Cour constitutionnelle
Arrêt n° 101/2024
du 26 septembre 2024
Numéro du rôle : 8053
En cause : la question préjudicielle relative aux articles 61, alinéa 2, et 64 de la loi du 7 mai 1999 « sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs », posée par le Tribunal de première instance du Hainaut, division de Tournai.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Joséphine Moerman, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt et Kattrin Jadin, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 20 juin 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 4 juillet 2023, le Tribunal de première instance du Hainaut, division de Tournai, a posé la question préjudicielle suivante :
« Les articles 61, alinéa 2 et 64 de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs sont-ils conformes aux articles 12
et 14 de la Constitution en ce qu’ils autorisent le Roi à adopter des modalités relatives à la publicité sur les jeux de hasard et qu’ils érigent en infraction la méconnaissance des dispositions prises par le Roi ? Ces dispositions contiennent-elles une habitation [lire : habilitation] définie de manière suffisamment précise et portent-elles sur l’exécution de mesures dont les éléments essentiels sont fixés préalablement par le législateur pour que les articles 12 et 14 de la Constitution soient respectés ? ».
Des mémoires et mémoires en réponse ont été introduits par :
- la SA « Gambling Management », la SA « Casino de Spa », la SA « Circus Belgium », la SA « Ardent Betting », la SRL « Gaming1 », la SA « Pres Carats Sports », la SA « Parc
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d’attraction liégeois », la SA « Royal Namur », la SRL « Lucky Bet », la SRL « Circus Services », la SRL « Slots », la SRL « Winvest », la SRL « 9Alike », la SA « Games Services », la SA « Olympian Wallonie », la SRL « Mr. Joker », la SRL « Euro 78 » et la société de droit maltais « Technospin Ltd. », assistées et représentées par Me Karl Stas et Me Thomas De Meese, avocats au barreau de Bruxelles;
- la SRL « Devomas », la SA « Golden Palace Waterloo », la société de droit français « Golden Palace Casino BSM » et la SRL « Belgium Web Casino », assistées et représentées par Me Maxime Vanderstraeten, avocat au barreau de Bruxelles;
- la SA « RTL Belgium », la SA « Rossel & Cie », la SA « IPM Group », la SRL « Éditions de l’Avenir Presse », la SA « Les News 24 » et la SC « La Presse.be - Alliance des médias d’information », assistées et représentées par Me Pieter Paepe et Me Christoph De Preter, avocats au barreau de Bruxelles, et par Me Joos Roets et Me Elke Cloots, avocats au barreau d’Anvers (parties intervenantes);
- la SA « DPG Media », assistée et représentée par Me Pieter Paepe, Me Joos Roets et Me Timothy Roes, avocat au barreau d’Anvers (partie intervenante);
- l’ASBL « Association d’entreprises d’affichage » et la SA « JCDecaux Insert Belgium », assistées et représentées par Me Pieter Paepe, Me Christoph De Preter, Me Joos Roets et Me Elke Cloots (parties intervenantes);
- la SA « NGG », la SA « Aloha », la SRL « Bepraq Invest », la SRL « Breydel Games », la SA « Capitole », la SRL « Cocky’s Games », la SA « De Ceuster Continental », la SA « E.C.K. », la SA « Europa Technics & Cie », la SA « Future Games », la SRL « Games-Lichtervelde », la SRL « Games-Nazareth », la SA « Gerardo », la SRL « Irjam », la SA « Javas », la SRL « Lagaut », la SRL « Le Château », la SA « Lucky Seven », la SRL « Luna Invest », la SA « Lunatim », la SA « Napoleon Games », la SA « Napoleon Games Sports », la SA « New Laforge », la SA « Olympian Games », la SA « Ostend Games » et la SRL « Snook », assistées et représentées par Me Bob Martens, Me Astrid Van Laer et Me Cédric Martens, avocats au barreau de Bruxelles (parties intervenantes);
- la SA « V.D.B. - Faculty », assistée et représentée par Me François Tulkens et Me Lola Malluquin, avocats au barreau de Bruxelles (partie intervenante);
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Philippe Schaffner et Me Sébastien Kaisergruber, avocats au barreau de Bruxelles.
