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19/09/2024 | BELGIQUE | N°90/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 19 septembre 2024, 90/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 90/2024
du 19 septembre 2024
Numéros du rôle : 7999 et 8000
En cause : les recours en annulation de l’article 2, 2°, de la loi du 20 novembre 2022
« modifiant l’annexe de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques », introduits par Roland Vansaingele et par Jean-Jacques Paris.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache et Danny Pieters, assistée du greffier Nicolas

Dupont, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrê...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 90/2024
du 19 septembre 2024
Numéros du rôle : 7999 et 8000
En cause : les recours en annulation de l’article 2, 2°, de la loi du 20 novembre 2022
« modifiant l’annexe de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques », introduits par Roland Vansaingele et par Jean-Jacques Paris.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache et Danny Pieters, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste le 26 mai et le 1er juin 2023 et parvenues au greffe le 30 mai et le 2 juin 2023, des recours en annulation de l’article 2, 2°, de la loi du 20 novembre 2022 « modifiant l’annexe de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques » (publiée au Moniteur belge du 2 décembre 2022) ont été introduits par Roland Vansaingele et par Jean-Jacques Paris.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7999 et 8000 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Philippe Schaffner, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un mémoire, les parties requérantes ont introduit des mémoires en réponse et le Conseil des ministres a également introduit un mémoire en réplique.
Par ordonnance du 29 mai 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Michel Pâques et Yasmine Kherbache, a décidé :
- que les affaires étaient en état,
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- d’inviter les parties à répondre préalablement à la question suivante par un mémoire complémentaire, accompagné le cas échéant de toute pièce utile, à introduire par pli recommandé à la poste le 21 juin 2024 au plus tard et à communiquer dans le même délai aux autres parties, ainsi qu’au greffe de la Cour par courriel envoyé à l’adresse « greffe@const-
court.be » :
« Eu égard à l’abrogation et au remplacement avec effet rétroactif de la loi du 20 novembre 2022 ‘ modifiant l’annexe de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques ’ par les articles 39, 40 et 41 de la loi du 11 décembre 2023 ‘ portant des dispositions diverses en matière de pension ’, les parties requérantes conservent-elles intérêt à leurs recours et les recours conservent-ils un objet ? »,
- qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et
- qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 21 juin 2024 et les affaires seraient mises en délibéré.
Des mémoires complémentaires ont été introduits par :
- la partie requérante dans l’affaire n° 7999;
- la partie requérante dans l’affaire n° 8000;
- le Conseil des ministres.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
A.1.1. Le requérant dans l’affaire n° 7999 expose être un ancien agent de la brigade motorisée des douanes, au sein du SPF Finances. Le 6 avril 1978, il rejoint l’administration des douanes et accises. Il est titulaire d’un grade de niveau 2 lorsque, à la suite de la suppression des contrôles aux frontières intérieures de la Communauté européenne, il est d’abord maintenu à son poste à titre provisoire, puis affecté, le 1er mai 1993, à l’inspection des recherches des douanes et accises. Le 1er décembre 1994, il est intégré à l’effectif des brigades motorisées de la douane, où il exerce ses fonctions jusqu’au 30 juin 1997, puis, à nouveau, du 1er juillet 2004 au 30 juin 2018, avant d’être admis à la retraite le 1er juillet 2018.
A.1.2. Le requérant dans l’affaire n° 8000 expose être également un ancien agent de la brigade motorisée des douanes, au sein du SPF Finances. Le 1er mai 1984, il rejoint l’administration des douanes et accises comme agent statutaire à l’issue d’un examen de niveau 3. À la suite de la suppression des contrôles aux frontières intérieures de la Communauté européenne, il est réaffecté au service documentation du ministère des Finances,
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puis au service des recettes de l’administration des contributions directes. Le 1er septembre 1993, après avoir réussi des examens de niveau 2, il est réintégré à la douane, à l’effectif des brigades motorisées. Il est admis à la retraite le 1er mars 2024.
A.1.3. Les requérants soutiennent que l’article 2, 2°, de la loi du 20 novembre 2022 « modifiant l’annexe de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques » (ci-après : la loi du 20 novembre 2022)
fait naître une discrimination à leur égard, en ce que cette disposition prive du tantième préférentiel 1/50e pour le calcul de leur pension de retraite les agents des niveaux 2 et 2+ qui, comme eux, ont été intégrés dans une brigade motorisée de l’administration des douanes et accises après le 1er janvier 1993. Ils font valoir que les autres agents des brigades motorisées de cette administration bénéficient de ce tantième préférentiel.
Selon les requérants, cette différence de traitement fondée sur la date à laquelle les agents ont été intégrés dans une brigade motorisée n’est pas raisonnablement justifiée, dès lors que tous sont astreints aux mêmes contraintes professionnelles.
