Cour constitutionnelle
Arrêt n° 10/2025
du 30 janvier 2025
Numéro du rôle : 8114
En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 4, § 1er, alinéa 1er, 2°, et 84
du décret de la Région wallonne du 8 février 2018 « relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales », posées par le Tribunal du travail de Liège, division de Namur.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Yasmine Kherbache, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia et Magali Plovie, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles et procédure
Par jugement du 16 novembre 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 4 décembre 2023, le Tribunal du travail de Liège, division de Namur, a posé les questions préjudicielles suivantes :
« Les article 4 § 1, [alinéa 1er,] 2° et 84 du décret wallon du 08.02.2018 lus ensemble ou isolément violent-ils les articles 10, 11 et 23 de la Constitution lus ensemble ou isolément en ce que ces articles du décret wallon, du fait de l’effet déclaratif de la reconnaissance du statut de réfugié et de ses conséquences en terme de titre de séjour, traitent de la même façon des catégories d’enfants distinctes à savoir d’une part, les enfants étrangers demandeurs de protection internationale ultérieurement reconnu comme réfugiés résidant en Wallonie dont les besoins ont été pris en charge durant la procédure de demande de protection internationale via une aide matérielle de l’autorité publique prévue par la loi du 12.01.2007 et d’autres part, les autres enfants (étrangers ou belges résidant en Wallonie dont les besoins n’ont pas été pris en charge via une aide matérielle de l’autorité publique) ? »;
« Les article 4 § 1, [alinéa 1er,] 2° et 84 du décret wallon du 08.02.2018 lus ensemble ou isolément violent-ils les articles 10, 11 et 23 de la Constitution lus ensemble ou isolément en ce que ces articles du décret wallon traitent de la même façon, un enfant étranger ‘ ultérieurement reconnu réfugié ’ dont les besoins ont été pris en charge dans le cadre de l’aide matérielle et un
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autre enfant étranger ‘ ultérieurement reconnu comme réfugié ’ qui n’aurait pas vu ses besoins pris en charge dans le cadre de l’aide matérielle ? ».
Des mémoires ont été introduits par :
- le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me Sébastien Depré et Me Anne-Charlotte Ekwalla Timsonet, avocats au barreau de Bruxelles;
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me Bart Martel et Me Kristof Caluwaert, avocats au barreau de Bruxelles.
Par ordonnance du 20 novembre 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Thierry Giet et Sabine de Bethune, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
La demanderesse devant la juridiction a quo est arrivée en Belgique avec ses enfants. Le 4 janvier 2019, elle introduit une demande de protection internationale. À partir du 5 janvier 2019, ses enfants et elle bénéficient de l’aide matérielle prévue par la loi du 12 janvier 2007 « sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers » (ci-après : la loi du 12 janvier 2007). Le 25 juin 2021, ses enfants et elle se voient reconnaître le statut de réfugiés. Elle introduit ensuite une demande de perception d’allocations familiales pour ses enfants.
Le 3 décembre 2021, la Caisse publique wallonne d’allocations familiales (ci-après : FAMIWAL) lui reconnaît le droit aux allocations familiales à partir du 1er juillet 2021, au motif que ses enfants et elle ne se sont vu attribuer le statut de réfugié que le 25 juin 2021 et que les allocations familiales sont octroyées à partir du premier jour du mois qui suit le moment auquel est attribué le statut de réfugié.
Le 25 février 2022, elle introduit devant le Tribunal du travail de Liège, division de Namur, un recours dirigé contre cette décision de FAMIWAL. Le Tribunal constate que la reconnaissance du statut de réfugié a un effet déclaratif et que la demanderesse remplit dès lors les conditions d’ouverture du droit aux allocations familiales depuis le 4 janvier 2019. Il s’interroge cependant sur la compatibilité avec le principe d’égalité et de non-
discrimination de l’identité de traitement entre, d’une part, des enfants dont les besoins ont été pris en charge dans le cadre de l’aide matérielle et, d’autre part, des enfants dont les besoins n’ont pas été pris en charge dans le cadre d’une aide matérielle de l’autorité publique, et il décide dès lors de poser à la Cour les questions préjudicielles reproduites plus haut.
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III. En droit
-A-
A.1. Le Gouvernement wallon fait valoir que les catégories d’enfants identifiées dans les deux questions préjudicielles sont suffisamment comparables, de sorte que l’identité de traitement résultant des dispositions en cause est justifiée.
