Cour constitutionnelle
Arrêt n° 93/2024
du 19 septembre 2024
Numéro du rôle : 8087
En cause : le recours en annulation de l’article 14, alinéa 1er, 3°, du décret de la Communauté flamande du 10 mars 2023 « relatif au subventionnement de l’animation socioculturelle des adultes », introduit par l’ASBL « De Federatie Sociaal-Cultureel Werk en Amateurkunsten ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 octobre 2023 et parvenue au greffe le 16 octobre 2023, l’ASBL « De Federatie Sociaal-Cultureel Werk en Amateurkunsten », assistée et représentée par Me Evelyne Maes et Me Brecht Vroonen, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l’article 14, alinéa 1er, 3°, du décret de la Communauté flamande du 10 mars 2023 « relatif au subventionnement de l’animation socioculturelle des adultes » (publié au Moniteur belge du 14 avril 2023, deuxième édition).
Le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me Bart Martel et Me Kristof Caluwaert, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un mémoire, la partie requérante a introduit un mémoire en réponse et le Gouvernement flamand a également introduit un mémoire en réplique.
Par ordonnance du 24 avril 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Yasmine Kherbache et Michel Pâques, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la
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réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
À la suite de la demande de la partie requérante à être entendue, la Cour, par ordonnance du 15 mai 2024, a fixé l’audience au 12 juin 2024.
À l’audience publique du 12 juin 2024 :
- ont comparu :
. Me Evelyne Maes et Me Brecht Vroonen, pour la partie requérante;
. Me Kristof Caluwaert et Me Esther Forson, avocate au barreau de Bruxelles, également loco Me Bart Martel, pour le Gouvernement flamand;
- les juges-rapporteurs Yasmine Kherbache et Michel Pâques ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
A.1. Le Gouvernement flamand soutient que le recours en annulation n’est pas recevable en ce qu’il est dirigé contre la première phrase de l’article 14, alinéa 1er, 3°, du décret de la Communauté flamande du 10 mars 2023 « relatif au subventionnement de l’animation socioculturelle des adultes » (ci-après : le décret du 10 mars 2023). En effet, les griefs de la partie requérante seraient uniquement dirigés contre la seconde phrase de cette disposition.
A.2. La partie requérante fait valoir que le recours en annulation n’est pas limité à la seconde phrase de l’article 14, alinéa 1er, 3°, du décret du 10 mars 2023. En effet, les griefs développés dans sa requête sont dirigés contre l’article 14, alinéa 1er, 3°, du décret du 10 mars 2023 dans son ensemble. En atteste la circonstance que le Gouvernement flamand met à plusieurs reprises sur un pied d’égalité les termes « pratiquent la ségrégation » et « en se repliant sur » contenus dans la seconde phrase et le fait de remplir une « fonction de passerelle » mentionné dans la première phrase.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
A.3.1. La partie requérante prend un premier moyen de la violation, par l’article 14, alinéa 1er, 3°, du décret du 10 mars 2023, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique, avec l’article 11 de la loi du 16 juillet 1973 « garantissant la protection des tendances idéologiques et
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philosophiques » (ci-après : la loi du 16 juillet 1973) et avec l’article 11 du décret du 28 janvier 1974 « relatif au Pacte culturel » (ci-après : le décret du 28 janvier 1974).
A.3.2. Dans la première branche de son premier moyen, la partie requérante soutient que la disposition attaquée viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique, en ce que cette disposition ne permet pas aux organisations socioculturelles pour adultes d’évaluer dans quelle mesure elles répondent à la condition de subvention énoncée dans la disposition attaquée. En effet, les expressions « origine ethnoculturelle » et « pratiquent la ségrégation en se repliant [uniquement] », citées dans la disposition attaquée, manqueraient de clarté et entraîneraient une insécurité juridique structurelle.