A.2.1. Interrogés par la Cour au sujet de l’effet, sur leurs recours, de l’abrogation et du remplacement avec effet rétroactif de la loi du 20 novembre 2022 par les articles 39, 40 et 41 de la loi du 11 décembre 2023 « portant des dispositions diverses en matière de pension » (ci-après : la loi du 11 décembre 2023), le requérant dans l’affaire n° 7999 admet que, formellement, son recours a perdu son objet et le requérant dans l’affaire n° 8000 indique être soumis à la loi du 11 décembre 2023 pour l’établissement de ses droits à la pension, de sorte qu’il n’a plus intérêt au recours.
A.2.2. Le Conseil des ministres, pour sa part, considère que, du fait de l’abrogation précitée, les recours des parties requérantes ont perdu leur objet et que, surabondamment, les parties requérantes ont perdu intérêt à leurs recours.
-B-
B.1. L’article 8, § 1er, alinéa 1er, de la loi générale du 21 juillet 1844 « sur les pensions civiles et ecclésiastiques » (ci-après : la loi du 21 juillet 1844) dispose :
« La pension de retraite est liquidée à raison, pour chaque année de service, de 1/60e du traitement de référence ».
L’article 8, § 3, de la même loi dispose :
« Par dérogation au § 1, le tantième 1/60e est remplacé par :
[...]
3° 1/50e pour chaque année passée en service actif dans l’un des emplois désignés au tableau annexé à la présente loi ».
B.2. Le « tableau des services actifs » annexé à la loi du 21 juillet 1844, qui comprend la liste des « services actifs » pour lesquels le tantième préférentiel 1/50e est octroyé, a été modifié
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par l’article 2 de la loi du 20 novembre 2022 « modifiant l’annexe de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques » (ci-après : la loi du 20 novembre 2022).
Par cette disposition, le législateur a entendu « appliquer le tantième préférentiel 1/50e à partir du 1er janvier 1993 pour le calcul des pensions de retraite à l’ensemble des agents des douanes des niveaux 2 et 2+, intégrés dans une brigade motorisée [...], à la suite de la suppression des contrôles douaniers aux frontières intérieures de la Communauté européenne [...] ». Le législateur a souhaité rectifier ainsi la discrimination constatée par la Cour dans son arrêt n° 11/2019 du 31 janvier 2019 (ECLI:BE:GHCC:2019:ARR.011) (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2861/001, p. 3).
B.3. L’article 2 de la loi du 20 novembre 2022, tel qu’il était applicable au moment de l’introduction des recours en annulation, disposait :
« Dans l’annexe de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques, remplacée par la loi du 3 février 2003, complétée par les lois du 9 juillet 2004, du 25 avril 2007, du 8 juin 2008, du 22 décembre 2008 et du 5 mai 2014, les modifications suivantes sont apportées :
1° dans la colonne de gauche, le point I, A, est complété par :
‘ 7. Rédacteur;
8. Vérificateur-adjoint;
9. Vérificateur;
10. Vérificateur-principal;
11. Vérificateur expert-comptable;
12. Assistant administratif;
13. Assistant financier-adjoint;
14. Assistant financier;
15. Chef administratif;
16. Expert fiscal-adjoint;
17. Expert fiscal;
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18. Expert financier et administratif. ’;
2° dans la colonne de gauche, à la rubrique ‘ Remarques ’, un littera a’’’’) est inséré entre le littera a’’’) et le littera b), libellé comme suit :
‘ a’’’’) Les titulaires des grades visés aux points A, 7 à 18 inclus, ne bénéficient du dénominateur préférentiel que lorsqu’ils ont été intégrés dans une brigade mobile au 1er janvier 1993. ’ ».
B.4. Dans leurs recours en annulation, les requérants soutiennent que cette disposition, en ce qu’elle prive du tantième préférentiel 1/50e pour le calcul de leur pension de retraite les agents des niveaux 2 et 2+ qui, comme eux, ont été intégrés dans une brigade motorisée de l’administration des douanes et accises après le 1er janvier 1993, fait naître une discrimination.
Elles font en effet valoir que les autres agents des brigades motorisées de cette administration bénéficient de ce tantième préférentiel.
B.5.1. La loi du 20 novembre 2022 a été retirée et remplacée par les articles 39 et 40 de la loi du 11 décembre 2023 « portant des dispositions diverses en matière de pension » (ci-après :
la loi du 11 décembre 2023).
B.5.2. L’article 39 de la loi du 11 décembre 2023 dispose :
« La loi du 20 novembre 2022 modifiant l’annexe de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques, est retirée ».
