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26/09/2024 | BELGIQUE | N°103/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 26 septembre 2024, 103/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 103/2024
du 26 septembre 2024
Numéro du rôle : 8112
En cause : le recours en annulation des articles 7, 3°, et 13 de la loi du 21 mai 2023
« portant des dispositions diverses en matière d'énergie », introduit par le Gouvernement flamand.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters et Magali Plovie, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, r

end l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 103/2024
du 26 septembre 2024
Numéro du rôle : 8112
En cause : le recours en annulation des articles 7, 3°, et 13 de la loi du 21 mai 2023
« portant des dispositions diverses en matière d'énergie », introduit par le Gouvernement flamand.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters et Magali Plovie, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 novembre 2023 et parvenue au greffe le 29 novembre 2023, le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me Frederik Vandendriessche, Me Pieterjan Claeys et Me Natan Vermeersch, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 7, 3°, et 13 de la loi du 21 mai 2023 « portant des dispositions diverses en matière d’énergie » (publiée au Moniteur belge du 7 juin 2023, troisième édition).
Des mémoires ont été introduits par :
- la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG), assistée et représentée par Me Thomas Eyskens et Me Sebastiaan De Meue, avocats au barreau de Bruxelles (partie intervenante);
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Barteld Schutyser, avocat au barreau de Bruxelles.
Par ordonnance du 27 mars 2024, la Cour a déclaré le mémoire en réponse introduit par la partie requérante irrecevable et l’a écarté des débats.
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La Commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG) a également introduit un mémoire en réplique.
Par ordonnance du 12 juin 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Yasmine Kherbache et Michel Pâques, a décidé que l’affaire était en état et fixé l'audience au 10 juillet 2024.
À l’audience publique du 10 juillet 2024 :
- ont comparu :
. Me Nathanaëlle Kiekens et Me Lieselotte Schellekens, avocates au barreau de Bruxelles, et Me Natan Vermeersch, également loco Me Frederik Vandendriessche, et Me Pieterjan Claeys, pour la partie requérante;
. Me Sebastiaan De Meue, également loco Me Thomas Eyskens, pour la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG);
. Me Bart Martel et Me Quinten Jacobs, avocats au barreau de Bruxelles, loco Me Barteld Schutyser, pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteurs Yasmine Kherbache et Michel Pâques ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
A.1. Le Conseil des ministres allègue que le recours est partiellement irrecevable à défaut d’indication des dispositions attaquées et/ou à défaut d’exposé des moyens. En effet, le Gouvernement flamand ne développe des moyens que contre les articles 7, 3°, et 13, attaqués, de la loi du 21 mai 2023 « portant des dispositions diverses en matière d’énergie » (ci-après : la loi du 21 mai 2023) en ce que ces dispositions sont interprétées d’une certaine façon, chaque fois dans le cadre d’une lecture combinée (à tout le moins implicitement) avec des dispositions de la loi du 12 avril 1965 « relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations » (ci-après : la loi du 12 avril 1965) et de la loi du 29 avril 1999 « relative à l’organisation du marché de l’électricité » (ci-après : la loi du 29 avril 1999). Le Gouvernement flamand se borne à aborder un certain nombre de règles existantes « à titre d’illustration » sans que l’on aperçoive clairement s’il souhaite aussi effectivement limiter son recours en annulation aux situations qui sont affectées par les dispositions attaquées et non attaquées (telles qu’il les interprète). Il est, par conséquent, extrêmement difficile de déterminer la portée de la requête.
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À cela s’ajoute que la requête comporte diverses imprécisions quant à l’indication des dispositions attaquées.
C’est ainsi que les compétences régionales dont il est question dans le premier moyen sont indiquées comme se trouvant au point d), au lieu du point f), de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980) et que ce n’est que plus tard que la compétence en matière de « distribution » est également abordée.
A.2.1. La Commission de régulation de l’électricité et du gaz (ci-après : la CREG), partie intervenante, est d’avis que le recours est irrecevable ratione temporis, en ce que, pour l’essentiel, le Gouvernement flamand critique des dispositions législatives applicables depuis déjà longtemps.
Dans le premier moyen, le Gouvernement flamand fait abstraction de l’article 2, § 4, de la loi du 12 avril 1965, tel qu’il a été inséré par la loi du 8 janvier 2012 « portant modifications de la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et de la loi du 12 avril 1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations », qui dispose que les règles établies par la loi du 12 avril 1965 pour le gaz naturel s’appliquent également au biogaz ainsi qu’à d’autres types de gaz. Par conséquent, la critique du Gouvernement flamand selon laquelle l’extension du champ d’application de la loi du 12 avril 1965, notamment au biogaz et au biométhane, porte atteinte à la compétence énergétique régionale est manifestement tardive. La modification de la définition de « gaz naturel » n’a qu’une portée légistique, dès lors qu’elle vise simplement à préciser la situation actuelle. Les autres dispositions que le Gouvernement flamand invoque au moyen, en particulier les articles 15/9, 15/14, § 2, 5°, et 15/12 de la loi du 12 avril 1965, ne sont pas nouvelles non plus.
Pour les deuxième et troisième moyens aussi, force est de constater que la critique du Gouvernement flamand est en substance dirigée contre des dispositions qui ne sont pas nouvelles. En effet, l’habilitation à définir les conditions concernant « l’accès aux infrastructures transfrontalières » et « la fourniture des services auxiliaires »
dans le code de bonne conduite figurait déjà dans la disposition législative précédemment applicable. Ce n’est que pour des raisons légistiques, à savoir pour éviter que la disposition modificative ne comporte des termes trop complexes, que ces segments de phrase ont à nouveau été intégrés. La définition de « services auxiliaires », qui mentionne également les réseaux de distribution, figure aussi déjà depuis longtemps à l’article 1er, 36°, de la loi du 12 avril 1965.
A.2.2. À titre subsidiaire, la CREG soutient que le Gouvernement flamand ne pourrait tirer aucun bénéfice de l’annulation des dispositions attaquées qu’il demande. En effet, l’annulation éventuelle de l’article 7, 3°, et de l’article 13 de la loi du 21 mai 2023 ferait renaître la réglementation précédemment applicable, laquelle contient des dispositions d’une même portée. Par conséquent, le Gouvernement flamand ne justifie pas d’un intérêt au recours en annulation, ni aux moyens invoqués.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
A.3. Dans le premier moyen, le Gouvernement flamand invoque la violation, par l’article 13 de la loi du 21 mai 2023, de la compétence régionale concernant les aspects régionaux de l’énergie au sens de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, et en particulier de la compétence régionale en matière de sources nouvelles d’énergie et en matière de distribution au sens de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b) et d), de la loi spéciale précitée.