A.2. En ce qui concerne la première question préjudicielle, le Gouvernement wallon explique que l’aide matérielle prévue par la loi du 12 janvier 2007 « sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers » (ci-après : la loi du 12 janvier 2007) organise pour les enfants étrangers un confort de vie respectant la dignité humaine, de sorte qu’ils se trouvent dans une situation identique à celle de tout autre enfant résidant en Région wallonne. Le Gouvernement wallon expose que cette aide matérielle vise à garantir le développement de l’enfant et qu’elle a pour but de compenser le devoir d’entretien de leurs enfants que les parents étrangers ne peuvent remplir.
Le Gouvernement wallon souligne que les allocations familiales ne se substituent pas au devoir des parents d’entretenir leurs enfants, mais qu’elles constituent un complément financier à la parentalité.
Le Gouvernement wallon en déduit qu’il est justifié qu’un enfant bénéficie des allocations familiales, que son entretien soit pris en charge par ses parents ou par une autorité publique.
A.3. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, le Gouvernement wallon expose que, si l’aide matérielle prévue par la loi du 12 janvier 2007 peut, dans certaines conditions, être limitée, voire temporairement supprimée, ces hypothèses sont exceptionnelles et visent à prévenir les abus. Il indique que la Cour a considéré que ces mesures exceptionnelles n’étaient pas disproportionnées et il ajoute que l’aide médicale permet de toujours garantir un niveau de vie digne.
Le Gouvernement wallon considère dès lors que la restriction ou le retrait de l’aide matérielle pour certains enfants réfugiés, dans ces hypothèses exceptionnelles, est justifié. Le Gouvernement wallon réitère également que, dès lors que l’aide matérielle et les allocations familiales poursuivent des objectifs différents, il est justifié que l’enfant ait droit aux allocations familiales indépendamment de la question de la restriction ou non de son aide matérielle.
A.4. Le Gouvernement flamand s’en remet à la sagesse de la Cour.
-B-
Quant aux dispositions en cause et à leur contexte
B.1.1. Les questions préjudicielles portent sur le droit des enfants réfugiés de bénéficier d’allocations familiales en vertu des articles 4, § 1er, et 84 du décret de la Région wallonne du 8 février 2018 « relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales » (ci-après : le décret du 8 février 2018) pour une période pendant laquelle ils ont bénéficié de l’aide matérielle prévue par la loi du 12 janvier 2007 « sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers » (ci-après : la loi du 12 janvier 2007).
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B.1.2. Le décret du 8 février 2018 remplace le régime fédéral des prestations familiales par un régime instauré au niveau de la Région wallonne pour tous les enfants nés à partir du 1er janvier 2020. Pour les enfants nés avant cette date, l’article 120 du décret du 8 février 2018
prévoit, à titre transitoire, que ce sont les dispositions de ce décret qui s’appliquent quant aux conditions d’ouverture du droit aux prestations familiales, tandis que le montant de celles-ci reste défini par le régime fédéral.
B.2.1. L’article 4, § 1er, du décret du 8 février 2018, tel qu’il est applicable au litige pendant devant la juridiction a quo, dispose :
« L’enfant ouvre le droit aux prestations familiales si, cumulativement :
1° il a son domicile légal sur le territoire de la région de langue française ou, s’il n’a pas de domicile légal, il réside effectivement en région de langue française;
2° il est de nationalité belge, ou bénéficiaire d’un titre de séjour en Belgique, ou dont les parents sont apatrides.
L’attestation d’immatriculation ne constitue pas un titre de séjour au sens du présent décret.
L’enfant issu d’un pays tiers et autorisé à séjourner en Belgique pour y poursuivre ses études ne remplit pas les conditions prévues à l’alinéa 1er.
L’enfant de moins de douze ans qui n’est pas bénéficiaire d’un titre de séjour en Belgique ouvre le droit aux prestations familiales lorsque l’un de ses parents est bénéficiaire d’un titre de séjour en Belgique ».
B.2.2. L’article 84, § 1er, alinéa 1er, du décret du 8 février 2018 dispose :
« L’octroi des prestations familiales prend cours dès le premier jour du mois qui suit le mois dans lequel le droit aux allocations familiales naît ».
B.2.3. Les travaux préparatoires du décret du 8 février 2018 expliquent que l’article 4 de ce décret :
« ouvre le droit aux allocations familiales aux enfants belges ainsi qu’aux enfants titulaires d’un titre de séjour sur base de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. […]
L’expression ‘ bénéficiaire d’un titre de séjour en Belgique ’ englobe largement tous les individus, et dès lors leurs enfants, qui se trouvent en séjour légal sur le territoire. Cela
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comprend donc les bénéficiaires d’un titre de séjour tant sur base de la loi du 15 décembre 1980, mais aussi les bénéficiaires d’un titre de séjour octroyé sur base de conventions internationales particulières. […] Les réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire sont également englobés par cette expression, puisque leur statut de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire est accompagné d’un droit au séjour en Belgique » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 989/1, pp. 21-22).