Par ordonnance du 29 mai 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteures Emmanuelle Bribosia et Joséphine Moerman, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
À la suite de la demande du Conseil des ministres à être entendu, la Cour, par ordonnance du 12 juin 2024, a fixé l’audience au 10 juillet 2024.
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À l’audience publique du 10 juillet 2024 :
- ont comparu :
. Me Karl Stas, également loco Me Thomas De Meese, pour la SA « Gambling Management » et autres;
. Me Maxime Vanderstraeten, pour la SRL « Devomas » et autres;
. Me Christoph De Preter et Me Joos Roets, pour la SA « RTL Belgium » et autres, pour la SA « DPG Media » et pour l’ASBL « Association d’entreprises d’affichage » et la SA « JCDecaux Insert Belgium » (parties intervenantes);
. Me Astrid Van Laer et Me Cédric Martens, pour la SA « NGG » et autres (parties intervenantes);
. Me François Tulkens, pour la SA « V.D.B. - Faculty » (partie intervenante);
. Me Patricia Minsier, avocate au barreau de Bruxelles, loco Me Philippe Schaffner et Me Sébastien Kaisergruber, pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteures Emmanuelle Bribosia et Joséphine Moerman ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Plusieurs clubs sportifs sponsorisés par des entreprises proposant des jeux de hasard, ainsi que plusieurs de ces entreprises elles-mêmes, ont introduit des actions en référé devant plusieurs tribunaux de première instance.
Certaines de ces affaires ont été jointes et renvoyées devant le président du Tribunal de première instance du Hainaut, division de Tournai. Toutes les affaires portent sur l’application de l’arrêté royal du 27 février 2023
« déterminant les modalités relatives à la publicité pour les jeux de hasard ». Dans le cadre de l’examen de la légalité de cet arrêté, la juridiction a quo pose à la Cour la question préjudicielle reproduite plus haut.
III. En droit
-A-
A.1. La SA « RTL Belgium », la SA « Rossel &Cie », la SA « IPM Group », la SRL « Éditions de l’Avenir Presse », la SA « Les News 24 » et la SC « La presse.be - Alliance des médias d’information » ont déposé une
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« requête en intervention ». Elles font valoir qu’en tant qu’acteurs des médias et de la publicité, elles ont un intérêt à intervenir dans la présente affaire.
A.2. Un deuxième mémoire en intervention a été déposé par la SA « DPG Media 175 ».
A.3. Une troisième « requête en intervention » a été déposée par l’ASBL « Association d’entreprises d’affichage » et la SA « JCDECAUX Insert Belgium », acteurs du secteur publicitaire.
A.4. Un quatrième mémoire en intervention a été déposé par la SA « NGG », la SA « Aloha », la SRL « Bepraq Invest », la SRL « Breydel Games », la SA « Capitole », la SRL « Cocky’s Games », la SA « De Ceuster Continental », la SA « E.C.K », la SA « Europa Technics & Cie », la SA « Future Games », la SRL « Games-Lichtervelde », la SRL « Games-Nazareth », la SA « Gerardo », la SRL « Irjam », la SA « Javas », la SRL « Lagaut », la SRL « Le Château », la SA « Lucky Seven », la SRL « Luna Invest », la SA « Lunatim », la SA « Napoleon Games », la SA « Napoleon Games Sports », la SA « New Laforge », la SA « Olympian Games », la SA « Ostend Games » et la SA « Snook ». Il s’agit d’entreprises du secteur des jeux de hasard. Elles font référence au fait qu’elles ont introduit devant le Conseil d’État un recours en annulation dirigé contre l’arrêté royal du 27 février 2023 « déterminant les modalités relatives à la publicité pour les jeux de hasard » (ci-après : l’arrêté royal du 27 février 2023). Sur le fond, elles soutiennent que la question préjudicielle appelle une réponse négative.