Le Gouvernement flamand critique le fait que l’article 13 de la loi du 21 mai 2023 modifie la définition de la notion de « gaz naturel » qui figure à l’article 1er, 2°, de la loi du 12 avril 1965, de sorte que cette définition ne vise plus seulement le gaz naturel d’origine fossile, mais aussi, notamment, le biogaz et le biométhane. Le champ d’application d’un certain nombre de règles existantes en matière de stockage et de production dans la loi du 12 avril 1965 est ainsi indirectement étendu aux installations de production et de stockage onshore de (plus) petite taille, telles les installations de biogaz. À titre d’illustration, le Gouvernement flamand renvoie au fait que les petites installations de production de biogaz relèvent désormais également de la notion d’« installations en amont »
au sens de l’article 2, 6°, de la loi du 12 avril 1965, si bien qu’elles sont soumises aux dispositions de cette loi. Il renvoie en particulier au régime d’accès à ces installations en vertu de l’article 15/9 de la loi du 12 avril 1965 ainsi qu’à l’obligation de détenir une autorisation et aux prescriptions de sécurité au sens des articles 3 et 17 de la même loi. Par ailleurs, l’extension de la notion de « gaz naturel » a pour conséquence que beaucoup plus d’entités – parmi lesquelles les producteurs de gaz naturel onshore de (plus) petite taille – tombent sous le coup de la notion d’« entreprise de gaz naturel » au sens de l’article 1er, 5°bis, de la loi du 12 avril 1965, ce qui entraîne également
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une extension irrégulière du contrôle de la CREG. Enfin, une entreprise qui produit du biogaz à petite échelle et qui stocke également du biogaz au moyen d’une petite installation de stockage sera considérée comme verticalement intégrée au sens de l’article 1er, 38°, de la loi du 12 avril 1965 et soumise à l’obligation, prévue à l’article 15/12, § 2, de cette même loi, de tenir une comptabilité séparée pour les activités de stockage.
Or, seules les installations de production et de stockage susceptibles d’avoir des répercussions suffisamment importantes sur la sécurité d’approvisionnement relèvent de la compétence fédérale en matière d’énergie, de même que toutes les installations de production et de stockage situées en mer du Nord belge. Toutes les autres installations de production et de stockage, en particulier les installations de production d’énergie renouvelable, relèvent des compétences régionales.
A.4.1. Le Conseil des ministres souligne tout d’abord qu’il ressort de la requête que ce n’est pas la modification de la définition de la notion de « gaz naturel » figurant à l’article 1er, 2°, de la loi du 12 avril 1965
qui est en soi attaquée. Ce n’est qu’en raison de l’incidence de cette définition sur la portée d’autres dispositions, qui ne sont pas attaquées, que le Gouvernement flamand estime pouvoir établir une violation de compétence. En tout état de cause, la définition d’une notion ne saurait être constitutive en soi d’une telle violation.
A.4.2. En ce que le Gouvernement flamand allègue que l’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023 modifie de manière irrégulière la portée de la notion d’« installations en amont », le Conseil des ministres répond que l’autorité fédérale est compétente pour régler l’accès à ces installations en vertu de sa compétence en matière de transport de l’énergie au sens de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980. En effet, les installations en amont sont des canalisations ou des installations destinées au transport du gaz naturel et non à sa production. La réglementation de l’accès aux installations en amont (et donc aux canalisations de transport) ainsi que l’obligation de détenir une autorisation et les prescriptions de sécurité relatives à ces installations sont incontestablement et intrinsèquement liées à la compétence en matière de transport du gaz naturel. Le Gouvernement flamand a une mauvaise compréhension de la notion d’« installations en amont », en ce que l’interprétation qu’il en fait implique que les installations de production mêmes relèvent de cette notion. Le Conseil des ministres souligne à cet égard que la loi du 12 avril 1965 ne règle pas les installations de production de biogaz en tant que telles (qu’elles soient de petite taille ou non), mais toute éventuelle canalisation en amont qui serait utilisée pour acheminer le biogaz à l’installation de traitement ou au terminal.
Le Conseil des ministres souligne en outre qu’il ressort de la légisprudence de la section de législation du Conseil d’État que la compétence fédérale en matière de transport de l’énergie ne se limite pas au gaz naturel.
D’autres gaz, comme le propane ou l’hydrogène, doivent eux aussi être considérés comme « gaz » du point de vue de la répartition des compétences. Cela vaut a fortiori pour les gaz qui sont techniquement équivalents au gaz naturel, tel le méthane d’origine non souterraine. Qui plus est, la compétence fédérale en matière de transport de l’énergie ne se limite pas au transport qui contribue de manière significative à la sécurité d’approvisionnement.
Cette compétence fédérale s’étend jusqu’aux installations en amont de petite taille.
A.4.3. En ce que le Gouvernement flamand allègue que l’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023 étend de manière irrégulière la portée de la notion d’« entreprise de gaz naturel » aux petits producteurs onshore de gaz naturel, entraînant par là même également une extension irrégulière du contrôle exercé par la GREG, le Conseil des ministres répond que la compétence de régler le contrôle exercé par la CREG ne dépend pas du destinataire de l’obligation sur lequel ce contrôle est exercé. Par contre, la compétence d’exercer ledit contrôle est indissociablement liée à la compétence matérielle visant à régler une matière donnée, soit à la compétence relative à l’obligation à l’égard de laquelle est exercé le contrôle.
La CREG exerce un contrôle sur des obligations imposées par la loi du 12 avril 1965 et ses arrêtés d’exécution, et dont il n’est pas contesté qu’elles relèvent des compétences fédérales. La Région flamande, à tout le moins, ne démontre pas quelle obligation ni quel contrôle exercé par la CREG à l’égard du respect de cette obligation outrepasseraient les compétences fédérales en matière de production et de transport de l’énergie.
A.4.4. Enfin, en ce que le Gouvernement flamand allègue que les petites installations de stockage intégrées seraient soumises à l’obligation, prévue à l’article 15/12, § 2, de la loi du 12 avril 1965, de tenir une comptabilité séparée pour les activités de stockage, le Conseil des ministres répond que l’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023 ne fait que modifier la définition de « gaz naturel ». Cette disposition n’a aucune incidence sur l’obligation précitée qu’ont les entreprises de gaz naturel intégrées de tenir une comptabilité séparée et elle ne change rien en ce qui concerne l’exigence relative à la taille des installations de stockage pour que celles-ci relèvent du champ d’application de la loi du 12 avril 1965. Dès lors qu’en vertu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980, l’autorité fédérale est compétente pour les « grandes infrastructures de stockage » d’énergie, il va
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de soi que les obligations liées à cette compétence relative au stockage de l’énergie ne sont applicables qu’aux grandes installations de stockage, indépendamment du fait que le combustible gazeux soit d’origine souterraine ou non.
En ce que cette obligation de tenir une comptabilité séparée pour les activités de stockage s’applique également aux petites installations de stockage intégrées, le fondement de compétence fédérale n’est pas la compétence en matière de stockage de l’énergie, mais la compétence économique en matière de droit de la concurrence, de droit commercial et de droit des sociétés, prévue à l’article 6, VI, alinéa 4, 4° et 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980.