B.5.3. L’article 40 de la loi du 11 décembre 2023 dispose :
« Dans l’annexe de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques, remplacée par la loi du 3 février 2003, complétée par les lois du 9 juillet 2004, du 25 avril 2007, du 8 juin 2008 et du 22 décembre 2008 et modifiée en dernier lieu par la loi du 5 mai 2014, les modifications suivantes sont apportées :
1° dans la colonne de gauche, le point I, A. est complété par :
‘ 7. Assistant administratif (a’’’’);
8. Assistant financier-adjoint, grade supprimé (a’’’’);
9. Chef administratif, grade supprimé (a’’’’); ’;
2° dans la colonne de gauche, le point I.A. est complété par :
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‘ 10. Expert fiscal-adjoint, grade supprimé (a’’’’);
11. Expert fiscal (a’’’’);
12. Expert financier et administratif, grade supprimé (a’’’’). ’;
3° dans la colonne de gauche, à la rubrique ‘ Remarques ’, le littera a’’) est complété par un second alinéa, rédigé comme suit :
‘ Les agents avec le grade d’assistant financier qui ne remplissent pas les conditions visées à l’alinéa premier ne bénéficient du dénominateur préférentiel que lorsqu’ils ont été intégrés dans une brigade motorisée au 1er janvier 1993. ’;
4° dans la colonne de gauche, la rubrique ‘ Remarques ’ est complétée par un littera a’’’’) :
‘ a’’’’) Les titulaires des grades visés aux points A.7 à 12 inclus ne bénéficient du dénominateur préférentiel que lorsqu’ils ont été intégrés dans une brigade motorisée au 1er janvier 1993. ’
5° dans la colonne de droite, le point I.A. est complété par :
‘ 32. Rédacteur (a’’’);
33. Vérificateur-adjoint (a’’’);
34. Vérificateur (a’’’);
35. Vérificateur-principal (a’’’);
36. Vérificateur expert-comptable (a’’’) ’;
6° dans la colonne de droite, à la rubrique ‘ Remarques ’, un littera a’’’) est inséré entre le littera a’’) et le littera b), rédigé comme suit :
‘ a’’’) Les titulaires des grades visés aux points A.32 à 36 inclus ne bénéficient du dénominateur préférentiel que lorsqu’ils ont été intégrés dans une brigade motorisée au 1er janvier 1993. ’ ».
B.6. En ce qui concerne la date d’entrée en vigueur des dispositions précitées, l’article 3
de la loi du 20 novembre 2022, d’une part, prévoyait ce qui suit :
« La présente loi produit ses effets au 1er janvier 1993.
Par dérogation à l’alinéa précédent, pour l’application de l’article 46, § 3/1, de la loi du 15 mai 1984 portant mesures d’harmonisation dans les régimes de pensions, la présente loi s’applique uniquement aux pensions qui prennent cours au plus tôt le premier jour du deuxième mois qui suit sa publication au Moniteur belge ».
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L’article 41 de la loi du 11 décembre 2023, d’autre part, prévoit ce qui suit :
« Le présent chapitre produit ses effets au 1er janvier 1993, à l’exception de :
- l’article 39 qui entre en vigueur le jour de la publication de la présente loi au Moniteur belge;
- l’article 40, 1°, qui produit ses effets au 1er juin 2002;
- l’article 40, 2°, qui produit ses effets au 1er octobre 2002.
Par dérogation à l’alinéa précédent, pour l’application de l’article 46, § 3/1, de la loi du 15 mai 1984 portant mesures d’harmonisation dans les régimes de pensions, la présente loi s’applique uniquement aux pensions qui prennent cours au plus tôt le 1er février 2023 ».
B.7. Il résulte de ces dispositions que la loi du 20 novembre 2022 a été retirée et remplacée avec effet rétroactif aux dates auxquelles elle avait sorti ses effets.
B.8. Du fait de ce retrait de la loi du 20 novembre 2022, la partie requérante dans l’affaire n° 7999 reconnaît que, « formellement », son recours a perdu son objet. La partie requérante dans l’affaire n° 8000 reconnaît être soumise à la loi du 11 décembre 2023 pour l’établissement de ses droits à la pension, de sorte qu’elle n’a plus intérêt au recours.
Le Conseil des ministres considère que les recours des parties requérantes ont perdu leur objet et que, surabondamment, les parties requérantes ont perdu leur intérêt aux recours.
B.9.1. Les parties requérantes ont chacune introduit un recours en annulation contre l’article 40, 3°, 4° et 6°, de la loi du 11 décembre 2023. Ces recours ne sont pas dirigés contre l’article 39, précité, de la loi du 11 décembre 2023.
B.9.2. Aucun autre recours en annulation n’a été introduit dans le délai légal contre l’article 39, précité, de la loi du 11 décembre 2023.
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B.10. Il découle de ce qui précède que l’article 2 de la loi du 20 novembre 2022 n’a pu et ne pourra produire aucun effet juridique, de sorte que les recours sont devenus sans objet.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette les recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 septembre 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Pierre Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 90/2024
Date de la décision : 19/09/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-09-19;90.2024 ?

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