A.5. Un cinquième mémoire en intervention a été déposé par la SA « VDB Faculty », active dans le secteur des jeux de hasard et concurrente des parties requérantes dans les affaires au fond. Elle fait valoir que les dispositions en cause ne violent pas les articles 12 et 14 de la Constitution, mais que l’habilitation conférée au Roi satisfait aux conditions qui résultent de la jurisprudence de la Cour. À titre subsidiaire, elle demande à la Cour de limiter le constat de violation à l’article 64 de la loi du 7 mai 1999 « sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs » (ci-après : la loi du 7 mai 1999), étant donné que l’article 61, alinéa 2, de la loi du 7 mai 1999 est, en soi, conforme à la Constitution.
Les parties intervenantes mentionnées en A.4 contestent la recevabilité de l’intervention de la SA « VDB
Faculty » parce que celle-ci n’a déposé son mémoire en intervention à la poste que le 19 octobre, alors qu’il était daté du 18 octobre. Du reste, cette partie ne justifie pas d’un intérêt à intervenir. Les parties mentionnées en A.2
contestent également la recevabilité de l’intervention.
A.6. La SRL « Devomas », la SA « Golden Palace Waterloo », la société de droit français « Golden Palace Casino BSM » et la SRL « Belgium Web Casino » sont parties requérantes dans l’instance soumise à la juridiction a quo. Selon elles, il est question d’une violation des articles 12 et 14 de la Constitution. Elles renvoient à cet égard à la jurisprudence de la Cour.
A.7. La SA « Gambling Management », la SA « Casino de Spa », la SA « Circus Belgium », la SA « Ardent Betting », la SRL « Gaming1 », la SA « Prés Carats Sporst », la SA « Parc d’attraction liégeois », la SA « Royal Namur », la SRL « Lucky Bet », la SRL « Circus Services », la SRL « Slots », la SRL « Winvest », la SRL « 9Alike », la SA « Games Services », nv « Olympian Wallonie », la SRL « Mr Joker », la SRL « Euro 78 »
et la société de droit maltais « Technospin Ltd » sont également parties requérantes dans l’instance soumise à la juridiction a quo. Leurs arguments rejoignent ceux des parties mentionnées en A.2.
A.8. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité des interventions mentionnées aux considérants A.1 à A.3. Leurs « requêtes en intervention » ne contiennent aucune argumentation quant au fond. À l’exception de la SA « DPG Media », elles ne démontrent par ailleurs pas concrètement qu’elles disposent de l’intérêt requis.
Le Conseil des ministres souligne que l’arrêté royal du 27 février 2023 a été adopté sur la base de l’article 61, alinéa 2, de la loi du 7 mai 1999. Or, c’est l’article 64 de la loi du 7 mai 1999 qui incrimine les infractions aux règles ainsi établies. Il en résulte que la question préjudicielle n’est pas utile pour l’affaire au fond, dans laquelle la validité de l’arrêté royal du 27 février 2023 est en cause. Le constat d’une violation ne peut conduire qu’à l’inconstitutionnalité de l’article 64, sans que la validité de l’arrêté royal s’en trouve affectée. Il convient à tout le moins de limiter l’objet de la question à l’article 64 de la loi du 7 mai 1999. Le Conseil des ministres relève par ailleurs que la question préjudicielle porte sur un moyen à l’égard duquel le juge du fond s’est déjà déclaré incompétent. Tous ces éléments conduisent à la conclusion que la question n’appelle pas de réponse.
À titre subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir qu’il n’est pas question d’une violation des articles 12
et 14 de la Constitution. Il renvoie à cet égard à la jurisprudence de la Cour.
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-B-
Quant aux dispositions en cause
B.1.1. La question préjudicielle porte sur les articles 61, alinéa 2, et 64 de la loi du 7 mai 1999 « sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs » (ci-après : la loi du 7 mai 1999).
L’article 61, alinéa 2, tel qu’il est applicable dans l’instance soumise à la juridiction a quo, dispose :
« Le Roi détermine les modalités relatives à la publicité sur les jeux de hasard ».
