l’autorité, l’article L1215-22 du code de la démocratie locale et de la décentralisation viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en imposant aux autorités qui ont procédé à une retenue de traitement dans ces conditions les mêmes obligations de remboursement qu’aux autorités qui ont procédé à une retenue de traitement pour des faits qui, une fois l’instruction de la matérialité des faits terminée, ne justifient pas le prononcé d’une sanction disciplinaire alors que ces autorités se trouvent dans des situations objectivement différentes ? ».
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Des mémoires ont été introduits par :
- M.-L. B., assistée et représentée par Me Jean Bourtembourg, avocat au barreau de Bruxelles;
- la ville de Mons, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, assistée et représentée par Me Nathalie Van Damme, Me Judith Merodio et Me Laurane Feron, avocates au barreau de Liège-Huy.
La ville de Mons a également introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 29 mai 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Magali Plovie et Willem Verrijdt, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
En mars 2013, à la suite d’une inculpation à son encontre, P.U., secrétaire communal de la ville de Mons, est suspendu préventivement, par mesure d’ordre, dans l’intérêt du service, pour une durée de quatre mois. Cette suspension préventive et les premiers renouvellements de celle-ci ne sont pas accompagnés d’une retenue de traitement. En mars 2014, à la suite d’une réforme des grades légaux, la ville de Mons décide d’appliquer à P.U., avec effet au 17 février 2014, une retenue de traitement consistant à ne pas lui accorder l’augmentation de traitement engendrée par cette réforme. En août 2014, P.U. se voit accorder le titre de directeur général à titre définitif à dater du 1er septembre 2013. La mesure de suspension préventive et la retenue de traitement qui l’accompagne désormais sont renouvelées successivement jusqu’au 31 décembre 2017. Le 1er janvier 2018, P.U., ayant atteint l’âge de 65 ans, est admis à la pension.
Le 18 juin 2018, P.U. cite la ville de Mons devant la juridiction a quo et demande en substance que celle-ci soit condamnée à lui rembourser les retenues de traitement qui ont été effectuées pour un montant total de 45 360 euros, ainsi qu’à lui payer un euro à titre provisionnel à valoir sur la différence entre une pension calculée sur la base du traitement de directeur général et celle calculée sur la base du traitement de secrétaire communal.
Par un jugement du 22 mars 2019, le tribunal correctionnel du Hainaut, division de Mons, se prononce sur les faits pour lesquels P.U. a été inculpé en 2013. Sur le plan pénal, il acquitte P.U. du chef de certaines préventions, il déclare l’action publique prescrite en ce qui concerne d’autres préventions et, enfin, il condamne P.U. pour une infraction d’abus de confiance portant sur la somme de 59 758,40 euros. Sur le plan civil, il juge que la constitution de partie civile de la ville de Mons n’est pas fondée en ce que celle-ci réclame le remboursement de la partie non retenue des traitements versés à P.U. mais qu’elle est en revanche fondée en ce que la réputation de la ville de Mons a été écornée. Il condamne P.U. à verser un euro à la ville de Mons à titre de réparation de ce dommage moral. Ce jugement du tribunal correctionnel étant frappé d’appel, la juridiction a quo décide, par un jugement du 25 juin 2019, de surseoir à statuer sur l’action introduite par P.U. contre la ville de Mons, dans l’attente de l’issue de la procédure pénale. Par un arrêt du 31 décembre 2019, la Cour d’appel de Mons se prononce en degré d’appel sur cette procédure pénale. Sur le plan pénal, d’une part, elle constate que l’appel du ministère public est tardif et
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que les décisions par lesquelles certains faits ont été déclarés non établis ou prescrits sont donc définitives et, d’autre part, elle confirme la condamnation pour abus de confiance. Sur le plan civil, elle réforme le jugement frappé d’appel en ce qu’il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la ville de Mons et en ce qu’il lui a octroyé un euro à titre de dommage moral, et elle se déclare sans compétence pour connaître de cette demande.
Par un arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation rejette le pourvoi contre cet arrêt (Cass., 17 mars 2021, P.20.0099.F, ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210317.2F.2).