B.3. La juridiction a quo juge que, compte tenu du caractère déclaratif de la reconnaissance du statut de réfugié, un réfugié doit être considéré rétroactivement comme ayant, dès le moment où il a demandé ce statut, satisfait à la condition, prévue à l’article 4, § 1er, précité, du décret du 8 février 2018, d’être bénéficiaire d’un titre de séjour en Belgique.
La circulaire n° 26 de l’Agence pour une vie de qualité confirme cette interprétation de l’article 4, § 1er, précité :
« Etranger réfugié (qui a obtenu ce statut) : Le droit aux allocations familiales est établi à partir de la date de la demande de ce statut, et non à la date d’autorisation. En effet, la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 précise en son considérant 21 que ‘ La reconnaissance du statut de réfugié est un acte déclaratif ’. Ceci a comme conséquence qu’à la décision prise par le CGRA, le réfugié dispose de ce statut à la date de l’introduction de sa demande et donc que les motifs qui, en terme de titre de séjour, empêchaient l’établissement du droit aux allocations familiales doivent être considérés comme n’ayant jamais existé. Par exemple, si un étranger introduit une demande à la date du 12/03/2020, mais que la décision n’est accordée par le CGRA qu’à partir du 29/10/2021, le droit aux allocations familiales pourra être établi à partir du 01/04/2020 » (Agence pour une vie de qualité, circulaire n° 26, Application de l’article 4 du décret wallon : titres de séjour, point 4.1).
B.4. En 2024, le législateur décrétal a souhaité modifier cette règle. Par l’article 2 du décret de la Région wallonne du 25 avril 2024 « modifiant le décret du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales », il a inséré, dans l’article 4, § 1er, précité, du décret du 8 février 2018, un nouvel alinéa 5, en vertu duquel :
« L’enfant qui ne dispose pas de la nationalité belge est bénéficiaire des prestations familiales à la date de la décision de reconnaissance du statut de réfugié ou à la date de l’attribution du statut de protection subsidiaire ».
Cette modification est entrée en vigueur le 19 juillet 2024 et n’est donc pas applicable au litige devant la juridiction a quo.
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La Cour répond aux questions préjudicielles en ce qu’elles visent l’article 4, § 1er, du décret du 8 février 2018, tel qu’il était applicable avant cette modification.
B.5. Les questions préjudicielles mentionnent également la loi du 12 janvier 2007 précitée.
En vertu de l’article 6, § 1er, de cette loi, tout demandeur d’asile bénéficie de l’aide matérielle dès la présentation de sa demande d’asile, et ce, pendant toute la procédure d’asile, pour autant que le bénéficiaire de l’accueil soit autorisé à demeurer sur le territoire. Cette « aide matérielle »
est une aide octroyée par l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (ci-après :
Fedasil) ou par un « partenaire », c’est-à-dire par une personne morale de droit public ou de droit privé chargée par Fedasil, et aux frais de celle-ci, de dispenser cette aide (article 2, 6°, lu en combinaison avec l’article 2, 8° et 9°, de la loi du 12 janvier 2007). Elle est octroyée au sein d’une structure d’accueil et consiste « notamment en l’hébergement, les repas, l’habillement, l’accompagnement médical, social et psychologique et l’octroi d’une allocation journalière »
(article 2, 6°, de la même loi).
Quant aux questions préjudicielles
B.6. La Cour est interrogée sur la compatibilité de l’article 4, § 1er, du décret du 8 février 2018, tel qu’il était applicable avant sa modification par le décret du 25 avril 2024, et de l’article 84 du même décret avec les articles 10, 11 et 23 de la Constitution. La juridiction a quo considère en effet que ces dispositions traitent de la même manière des catégories d’enfants distinctes. Ainsi, les enfants qui se sont vu reconnaître le statut de réfugié ont droit aux allocations familiales pour la période pendant laquelle ils ont aussi bénéficié de l’aide matérielle prévue par la loi du 12 janvier 2007, alors que d’autres enfants qui ont également droit aux allocations familiales n’ont pas vu leurs besoins pris en charge par une aide matérielle de l’autorité publique. La juridiction a quo vise, à cet égard, d’une part, les enfants « étrangers ou belges résidant en Wallonie dont les besoins n’ont pas été pris en charge via une aide matérielle de l’autorité publique » (première question) et, d’autre part, les enfants étrangers ultérieurement reconnus comme réfugiés qui n’auraient pas vu leurs besoins pris en charge dans le cadre de l’aide matérielle prévue par la loi du 12 janvier 2007 (seconde question).