A.5. La CREG allègue que la loi du 12 avril 1965 ne contient pas une réglementation globale du marché du gaz naturel, mais qu’elle porte essentiellement sur le stockage et le transport de gaz naturel (et sur les infrastructures y relatives). La loi du 12 avril 1965 ne vise donc pas à régler la production ou la distribution de gaz naturel, de sorte que l’on ne saurait donner aux différentes dispositions de cette loi une interprétation partant du contraire.
Le simple fait que la définition de « gaz naturel » soit adaptée pour y inclure les formes non fossiles de méthane ne constitue pas en soi une atteinte à la compétence régionale en matière d’énergie. En effet, l’autorité fédérale reste compétente pour ces formes d’énergie en ce qui concerne les « grandes infrastructures », parmi lesquelles les infrastructures de transport.
En ce que le Gouvernement flamand renvoie aux règles, prévues à l’article 15/9 de la loi du 12 avril 1965, relatives aux installations en amont, la CREG souligne que cette disposition ne porte pas sur la production de gaz naturel, mais uniquement sur le transport, conformément à l’économie générale de la loi du 12 avril 1965. Cette disposition vise en particulier le transport de gaz à partir des sites de production vers le terminal d’atterrage, dans le cadre de l’extraction de gaz naturel en mer, qui a de facto lieu en dehors du territoire belge. Le fait que ces règles porteraient également sur d’autres formes de production de méthane ne viole pas la compétence régionale.
En ce que le Gouvernement flamand renvoie au pouvoir de contrôle de la CREG sur les « entreprises de gaz naturel », la CREG soutient que le Gouvernement flamand ne démontre pas concrètement en quoi ce pouvoir de contrôle serait contraire à la compétence régionale en matière d’énergie à la suite de la modification apportée par l’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023. Dès lors que la loi du 12 avril 1965 règle en substance le transport et le stockage de l’énergie, l’on n’aperçoit pas en quoi le pouvoir de contrôle de la CREG serait étendu aux producteurs de gaz naturel onshore de (plus) petite taille qui sont raccordés à un réseau de distribution.
Par ailleurs, en ce que le Gouvernement flamand allègue qu’il y a un risque réel que la loi du 12 avril 1965
devienne applicable au stockage à petite échelle, notamment de biométhane et d’e-méthane, la CREG estime que le moyen n’est pas fondé. En effet, le moyen critique en substance la réglementation existante, qui n’a pas été modifiée par la loi du 21 mai 2023 et qui n’a aucun lien avec elle. De plus, la CREG ne voit pas en quoi le renvoi à l’article 15/12, § 2, de la loi du 12 avril 1965 pourrait étayer la critique du Gouvernement flamand.
En ce qui concerne le deuxième moyen
A.6. Dans le deuxième moyen, le Gouvernement flamand invoque la violation, par l’article 7, 3°, de la loi du 21 mai 2023, de la compétence régionale en matière de distribution et de transport local d’électricité, contenue dans l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, en ce que cette disposition attribue à la CREG la compétence de définir, dans le code de bonne conduite, les conditions concernant « l’accès aux infrastructures transfrontalières », sans limiter ces conditions aux infrastructures transfrontalières au niveau du réseau de transport.
Ainsi, en ce que la CREG reçoit la compétence de régler l’accès aux infrastructures transfrontalières au niveau du réseau de transport local et des réseaux de distribution, l’article 7, 3°, de la loi du 21 mai 2023 porte atteinte à la compétence régionale exclusive en matière de distribution.
A.7. Selon le Conseil des ministres, le deuxième moyen manque en fait et en droit. En effet, la portée de l’article 11, § 2, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 7, 3°, attaqué, de la loi du 21 mai 2023, est bien limitée à l’accès aux infrastructures transfrontalières sur le réseau de transport. En ce que la disposition attaquée est susceptible de plusieurs interprétations, il y a lieu d’appliquer une interprétation conforme aux règles répartitrices de compétences, selon laquelle cette disposition ne s’applique pas au gestionnaire du réseau de
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distribution. Le Gouvernement flamand ne démontre pas en quoi une interprétation conforme aux règles répartitrices de compétences serait impossible.
A.8. Selon la CREG, le moyen repose sur une interprétation erronée de l’article 11, § 2, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 7, 3°, attaqué, de la loi du 21 mai 2023. Même si le segment de phrase concerné ne mentionne pas expressément qu’il s’agit des conditions relatives à l’accès aux infrastructures transfrontalières de transport, le contexte de cette disposition permet difficilement d’aboutir à une autre conclusion.
Le code de bonne conduite en question porte sur le réseau de transport et cela vaut également pour les conditions relatives à l’accès aux infrastructures transfrontalières. Il en va d’autant plus ainsi que la CREG a déjà établi un code de bonne conduite sur la base de l’ancien article 11 de la loi du 29 avril 1999 et que l’on n’y retrouve aucune règle relative aux « réseaux de distribution transfrontaliers » (pour autant que ceux-ci existent vraiment).
En ce qui concerne le troisième moyen
A.9. Dans le troisième moyen, le Gouvernement flamand invoque la violation, par l’article 7, 3°, de la loi du 21 mai 2023, de la compétence régionale en matière de distribution et de transport local d’électricité, contenue dans l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, en ce que cette disposition attribue la compétence à la CREG de définir, dans le code de bonne conduite, les conditions concernant « la fourniture des services auxiliaires », sans limiter ces conditions aux services auxiliaires au niveau du réseau de transport.
Le Gouvernement flamand renvoie à la définition de la notion de « service auxiliaire » figurant à l’article 2, 101°, de la loi du 29 avril 1999, qui englobe les services auxiliaires nécessaires à l’exploitation d’un réseau de distribution. Il ressort de la lecture combinée de cette définition avec l’article 7, 3°, attaqué, de la loi du 21 mai 2023 que la CREG reçoit la compétence de régler l’accès aux services auxiliaires au niveau du réseau de transport local et des réseaux de distribution, ce qui porte atteinte à la compétence régionale exclusive en matière de distribution.
A.10. Selon le Conseil des ministres, il ressort effectivement de l’article 7, 3°, attaqué, de la loi du 21 mai 2023 ainsi que de la définition de la notion de « service auxiliaire » à l’article 2, 101°, de la loi du 29 avril 1999 que la compétence attribuée à la CREG de définir les conditions relatives à la fourniture des services auxiliaires porte également sur les services auxiliaires pour le réseau de distribution. Il n’en résulte pas une atteinte à la compétence régionale en matière de distribution, dès lors que les services auxiliaires pour le réseau constituent une matière qui, en raison de son indivisibilité technique et économique, requiert une mise en œuvre homogène sur le plan national et pour laquelle, par conséquent, seule l’autorité fédérale est compétente. L’achat et le maintien en disponibilité de services auxiliaires par le gestionnaire du réseau de transport constituent en effet un moyen crucial pour garantir l’équilibre du réseau. Cet équilibre ne peut être assuré que si le réseau de transport et le réseau de distribution sont en équilibre en tant qu’ensemble. Le gestionnaire du réseau de transport doit immédiatement pouvoir intervenir, au moyen des mesures utiles, pour préserver la stabilité de l’ensemble du réseau et ainsi assurer la sécurité d’approvisionnement de l’ensemble du pays. Partant, il est inhérent à sa compétence relative au réseau de transport que le législateur fédéral puisse disposer que la CREG définisse, dans son code de bonne conduite, les conditions relatives à la fourniture de tels services auxiliaires, y compris ceux destinés aux réseaux de distribution.