À la suite du décès de P.U. le 10 janvier 2022, sa veuve reprend l’instance devant la juridiction a quo. Se référant à son jugement du 25 juin 2019, la juridiction a quo relève que l’article L1215-22, § 2, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD) impose à l’autorité de rembourser le traitement retenu lorsqu’aucune sanction disciplinaire n’est infligée. Elle constate que tel est le cas en l’espèce, dès lors qu’aucune sanction disciplinaire n’a été infligée et qu’une telle sanction ne peut plus être infligée à partir du moment où P.U. a été admis à la pension et ne fait donc plus partie du personnel communal. La juridiction a quo considère qu’il est inexact de prétendre, comme le fait la partie demanderesse, que ce n’est pas du seul fait de l’admission à la pension qu’aucune sanction disciplinaire n’a été infligée. Elle souligne qu’elle a tranché cette question par son jugement du 25 juin 2019 et que la ville de Mons avait l’obligation d’attendre l’issue de la procédure pénale avant de prendre une sanction disciplinaire, dès lors que la ville de Mons ne disposait pas des moyens d’investigation lui permettant d’apprécier les faits reprochés à P.U. et qu’elle ne pouvait pas se substituer aux juridictions pénales pour établir la matérialité des faits, laquelle était contestée par P.U. Selon la juridiction a quo, si P.U. n’avait pas été admis à la pension avant l’issue de la procédure pénale, la ville de Mons aurait pu, le cas échéant, constater que l’abus de confiance pour lequel P.U. a été définitivement condamné pénalement était répréhensible sur le plan disciplinaire et elle aurait pu infliger une éventuelle sanction disciplinaire, qui aurait pu produire ses effets au jour de l’entrée en vigueur de la suspension préventive. Si tel avait été le cas, la ville de Mons n’aurait pas dû rembourser les retenues de traitement, sauf en cas de sanction disciplinaire mineure (article L1215-26 du CDLD). La juridiction a quo se demande si, dans la situation dans laquelle se trouve la ville de Mons, l’article L1215-22, § 2, du CDLD n’entraîne pas une discrimination par comparaison à une autorité disciplinaire qui aurait volontairement choisi de ne pas infliger une sanction disciplinaire. À la demande de la ville de Mons, la juridiction a quo pose dès lors la question préjudicielle reproduite plus haut.
III. En droit
-A-
Quant à l’utilité de la question préjudicielle
A.1. La partie demanderesse devant la juridiction a quo fait valoir que ce n’est pas du seul fait de l’admission à la pension de P.U. que la procédure disciplinaire n’a pas été clôturée. Se référant à la jurisprudence du Conseil d’État, elle relève que le pénal ne tient pas le disciplinaire en état. Elle soutient qu’en l’espèce, la ville de Mons a décidé, sans attendre l’issue de la procédure pénale, de convoquer et de poursuivre P.U. sur le plan disciplinaire.
Elle fait ensuite valoir que P.U. a été définitivement acquitté en ce qui concerne les faits qui ont conduit à la suspension préventive et aux retenues de traitement. Selon elle, il ne peut pas être supposé qu’une sanction disciplinaire aurait pu être prononcée en l’absence d’admission à la pension. Elle ajoute qu’il n’appartient pas au juge de décider que seule l’issue de la procédure pénale aurait permis d’établir la matérialité des faits. Elle conclut qu’il y a lieu de renvoyer l’affaire à la juridiction a quo, en interrogeant celle-ci sur l’utilité de la question préjudicielle. Selon elle, il ne s’agit en effet pas, en l’espèce, de statuer sur l’interprétation que la juridiction a quo donne à la disposition en cause.
A.2. La ville de Mons souligne que c’est uniquement lorsque la réponse n’est manifestement pas utile à la solution du litige au fond que la Cour peut décider qu’une question préjudicielle n’appelle pas de réponse. Elle soutient qu’en l’espèce, la question préjudicielle est pertinente, véritable et utile. Elle estime que, selon la réponse qui sera donnée à cette question, l’action de la partie demanderesse devant la juridiction a quo sera considérée comme fondée ou non. Elle ajoute que la Cour est bien interrogée sur l’interprétation de la disposition en cause.