Ni le décret du 10 mars 2023, ni l’exposé des motifs, ni aucune autre norme juridique ne définissent le concept d’« origine ethnoculturelle ». Le ministre-président flamand n’apporte pas davantage de clarté en renvoyant, en commission pour la Culture, la Jeunesse, le Sport et les Médias, à d’autres instruments juridiques où figurerait cette expression. Ainsi, le renvoi à l’interprétation par le Gouvernement flamand de « l’origine d’une personne »
dans le cadre de la politique d’intégration ne suffit pas, étant donné que « l’origine d’une personne » ne saurait s’assimiler au concept d’« origine ethnoculturelle ». À cela s’ajoute que le décret flamand du 7 juin 2013 « relatif à la politique flamande d’intégration et d’intégration civique » (ci-après : le décret du 7 juin 2013) renferme uniquement une définition de « personne d’origine étrangère ». Celle-ci ne vise que l’origine nationale et non l’origine ethnoculturelle. L’on ne saurait davantage renvoyer au terme « ethnoculturel » mentionné dans le décret flamand du 20 janvier 2012 « relatif à une politique rénovée des droits de l’enfant et de la jeunesse » et dans le décret flamand du 27 mars 2009 « relatif à la radiodiffusion et à la télévision », vu que ces décrets ne comprennent aucune définition du mot « ethnoculturel », que ce concept n’est pas identique à celui d’« origine ethnoculturelle »
et que ces décrets ont une finalité autre que celle de la disposition attaquée. Par ailleurs, ni l’administration ni les organisations pour adultes ne sont en mesure de déterminer quand il est question de repli sur l’origine ethnique, étant donné que celle-ci n’est pas une donnée immuable, mais qu’elle dépend complètement du choix de la personne concernée.
L’expression « pratiquent la ségrégation en se repliant [uniquement] » n’est pas claire non plus. Faute de précision quant aux critères d’appréciation qui seront appliqués, ces termes se prêtent à une interprétation très subjective. Au demeurant, le risque d’une application arbitraire de la disposition attaquée, vu son manque de clarté, s’est déjà concrétisé, étant donné que le ministre-président flamand a donné pour mission à son administration de contrôler de manière plus approfondie les organisations subventionnées afin de vérifier la communication et les messages qu’elles diffusent via leurs canaux et de mener une inspection auprès de deux organisations subventionnées, en raison de messages que celles-ci avaient diffusés. Ainsi, il apparaît que le caractère insatisfaisant de la communication d’une organisation socioculturelle pour adultes peut suffire, selon le ministre-
président flamand, pour conclure qu’elle pratique la ségrégation, sans que soient pris en compte dans cette décision les autres indicateurs que le Gouvernement flamand a énumérés dans son mémoire. En tout état de cause, ces indicateurs montrent clairement qu’aucune marge n’est laissée aux organisations socioculturelles pour adultes qui souhaiteraient d’abord se replier sur leur propre communauté (« bonding »), pour ensuite tendre la main à d’autres communautés (« bridging »). Par ailleurs, l’application concrète de ces indicateurs, par exemple en ce qui concerne les organisations faîtières, manque cruellement de clarté.
Le ministre-président flamand admet l’ambiguïté des termes précités, puisqu’il reconnaît la nécessité d’une plus ample concrétisation dans les feuilles de route données à la commission d’évaluation. Le fait de préciser une disposition ambiguë dans des feuilles de route, qui sont dépourvues de la moindre valeur juridique et ne sont pas publiées, viole le principe de la sécurité juridique. Du reste, l’on n’aperçoit pas clairement sur quels conditions et critères s’appuieront ces feuilles de route, puisque la disposition attaquée ne mentionne pas de conditions ni de critères.
La circonstance que la portée de la condition de subvention attaquée manque de clarté est d’autant plus problématique que l’appréciation de cette condition appelle uniquement une réponse binaire, soit affirmative, soit négative, sans la moindre nuance. Compte tenu du caractère ambigu de la disposition attaquée, l’issue de l’évaluation est plus qu’incertaine. Cette appréciation sert pourtant à déterminer si l’organisation concernée peut prétendre ou non à une subvention de fonctionnement.
Dans son mémoire en réponse, la partie requérante ajoute qu’en ce que la seconde phrase de la disposition attaquée ne fait que clarifier la première, l’on n’aperçoit pas pourquoi cette clarification (négative) serait uniquement nécessaire pour les organisations socioculturelles qui s’associent sur la base de l’origine ethnoculturelle. Enfin, les critères d’appréciation ne définissent ni n’éclairent davantage la notion de « fonction de passerelle », de sorte que le renvoi à cette expression ambiguë n’apporte pas non plus de solution.
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A.3.3. Dans la seconde branche de son premier moyen, la partie requérante fait valoir que la disposition attaquée viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 11 de la loi du 16 juillet 1973 et avec l’article 11 du décret du 28 janvier 1974.
D’après elle, la Cour est compétente pour mener un contrôle, via les articles 10 et 11 de la Constitution, au regard de l’article 11 de la loi du 16 juillet 1973 et de l’article 11 du décret du 28 janvier 1974. En effet, ces dispositions ont une valeur constitutionnelle, puisqu’elles mettent en application les articles 11 et 131 de la Constitution et renferment un principe de légalité que doit respecter tout décret.
