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18/07/2024 | BELGIQUE | N°86/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 18 juillet 2024, 86/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 86/2024
du 18 juillet 2024
Numéro du rôle : 8003
En cause : la question préjudicielle relative à l’article 70, §§ 1er et 4, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, posée par la Cour d’appel de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Joséphine Moerman, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt et Kattrin Jadin, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt sui

vant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par arrêt du 30 mai 2023, dont l’exp...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 86/2024
du 18 juillet 2024
Numéro du rôle : 8003
En cause : la question préjudicielle relative à l’article 70, §§ 1er et 4, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, posée par la Cour d’appel de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Joséphine Moerman, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt et Kattrin Jadin, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par arrêt du 30 mai 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 7 juin 2023, la Cour d’appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante :
« L’article 70, §§ 1er et 4, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée est-il compatible avec le principe constitutionnel d’égalité contenu dans les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, s’il est interprété en ce sens que les amendes qu’il prévoit sont dues même lorsque ces amendes sont encourues pour une même infraction, alors qu’un tel cumul de sanctions est exclu lorsque sont commises simultanément une infraction à l’obligation d’acquitter la taxe et une infraction à l’obligation de facturation ou à l’obligation d’établir un document d’importation ? ».
Des mémoires et mémoires en réponse ont été introduits par :
- Stephen Nicholls, assisté et représenté par Me Livius Kell, avocat au barreau de Bruxelles;
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Koen Maenhout, avocat au barreau d’Anvers.
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Par ordonnance du 15 mai 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteures Joséphine Moerman et Emmanuelle Bribosia, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
En 2014, la partie appelante dans l’affaire soumise à la juridiction a quo s’est vu décerner une contrainte pour diverses amendes et des arriérés de TVA, sur la base d’une enquête au cours de laquelle il a été constaté, notamment, qu’elle n’était pas enregistrée en tant qu’assujettie à la TVA et qu’elle n’avait pas fait de déclarations périodiques. Après que son opposition en première instance a été déclarée non fondée, la partie appelante a interjeté appel auprès de la juridiction a quo, faisant notamment valoir que le cumul des diverses amendes pour une même infraction aurait des effets disproportionnés. À sa demande, la Cour d’appel de Bruxelles pose la question préjudicielle reproduite plus haut.
III. En droit
-A-
A.1. La partie appelante dans l’affaire soumise à la juridiction a quo affirme que la question appelle une réponse négative. Selon elle, la question doit être distinguée de la question à laquelle la Cour a déjà répondu par l’arrêt n° 96/2002 du 12 juin 2002 (ECLI:BE:GHCC:2002:ARR.096), parce qu’il s’agit en l’espèce de différentes amendes infligées pour les mêmes faits, alors que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt précité portait sur la mesure de la peine pour des infractions caractérisées par une unité d’intention et de réalisation. Elle fait valoir qu’il n’est pas justifié que la disposition en cause prévoie un mécanisme d’absorption lorsque deux amendes proportionnelles sont combinées, mais pas lorsqu’une amende proportionnelle est combinée avec une amende forfaitaire.
A.2. Le Conseil des ministres précise d’abord que l’affaire au fond concerne des infractions ou faits différents sur une période de six ans, qui sont cependant caractérisés par une unité d’intention d’éluder l’impôt à grande échelle. Le législateur a estimé à juste titre qu’il convenait de prévoir, outre les amendes proportionnelles pour non-paiement de la TVA, des amendes forfaitaires pour le non-respect des formalités administratives qui sont nécessaires au contrôle du respect de l’obligation de TVA tant de la personne qui doit accomplir ces formalités que d’éventuels autres assujettis concernés. Si, pour les amendes proportionnelles, qui sont basées sur le montant de la TVA impayée, il a été choisi de rendre le cumul impossible, une règle analogue pour les amendes forfaitaires aurait pour effet de permettre qu’une seule amende soit infligée pour toutes les infractions simultanées. Il en résulterait une amende beaucoup trop faible, ce qui compromettrait complètement l’objectif du législateur qui consiste à éviter la fraude. En outre, s’il s’avérait que le cumul produit tout de même des effets disproportionnés, le juge a la compétence et l’obligation de tempérer l’amende, comme la Cour elle-même l’a aussi confirmé.
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-B-
B.1.1. La question préjudicielle porte sur l’article 70 du Code de la TVA.
L’article 70 du Code de la TVA dispose :
« § 1er. Pour toute infraction à l’obligation d’acquitter la taxe, il est encouru une amende égale à deux fois la taxe éludée ou payée tardivement.