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Quant au fond
A.3. La partie demanderesse devant la juridiction a quo fait valoir, à titre subsidiaire, que la disposition en cause est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution. Elle relève que cette disposition est dépourvue de toute ambiguïté en ce qu’elle prévoit que tous les effets de la suspension préventive sont supprimés si aucune sanction disciplinaire n’est infligée. Elle se réfère à cet égard à un arrêt du Conseil d’État relatif à une disposition similaire (CE, 23 octobre 2015, n° 232.681, ECLI:BE:RVSCE:2015:ARR.232.681). Toujours selon elle, lorsqu’une autorité disciplinaire, après une suspension préventive avec retenue de traitement, ne prononce pas une sanction disciplinaire, rien ne permet de présumer qu’une telle sanction puisse être prononcée. Elle ajoute qu’une condamnation pénale ne saurait entraîner, de manière automatique, le prononcé d’une sanction disciplinaire maximale. Enfin, elle soutient que, si l’autorité disciplinaire décide d’attendre l’issue de la procédure pénale avant de se prononcer sur la procédure disciplinaire – ce qu’elle n’est jamais obligée de faire –, elle ne peut pas se plaindre d’être traitée de manière discriminatoire.
A.4. La ville de Mons souligne tout d’abord que la suspension préventive de P.U. était indispensable, eu égard aux faits qui lui étaient reprochés. Elle met ensuite en exergue la jurisprudence du Conseil d’État relative aux rapports entre procédure disciplinaire et procédure pénale, dont il ressort notamment que l’autorité disciplinaire doit conduire l’instruction administrative aussi loin que possible de manière à s’assurer qu’il lui est, le cas échéant, raisonnablement impossible de statuer avant la décision définitive du juge pénal. Elle soutient qu’en l’espèce, il lui était impossible d’infliger une sanction disciplinaire tant que la procédure pénale était en cours. Elle relève à cet égard que la matérialité des faits était contestée par P.U., qu’elle-même ne disposait pas des moyens pour instruire les faits concernés et qu’elle a fait preuve de diligence en se déclarant personne lésée et en sollicitant, à plusieurs reprises, l’autorisation de consulter le dossier répressif. La ville de Mons fait valoir que, si P.U. n’avait pas été admis à la pension, elle aurait pu apprécier les faits dont la matérialité avait été établie par la décision pénale définitive, constater leur caractère disciplinairement répréhensible et adopter une sanction disciplinaire maximale de démission d’office ou de révocation, de sorte qu’en vertu de l’article L1215-26 du CDLD, les retenues de traitement n’auraient pas dû être remboursées.
La ville de Mons fait valoir qu’elle est une autorité administrative qui peut sanctionner ses agents en cas de manquement disciplinaire et qu’elle se trouve à cet égard dans une situation comparable à toute autre autorité disciplinaire. Selon elle, la disposition en cause fait naître une différence de traitement entre, d’une part, l’autorité disciplinaire qui est empêchée d’exercer son pouvoir disciplinaire en raison d’une cause extérieure (admission à la pension, démission, etc.) et, d’autre part, l’autorité disciplinaire qui se voit également obliger de rembourser les retenues de traitement mais en raison du fait qu’elle a décidé, en opportunité, de ne pas adopter de sanction disciplinaire. Elle soutient que cette différence de traitement ne repose sur aucun critère objectif, pertinent et justifié. Elle reproche à la disposition en cause de ne pas prendre en considération l’effet d’une cause extérieure (en l’occurrence, l’admission à la pension) qui empêche la poursuite de la procédure disciplinaire. Selon la ville de Mons, cela produit des effets disproportionnés à son détriment, (1) en ce que son pouvoir disciplinaire perd de son effectivité, alors qu’elle a agi légalement et que les faits concernés sont graves et (2) en ce que le remboursement des retenues de traitement aboutit à une perte financière importante, alors même que, lors de la période de la suspension préventive, elle a continué à payer une grande partie de la rémunération de P.U. tout en devant également assumer l’intégralité de la rémunération d’un directeur général faisant fonction. Enfin, sans soutenir que cela a été fait par P.U., elle relève que la disposition en cause pourrait aboutir à ce que l’agent suspendu préventivement ait intérêt à ralentir la procédure pénale et la procédure disciplinaire afin qu’il soit admis à la pension ou qu’il présente sa démission volontaire avant que l’autorité disciplinaire n’ait pu adopter une sanction disciplinaire. Elle conclut que la disposition en cause n’est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l’interprétation selon laquelle elle contraint l’autorité disciplinaire à rembourser les traitements retenus dans le cadre d’une suspension préventive justifiée par une procédure pénale, lorsque l’autorité disciplinaire doit suspendre la procédure disciplinaire dans l’attente de l’issue de la procédure pénale et qu’elle est ensuite empêchée, par une cause extérieure, d’adopter une sanction disciplinaire.