D’après la partie requérante, la condition de subvention n’est pas décrite de manière suffisamment précise dans la disposition attaquée, le législateur décrétal négligeant ainsi de déterminer lui-même les critères d’appréciation. En effet, ni la notion d’« origine ethnoculturelle » ni l’expression « pratiquent la ségrégation en se repliant [uniquement] » ne sont définies ou précisées dans le décret du 10 mars 2023. Or, le principe de légalité énoncé à l’article 11 de la loi du 16 juillet 1973 et à l’article 11 du décret du 28 janvier 1974 exige que le législateur lui-même détermine tous les critères d’appréciation relatifs à l’obtention d’une subvention de fonctionnement. La circonstance que des feuilles de route viendraient expliciter la disposition attaquée en trahit le manque de précision.
A.4.1. En ce qui concerne la première branche du premier moyen, le Gouvernement flamand fait valoir que la disposition attaquée est suffisamment prévisible et accessible, de sorte que les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique, ne sont pas violés. En effet, la notion d’« origine ethnoculturelle » et l’expression « pratiquent la ségrégation en se repliant [uniquement] » se passent d’explication.
De plus, les travaux préparatoires du décret du 10 mars 2023 explicitent ce qu’il faut comprendre par ces termes.
En ce qui concerne le concept d’« origine ethnoculturelle », le législateur décrétal renvoie au décret du 7 juin 2013, qui définit une « personne d’origine étrangère » en renvoyant à sa nationalité de naissance ou à celle d’un de ses parents. Les mêmes points de rattachement sont utilisés pour la définition du concept d’« origine ethnoculturelle » dans la disposition attaquée. Une organisation pour adultes qui s’associe sur la base d’une origine ethnoculturelle constitue dès lors une organisation fondée sur l’appartenance à une nationalité de naissance déterminée ou à une nationalité de naissance des parents déterminée. Ceci peut être déduit d’une multitude d’indicateurs en lien avec le fonctionnement, les activités et le groupe-cible de l’organisation concernée, tels que son objet social ou son nom, les conditions pour en devenir membre ou les événements qu’elle organise.
En ce qui concerne l’expression « pratiquent la ségrégation en se repliant [uniquement] », le Gouvernement flamand relève que l’association sur la base d’une origine ethnoculturelle déterminée n’est pas incompatible avec la condition de subvention attaquée. Ce n’est que lorsque l’organisation pour adultes se replie uniquement sur cette origine ethnoculturelle, sans jamais chercher à s’associer à d’autres groupes ou personnes d’une autre origine ethnoculturelle, que la condition de subvention n’est pas remplie. Ainsi que le précise l’exposé des motifs, les organisations pour adultes qui souhaitent prétendre à des subventions doivent obligatoirement jouer une fonction de passerelle, par exemple en organisant certains événements pour un groupe-cible plus large ou des concertations et coopérations avec d’autres organisations pour adultes. Cette obligation de remplir une fonction de passerelle s’applique à toutes les organisations socioculturelles pour adultes, quelle que soit la caractéristique commune sur la base de laquelle elles s’associent. La condition imposée aux organisations socioculturelles pour adultes de ne pas pratiquer la ségrégation en se repliant uniquement sur l’origine ethnoculturelle ne fait que clarifier cette obligation générale.
A.4.2. En ce qui concerne la seconde branche du premier moyen, le Gouvernement flamand relève qu’indépendamment du constat que la Cour n’est pas compétente pour contrôler un décret au regard d’une disposition législative, le principe de légalité invoqué ne saurait avoir été violé dans le cas d’espèce. En effet, les conditions de subvention pour les organisations socioculturelles pour adultes sont intégralement développées dans le décret du 10 mars 2023, sans la moindre délégation au Gouvernement flamand ou à une autre instance publique.
Ainsi qu’il a été exposé dans la réponse à la première branche du premier moyen, le libellé de la disposition attaquée et les travaux préparatoires permettent parfaitement d’appréhender le sens et la portée de la condition de subvention attaquée. Par ailleurs, il est légitime d’expliquer l’application concrète des conditions de subvention dans des feuilles de route et de donner à la commission d’évaluation quelques lignes directrices en la matière. Une telle feuille de route est un simple document de travail interne sans valeur juridique, qui ne saurait donc modifier ou compléter les dispositions décrétales ou arrêtés d’exécution pertinents.
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En ce qui concerne le deuxième moyen
A.5. Le deuxième moyen de la partie requérante est pris de la violation, par l’article 14, alinéa 1er, 3°, du décret du 10 mars 2023, des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’il établit une différence de traitement injustifiée entre, d’une part, les organisations socioculturelles pour adultes qui se replient sur l’origine ethnoculturelle et, d’autre part, les organisations socioculturelles pour adultes qui se replient sur d’autres caractéristiques communes. Il n’est précisé de manière négative que pour les personnes de la première catégorie qu’elles ne sont pas éligibles à des subventions si elles pratiquent la ségrégation.