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B.7. Ni les questions préjudicielles ni les motifs de la décision de renvoi ne précisent en quoi les dispositions en cause seraient incompatibles avec l’article 23 de la Constitution. En ce qu’elles portent sur le respect de cette disposition, les questions préjudicielles sont dès lors irrecevables.
B.8. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s’oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu’apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.9. En matière socio-économique, le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il n’appartient à la Cour de sanctionner le choix politique posé par le législateur et les motifs qui le fondent que s’ils sont dépourvus de justification raisonnable.
B.10.1. Par le décret du 8 février 2018, le législateur décrétal a souhaité mettre en place un régime « simple et transparent » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 989/1, p. 5), dans le but de « soutenir les parents qui ont fait [le choix d’avoir un enfant] en permettant aux familles de vivre dans des conditions dignes » et en contribuant à « réduire l’écart de niveau de vie entre les familles et les personnes sans enfant » (ibid., p. 11). Constatant que l’inscription du droit aux prestations familiales à l’article 23 de la Constitution a renforcé l’idée que les allocations familiales visent à contribuer aux frais d’entretien et d’éducation des enfants, le législateur décrétal a mis en place un modèle centré sur le droit de l’enfant aux allocations familiales (ibid., pp. 6 et 9). Il a recherché « l’automatisation des droits », ce qui contribue également à la « lutte contre la pauvreté infantile dans le cadre du Plan wallon » (ibid., p. 6).
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Ces objectifs et ces choix sont légitimes.
B.10.2. Le régime ainsi mis en place prévoit un droit inconditionnel de l’enfant aux allocations familiales jusqu’au 31 août de l’année de ses dix-huit ans, pour autant qu’il satisfasse aux conditions liées à son domicile et à sa nationalité ou à son titre de séjour (articles 4, § 1er, et 5, § 1er, du décret du 8 février 2018).
B.10.3. Dans ce contexte, le législateur décrétal n’a pas fait le choix de lier l’octroi des allocations familiales à la condition que les besoins de l’enfant ne soient pas pris en charge par une aide matérielle de l’autorité publique. Ainsi, les enfants placés dans une institution à charge de l’autorité publique ont droit aux allocations familiales, lesquelles sont versées à concurrence de deux tiers à l’institution et d’un tiers à l’enfant lui-même ou à la personne qui l’élève (article 22, § 4, du décret du 8 février 2018). De même, aucune exception n’est prévue dans le décret du 8 février 2018 en ce qui concerne les enfants bénéficiant d’une aide matérielle de l’autorité publique, comme un logement social.
B.11. Eu égard à l’objectif du législateur décrétal de mettre en place un modèle centré sur le droit de l’enfant aux allocations familiales et basé sur le caractère inconditionnel de ce droit, pour autant que l’enfant satisfasse aux conditions de domicile et de nationalité ou de titre de séjour, les enfants réfugiés ayant bénéficié de l’aide matérielle prévue par la loi du 12 janvier 2007 ne sont pas dans une situation essentiellement différente de celle des enfants réfugiés n’ayant pas bénéficié de cette aide matérielle, ni de celle des enfants « étrangers ou belges résidant en Wallonie dont les besoins n’ont pas été pris en charge via une aide matérielle de l’autorité publique ».
Au surplus, si certains enfants réfugiés ne bénéficiant pas de l’aide matérielle prévue par la loi du 12 janvier 2007 ou certains enfants étrangers ou belges résidant en Wallonie ne bénéficiant pas d’une aide matérielle de l’autorité publique font, en raison de leurs besoins ou de leur situation économique, l’objet d’une discrimination par rapport aux enfants bénéficiant de l’aide matérielle précitée, cette discrimination ne trouve pas sa source dans les dispositions en cause.
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L’identité de traitement résultant des articles 4, § 1er, et 84, du décret du 8 février 2018
entre les catégories d’enfants visées dans les questions préjudicielles n’est pas discriminatoire.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
L’article 4, § 1er, du décret de la Région wallonne du 8 février 2018 « relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales », tel qu’il était applicable avant sa modification par le décret de la Région wallonne du 25 avril 2024 « modifiant le décret du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales », et l’article 84 du décret précité du 8 février 2018, en ce qu’ils ouvrent le droit aux allocations familiales des enfants réfugiés dès le moment où ceux-ci ont demandé ce statut, et ce, même s’ils ont bénéficié de l’aide matérielle prévue par la loi du 12 janvier 2007 « sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers », ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 30 janvier 2025.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Pierre Nihoul