Cette amende est due individuellement par chacune des personnes qui, en vertu des articles 51, §§ 1er, 2 et 4, 51bis, 52, 53, 53ter, 53nonies, 54, 55 et 58 ou des arrêtés pris en exécution de ces articles, sont tenues au paiement de la taxe.
§ 2. Lorsque la facture ou le document en tenant lieu, dont l’émission ou l’établissement est prescrit par les articles 53, 53decies et 54, ou par les arrêtés pris en exécution de ces articles, n’a pas été émis ou établi ou qu’il contient des indications inexactes quant au numéro d’identification, au nom ou à l’adresse des parties intéressées à l’opération, à la nature ou à la quantité des biens livrés ou des services fournis, au prix ou à ses accessoires, il est encouru une amende égale à deux fois la taxe due sur l’opération, avec un minimum de 50 euros.
Cette amende est due individuellement par le fournisseur ou le prestataire de services et par son cocontractant. Elle n’est cependant pas applicable lorsque les irrégularités peuvent être considérées comme purement accidentelles, notamment eu égard au nombre et à l’importance des opérations non constatées par des documents réguliers, comparés au nombre et à l’importance des opérations qui ont fait l’objet de documents réguliers, ou lorsque le fournisseur ou le prestataire de services n’avait pas de raison sérieuse de douter de la qualité de non-assujetti du cocontractant.
Quand une personne encourt, pour une même infraction, à la fois l’amende prévue au § 1er et l’amende prévue au § 2, seule cette dernière est applicable.
§ 3. Lorsque le document d’importation, qui doit être présenté en vertu de l’article 52, contient des indications inexactes en ce qui concerne la nature ou la quantité des biens importés, le prix ou ses accessoires, le nom ou l’adresse de la personne dans le chef de qui le paiement de la taxe due pour l’importation peut ou doit avoir lieu, il est encouru une amende égale à deux fois le montant de cette taxe, avec un minimum de 50 EUR.
Cette amende est due solidairement par les personnes qui, en vertu de l’article 52, sont tenues au paiement de la taxe. Elle n’est cependant pas applicable lorsque l’irrégularité peut être considérée comme purement accidentelle.
Quand une personne encourt, pour une même infraction, à la fois l’amende prévue au § 1er et l’amende prévue au § 3, seule cette dernière est applicable.
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§ 4. Les infractions au présent Code et aux arrêtés pris pour son exécution, autres que celles qui sont visées aux §§ 1er, 2 et 3, sont réprimées par une amende fiscale non proportionnelle de 50 euros à 5.000 euros par infraction. Le montant de cette amende est fixé d’après la nature et la gravité de l’infraction selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi.
[…] ».
B.1.2. Les amendes visées à l’article 70, §§ 1er à 3, du Code de la TVA sont proportionnelles à la taxe éludée ou payée tardivement (§ 1er) ou – si une opération n’a pas fait l’objet d’une facturation ou a fait l’objet de factures comportant des indications inexactes (§ 2)
ou si un document d’importation contient des indications inexactes (§ 3) – à la taxe due sur l’opération. Dans les deux cas, l’amende s’élève en principe au double de la taxe concernée.
B.1.3. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur entendait prévoir plusieurs amendes proportionnelles pour les infractions à l’obligation d’acquitter la taxe, à l’obligation de facturation et aux obligations relatives au document d’importation, parce que les infractions à ces deux dernières obligations n’ont pas toujours pour but ou pour conséquence de contourner l’obligation d’acquitter la taxe, qui découle des mêmes obligations.
« Dans de nombreux cas, ces infractions ne tendent pas à réduire le montant de la taxe à payer pour l’opération considérée; elles ne sont donc pas visées par l’article 70, § 1er. Il en est ainsi notamment pour les factures ne contenant pas la désignation exacte du client; il en est ainsi également lorsqu’une opération réalisée avec un assujetti n’a pas fait l’objet d’une facture mais qu’elle a été comprise dans les opérations faites avec des non-assujettis et qui sont indiquées, pour leur montant total, dans les déclarations périodiques.
Les irrégularités de l’espèce ont souvent pour but ou pour résultat de permettre une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée due au stade suivant, et même une fraude à l’impôt sur les revenus.
Il convient de les frapper d’une sanction particulière » (Doc. parl., Chambre, S.E. 1968, n° 88/1, p. 63).