La différence entre ces catégories ne repose pas sur un critère objectif, en ce qu’il est impossible, sur la base de la disposition attaquée ou des travaux préparatoires, de déterminer ce que signifie « pratiquent la ségrégation en se repliant [uniquement] sur l’origine ethnoculturelle ». Faute de critères d’appréciation, la commission d’évaluation et l’autorité flamande n’ont d’autre choix que d’apprécier de manière subjective cette condition de subvention.
L’objectif poursuivi par le décret du 10 mars 2023, à savoir le subventionnement d’organisations qui contribuent à l’émancipation de personnes et de groupes et au renforcement d’une société démocratique, inclusive et durable, est légitime. Toutefois, cet objectif est insuffisamment précis pour légitimer la disposition attaquée. Vu l’ampleur de cet objectif, en effet, il ne peut pas être déduit que seules les initiatives qui se replient sur l’origine ethnoculturelle doivent être privées de subventionnement. Il convient d’expliquer pourquoi seul le repli sur l’origine ethnoculturelle serait problématique, alors que le repli sur d’autres caractéristiques communes ne le serait pas. En tout état de cause, les chiffres qu’avance le Gouvernement flamand dans son mémoire ne sauraient appuyer la thèse selon laquelle il y aurait peu de contacts entre Belges et non-Belges ou que les non-Belges vivraient de facto de manière ségréguée par rapport aux personnes d’origine belge.
Compte tenu de l’ambiguïté de la condition de subvention énoncée dans la disposition attaquée et de l’absence de critères d’appréciation à l’aune desquels cette condition peut être évaluée, aucune organisation pour adultes ne peut se conformer à l’objectif visé par la disposition attaquée. En conséquence, la différence établie n’est pas pertinente pour atteindre l’objectif poursuivi.
Enfin, cette différence est disproportionnée à l’objectif consistant à exclure les organisations qui pratiquent la ségrégation du bénéfice d’une subvention de fonctionnement, étant donné que la disposition attaquée stigmatise inutilement les organisations qui s’associent sur la base d’une « origine ethnoculturelle ». En ce qu’elle vise à exclure du bénéfice d’une subvention de fonctionnement les seules organisations socioculturelles pour adultes qui se replient sur l’origine ethnoculturelle, la disposition attaquée introduit une distinction sur la base de la race ou de l’origine ethnique. Une telle distinction suspecte peut uniquement se justifier si elle est strictement nécessaire et proportionnée. Or, l’on ne trouve dans les travaux préparatoires aucune justification de cette nature.
A.6.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que l’article 14, alinéa 1er, 3°, du décret du 10 mars 2023
n’introduit aucune différence de traitement entre les organisations socioculturelles pour adultes qui se replient sur l’origine ethnoculturelle et les organisations socioculturelles pour adultes qui se replient sur d’autres caractéristiques communes. En effet, cette disposition exige que toutes les organisations socioculturelles remplissent une fonction de passerelle dans la société, quelle que soit la caractéristique commune à l’origine de leur formation. La seconde phrase de cette disposition ne fait que clarifier cette exigence, en ce qu’elle précise de manière négative que des organisations socioculturelles pour adultes qui pratiquent la ségrégation en se repliant uniquement sur l’origine ethnoculturelle ne peuvent prétendre à des subventions. En vertu de la condition générale imposant aux organisations socioculturelles de remplir une fonction de passerelle, les organisations qui se replient uniquement sur une autre caractéristique commune et pratiquent ainsi la ségrégation ne seront pas davantage éligibles à des subventions.
A.6.2. À titre subsidiaire, le Gouvernement flamand fait valoir que la différence de traitement alléguée est en tout état de cause raisonnablement justifiée.
La différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir le fait de « [pratiquer] la ségrégation en se repliant [uniquement] sur l’origine ethnoculturelle ». Le Gouvernement flamand souligne de nouveau que cette condition de subvention est libellée de manière suffisamment claire et précise et que la commission d’évaluation est parfaitement en mesure de l’apprécier sur la base de situations factuelles objectives.
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La disposition attaquée a pour ambition de lutter contre la ségrégation et d’encourager les organisations socioculturelles pour adultes à créer des passerelles vers d’autres groupes, d’autres communautés et la société dans son ensemble. Elle provient de la préoccupation du législateur décrétal flamand à l’égard des personnes d’origine étrangère qui vivent souvent de facto dans un contexte de ségrégation par rapport à des personnes d’origine belge, ce que confirment des études scientifiques. Il est tout à fait légitime que le législateur décrétal cherche à améliorer l’intégration des personnes d’origine étrangère dans la société belge.