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-B-
Quant à la disposition en cause et à son contexte
B.1.1. La question préjudicielle porte sur l’article L1215-22 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD). Cette disposition figure dans un chapitre intitulé « Régime disciplinaire », qui contient les articles L1215-1 à L1215-27 et qui s’applique « à tous les membres du personnel communal, à l’exception du personnel engagé par contrat de travail et du personnel visé à l’article 24 de la Constitution » (article L1215-1 du CDLD). Les dispositions de ce chapitre trouvent leur origine dans la loi du 24 mai 1991 « modifiant la nouvelle loi communale en ce qui concerne le régime disciplinaire » (ci-après : la loi du 24 mai 1991).
B.1.2. L’article L1215-2 du CDLD détermine les manquements disciplinaires et l’article L1215-3 du CDLD énumère les sanctions disciplinaires auxquelles ceux-ci peuvent donner lieu. Ces articles disposent :
« Art. L1215-2. Les sanctions disciplinaires visées à l’article L1215-3 peuvent être infligées pour les motifs suivants :
1° manquements aux devoirs professionnels;
2° agissements qui compromettent la dignité de la fonction;
3° infraction à l’interdiction visée aux articles L1124-5, L1124-38, L1124-39 et L1214-1 ».
« Art. L1215-3. Les sanctions disciplinaires suivantes peuvent être infligées aux membres du personnel communal :
1° sanctions mineures :
- l’avertissement;
- la réprimande;
2° sanctions majeures :
- la retenue de traitement;
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- la suspension;
- la rétrogradation;
3° sanctions maximales :
- la démission d’office;
- la révocation ».
B.1.3. L’article L1215-27, alinéa 2, du CDLD règle l’incidence, sur le délai applicable à la procédure disciplinaire, d’une procédure pénale portant sur les mêmes faits.
L’article L1215-27 du CDLD dispose :
« L’autorité disciplinaire ne peut plus intenter de poursuites disciplinaires après l’expiration d’un délai de six mois après la date à laquelle elle a constaté les faits répréhensibles ou en a pris connaissance.
En cas de poursuites pénales pour les mêmes faits, ce délai prend cours le jour où l’autorité judiciaire informe l’autorité disciplinaire qu’une décision définitive est intervenue ou que la procédure pénale n’est pas poursuivie.
Si la décision de l’autorité disciplinaire est annulée par le Conseil d’Etat ou annulée ou non approuvée par l’autorité de tutelle, l’autorité disciplinaire peut reprendre les poursuites disciplinaires à partir de la notification de l’arrêt du Conseil d’Etat ou de la décision de l’autorité de tutelle, pendant la partie du délai visé à l’alinéa premier qui restait à courir lorsque les poursuites ont été intentées ».