Cette disposition a été instaurée par l’article 30 de la loi du 7 mai 2019 « modifiant la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, et insérant l’article 37/1 dans la loi du 19 avril 2002 relative à la rationalisation du fonctionnement et de la gestion de la Loterie Nationale » (ci-après : la loi du 7 mai 2019). Le commentaire qui figure dans les travaux préparatoires est formulé comme suit :
« Il s’agira ici pour le Roi de réglementer la publicité liée à tous les jeux de hasard en vue d’assurer une meilleure protection du joueur et d’assurer une bonne application de la loi sur les jeux de hasard.
Tous les jeux de hasard sont visés : ceux offerts dans le monde réel, via les médias, etc.
Comme indiqué par le Conseil d’État dans son avis 63.661/4 du 4 juillet 2018, l’objectif de la réglementation relative à la publicité sur les jeux de hasard, qui sera déterminée par le Roi, est de protéger les joueurs, en ce compris les mineurs d’âge » (Doc. parl., Chambre, 2018-2019, DOC 54-3327/001, p. 16).
B.1.2. L’article 64 de la loi du 7 mai 1999, tel qu’il était applicable dans l’instance soumise à la juridiction a quo, dispose :
« Les auteurs des infractions aux dispositions des articles 4[,] § 2, 43/1, 43/2, 43/2/1, 43/3, 43/4, 54, 60, aux dispositions prises en exécution de ces articles et de l’article 61, alinéa 2, et
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aux dispositions de l’article 62 seront punis d’un emprisonnement d’un mois à trois ans et d’une amende de 26 francs à 25.000 francs ou d’une de ces peines ».
La référence aux dispositions prises en exécution de l’article 61, alinéa 2, a été introduite par l’article 53 de la loi du 6 décembre 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme IIbis » (ci-après : la loi du 6 décembre 2022). Dans les travaux préparatoires, cette adaptation fait l’objet du commentaire suivant :
« Actuellement, la loi sur les jeux de hasard ne prévoit pas de sanction pénale en cas d’infraction à l’article 61, alinéa 2, qui habilite le Roi à déterminer les modalités relatives à la publicité sur les jeux de hasard » (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2824/001, p. 33).
B.1.3. L’article 7 de la loi du 18 février 2024 « modifiant la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs » (ci-après :
la loi du 18 février 2024) remplace l’article 61, alinéa 2, comme suit :
« Il est interdit de faire de la publicité pour les jeux de hasard, sauf dans les cas expressément autorisés par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres.
Pour l’application de l’alinéa 2, on entend par ‘ publicité ’, toute forme de communication qui vise directement ou indirectement à faire la promotion de jeux de hasard ou à inciter aux jeux de hasard, quels que soient le lieu, les moyens de communication appliqués ou les techniques utilisées. L’apposition de la marque ou du logo, ou des deux est également considérée comme de la publicité ».
La loi du 18 février 2024 a été publiée au Moniteur belge le 1er mars 2024. L’article 9
prévoit que la loi du 18 février 2024 entre en vigueur le premier jour du sixième mois qui suit celui de sa publication au Moniteur belge. L’article 8 de la loi du 18 février 2024 prévoit que « les arrêtés pris en exécution de l’article 61, alinéa 2, tel qu’il était d’application avant l’entrée en vigueur de la présente loi, restent d’application tels qu’ils étaient en vigueur le jour précédant l’entrée en vigueur de la présente loi jusqu’à ce qu’ils soient remplacés par un nouvel arrêté pris en exécution de l’article 61, alinéa 2, tel que modifié par la présente loi ». Par conséquent, cette modification est sans incidence sur l’examen de la question préjudicielle.
B.1.4. L’article 67 de la loi du 18 janvier 2024 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme III » (ci-après : la loi du 18 janvier 2024), dispose :
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« Dans l’article 64 de la même loi, modifié en dernier lieu par la loi du 6 décembre 2022, les mots ‘ aux dispositions des articles 4 § 2, 43/1, 43/2, 43/2/1, 43/3, 43/4, 54, 60, aux dispositions prises en exécution de l’article 61, alinéa 2, et aux dispositions de l’article 62 ’ sont remplacés par les mots ‘ aux dispositions des articles 4, § 2, 43/1, 43/2, 43/2/1, 43/3, 43/4, 43/8, 54, 60, 62 et aux dispositions prises en exécution de ces articles et de l’article 61, alinéa 2 ’ ».
