Cour constitutionnelle
Arrêt n° 12/2025
du 30 janvier 2025
Numéro du rôle : 8137
En cause : la question préjudicielle relative à l’article 356 du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par la Cour d’appel de Gand.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters et Magali Plovie, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par arrêt du 5 décembre 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 8 janvier 2024, la Cour d’appel de Gand a posé la question préjudicielle suivante :
« L’article 356 du Code des impôts sur les revenus 1992 viole-t-il les articles 10, 11 et 172
de la Constitution, dans l’interprétation selon laquelle :
- une cotisation subsidiaire, y compris un accroissement d’impôt, peut être soumise au juge afin d’être déclarée valable et recouvrable si la cotisation primitive a été annulée en tout ou en partie et que cette annulation n’est pas limitée au seul accroissement d’impôt initialement infligé,
- alors qu’une telle possibilité n’existe pas si la cotisation primitive a été annulée uniquement en ce qui concerne l’accroissement d’impôt, de sorte que, dans cette situation, aucun accroissement d’impôt ne peut plus être déclaré valable et recouvrable à charge du contribuable concerné par la soumission d’une cotisation subsidiaire ? ».
Des mémoires ont été introduits par :
- la SA « Cositex », assistée et représentée par Me Thierry Lauwers, avocat au barreau de Gand;
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- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Reinhard Van Hecke, avocat au barreau de Gand;
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me Mark Delanote, avocat au barreau de Bruxelles.
Le Gouvernement flamand a également introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 20 novembre 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Yasmine Kherbache et Michel Pâques, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Par son arrêt du 4 janvier 2022, la Cour d’appel de Gand a annulé l’imposition établie à l’égard de la SA « Cositex », partie appelante, pour violation de l’article 333 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-
après : le CIR 1992). En application de l’article 356 du CIR 1992, l’administration a ensuite soumis au juge une cotisation subsidiaire au précompte mobilier pour l’exercice d’imposition 2014. La SA « Cositex » demande à la Cour d’appel de Gand de rejeter cette demande comme étant non fondée et, pour autant que de besoin, de poser une question préjudicielle à la Cour.
La Cour d’appel de Gand considère que la position de la SA « Cositex », selon laquelle aucune cotisation subsidiaire ne peut être soumise au juge en vue d’être déclarée valable et recouvrable en application de l’article 356
du CIR 1992 lorsque la cotisation primitive n’a été annulée que dans la mesure de l’accroissement d’impôt, n’est pas manifestement erronée. En revanche, un accroissement d’impôt peut être inclus dans la cotisation subsidiaire lorsque la cotisation primitive a été annulée en raison d’un établissement incorrect de la base imposable, dès lors que la cotisation subsidiaire porte bien sur au moins une partie des mêmes éléments d’imposition que la cotisation primitive. La SA « Cositex » affirme que cette différence de traitement n’est pas compatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination.
La Cour d’appel de Gand demande à la Cour de statuer sur la question préjudicielle proposée par la partie appelante.
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III. En droit
-A-
A.1.1. La SA « Cositex », partie appelante dans le litige soumis à la juridiction a quo, soutient que, lorsqu’une juridiction annule l’accroissement d’impôt, l’administration ne peut établir une cotisation subsidiaire uniquement sur la base de cet élément.
Selon la SA « Cositex », un accroissement d’impôt ne constitue pas un élément d’imposition au sens de l’article 356 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992), qui contribue à la fixation de la base imposable. Un accroissement d’impôt est une sanction qui influence le calcul de l’impôt après la fixation de la base imposable.
Elle considère qu’il est inconstitutionnel qu’une cotisation subsidiaire faisant suite à une décision judiciaire qui a annulé tout ou partie de la cotisation primitive proprement dite, et donc pas uniquement l’accroissement d’impôt, puisse finalement tout de même inclure un accroissement d’impôt.
A.1.2. Selon la SA « Cositex », cette différence de traitement ne peut se justifier au regard des objectifs des articles 356 et 444 du CIR 1992. L’article 356 du CIR 1992 a ainsi pour but d’éviter que des impôts sur les revenus échappent à l’administration fiscale à cause de vices de procédure affectant une cotisation, et non de maintenir des accroissements d’impôt.
A.1.3. Selon la SA « Cositex », les deux catégories de contribuables se trouvent dans des situations comparables. Ainsi, une juridiction peut par exemple décider pour une catégorie de contribuables d’annuler totalement une imposition, en ce compris l’accroissement d’impôt, parce que la base imposable a été évaluée sur la base d’un acte d’investigation illicite et que l’accroissement d’impôt a été établi sans motivation préalable.