La condition de subvention attaquée est pertinente pour atteindre cet objectif. En effet, elle vient en soutien de la politique d’intégration au bénéfice de personnes d’origine étrangère et vise à promouvoir les chances d’intégration de ces personnes. L’accent spécifique mis sur les organisations socioculturelles pour adultes qui se replient sur l’origine ethnoculturelle témoigne de l’importance de ces organisations, qui jouent un rôle positif dans la politique d’intégration et, par-là même, dans la lutte contre la ségrégation. Le Gouvernement flamand répète qu’on peut parfaitement déterminer si une organisation socioculturelle se replie ou non sur l’origine ethnoculturelle, par exemple en consultant ses statuts et en vérifiant s’il faut avoir une origine ethnoculturelle déterminée pour y accéder.
Enfin, la condition de subvention attaquée n’est pas disproportionnée. Elle n’empêche pas des organisations socioculturelles de s’associer sur la base d’une origine ethnoculturelle déterminée ou de prétendre à des subventions. Par conséquent, aucune distinction n’est établie sur la base de l’origine ethnoculturelle. Tout ce qu’interdit la disposition attaquée, c’est qu’une organisation se replie uniquement sur sa propre origine ethnoculturelle et pratique ainsi la ségrégation. Le législateur décrétal, qui dispose en la matière d’une large marge d’appréciation, a raisonnablement pu estimer que cette condition de subvention était nécessaire pour accomplir l’objectif d’améliorer l’intégration des personnes d’origine étrangère. Les organisations qui rassemblent uniquement des personnes sur la base d’une origine ethnoculturelle déterminée, sans chercher activement à abattre les frontières qui les séparent d’autres groupes, ne contribuent pas à cette politique d’intégration et ne sont dès lors pas éligibles à des subventions. Il va de soi que ces organisations peuvent continuer à s’associer et à acquérir des fonds par d’autres biais.
En ce qui concerne le troisième moyen
A.7. Le troisième moyen de la partie requérante est pris de la violation, par la disposition attaquée, de l’article 23 de la Constitution et de l’obligation de standstill qu’il contient, en ce qu’elle réduit sensiblement le niveau de protection du droit à l’épanouissement social et culturel, sans justification raisonnable.
En effet, en raison de la formulation vague de cette disposition, il n’est pas exclu que des organisations socioculturelles pour adultes qui se replient sur l’origine ethnoculturelle et font appel à la technique du « bonding »
et du « bridging » ne soient plus éligibles à une subvention de fonctionnement. Nombreuses sont ces organisations à soutenir l’épanouissement social et culturel d’individus et de groupes et à dépendre grandement de cette subvention. Si ces organisations reçoivent moins de moyens, voire cessent d’exister, le niveau de protection s’en trouvera considérablement réduit, sans la moindre justification. La déclaration du ministre-président flamand selon laquelle il n’existerait à ce jour aucune organisation qui ne satisfait pas à la condition de subvention n’y change rien. En effet, l’on n’aperçoit pas sur la base de quelle évaluation le ministre-président est parvenu à cette conclusion et absolument rien ne garantit que l’appréciation de la condition de subvention sera appliquée de la même manière à l’avenir.
A.8. Le Gouvernement flamand avance que la condition de subvention attaquée ne réduit pas le niveau de protection du droit à l’épanouissement culturel et social, en ce que cette condition de subvention ne fait que clarifier l’obligation générale imposée à toutes les organisations socioculturelles pour adultes de remplir une fonction de passerelle dans la société.
Il n’est en tout état de cause pas question d’une réduction significative du niveau de protection, en ce qu’il n’existe à ce jour aucune raison de penser qu’il y aurait des organisations socioculturelles pour adultes qui ne satisfont pas à la condition de subvention attaquée. Dès lors, cette condition vise à encourager les organisations socioculturelles pour adultes qui perçoivent déjà des subventions à continuer de remplir leur fonction de passerelle dans la société. Enfin, le législateur décrétal peut déterminer les obligations correspondantes lorsqu’il garantit le droit à l’épanouissement culturel et social.
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-B-
Quant à la disposition attaquée
B.1.1. La partie requérante demande l’annulation de l’article 14, alinéa 1er, 3°, du décret de la Communauté flamande du 10 mars 2023 « relatif au subventionnement de l’animation socioculturelle des adultes » (ci-après : le décret du 10 mars 2023).
B.1.2. Le décret du 10 mars 2023 remplace le décret de la Communauté flamande du 7 juillet 2017 « portant subvention et agrément de l’animation socioculturelle des adultes », qui constitue le cadre politique le plus important pour le soutien à l’accompagnement socioculturel des adultes en Communauté flamande (Doc. parl., Parlement flamand, 2022-2023, n° 1508/1, p. 3).
