Cour constitutionnelle
Arrêt n° 110/2024
du 24 octobre 2024
Numéro du rôle : 8028
En cause : le recours en annulation des articles 2, a), 3 et 4 du décret de la Région wallonne du 8 décembre 2022 « modifiant le décret du 3 avril 2009 relatif à la protection contre les éventuels effets nocifs et nuisances provoqués par les rayonnements non ionisants générés par des antennes émettrices stationnaires », introduit par l’ASBL « Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Ecologique et de la santé » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Joséphine Moerman, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt et Kattrin Jadin, assistée du greffier Frank Meersschaut, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 16 juin 2023 et parvenue au greffe le 19 juin 2023, un recours en annulation des articles 2, a), 3 et 4 du décret de la Région wallonne du 8 décembre 2022 « modifiant le décret du 3 avril 2009 relatif à la protection contre les éventuels effets nocifs et nuisances provoqués par les rayonnements non ionisants générés par des antennes émettrices stationnaires » (publié au Moniteur belge du 16 décembre 2022; errata publiés au Moniteur belge des 27 janvier 2023, deuxième édition, et 21 décembre 2023) a été introduit par l’ASBL « Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Ecologique et de la santé », l’ASBL « Association pour la Reconnaissance de l’ElectroHyperSensibilité » et Eric Defourny, assistés et représentés par Me Denis Brusselmans, avocat au barreau du Brabant wallon.
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
2
- la SA de droit public « Proximus », assistée et représentée par Me Bart Martel et Me Margaux De Backer, avocats au barreau de Bruxelles (partie intervenante);
- le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me Jean-François Cartuyvels, avocat au barreau du Luxembourg.
Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 17 juillet 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteures Emmanuelle Bribosia et Joséphine Moerman, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
A.1. Les deux premières parties requérantes sont des associations sans but lucratif : l’ASBL « Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Ecologique et de la santé » (ci-après : le GRAPPE) et l’ASBL « Association pour la Reconnaissance de l’ElectroHyperSensibilité » (ci-après : l’AREHS). Le GRAPPE
indique que son objet social est de favoriser et développer une véritable politique écologique, ce qui comprend un intérêt pour la régulation publique en matière de pollution électromagnétique. L’AREHS, quant à elle, a un objet social lié à la reconnaissance légale de l’électro-sensibilité. Tant le GRAPPE que l’AREHS sont à la base de la création des collectifs spécifiques « Stop 5G » et « Stop compteurs communicants », dont le but est de s’opposer aux rayons non ionisants. Les deux associations estiment par conséquent avoir un intérêt au recours. La troisième partie requérante, Eric Defourny, souffre d’intolérance aux champs électromagnétiques attestée médicalement et réside en Région wallonne. Il est donc directement affecté par les dispositions attaquées.
A.2. La SA « Proximus », partie intervenante, justifie son intervention dans la procédure par le fait qu’elle regroupe actuellement quatre différents réseaux de téléphonie mobile : 2G, 3G, 4G et 5G. À ce titre, elle procède régulièrement à des travaux, considérés d’ordre public, pour améliorer la couverture. La partie intervenante s’estime par conséquent directement affectée par le sort des normes d’immission en matière de rayonnement non ionisant.
A.3. Les parties requérantes demandent l’annulation du décret de la Région wallonne du 8 décembre 2022
« modifiant le décret du 3 avril 2009 relatif à la protection contre les éventuels effets nocifs et nuisances provoqués par les rayonnements non ionisants générés par des antennes émettrices stationnaires » (ci-après : le décret du 8 décembre 2022), qui introduit de nouvelles normes d’immission relatives aux rayonnements non ionisants.
A.4. La partie intervenante rappelle que le décret du 8 décembre 2022 ne procède pas au simple relèvement des seuils applicables mais réforme l’ensemble de la matière. En effet, il existe désormais deux normes, en lieu et
3
place de l’unique norme antérieure, à savoir une norme d’immission par exploitant, fixée à 9,2 V/m (à 900 MHz)
ainsi qu’une norme d’immission cumulative pour toutes les antennes de l’ensemble des exploitants d’un même site, fixée à 18,40 V/m (à 900 MHz).
Premier moyen
A.5. Les parties requérantes soulèvent un premier moyen pris d’une « erreur de fait », de la violation des principes de précaution, de minutie et de prudence, des formes substantielles et de l’égalité formelle et matérielle, ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, elles estiment que la formule mathématique indiquée dans le décret du 8 décembre 2022 est erronée.
Le décret du 8 décembre 2022 mentionne la formule suivante :
Σ(Ef/Er,f)2:S1
67/f 0,7
(0,307 x √f)
134/f 0,7
(0,614 x √f)
alors que la formule correcte aurait dû, selon les parties requérantes, être celle-ci :
∑ (Ef/Er,f)2