Par ailleurs, l’autorité fédérale est également compétente pour l’organisation du marché de l’électricité, qui comprend le marché pour la commercialisation des services auxiliaires. Cette compétence s’étend, en toute logique, au marché de fourniture de services auxiliaires pour le réseau de distribution, dès lors qu’il n’existe pas de marché de l’électricité distinct pour la fourniture de services auxiliaires pour le réseau de distribution.
A.11. La CREG allègue que le fait que la définition de « service auxiliaire » figurant à l’article 2, 101°, de la loi du 29 avril 1999 renvoie tant au réseau de transport qu’au réseau de distribution ne permet pas de déduire que le code de bonne conduite vise à régler la fourniture des services auxiliaires pour le réseau de distribution. La CREG rappelle qu’il ressort du contexte de l’article 11, § 2, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 7, 3°, attaqué, de la loi du 21 mai 2023, que le code de bonne conduite et les conditions concernant « la fourniture des services auxiliaires » portent principalement sur le réseau de transport. Cela vaut d’autant plus que la CREG a déjà établi un code de bonne conduite sur la base de l’ancien article 11, § 2, de la loi du 29 avril 1999
et que celui-ci ne contient aucune règle relative aux « services auxiliaires sur les réseaux de distribution ». Cela étant, il ne saurait être exclu qu’à terme, la CREG doive inclure, dans le code de bonne conduite, des dispositions
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portant indirectement sur les services auxiliaires qui sont fournis au réseau de distribution, sans que cela soit constitutif d’une violation de la compétence régionale. Tel serait le cas si les services auxiliaires réalisés sur le réseau de distribution avaient une incidence sur le réseau de transport, auquel cas il faudrait atténuer cette incidence afin de préserver l’équilibre du réseau d’électricité considéré en tant qu’ensemble.
-B-
B.1.1. Le Gouvernement flamand demande l’annulation des articles 7, 3°, et 13 de la loi du 21 mai 2023 « portant des dispositions diverses en matière d’énergie » (ci-après : la loi du 21 mai 2023).
B.1.2. La loi du 21 mai 2023 modifie la loi du 12 avril 1965 « relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations » (ci-après : la loi du 12 avril 1965) et la loi du 29 avril 1999 « relative à l’organisation du marché de l’électricité » (ci-après : la loi du 29 avril 1999). Les modifications peuvent être subdivisées en six volets. Le recours en annulation concerne le « volet sur la modification de la définition du gaz naturel » ainsi que le « volet sur le cadre juridique de la réglementation technique de l’électricité et du code de bonne conduite de l’électricité » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3238/001, p. 3).
Quant à la recevabilité du recours
B.2.1. Selon le Conseil des ministres, le recours est partiellement irrecevable à défaut d’indication des dispositions attaquées et à défaut d’exposé des moyens.
B.2.2. En vertu de l’article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle (ci-après : la loi spéciale du 6 janvier 1989), la requête doit contenir un exposé des faits et des moyens.
Pour satisfaire aux exigences de l’article 6 précité, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions. Ces exigences sont dictées, d’une part, par la nécessité pour la Cour d’être
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à même de déterminer, dès le dépôt de la requête, la portée exacte du recours en annulation et, d’autre part, par le souci d’offrir aux autres parties au procès la possibilité de répliquer aux arguments des parties requérantes, de sorte qu’il est indispensable de disposer d’un exposé clair et univoque des moyens.
Cette disposition exige donc que la partie requérante indique quels sont les articles ou parties d’articles qui, selon elle, violent les normes exposées aux moyens, dont la Cour garantit le respect.
La Cour doit déterminer l’étendue du recours en annulation en fonction du contenu de la requête, et notamment sur la base de l’exposé des moyens. Elle limite dès lors son examen aux parties des dispositions attaquées au sujet desquelles il est exposé en quoi elles violeraient les normes de référence invoquées aux moyens et aux normes de référence au sujet desquelles il est exposé en quoi elles seraient violées.
Quant aux moyens
En ce qui concerne le premier moyen
B.3.1. Dans le premier moyen, le Gouvernement flamand allègue que l'article 13 de la loi du 21 mai 2023 porte atteinte à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b) et d) (lire : f)), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980), en ce que cette disposition modifie la définition de la notion de « gaz naturel » figurant à l’article 1er, 2°, de la loi du 12 avril 1965, de sorte que cette définition ne couvre plus seulement le gaz naturel d’origine fossile, mais aussi, notamment, le biogaz et le biométhane, et que le champ d’application d’un certain nombre de règles existantes prévues dans la loi du 12 avril 1965 en matière de stockage et de production est indirectement étendu aux installations de production et de stockage onshore de (plus) petite taille, telles les installations de biogaz.
Selon le Gouvernement flamand, cet excès de compétence se manifeste tout particulièrement lorsque la disposition attaquée est lue en combinaison avec l’article 1er, 5°bis, 6° et 38°, de la loi du 12 avril 1965.
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B.3.2. Il ressort clairement de l’exposé du premier moyen dans la requête que le Gouvernement flamand invoque la violation de la compétence régionale en matière de distribution du gaz et en matière de sources nouvelles d’énergie au sens de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b) et f), de la loi spéciale du 8 août 1980. Il ressort en outre des mémoires du Conseil des ministres et de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (ci-après : la CREG) que ceux-ci ont compris le premier moyen en ce sens et qu’ils ont répondu de manière appropriée aux griefs formulés par le Gouvernement flamand.
La Cour examine le moyen en ce sens.
B.4.1. Avant sa modification par l’article 13 de la loi du 21 mai 2023, l’article 1er, 2°, de la loi du 12 avril 1965 définissait le « gaz naturel » comme :
« tout produit combustible gazeux constitué essentiellement de méthane d’origine souterraine, y compris le gaz naturel liquéfié, en abrégé ‘ GNL ’ ».
L’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023 a abrogé les mots « d’origine souterraine »
dans cette définition.
Cette modification vise à ce que la définition de « gaz naturel » ne soit plus limitée au gaz naturel d’origine fossile, mais étendue à tous produits combustibles gazeux principalement constitués de méthane, parmi lesquels le biogaz, le biométhane et le méthane synthétique.