À propos de cette disposition, l’assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d’État a jugé :
« Considérant que cette disposition permet à l’autorité disciplinaire de différer les poursuites disciplinaires jusqu’à la fin de la procédure pénale, mais ne l’y oblige pas; que l’autorité disciplinaire qui, en opportunité, use de la faculté de n’entamer les poursuites disciplinaires qu’à l’issue de la procédure pénale doit demeurer attentive au principe du délai raisonnable; qu’elle ne peut tenir l’action disciplinaire en suspens que si les moyens d’investigation dont elle dispose ne lui permettent pas d’apprécier les faits qui sont reprochés à l’agent; qu’elle ne peut pas laisser l’agent menacé d’une action disciplinaire trop longtemps dans l’incertitude sur son sort; que l’obligation de traiter avec diligence le dossier de l’agent impose à l’autorité disciplinaire de conduire l’instruction administrative aussi loin que possible de manière à s’assurer, qu’il lui est, le cas échéant, raisonnablement impossible de statuer avant
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la décision définitive du juge pénal; » (CE, 20 février 2009, n° 190.728, ECLI:BE:RVSCE:2009:ARR.190.728).
B.1.4. L’article L1215-20 du CDLD prévoit qu’un membre du personnel qui fait l’objet de poursuites pénales ou de poursuites disciplinaires peut être suspendu préventivement à titre de mesure d’ordre lorsque sa présence est incompatible avec l’intérêt du service. Cet article dispose :
« Lorsqu’un membre du personnel fait l’objet de poursuites pénales ou disciplinaires et que sa présence est incompatible avec l’intérêt du service, la personne concernée peut être suspendue préventivement à titre de mesure d’ordre ».
À propos de la disposition à l’origine de l’article L1215-20 du CDLD, les travaux préparatoires de la loi du 24 mai 1991 indiquent :
« Cet article dispose que le fonctionnaire peut être suspendu préventivement à titre de mesure d’ordre, dans l’attente du résultat de l’enquête disciplinaire ou pénale. Cette suspension préventive ne peut intervenir qu’à condition que sa présence est incompatible avec l’intérêt du service.
La suspension préventive n’est donc pas une peine disciplinaire, mais une mesure administrative par laquelle le fonctionnaire est temporairement écarté du service.
La suspension préventive est subordonnée à l’existence de poursuites pénales ou disciplinaires; en d’autres termes, la suspension préventive n’est possible que parce que suit une décision disciplinaire quant au fond.
La suspension préventive a pour le fonctionnaire un certain nombre de conséquences, à savoir :
- l’interdiction de continuer d’exercer la fonction;
- une éventuelle retenue de traitement;
- l’impossibilité de se procurer légitimement ailleurs un revenu par son travail; la suspension préventive ne met pas fin au lien statutaire de sorte que l’agent doit rester en permanence à la disposition de l’administration;
- l’impossibilité de participer aux promotions » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1400/1, pp. 16 et 17).
B.1.5. En vertu de l’article L1215-23 du CDLD, la suspension préventive peut être accompagnée d’une retenue de traitement et d’une privation des titres à l’avancement. Cet article dispose :
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« Lorsque le membre du personnel fait l’objet de poursuites pénales ou lorsqu’il fait l’objet de poursuites disciplinaires, l’autorité qui prononce la suspension préventive peut décider que celle-ci comportera retenue de traitement et privation des titres à l’avancement.
La retenue du traitement ne peut excéder la moitié de celui-ci.
La commune garantit à l’intéressé un traitement net égal au montant du revenu d’intégration tel qu’il est fixé en vertu de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale.
En cas de prestations à temps partiel, ce montant est réduit proportionnellement à la durée des prestations ».
B.1.6.1. L’article L1215-22, en cause, du CDLD dispose :
« § 1er. La suspension préventive est prononcée pour un terme de quatre mois au plus.
En cas de poursuites pénales l’autorité peut proroger ce terme pour des périodes de quatre mois au plus pendant la durée de la procédure pénale, moyennant le respect de la procédure visée à l’article L1215-24.
§ 2. Si aucune sanction disciplinaire n’est infligée dans le délai susvisé, tous les effets de la suspension préventive sont supprimés ».
À propos de la disposition à l’origine de l’article L1215-22 du CDLD, les travaux préparatoires de la loi du 24 mai 1991 indiquent :
« § 1er. La possibilité de prononcer une suspension préventive à l’égard d’un agent est limitée à une durée de quatre mois. Ce terme peut toutefois être plusieurs fois prorogé pour des périodes de quatre mois au plus pendant la durée de la procédure pénale. La procédure complète d’application d’une peine disciplinaire a été liée à des délais précis, pour éviter que l’intéressé ne subisse inutilement un préjudice du fait des atermoiements des autorités. Etant donné que la suspension préventive a aussi d’importantes conséquences morales et matérielles pour le fonctionnaire, il s’indique de lier également cette mesure à des délais.