Le décret du 10 mars 2023 « harmonise le cadre politique du soutien à l’animation socioculturelle des adultes avec les ambitions du Gouvernement flamand de lutter contre la ségrégation dans la société, de s’opposer aux organisations qui se replient uniquement sur l’origine ethnoculturelle et de détenir le pouvoir décisionnel autonome pour ce qui est de déterminer les montants des subventions » (ibid.).
Conformément à l’article 3, alinéa 1er, du décret du 10 mars 2023, le décret « a pour but de contribuer à une société durable, inclusive, non ségréguée, solidaire et démocratique en renforçant la société civile ». Pour ce faire, il « agrée et subventionne des organisations socioculturelles pour adultes au sein de la société civile ». L’article 3, alinéa 2, du décret du 10 mars 2023 précise que « les organisations socioculturelles pour adultes jouent un rôle connecteur, critique et expérimental dans la société et misent sur la participation socioculturelle dans une perspective civile. Cela contribue à l’émancipation, au dialogue des personnes et des groupes, à la citoyenneté partagée et à faire des questions de société partagées une chose publique ». En vue de réaliser cet objectif, le décret du 10 mars 2023 prévoit entre autres l’attribution de subventions de fonctionnement aux organisations socioculturelles pour adultes actives aux niveaux communautaire et régional.
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Ces subventions de fonctionnement ne peuvent être octroyées qu’à des organisations socioculturelles pour adultes dont la demande de subvention satisfait aux conditions de recevabilité et de subvention applicables (article 12 du décret du 10 mars 2023). Le Gouvernement flamand décide de l’octroi d’une subvention à une organisation socioculturelle pour adultes sur avis de la commission d’évaluation (article 13 du décret du 10 mars 2023).
Conformément à l’article 14, alinéa 1er, du décret du 10 mars 2023, les subventions de fonctionnement aux organisations socioculturelles pour adultes actives aux niveaux communautaire et régional sont soumises aux conditions de subvention suivantes :
« 1° l’activité socioculturelle de l’organisation se déroule principalement pendant le temps libre des adultes. L’organisation justifie la partie de l’activité subventionnée qui se déroule éventuellement à titre exceptionnel en dehors du temps libre par sa mission et sa vision;
2° l’organisation atteste d’une activité socioculturelle supralocale durant au minimum les deux années qui précèdent immédiatement la demande;
3° l’organisation remplit une fonction de passerelle dans la société. Les organisations qui pratiquent la ségrégation en se repliant [uniquement] sur l’origine ethnoculturelle ne sont pas éligibles à une subvention ».
B.1.3. Les travaux préparatoires justifient comme suit la condition de subvention prévue à l’article 14, alinéa 1er, 3°, attaqué, du décret du 10 mars 2023 :
« L’accord de gouvernement flamand 2019-2024 vise à une modification du décret du 7 juillet 2017. Le Gouvernement flamand souhaite, d’une part, façonner une société où chacun puisse s’engager autour d’une identité collective partagée, fondée sur un socle commun de valeurs et de droits et libertés fondamentaux, et, d’autre part, mettre davantage l’accent sur l’objectif décrétal d’émanciper les individus et les groupes ainsi que de consolider la société dans un esprit démocratique, inclusif, non ségrégué et durable. Il entend y parvenir en érigeant en condition de subvention la nécessité pour l’organisation de remplir une fonction de passerelle dans la société. Cette condition de subvention permet d’insister sur le fait que les organisations qui travaillent de manière ségrégative, en se repliant uniquement sur l’origine ethnoculturelle, ne sont pas éligibles à une subvention » (Doc. parl., Parlement flamand, 2022-2023, n° 1508/1, p. 7).
« Les conditions de subvention s’appliquent aux subventions de fonctionnement pour les organisations actives à l’échelle communautaire et celles actives à l’échelle régionale.
Si la demande de subvention ne satisfait pas à l’une des conditions de subvention suivantes, la commission d’évaluation recommandera de ne pas accorder de subvention au demandeur :
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[...]
3° notre société est de plus en plus marquée par la diversité. Dans ce contexte, il est essentiel de concrétiser l’un des trois rôles de l’enjeu socioculturel, à savoir son rôle fédérateur.
Par leur souci de créer des liens, les organisations socioculturelles pour adultes font naître des réseaux de relations où individus, groupes et communautés peuvent entrer en contact et jouer un rôle dans la société dans son ensemble. Aussi, la mise en relation contribue, d’une part, à la formation de groupes et de communautés et, d’autre part, aux interactions entre eux.