B.4.2. L’exposé des motifs justifie l’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023 comme suit :
« Dans le cadre de la transition énergétique en cours, les gestionnaires indépendants des infrastructures de gaz naturel, que ce soit le gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel, le gestionnaire d’installation de stockage de gaz naturel ou le gestionnaire d’installation de GNL, sont amenés à transporter du méthane dont l’origine n’est plus nécessairement fossile. Il s’agit par exemple du biogaz, produit à partir de la fermentation de matières organiques (des déchets provenant de différents secteurs tels que l’agriculture, l’industrie alimentaire, les collectivités, la restauration, les boues de stations d’épuration...) privées d’oxygène. Il peut aussi s’agir de biométhane, qui est un gaz obtenu après une épuration poussée du biogaz.
Débarrassé de dioxyde de carbone, d’eau et de sulfures d’hydrogènes, le biométhane atteint une composition très proche de celle du gaz naturel, d’origine fossile. Cette tendance va s’accroître et de nouvelles formes de méthane renouvelable vont voir le jour qui seront-elles aussi transportées par les infrastructures dédiées aujourd’hui au transport du gaz naturel d’origine
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fossile. Un exemple en est le méthane synthétique (ou ‘ e-methane ’ en anglais) produit de façon renouvelable par la combinaison d’électricité verte et de dioxyde de carbone capturé à la source auprès d’émetteurs industriels afin de limiter leurs émissions de gaz à effet de serre.
Afin de refléter cette évolution, il est proposé de modifier dans la loi du 12 avril 1965
relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations (ci-après ‘ la loi Gaz ’) la définition existante de ‘ gaz naturel ’, à savoir ‘ tout produit combustible gazeux constitué essentiellement de méthane d’origine souterraine, y compris le gaz naturel liquéfié, en abrégé “ GNL ” ’, en y supprimant le critère ‘ d’origine souterraine ’. Le concept de ‘ gaz naturel ’ ainsi défini répondrait plus objectivement et justement à la composition chimique (CH4) de base des différents gaz aujourd’hui transportés ou stockés ou amenés dans un futur proche à être transportés ou stockés dans le réseau existant de transport de gaz naturel, l’installation existante de stockage de gaz naturel et le terminal de GNL de Zeebrugge » (Doc. parl., Chambre, 2022-
2023, DOC 55-3238/001, p. 4).
B.5.1. La CREG allègue que le recours dirigé contre l’article 13 de la loi du 21 mai 2023
est irrecevable ratione temporis, en ce que le champ d’application de la loi du 12 avril 1965 a déjà été étendu au biogaz et à d’autres types de gaz par l’article 2, § 4, de la loi du 12 avril 1965, tel qu’il a été inséré par la loi du 8 janvier 2012 « portant modifications de la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et de la loi du 12 avril 1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations ».
B.5.2. La circonstance qu’un moyen soit dirigé contre une disposition législative nouvelle ayant une portée analogue à celle d’une disposition qui existait déjà n’implique pas en soi l’irrecevabilité de ce moyen.
B.5.3. L’article 2, § 4, de la loi du 12 avril 1965 dispose :
« Les règles établies par la présente loi pour le gaz naturel, y compris le GNL, s’appliquent également, de manière non discriminatoire, au biogaz et au gaz issu de la biomasse ou à d’autres types de gaz, dans la mesure où il est techniquement possible de les injecter et de les transporter en toute sécurité dans le réseau de gaz naturel et dans la mesure où ces types de gaz sont conformes au code de bonne conduite adopté en application de l’article 15/5undecies, ainsi que compatibles avec les normes de qualité exigées sur le réseau de transport de gaz naturel ».
Abstraction faite de la question de savoir si cette disposition a la même portée que l’article 1er, 2°, de la loi du 12 avril 1965, tel qu’il a été modifié par l’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023, il suffit de constater que le législateur a, en adoptant la disposition attaquée,
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manifesté sa volonté de légiférer à nouveau dans cette matière. Il s’en est de la sorte approprié le contenu, si bien que la disposition peut être contestée devant la Cour dans le délai légal.
B.5.4. À titre subsidiaire, la CREG affirme que le Gouvernement flamand ne justifie pas d’un intérêt à l’annulation de l’article 13 de la loi du 21 mai 2023, dès lors que cette annulation ferait renaître la réglementation précédemment applicable, qui contient des dispositions d’une même portée.
B.5.5. Aucune disposition de la loi spéciale du 6 janvier 1989 n’impose au Gouvernement flamand de justifier d’un intérêt pour introduire un recours en annulation.
B.5.6. Les exceptions sont rejetées.
B.6.1. En vertu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b) et f), de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes pour :
« En ce qui concerne la politique de l'énergie :
Les aspects régionaux de l'énergie, et en tout cas :
[...]
b) La distribution publique du gaz, y compris les tarifs des réseaux de distribution publique du gaz, à l’exception des tarifs des réseaux qui remplissent aussi une fonction de transport du gaz naturel et qui sont opérés par le même gestionnaire que le réseau de transport du gaz naturel;
[...]
f) Les sources nouvelles d’énergie à l’exception de celles liées à l’énergie nucléaire ».
B.6.2. L’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980 réserve toutefois à l’autorité fédérale les compétences concernant les matières « dont l’indivisibilité technique et économique requiert une mise en œuvre homogène sur le plan national, à savoir : [...] Les grandes infrastructures de stockage; le transport et la production de l’énergie ».
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B.6.3. Concernant l’articulation entre les compétences attribuées aux régions et celles qui sont réservées à l’autorité fédérale, les travaux préparatoires de la loi spéciale du 8 août 1988
modifiant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles exposent :
« Concernant la politique de l’énergie, les Régions sont compétentes pour les aspects régionaux de la politique de l’énergie et, en tout cas, pour les matières énumérées au premier alinéa de l’article 6, § 1er, VII, à la seule exception des matières dont l’indivisibilité technique et économique [requiert] une mise en œuvre homogène sur le plan national, matières limitativement et exhaustivement énumérées après les mots ‘ à savoir : ’. L’autorité nationale est compétente pour les exceptions précitées, ainsi que pour les aspects non régionaux de la politique de l’énergie » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 405/2, p. 111).
Le législateur spécial a donc conçu la politique de l’énergie comme une compétence exclusive partagée, dans le cadre de laquelle la distribution publique du gaz est confiée aux régions, tandis que le transport du gaz continue à relever de la compétence du législateur fédéral.
B.7. En vertu de l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4° et 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980, l’autorité fédérale est en outre seule compétente pour :
« 4° le droit de la concurrence et le droit des pratiques du commerce, à l’exception de l’attribution des labels de qualité et des appellations d’origine, de caractère régional ou local;
5° le droit commercial et le droit des sociétés ».