§ 2. Si aucune peine disciplinaire n’est infligée dans les délais déterminés par le paragraphe précédent, tous les effets de la suspension préventive cessent.
Compte tenu de la procédure proposée dans le présent projet [...], il doit être parfaitement possible d’infliger une peine disciplinaire dans un délai de quatre mois. Si une procédure pénale est en cours, il est cependant recommandable d’attendre la sentence du juge pénal. Celui-ci dispose en effet de davantage de possibilités que l’autorité disciplinaire de connaître la vérité sur les faits et de se former une opinion » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1400/1, p. 18).
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Lors des discussions en commission, le ministre compétent a précisé que « si le membre du personnel concerné fait l’objet de poursuites pénales et que l’autorité souhaite attendre la fin de cette procédure pour prononcer une sanction disciplinaire, mais que la présence de l’intéressé est désormais jugée incompatible avec l’intérêt du service, l’autorité compétente devra en tout état de cause prendre tous les quatre mois une nouvelle décision quant à sa suspension préventive » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1400/4, p. 24). En réponse à la réflexion d’un membre selon laquelle « il serait intéressant que ce délai coure aussi longtemps que se poursuit la procédure pénale » (ibid., p. 61), le ministre compétent a indiqué :
« l’on instaure alors une trop grande dépendance à l’égard de cette procédure pénale.
L’instruction se révèle effectivement parfois très longue.
Il faut pouvoir amener le conseil [communal] à se prononcer plus tôt pour rencontrer, par exemple, la situation où l’innocence de l’intéressé aurait entretemps été établie mais où
l’instruction ne serait pas encore close.
Il s’agit d’une mesure de protection de l’intéressé, qui doit pouvoir obtenir que le Conseil examine trois fois par an sa suspension préventive. Le Conseil n’est d’ailleurs pas obligé d’attendre le résultat des poursuites pénales pour se prononcer, du moins lorsque l’examen administratif est terminé » (ibid.).
B.1.6.2. L’article L1215-26 du CDLD dispose :
« Si une suspension préventive avec maintien du traitement complet précède la sanction disciplinaire, celle-ci entre en vigueur le jour où elle est prononcée.
Si, à la suite d’une suspension préventive avec retenue de traitement et privation des titres à l’avancement, la sanction disciplinaire de l’avertissement ou de la réprimande est infligée, celle-ci entre en vigueur le jour où elle est prononcée; la suspension préventive est réputée rapportée et l’autorité rembourse le traitement retenu à l’intéressé.
Si, à la suite d’une suspension préventive avec retenue de traitement et privation des titres à l’avancement, la sanction disciplinaire de la retenue de traitement, de la suspension, de la rétrogradation, de la démission d’office ou de la révocation est infligée, la sanction disciplinaire peut produire ses effets au plus tôt le jour de l’entrée en vigueur de la suspension préventive; le montant du traitement, retenu pendant la suspension préventive, est déduit du montant de la perte de traitement liée à la sanction disciplinaire; si le montant du traitement retenu est plus important que le montant de la perte de traitement liée à la sanction disciplinaire, l’autorité rembourse la différence à l’intéressé ».
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B.1.6.3. Il résulte de l’article L1215-22, § 2, du CDLD et de l’article L1215-26 du CDLD
que, lorsqu’un membre du personnel a fait l’objet d’une suspension préventive avec retenue de traitement, l’autorité est tenue de lui rembourser le traitement retenu si la procédure disciplinaire n’aboutit à aucune sanction disciplinaire ou si elle aboutit à une sanction disciplinaire mineure.