Le législateur était également conscient du fait qu’une infraction à l’obligation d’acquitter la taxe résulte dans de nombreux cas d’une infraction à l’obligation de facturation ou aux obligations relatives au document d’importation. Étant donné qu’il est par conséquent possible qu’une seule et même infraction soit punie d’une amende proportionnelle fondée sur l’article 70, § 1er, du Code de la TVA et d’une amende proportionnelle fondée sur l’article 70, § 2 ou § 3, il est chaque fois prévu que, dans ce cas spécifique, seule l’amende proportionnelle fondée sur l’article 70, § 2 ou § 3, est infligée :
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« Il y a lieu d’éviter un cumul de pénalités lorsqu’une personne commet une irrégularité punie à la fois par l’article 70, § 2, et par l’article 70, § 1er, (absence de facture et de comptabilisation de l’opération : indication d’un prix inférieur à la réalité). C’est pourquoi le § 2, alinéa 3, de l’article 70 prévoit que seule l’amende prévue au § 2 est appliquée » (ibid., pp. 63-64).
B.1.4. L’article 70, § 4, du Code de la TVA organise un régime s’appliquant aux « infractions aux dispositions légales ou réglementaires prises pour assurer le paiement de la taxe, autres que celles qui sont visées par les §§ 1, 2 et 3, du même article » (ibid., p.64).
Dans sa version initiale, la disposition en cause prévoyait un minimum et un maximum, de 1 000 à 10 000 francs belges par infraction, le montant de ces amendes étant fixé par le fonctionnaire désigné par le Roi (ancien article 72, alinéa 2, du Code de la TVA).
B.1.5. L’arrêté royal n° 44 du 9 juillet 2012 « fixant le montant des amendes fiscales non proportionnelles en matière de taxe sur la valeur ajoutée » (ci-après : l’arrêté royal n° 44) a été pris en exécution de l’article 70, § 4, alinéa 1er, du Code de la TVA.
Dans le rapport au Roi précédant l’arrêté royal n° 44, il est exposé ce qui suit :
« L’article 70, § 4, alinéa 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, remplacé par l’article 41 de la loi-programme du 22 juin 2012, a pour objet de fixer les montants minima et maxima des amendes fiscales non proportionnelles en cas d’infractions au Code et aux arrêtés royaux pris pour son exécution. Il a pour objectif de créer un effet dissuasif au non-respect des obligations, notion qui existe aussi à l’article 444 du Code des Impôts sur les revenus (CIR 92)
et d’inciter les assujettis à respecter leurs obligations fiscales principalement déclaratives et, le cas échéant, de sanctionner le non-respect de ces obligations selon la nature et la gravité de l’infraction » (Moniteur belge du 17 juillet 2012, p. 39014).
B.2.1. La juridiction a quo demande à la Cour si l’article 70, §§ 1er et 4, du Code de la TVA viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les amendes prévues par cette disposition sont dues « même lorsque ces amendes sont encourues pour une même infraction, alors qu’un tel cumul de sanctions est exclu lorsque sont commises simultanément une
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infraction à l’obligation d’acquitter la taxe et une infraction à l’obligation de facturation ou à l’obligation d’établir un document d’importation ».
B.2.2. Il peut être déduit de la procédure devant la juridiction a quo que la question porte en réalité sur le cumul d’amendes fondées sur l’article 70, § 1er, et sur l’article 70, § 4, du Code de la TVA, pour plusieurs infractions qui ont été commises simultanément. Plus particulièrement, il ressort de la motivation de la décision de renvoi que la question porte sur la situation d’un assujetti qui commet simultanément, d’une part, des infractions à l’obligation d’acquitter la TVA (à la suite d’une infraction à l’obligation de facturation, de sorte qu’en vertu de l’article 70, § 2, alinéa 3, seule l’amende pour l’infraction à l’obligation de facturation a été infligée) et, d’autre part, des infractions à l’obligation de déposer une déclaration lors du début de l’activité, à la remise de déclarations périodiques et à l’introduction annuelle d’un relevé pour chaque client (infractions, respectivement, à l’article 53, § 1er, alinéa 1er, 1° et 2°, et à l’article 53octies, § 1er, alinéa 5, du Code de la TVA, qui sont sanctionnées en vertu de l’article 70, § 4). La Cour limite son examen à cette hypothèse.