B.8. La compétence des régions relative aux aspects régionaux de l’énergie, et en tout cas pour ce qui concerne « la distribution publique du gaz » et les « sources nouvelles d’énergie », ne s’oppose pas à toute réglementation de l’autorité fédérale concernant tout autre type de gaz naturel que le gaz naturel d’origine fossile, y compris le biogaz et le biométhane. Une telle réglementation fédérale peut être compatible avec les règles répartitrices de compétences si, par exemple, elle s’inscrit dans le cadre de la compétence fédérale relative au transport du gaz, au droit de la concurrence, au droit des pratiques du commerce, au droit commercial ou au droit des sociétés. Par conséquent, l’autorité fédérale peut insérer une définition du « gaz naturel »
qui couvre également le biogaz et le biométhane.
B.9. Il n’en reste pas moins que les dispositions qui utilisent la définition attaquée doivent être compatibles avec les règles répartitrices de compétences.
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B.10.1. Tout d’abord, le Gouvernement flamand vise l’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023 lu en combinaison avec la définition de la notion d’« installations en amont »
inscrite à l’article 1er, 6°, de la loi du 12 avril 1965. Le Gouvernement flamand critique le fait que, par la modification de la notion de « gaz naturel », l’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023 étendrait la notion d’« installations en amont » aux petites installations de production de biogaz, lesquelles seraient, par conséquent, soumises aux articles 3, 15/9 et 17 de la loi du 12 avril 1965.
B.10.2. L’article 1er, 6°, de la loi du 12 avril 1965 définit la notion d’« installations en amont » comme « toutes canalisations et autres installations construites ou exploitées dans le cadre d’un projet de production de pétrole ou de gaz naturel, ou utilisées pour transporter du gaz naturel d’un ou plusieurs sites de production de pétrole ou de gaz naturel vers une usine ou un terminal de traitement ou d’atterrage final ». En vertu de l’article 1er, 8°, de la loi du 12 avril 1965, ces installations en amont font partie des « installations de transport ».
Ainsi que l’allègue le Conseil des ministres, la notion d’« installations en amont » figurant à l’article 1er, 6°, de la loi du 12 avril 1965 doit être comprise en ce sens qu’elle porte exclusivement sur les canalisations ou les installations destinées au transport du gaz naturel et non sur les installations destinées à sa production. Par conséquent, l’autorité fédérale est, en vertu de sa compétence en matière de transport de l’énergie, compétente pour régler les autorisations de transport pour la construction et l’exploitation de ces installations (article 3 de la loi du 12 avril 1965), l’accès à ces installations (article 15/9 de la même loi) ainsi que les prescriptions de sécurité pour ces installations (article 17 de la même loi).
Le fait qu’à la suite de la modification attaquée de la définition de la notion de « gaz naturel », la notion d’« installations en amont » viserait désormais également les canalisations ou les installations de transport de biogaz ou de biométhane ne change rien à ce qui précède.
En effet, l’autorité fédérale est compétente pour le transport de toutes les formes d’énergie, indépendamment du caractère fossile ou renouvelable de l’énergie transportée et indépendamment de la taille des infrastructures de transport concernées.
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B.10.3. Dans l’interprétation mentionnée en B.10.2, l’article 13 de la loi du 21 mai 2023, lu en combinaison avec l’article 1er, 6°, de la loi du 12 avril 1965, est conforme aux règles répartitrices de compétences prévues à l’article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.11.1. Ensuite, le Gouvernement flamand vise l’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023 lu en combinaison avec la définition de la notion d’« entreprise de gaz naturel »
inscrite à l’article 1er, 5°bis, de la loi du 12 avril 1965. Le Gouvernement flamand critique le fait que, par la modification de la notion de « gaz naturel », l’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023 étendrait la notion d’« entreprise de gaz naturel » aux petits producteurs onshore de gaz naturel qui sont raccordés au réseau de distribution et qui seraient, par conséquent, soumis au pouvoir de contrôle de la CREG en vertu de l’article 15/14, § 2, 5°, de la loi du 12 avril 1965.
B.11.2. L’article 1er, 5°bis, de la loi du 12 avril 1965 définit la notion d’« entreprise de gaz naturel » comme « toute personne physique ou morale qui remplit au moins une des fonctions suivantes : la production, le transport, la distribution, le comptage, la fourniture, l’achat ou le stockage de gaz naturel, y compris le GNL, et qui assure les missions commerciales, techniques et/ou d’entretien liées à ces fonctions, mais qui n’est pas client final ».
En vertu de l’article 15/14, § 2, 5°, de la loi du 12 avril 1965, la CREG « contrôle le respect par [...] les entreprises de gaz naturel des obligations qui leur incombent en vertu de la présente loi et de ses arrêtés d’exécution, ainsi que des autres dispositions législatives et réglementaires applicables pour le marché du gaz naturel, notamment en ce qui concerne les questions transfrontalières et les matières visées par le Règlement (CE) n° 715/2009 [du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ‘ concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel et abrogeant le règlement (CE) n° 1775/2005 ’] ».
B.11.3. L’autorité fédérale est compétente pour imposer des obligations aux entreprises de gaz naturel au sens de l’article 1er, 5°bis, de la loi du 12 avril 1965 et pour régler le contrôle du respect des obligations imposées auxdites entreprises, en ce que ces obligations s’inscrivent dans ses compétences en matière, notamment, de transport du gaz, du droit de la concurrence, du droit des pratiques du commerce, du droit commercial ou du droit des sociétés. L’extension de la notion d’« entreprise de gaz naturel » aux personnes physiques ou aux personnes morales
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qui s’occupent de la production, du transport, de la distribution, du comptage, de la fourniture, de l’achat ou du stockage de gaz naturel d’origine non fossile, tels le biogaz ou le biométhane, ne change rien à ce qui précède. Le Gouvernement flamand n’indique pas, parmi les obligations concrètes qui seraient imposées aux entreprises de gaz naturel et sur lesquelles la CREG exerce un contrôle, laquelle violerait une compétence attribuée aux régions.
B.11.4. L’article 13 de la loi du 21 mai 2023, lu en combinaison avec l’article 1er, 5°bis, de la loi du 12 avril 1965, ne viole aucune compétence attribuée aux régions.
B.12.1. Enfin, le Gouvernement flamand vise l’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023
lu en combinaison avec la définition de la notion d’« entreprise verticalement intégrée » inscrite à l’article 1er, 38°, de la loi du 12 avril 1965. Le Gouvernement flamand critique le fait que, par la modification de la notion de « gaz naturel », l’article 13, attaqué, de la loi du 21 mai 2023
étendrait la notion d’« entreprise verticalement intégrée » à toute entreprise produisant du biogaz à petite échelle et stockant également du biogaz au moyen d’une petite installation de stockage, entreprise qui serait, par conséquent, soumise à l’obligation, en vertu de l’article 15/12, § 2, de la loi du 12 avril 1965, de tenir une comptabilité séparée pour les activités de stockage.
B.12.2. L’article 1er, 38°, de la loi du 12 avril 1965 définit la notion d’« entreprise verticalement intégrée » comme « une entreprise de gaz naturel ou un groupe d’entreprises de gaz naturel qui confie directement ou indirectement à la même personne ou aux mêmes personnes l’exercice du contrôle et qui exerce au moins une des fonctions suivantes : transport, distribution, GNL ou stockage, et au moins une des fonctions suivantes : production ou fourniture de gaz naturel ».