Quand ils passent par la formation de groupes et de communautés, les liens peuvent entre autres se créer autour de caractéristiques personnelles communes, telles que le genre, l’idéologie, l’origine ethnoculturelle ou le statut social. L’histoire a démontré que cette façon de nouer des liens joue un rôle important dans les processus d’émancipation. Les mouvements liés au genre, les mouvements ouvriers, les groupements ethnoculturels, les associations de lutte contre la pauvreté et les organisations de défense des intérêts des personnes en situation de handicap sont autant d’exemples où la création de liens sur la base de caractéristiques personnelles communes a été la condition nécessaire pour permettre à ces individus, groupes et communautés de se renforcer dans le développement de leur identité et de s’affirmer dans la société civile.
Pour que ces liens servent à fédérer les groupes et les communautés, il faut que des ponts s’établissent entre eux par-delà leurs caractéristiques personnelles, origines, intérêts ou ambitions divergents.
Si, en cherchant à créer des groupes et des communautés, l’on forge des liens qui servent uniquement à en cloisonner et à en renforcer l’identité propre, sans s’efforcer de fédérer les groupes et les communautés au-delà de leurs différences, une société ségréguée et polarisée risque de voir le jour. Dès lors, ce ciment entre les groupes et les communautés – ou, pour le dire autrement : la fonction de passerelle – est essentiel pour contribuer au renforcement d’une société durable, inclusive, non ségréguée, solidaire et démocratique. Il découle de ces considérations que seules peuvent prétendre à une recommandation positive en matière de subvention les organisations qui s’appliquent résolument à remplir cette fonction de passerelle dans la société.
La lutte contre la ségrégation est l’une des ambitions du plan horizontal d’intégration et d’égalité des chances 2020-2024 du Gouvernement flamand : ‘ En Flandre, nous contribuons tous à une même société. Pour y parvenir, il nous faut abattre des murs. Des murs dressés entre communautés et individus. Notre ambition : une société ouverte. Nous veillons à l’intercompréhension et faisons en sorte que tous puissent communiquer. C’est dans cette perspective que nous mettons à bas toute forme de ségrégation et que nous misons pleinement sur les réseaux. En effet, la ségrégation nous oppose à l’autre. À l’inverse, les réseaux jouent un rôle crucial pour élargir les horizons et découvrir l’autre. Une société ouverte, c’est la promesse d’un esprit ouvert – cela même dont nous avons besoin pour construire ensemble la Flandre de demain. Une Flandre qui accueille des identités multiples, dans le respect de nos valeurs fondamentales ’.
Actuellement aussi, des groupes et communautés se construisent sur la base de l’origine ethnoculturelle. Ce processus est comparable aux efforts d’émancipation historiques évoqués précédemment. Le législateur décrétal veut toutefois encourager ces groupes et communautés
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à ne pas se replier uniquement sur leur identité ethnoculturelle, mais également à remplir une fonction de passerelle avec d’autres groupes, d’autres communautés et la société dans son ensemble. C’est la raison pour laquelle il a érigé ce souci en condition de subvention.
Conformément à l’article 9 du règlement général sur la protection des données, l’appréciation de cette condition de subvention ne passe jamais par le traitement de données à caractère personnel qui révèle l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale, ou par le traitement de données génétiques, de données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, de données concernant la santé ou de données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique » (ibid., pp. 48 et 49).
B.1.4. Le décret du 10 mars 2023 est entré en vigueur le 1er avril 2024 (article 66 du décret).
Quant à la recevabilité
B.2.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que le recours en annulation est irrecevable, à défaut de grief, en ce qu’il est dirigé contre la première phrase de l’article 14, alinéa 1er, 3°, du décret du 10 mars 2023, qui dispose que « l’organisation remplit une fonction de passerelle dans la société ».
B.2.2. Il ressort de la requête que la partie requérante développe uniquement des griefs contre la seconde phrase de l’article 14, alinéa 1er, 3°, du décret du 10 mars 2023, qui dispose que « les organisations qui pratiquent la ségrégation en se repliant [uniquement] sur l’origine ethnoculturelle ne sont pas éligibles à une subvention ». En ce que la partie requérante soutient pour la première fois dans son mémoire en réponse que le terme « fonction de passerelle »
contenu dans la première phrase de cette disposition manque également de clarté, elle soulève un nouveau moyen, qui n’est donc pas recevable.
La Cour limite dès lors son examen à l’article 14, alinéa 1er, 3°, seconde phrase, du décret du 10 mars 2023.