Quant à la question préjudicielle
B.2.1. Il ressort du libellé de la question préjudicielle et des motifs de la décision de renvoi que la Cour est interrogée sur l’identité de traitement entre deux catégories d’autorités qui ont suspendu préventivement un membre du personnel avec retenue de son traitement et qui ne lui ont ensuite pas infligé de sanction disciplinaire : d’une part, les autorités qui, comme dans le litige au fond, n’ont pas pu infliger de sanction disciplinaire pour la seule raison que le membre du personnel concerné a été admis à la pension avant l’issue d’une procédure pénale qui était la seule à permettre d’établir la matérialité des faits reprochés et, d’autre part, les autorités qui, après l’instruction de la matérialité des faits, ont décidé que les faits ne justifiaient pas le prononcé d’une sanction disciplinaire. Il est demandé à la Cour si l’article L1215-22 du CDLD
est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’il impose à ces deux catégories d’autorités la même obligation de rembourser au membre du personnel concerné les retenues de traitement qui accompagnaient la suspension préventive.
B.2.2. Dès lors que la question préjudicielle concerne l’obligation pour l’autorité, lorsqu’aucune sanction disciplinaire n’est infligée, de rembourser les retenues de traitement qui accompagnent la suspension préventive, la question préjudicielle porte uniquement sur l’article L1215-22, § 2, du CDLD.
B.2.3. La question préjudicielle repose sur l’interprétation selon laquelle les dispositions décrétales applicables ne permettent pas à l’autorité d’infliger une sanction disciplinaire une fois que le membre du personnel concerné a été admis à la pension. La Cour examine la question préjudicielle en tenant compte de cette interprétation.
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En ce qui concerne l’utilité de la question préjudicielle
B.3.1. La partie demanderesse devant la juridiction a quo demande que la Cour renvoie l’affaire à la juridiction a quo, en interrogeant celle-ci sur l’utilité de la question préjudicielle.
En substance, elle soutient que, dans l’affaire au fond, ce n’est pas du seul fait de l’admission à la pension du membre du personnel concerné que la procédure disciplinaire n’a pas été clôturée. Elle ajoute qu’il ne peut pas être supposé qu’une sanction disciplinaire aurait pu être prononcée en l’absence d’admission à la pension et qu’il n’appartient pas à la juridiction a quo de décider que seule l’issue de la procédure pénale aurait permis d’établir la matérialité des faits.
B.3.2. Il ressort de la décision de renvoi que la juridiction a quo a jugé que c’est du seul fait de l’admission à la pension du membre du personnel concerné qu’aucune sanction disciplinaire n’a pu être infligée. La juridiction a quo a considéré que l’autorité était tenue, en l’espèce, d’attendre l’issue de la procédure pénale avant de prendre une sanction disciplinaire, dès lors qu’elle ne disposait pas des moyens d’investigation lui permettant d’apprécier les faits reprochés et qu’elle ne pouvait pas se substituer aux juridictions pénales pour établir la matérialité des faits, lesquels étaient contestés par le membre du personnel concerné. Enfin, la juridiction a quo a jugé que, si le membre du personnel concerné n’avait pas été admis à la pension avant l’issue de la procédure pénale, l’autorité aurait pu, le cas échéant, considérer que l’infraction pour laquelle celui-ci a été définitivement condamné pénalement constituait un manquement disciplinaire pouvant donner lieu à une sanction disciplinaire non mineure.
B.3.3. Il n’y a pas lieu de renvoyer l’affaire à la juridiction a quo. L’exception est rejetée.
En ce qui concerne le fond
B.4. Le principe d’égalité et de non-discrimination s’oppose à ce que soient traitées de manière identique, sans qu’apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
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L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.5. Au regard de la mesure en cause, les deux catégories d’autorités mentionnées en B.2.1
se trouvent dans des situations essentiellement différentes. Dans le premier cas, l’absence de sanction disciplinaire résulte uniquement de l’impossibilité pour l’autorité de prendre une décision sur la procédure disciplinaire parce que le membre du personnel concerné a été admis à la pension avant l’issue d’une procédure pénale qui était la seule à permettre d’établir la matérialité des faits reprochés. Dans le second cas, l’absence de sanction disciplinaire résulte du fait que l’autorité a considéré que les faits concernés ne justifiaient pas le prononcé d’une sanction disciplinaire.
B.6.1. La Cour doit examiner si l’identité de traitement entre ces deux catégories d’autorités est raisonnablement justifiée.