En vertu de l’article 15/12, § 2, de la loi du 12 avril 1965, les entreprises de gaz naturel verticalement intégrées « tiennent, dans leur comptabilité interne, des comptes séparés pour leurs activités de transport, de distribution et de stockage de gaz naturel et les activités GNL et, le cas échéant, pour l’ensemble de leurs activités (non-liées au transport de gaz naturel, à la distribution de gaz naturel, aux activités GNL et au stockage de gaz naturel), de la même façon que si ces activités étaient exercées par des entreprises juridiquement distinctes ».
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B.12.3. L’obligation pour les entreprises de gaz naturel verticalement intégrées de tenir une comptabilité séparée pour leurs activités de stockage constitue une transposition de l’article 13, paragraphe 3, de la directive 98/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 « concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel »
(actuellement l’article 31, paragraphe 3, de la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 « concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE »), qui vise, selon ses termes, à « éviter les discriminations, les subventions croisées et les distorsions de concurrence ».
Par conséquent, cette obligation s’inscrit dans la compétence fédérale exclusive en matière de droit de la concurrence, de droit commercial et de droit des sociétés (article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4° et 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980). La circonstance selon laquelle cette obligation serait également applicable à une entreprise qui produit du biogaz à petite échelle et qui en stocke au moyen d’une petite installation de stockage n’y change rien. En effet, en vertu de l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4° et 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980, il relève également de la compétence de l’autorité fédérale de régler l’application du « droit de la concurrence », du « droit commercial » et du « droit des sociétés » mentionnés dans ces dispositions à un secteur d’activités spécifique, même si ce secteur relève entièrement ou partiellement de la compétence des communautés ou des régions.
B.12.4. L’article 13 de la loi du 21 mai 2023, lu en combinaison avec l’article 1er, 38°, de la loi du 12 avril 1965, ne viole aucune compétence attribuée aux régions.
B.13. Sous réserve de l’interprétation mentionnée en B.10.2, le premier moyen n’est pas fondé.
En ce qui concerne les deuxième et troisième moyens
B.14.1. Les deuxième et troisième moyens sont dirigés contre l’article 7, 3°, de la loi du 21 mai 2023, qui remplace l’article 11, § 2, de la loi du 29 avril 1999.
Avant son remplacement par l’article 7, 3°, attaqué, de la loi du 21 mai 2023, l’article 11, § 2, de la loi du 29 avril 1999 disposait :
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« La commission établit un code de bonne conduite. Dans ce code de bonne conduite, la commission définit, sur proposition du gestionnaire de réseau, et après consultation des utilisateurs du réseau, les conditions en ce qui concerne le raccordement et l’accès au réseau de transport.
Dans ce code de bonne conduite, la commission définit, après consultation des utilisateurs du réseau et du gestionnaire de réseau, les méthodes pour le calcul ou la détermination des conditions en ce qui concerne :
1° la dispense de services auxiliaires, qui sont exécutés de la manière la plus économique possible et qui offrent des mesures de stimulation adéquates pour les utilisateurs du réseau afin d’harmoniser leur input et leur output; ces services auxiliaires sont dispensés de manière équitable et non-discriminatoire et ils sont basés sur des critères objectifs, et
2° l’accès à l’infrastructure transfrontalière, en ce compris les procédures pour l’attribution de capacité et la gestion des congestions ».
Depuis son remplacement par l’article 7, 3°, de la loi du 21 mai 2023, l’article 11, § 2, de la loi du 29 avril 1999 dispose :
« La Commission établit un code de bonne conduite. Dans ce code de bonne conduite, la Commission définit :
1° sur proposition du gestionnaire du réseau, et après consultation des utilisateurs du réseau, les conditions concernant le raccordement et l’accès au réseau de transport, y compris les procédures de raccordement;
2° après consultation des utilisateurs du réseau et du gestionnaire du réseau, les conditions concernant :
a) sans préjudice de l’article 8, § 1/1, la fourniture des services auxiliaires, qui sont assurés de la manière la plus économique possible et qui fournissent des éléments d’incitation appropriés afin que les utilisateurs du réseau équilibrent leur apport et leur consommation; ces services auxiliaires sont équitables et non discriminatoires et fondés sur des critères objectifs;
et
b) l’accès aux infrastructures transfrontalières, y compris les procédures d’attribution des capacités et de gestion de la congestion.
Dans ce code de bonne conduite, la commission détermine également, après consultation des utilisateurs du réseau et du gestionnaire du réseau, les documents, y compris, le cas échéant les contrats-type que le gestionnaire du réseau doit lui soumettre pour approbation concernant les matières visées au présent paragraphe ».
B.14.2. Il ressort des travaux préparatoires que, par l’article 7, attaqué, de la loi du 21 mai 2023, le législateur entendait « délimiter plus précisément et encore plus clairement la
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répartition des compétences entre le Roi et la CREG [...] sur un certain nombre de points, et [...] nettoyer le lien avec certaines dispositions introduites par d’autres modifications législatives afin d’éviter d’éventuels problèmes d’interprétation et d’apporter ainsi plus de sécurité juridique » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3238/001, p. 11).
B.15.1. La CREG allègue que le recours dirigé contre l’article 7, 3°, de la loi du 21 mai 2023 est irrecevable ratione temporis, en ce que l’habilitation à définir, dans le code de bonne conduite, les conditions concernant « l’accès aux infrastructures transfrontalières » et « la fourniture des services auxiliaires » figurait déjà dans la disposition législative précédemment applicable.
B.15.2. Comme il est dit en B.5.2 et B.5.3, lorsque, dans une législation nouvelle, le législateur reprend une disposition ancienne, abstraction faite de la question de savoir si la disposition nouvelle a la même portée que la disposition ancienne, il suffit que le législateur ait, en adoptant la disposition nouvelle, manifesté sa volonté de légiférer à nouveau. La disposition nouvelle peut dès lors être contestée devant la Cour dans le délai légal.
B.15.3. À titre subsidiaire, la CREG soutient que le Gouvernement flamand ne justifie pas d’un intérêt à l’annulation de l’article 7, 3°, de la loi du 21 mai 2023, dès lors que cette annulation ferait renaître la réglementation précédemment applicable, laquelle contient des dispositions d’une même portée.
B.15.4. Comme il est déjà dit en B.5.5, aucune disposition de la loi spéciale du 6 janvier 1989 ne requiert du Gouvernement flamand qu’il justifie d’un intérêt pour introduire un recours en annulation.
B.15.5. Les exceptions sont rejetées.
B.16. Dans le deuxième moyen, le Gouvernement flamand invoque la violation, par l’article 7, 3°, de la loi du 21 mai 2023, de la compétence régionale en matière de distribution et de transport local d’électricité, contenue dans l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, en ce que la disposition attaquée attribuerait à la CREG la compétence de définir, dans le code de bonne conduite, les conditions concernant « l’accès aux
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infrastructures transfrontalières », sans limiter ces conditions aux infrastructures transfrontalières au niveau du réseau de transport.