L’article 23 de la loi du 7 mai 2024 « modifiant la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs et portant des dispositions diverses en matière de jeux de hasard », dispose :
« L’article 64 de la même loi, modifié en dernier lieu par la loi du 18 janvier 2024, est remplacé comme suit : ‘ Art. 64. Les auteurs des infractions aux articles 4, § 2, § 4 et § 5, 43/1, 43/2, 43/2/1, 43/3, 43/4, 60, 61, alinéas 2 et 3, et aux arrêtés pris en exécution de ces articles, seront punis d’une amende de 26 euros à 72.000 euros ’ ».
Ces modifications sont sans incidence sur l’examen de la question préjudicielle.
Quant à la recevabilité de la question préjudicielle
B.2. Le Conseil des ministres soutient que la question préjudicielle n’est pas utile à la solution du litige au fond, dès lors que l’éventuel constat d’une violation serait sans conséquence en ce qui concerne la validité de l’arrêté royal du 27 février 2023 « déterminant les modalités relatives à la publicité pour les jeux de hasard » (ci-après : l’arrêté royal du 27 février 2023).
B.3. C’est en règle à la juridiction a quo qu’il appartient d’apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige. Ce n’est que lorsque tel n’est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n’appelle pas de réponse.
B.4. Il peut être déduit de la décision de renvoi que l’objet direct et véritable des demandes en référé, pour autant qu’elles soient recevables, consiste à empêcher que l’exécution de l’arrêté royal du 27 février 2023 porte préjudice aux droits économiques des parties requérantes, en ce que cet arrêté limiterait leurs possibilités de conclure ou d’exécuter certains contrats.
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La question préjudicielle est posée dans le cadre du contrôle incident, fondé sur l’article 159 de la Constitution, de la légalité de l’arrêté royal du 27 février 2023, et elle suppose que le constat d’une violation des articles 12 et 14 de la Constitution ait pour effet de priver l’arrêté royal du 27 février 2023 de son fondement légal.
B.5. Il ressort du rapport au Roi précédant l’arrêté royal du 27 février 2023 que cet arrêté a été pris en exécution de l’article 61, alinéa 2, de la loi du 7 mai 1999 :
« Le présent arrêté royal qui vous est soumis tend à porter exécution de l’article 61, alinéa 2, de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs (ci-après appelée la ‘ loi sur les jeux de hasard ’), inséré par la loi du 7 mai 2019, habilitant le Roi à fixer les modalités relatives à la publicité sur les jeux de hasard ».
Comme il est dit en B.1.1 et B.1.2, l’article 61, alinéa 2, de la loi du 7 mai 1999 a été introduit par la loi du 7 mai 2019 sans que cette habilitation ait été assortie d’une incrimination.
L’incrimination n’a été instaurée à l’article 64 que par la loi du 6 décembre 2022. Par conséquent, l’éventuel constat d’une violation des articles 12 et 14 de la Constitution conduirait tout au plus au constat de l’inconstitutionnalité de l’article 64 de la loi du 7 mai 1999, en ce qu’il prévoit l’incrimination des infractions aux dispositions prises en exécution de l’article 61, alinéa 2, mais ce constat ne conduirait pas au constat de l’inconstitutionnalité de l’article 61, alinéa 2, de la loi du 7 mai 1999 proprement dit. Partant, et contrairement à ce que postule la décision de renvoi, une réponse négative à la question préjudicielle n’aurait pas pour effet de priver l’arrêté royal du 27 février 2023 de son fondement légal.
B.6. Il résulte des éléments précités que la réponse à la question préjudicielle n’est manifestement pas utile à la solution du litige pendant devant la juridiction a quo. La question préjudicielle n’appelle pas de réponse. L’examen des autres exceptions n’est dès lors pas nécessaire non plus.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
La question préjudicielle n’appelle pas de réponse.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 26 septembre 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Pierre Nihoul