B.2.3. Il ressort en outre de la motivation de la décision de renvoi que, dans la question préjudicielle, sont en réalité comparées l’hypothèse mentionnée en B.2.1 et l’hypothèse dans laquelle est appliqué l’article 70, § 2, alinéa 3, ou l’article 70, § 3, alinéa 3. Il ressort de ce qui est dit en B.1.3 que l’article 70, § 2, alinéa 3, et § 3, alinéa 3, du Code de la TVA ne concerne pas des infractions simplement simultanées, mais exclut le cumul des amendes proportionnelles lorsqu’une seule et même infraction est sanctionnée simultanément par l’article 70, § 1er, et par l’article 70, § 2 ou § 3. La Cour examine la question préjudicielle dans cette interprétation.
B.3.1. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
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B.3.2. L’article 172, alinéa 1er, de la Constitution constitue une application particulière, en matière fiscale, du principe d’égalité et de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.3.3. Le législateur peut imposer des peines particulièrement lourdes dans des secteurs où l’importance et la multiplicité des fraudes portent gravement atteinte aux intérêts de la collectivité.
Ainsi qu’il ressort du considérant B.1.5, l’application des amendes forfaitaires fondées sur l’article 70, § 4, du Code de la TVA tend à créer un effet dissuasif en ce qui concerne le non-
respect des différentes obligations formelles qui s’appliquent dans le cadre du Code de la TVA
et à encourager les assujettis à respecter leurs obligations fiscales. Comme l’observe le Conseil des ministres dans ses mémoires, les infractions qui sont punies d’amendes forfaitaires ont pour effet que tant les activités de l’intéressé que celles d’éventuels autres assujettis sont plus difficiles à contrôler.
L’application par le juge civil d’une règle par laquelle, lorsqu’au cours d’une même période sont commises une infraction à l’obligation d’acquitter la taxe, punie en vertu de l’article 70, § 1er, et une infraction punie d’une amende forfaitaire, seule l’amende forfaitaire est infligée, ne serait pas compatible avec le système de sanctions prévu à l’article 70 du Code de la TVA.
Il en résulterait en effet qu’en cas d’infractions aux obligations formelles imposées par le Code de la TVA commises en même temps que des infractions punies d’une amende proportionnelle, seule une amende forfaitaire unique de 5 000 euros maximum pourrait être infligée. Une telle mesure n’aurait pas l’effet dissuasif que le législateur doit viser avec les amendes fiscales en cause.
B.4.1. L’amende fiscale prévue à l’article 70, § 4, du Code de la TVA a pour objet de prévenir et de sanctionner les infractions au même Code et aux arrêtés pris en vue de son exécution, autres que celles qui sont visées aux paragraphes 1er, 2 et 3. Elle a donc un caractère répressif et est de nature pénale au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
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La Cour doit dès lors prendre en compte, dans le contrôle qu’elle exerce au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, les garanties contenues dans cet article 6 et, notamment, la garantie qu’un juge indépendant et impartial puisse exercer un contrôle de pleine juridiction sur l’amende infligée par l’autorité administrative compétente.
B.4.2. Il appartient au législateur d’apprécier s’il y a lieu de contraindre l’administration et le juge à la sévérité quand ces infractions nuisent particulièrement à l’intérêt général. Mais s’il estime devoir permettre à l’administration de moduler l’importance de la sanction, rien de ce qui relève de l’appréciation de l’administration ne doit pouvoir échapper au contrôle du juge.
B.4.3. Il s’ensuit que l’article 70, §§ 1er et 4, du Code de la TVA est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution pour autant qu’il soit interprété comme autorisant le juge saisi d’une opposition à contrainte à exercer un contrôle de pleine juridiction sur la décision infligeant des amendes fiscales.
Le juge peut ainsi vérifier si la décision administrative est justifiée en fait et en droit et si elle respecte l’ensemble des dispositions légales et des principes généraux qui s’imposent à l’administration, parmi lesquels le principe de proportionnalité. Le cas échéant, il pourra moduler l’amende, et en l’espèce la supprimer ou la diminuer dans les limites imposées à l’administration.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
Sous réserve de l’interprétation mentionnée en B.4.3, l’article 70, §§ 1er et 4, du Code de la TVA ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 18 juillet 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Luc Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 86/2024
Date de la décision : 18/07/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

Non-violation (sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.4.3)

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - la question préjudicielle relative à l'article 70, §§ 1er et 4, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, posée par la Cour d'appel de Bruxelles. Droit fiscal - Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) - Sanctions - Infractions commises simultanément - Amendes fiscales - Cumul d'amendes


Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-07-18;86.2024 ?

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