B.17.1. En vertu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, relèvent des aspects régionaux de l’énergie :
« a) La distribution et le transport local d’électricité au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts, y compris les tarifs des réseaux de distribution d’électricité, à l’exception des tarifs des réseaux ayant une fonction de transport et qui sont opérés par le même gestionnaire que le réseau de transport ».
B.17.2. Toutefois, comme il est dit en B.6.2, l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980 réserve à l’autorité fédérale les compétences relatives aux matières « dont l’indivisibilité technique et économique requiert une mise en œuvre homogène sur le plan national, à savoir : [...] Les grandes infrastructures de stockage; le transport et la production de l’énergie ».
B.17.3. Le législateur spécial a donc conçu la politique de l’énergie comme une compétence exclusive partagée, dans le cadre de laquelle la distribution et le transport local d’électricité (au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts) sont confiés aux régions, tandis que le transport (non local) d’électricité continue à relever de la compétence du législateur fédéral.
B.18.1. L’article 11, § 2, 2°, b), de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été remplacé par l’article 7, 3°, attaqué, de la loi du 21 mai 2023, habilite la CREG à établir un code de bonne conduite, dans lequel elle définit, notamment, les conditions relatives à l’accès aux infrastructures transfrontalières.
B.18.2. Le Gouvernement flamand soutient que cette disposition n’est pas limitée aux infrastructures transfrontalières au niveau du réseau de transport, mais qu’elle vise également les infrastructures transfrontalières au niveau du réseau de transport local et des réseaux de distribution.
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B.18.3. Ainsi que l’allègue le Conseil des ministres, l’article 11, § 2, 2°, b), de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été remplacé par l’article 7, 3°, attaqué, de la loi du 21 mai 2023, doit être interprété en ce sens qu’il habilite uniquement la CREG à définir les conditions relatives à l’accès aux infrastructures transfrontalières au niveau du réseau de transport, à savoir un réseau dont la tension nominale est supérieure à 70 000 volts. Cette interprétation tient compte du fait que l’article 11 de la loi du 29 avril 1999 fait partie du chapitre III de cette loi (« Gestion du réseau de transport »), du fait que le champ d’application de l’article 11, § 1er et § 2, 1°, de la loi du 29 avril 1999 est bien expressément limité au réseau de transport, ainsi que du fait qu’en vertu de l’article 11, § 2, 2°, de la loi du 29 avril 1999, les conditions d’accès aux infrastructures transfrontalières ne peuvent être établies qu’« après consultation des utilisateurs du réseau et du gestionnaire du réseau », à savoir les utilisateurs et les gestionnaires du réseau de transport (article 2, 8° et 18°, de la loi du 29 avril 1999).
Dans cette interprétation, l’article 11, § 2, 2°, b), de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été remplacé par l’article 7, 3°, attaqué, de la loi du 21 mai 2023, est conforme aux règles répartitrices de compétences prévues à l’article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.19. Sous réserve de l’interprétation mentionnée en B.18.3, le deuxième moyen n’est pas fondé.
B.20. Dans le troisième moyen, le Gouvernement flamand invoque la violation, par l’article 7, 3°, de la loi du 21 mai 2023, de la compétence régionale en matière de distribution et de transport local d’électricité, contenue dans l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, en ce que cette disposition attribuerait à la CREG la compétence de définir, dans le code de bonne conduite, les conditions relatives à la « fourniture des services auxiliaires », sans limiter ces conditions aux services auxiliaires au niveau du réseau de transport.
B.21.1. L’article 11, § 2, 2°, a), de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été remplacé par l’article 7, 3°, attaqué, de la loi du 21 mai 2023, habilite la CREG à établir un code de bonne conduite, dans lequel elle définit, notamment, les conditions concernant la « fourniture des services auxiliaires ».
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L’article 2, 101°, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 2 de la loi du 21 juillet 2021 « modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et modifiant la loi du 12 avril 1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations », définit la notion de « service auxiliaire » comme « un service nécessaire à l’exploitation d’un réseau de transport ou de distribution, en ce compris les services d’équilibrage et les services auxiliaires non liés à la fréquence, mais à l’exception de la gestion des congestions ».
L’article 2, 114°, de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 2, 9°, de la loi du 23 octobre 2022 « modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité et portant transposition de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE », définit la notion de « service auxiliaire non lié au réglage de la fréquence » comme « un service utilisé par un gestionnaire de réseau de transport ou un gestionnaire de réseau de distribution pour le réglage de la tension en régime permanent, l’injection rapide de puissance réactive, l’inertie aux fins de la stabilité locale du réseau, le courant de court-circuit, la capacité de démarrage autonome et la capacité d’îlotage ».
B.21.2. Certes, les définitions prévues à l’article 2, 101° et 114°, de la loi du 29 avril 1999
n’excluent pas que des services utilisés par un gestionnaire de réseau de distribution pour un réseau dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts soient qualifiés de services auxiliaires ou de services auxiliaires non liés au réglage de la fréquence.
Cependant, pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés en B.18.3, l’habilitation donnée à la CREG de définir, dans le code de bonne conduite, les conditions relatives à la fourniture des services auxiliaires, ainsi que le prévoit l’article 11, § 2, 2°, a), de la loi du 29 avril 1999, doit être interprétée en ce sens que la CREG est uniquement habilitée à définir les conditions relatives à la fourniture des services auxiliaires qui sont nécessaires pour l’exploitation du réseau de transport, à savoir un réseau dont la tension nominale est supérieure à 70 000 volts.
Dans cette interprétation, l’article 11, § 2, 2°, a), de la loi du 29 avril 1999, tel qu’il a été remplacé par l’article 7, 3°, attaqué, de la loi du 21 mai 2023, est conforme aux règles répartitrices de compétences prévues à l’article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980.
22
B.22. Sous réserve de l’interprétation mentionnée en B.21.2, le troisième moyen n’est pas fondé.
23
Par ces motifs,
la Cour,
sous réserve des interprétations mentionnées en B.10.2, en B.18.3 et en B.21.2, rejette le recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 26 septembre 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Luc Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 103/2024
Date de la décision : 26/09/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

Rejet du recours (sous réserve des interprétations qui sont mentionnées en B.10.2, en B.18.3 et en B.21.2)

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - le recours en annulation des articles 7, 3°, et 13 de la loi du 21 mai 2023 « portant des dispositions diverses en matière d'énergie », introduit par le Gouvernement flamand. Energie - Règles répartitrices de compétences - 1. Marché du gaz - Modification de la notion de gaz naturel - 2. Marché de l'électricité - Distribution et transport local d'électricité - Conditions concernant l'accès aux infrastructures transfrontalières - Délégation à la CREG


Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-09-26;103.2024 ?

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