B.6.2. Lorsque l’autorité disciplinaire n’a pas statué définitivement, il n’est pas établi s’il y a lieu d’infliger une sanction disciplinaire et, dans l’affirmative, quelle sanction doit être infligée. Même si l’autorité disciplinaire doit tenir compte de l’appréciation des faits par le juge pénal, le droit disciplinaire et le droit pénal restent indépendants l’un de l’autre.
B.6.3. Cette indépendance ne peut toutefois pas justifier que, lorsqu’une autorité suspend préventivement avec retenue de traitement un membre du personnel qui fait l’objet de poursuites pénales et qu’elle ne lui inflige ensuite aucune sanction disciplinaire pour la seule raison qu’il est admis à la pension avant l’issue de la procédure pénale qui était nécessaire pour établir la matérialité des faits reprochés, cette autorité doive lui rembourser les retenues de traitement. La disposition en cause ne permet en effet pas qu’à l’issue de cette procédure pénale, l’autorité détermine la décision disciplinaire qu’elle aurait prise si le membre du personnel concerné n’avait pas été admis à la pension. Il s’ensuit que la disposition en cause a pour effet que l’autorité doit toujours rembourser les retenues de traitement, quand bien même les faits,
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en cas d’appréciation par l’autorité, auraient pu donner lieu à une sanction disciplinaire non mineure.
B.6.4. Il s’ensuit que l’identité de traitement en cause n’est pas raisonnablement justifiée.
B.7. L’article L1215-22, § 2, du CDLD n’est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, lorsqu’une autorité suspend préventivement avec retenue de traitement un membre du personnel qui fait l’objet de poursuites pénales et qu’elle ne lui inflige ensuite aucune sanction disciplinaire pour la seule raison qu’il est admis à la pension avant l’issue de la procédure pénale qui était nécessaire pour établir la matérialité des faits reprochés, cette disposition impose à l’autorité de lui rembourser les retenues de traitement, sans que l’autorité puisse déterminer, à l’issue de cette procédure pénale, la décision disciplinaire qu’elle aurait prise si le membre du personnel concerné n’avait pas été admis à la pension.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
L’article L1215-22, § 2, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, lorsqu’une autorité suspend préventivement avec retenue de traitement un membre du personnel qui fait l’objet de poursuites pénales et qu’elle ne lui inflige ensuite aucune sanction disciplinaire pour la seule raison qu’il est admis à la pension avant l’issue de la procédure pénale qui était nécessaire pour établir la matérialité des faits reprochés, cette disposition impose à l’autorité de lui rembourser les retenues de traitement, sans que l’autorité puisse déterminer, à l’issue de cette procédure pénale, la décision disciplinaire qu’elle aurait prise si le membre du personnel concerné n’avait pas été admis à la pension.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 10 juillet 2024.
Le greffier, Le président f.f.,
Nicolas Dupont Thierry Giet


Synthèse
Numéro d'arrêt : 81/2024
Date de la décision : 10/07/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

Violation (article L1215-22, § 2, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, en ce que, lorsqu'une autorité suspend préventivement avec retenue de traitement un membre du personnel qui fait l'objet de poursuites pénales et qu'elle ne lui inflige ensuite aucune sanction disciplinaire pour la seule raison qu'il est admis à la pension avant l'issue de la procédure pénale qui était nécessaire pour établir la matérialité des faits reprochés, cette disposition impose à l'autorité de lui rembourser les retenues de traitement, sans que l'autorité puisse déterminer, à l'issue de cette procédure pénale, la décision disciplinaire qu'elle aurait prise si le membre du personnel concerné n'avait pas été admis à la pension)

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - la question préjudicielle relative à l'article L1215-22 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, posée par le Tribunal de première instance du Hainaut, division de Mons. Droit public - Région wallonne - Communes - Secrétaire communal - Poursuites pénales - Suspension provisoire avec retenue de traitement - Admission à la retraite de l'intéressé - Absence de sanction disciplinaire - Obligation de rembourser les retenues de traitement


Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-07-10;81.2024 ?

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