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Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
B.3. Dans la première branche de son premier moyen, la partie requérante soutient que l’article 14, alinéa 1er, 3°, seconde phrase, du décret du 10 mars 2023 viole les articles 10 et 11
de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique, en ce que les expressions « origine ethnoculturelle » et « pratiquent la ségrégation en se repliant [uniquement] » visées dans la disposition attaquée manqueraient de clarté et ne permettraient pas aux organisations socioculturelles pour adultes d’évaluer dans quelle mesure elles satisfont à la condition de subvention.
B.4.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu’en soit l’origine : les règles constitutionnelles de l’égalité et de la non-
discrimination sont applicables à l’égard de tous les droits et de toutes les libertés.
B.4.2. Le principe de la sécurité juridique exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible et interdit au législateur de porter atteinte, sans justification objective et raisonnable, à l’intérêt que possèdent les sujets de droit d’être en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs actes.
B.5.1. D’après l’article 14, alinéa 1er, 3°, seconde phrase, attaqué, du décret du 10 mars 2023, « les organisations qui pratiquent la ségrégation en se repliant [uniquement] sur l’origine ethnoculturelle ne sont pas éligibles à une subvention ». Cette condition de subvention attaquée prolonge celle qui figure dans la première phrase de cette même disposition, aux termes de laquelle « l’organisation remplit une fonction de passerelle dans la société ».
B.5.2. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.1.3 que le législateur décrétal, par la condition de subvention attaquée, souhaite encourager les groupes et communautés qui se construisent sur la base de l’origine ethnoculturelle « à ne pas se replier uniquement sur leur identité ethnoculturelle, mais également à remplir une fonction de passerelle avec d’autres groupes, d’autres communautés et la société dans son ensemble » (Doc. parl., Parlement flamand, 2022-2023, n° 1508/1, p. 49). Concernant cette condition de subvention, le législateur
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décrétal ajoute que « le ‘ bonding ’ sur la base de l’origine ethnoculturelle n’est pas rejeté par principe » et que « le ‘ bonding ’ et le ‘ bridging ’ vont de pair [...]. Toutefois, le législateur décrétal choisit explicitement de ne pas prévoir de soutien dans les situations où ces démarches en restent au ‘ bonding ’, sans créer de passerelle vers la société dans son ensemble » (ibid., p. 69).
Cet exposé des motifs permet de déduire que la condition de subvention prévue à l’article 14, alinéa 1er, 3°, seconde phrase, attaqué, du décret du 10 mars 2023 doit être lue en combinaison avec la condition de « remplir une fonction de passerelle dans la société », énoncée à l’article 14, alinéa 1er, 3°, première phrase, du décret du 10 mars 2023. Cela étant, l’on n’aperçoit pas clairement si la disposition attaquée ne fait que clarifier cette condition de subvention ou si elle y ajoute une condition supplémentaire pour les organisations socioculturelles pour adultes qui reposent sur l’origine ethnoculturelle.
À cet égard, le Gouvernement flamand insiste dans son mémoire sur le fait que la condition de subvention attaquée « ne fait que clarifier l’obligation générale qui s’impose à toutes les organisations socioculturelles pour adultes de remplir une fonction de passerelle dans la société ». Néanmoins, dès lors que la disposition attaquée ne vise que les organisations socioculturelles pour adultes qui s’associent sur la base de l’origine ethnoculturelle et que la ratio legis de cette disposition, en exécution de l’accord de gouvernement, vise à « répondre de manière prioritaire à la ségrégation sur la base de l’origine » (Doc. parl., Parlement flamand, 2022-2023, n° 1508/7, p. 17; voy. aussi Doc. parl., Parlement flamand, 2022-2023, n° 1508/1, p. 69), le législateur décrétal crée l’impression d’imposer aux organisations socioculturelles pour adultes qui s’associent sur la base de l’origine ethnoculturelle une condition de subvention négative additionnelle, dont la portée diffère de l’exigence générale consistant à jouer un rôle de passerelle dans la société.
Il s’ensuit que la condition de subvention attaquée, par son caractère ambigu, ne satisfait pas aux exigences du principe de la sécurité juridique.
B.5.3. L’article 14, alinéa 1er, 3°, seconde phrase, du décret du 10 mars 2023 porte une atteinte discriminatoire au principe de la sécurité juridique.
B.5.4. Le premier moyen, en sa première branche, est fondé.
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B.6. Dès lors que les autres moyens ne peuvent donner lieu à une annulation plus étendue, ils ne doivent pas être examinés.
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Par ces motifs,
La Cour
annule l’article 14, alinéa 1er, 3°, seconde phrase, du décret de la Communauté flamande du 10 mars 2023 « relatif au subventionnement de l’animation socioculturelle des adultes ».
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 septembre 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Luc Lavrysen