Pour l’autre catégorie de contribuables, une juridiction peut décider d’annuler une imposition uniquement pour ce qui concerne l’accroissement d’impôt, également établi sans motivation préalable. Dans les deux cas, l’accroissement d’impôt est annulé, sur la base ou non du même motif, mais la cotisation subsidiaire ne peut inclure un accroissement d’impôt que pour la première catégorie de contribuables.
A.2.1. Le Conseil des ministres fait valoir que la Cour n’est pas compétente pour répondre à la question préjudicielle, puisque celle-ci a uniquement pour but de demander à la Cour quelle interprétation il faut donner au membre de phrase « tout ou partie des mêmes éléments d’imposition » à l’article 356 du CIR 1992. Il appartient en principe à la juridiction a quo de définir, sous le contrôle de la Cour de cassation, les normes qui s’appliquent au litige.
Par ailleurs, l’interprétation soumise à la Cour est manifestement erronée. Le Conseil des ministres affirme que la jurisprudence a toujours considéré que les articles 355 et 356 du CIR 1992 ne s’opposent pas à l’application d’un accroissement d’impôt à la cotisation subsidiaire. Le membre de phrase « tout ou partie des mêmes éléments d’imposition » vise uniquement à empêcher l’administration d’augmenter la base imposable par rapport à la cotisation primitive, et ne constitue nullement une condition minimale dans le cadre de l’application d’une cotisation subsidiaire.
A.2.2. À titre subsidiaire, le Conseil des ministres affirme que la question préjudicielle appelle une réponse négative. Premièrement, il n’y a, selon le Conseil des ministres, aucune différence de traitement. La circonstance que, dans certains cas, il ne soit plus possible d’établir une cotisation subsidiaire n’a rien à voir avec le fait que le juge n’a annulé que l’accroissement d’impôt, mais résulte de ce que le juge a déjà statué sur le fond de l’affaire.
La possibilité d’infliger l’accroissement d’impôt par le biais de la cotisation subsidiaire dépend de la décision que le juge a prise sur la base imposable, qui a autorité de chose jugée, et qui peut seulement faire l’objet d’un appel ou d’un pourvoi en cassation.
A.2.3. Enfin, dans l’hypothèse où la Cour considérerait qu’elle est compétente et que la disposition en cause n’est pas compatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination, le Conseil des ministres estime qu’il existe des motifs particuliers de maintenir les effets de la disposition jugée inconstitutionnelle, dans l’attente d’une intervention du législateur. Dans le cas contraire, la disposition en cause recevrait soudainement et rétroactivement une autre interprétation, de sorte que les droits du Trésor seraient mis en péril, ce que cette disposition vise justement à éviter.
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A.3.1. Le Gouvernement flamand demande à la Cour de répondre à la question préjudicielle par la négative.
Il affirme à titre principal qu’il est impossible que la non-applicabilité de l’article 356 du CIR 1992 soit discriminatoire. Cette règle de procédure évite que des contribuables échappent à leurs obligations fiscales à la suite d’une erreur de procédure, et tend justement à réaliser l’égalité des citoyens devant la loi fiscale.
Lorsque l’administration a commis une erreur dans l’application de la loi, une répartition équitable des charges fiscales ne peut s’en trouver affectée. Le fait que cela ferait naître des différences de traitement entre contribuables, selon qu’ils sont soumis ou non à cette règle de procédure, n’est pas discriminatoire en soi. Le Gouvernement flamand se réfère dans ce cadre aux considérants de l’arrêt n° 18/2019 du 7 février 2019
(ECLI:BE:GHCC:2019:ARR.018), dans lequel la Cour confirme que les droits du contribuable soumis à l’article 356 du CIR 1992 ne sont pas restreints de manière disproportionnée.
La Cour a par ailleurs confirmé, dans son arrêt n° 53/2005 du 8 mars 2005
(ECLI:BE:GHCC:2005:ARR.053), qu’il ne peut être déduit de la différence de traitement entre deux catégories de contribuables que l’article 356 du CIR 1992 serait discriminatoire. C’est au législateur qu’il appartient de décider si le champ d’application de la cotisation subsidiaire doit être étendu.
A.3.2. À titre subsidiaire, le Gouvernement flamand soutient que le principe d’égalité et de non-discrimination n’est pas violé. Les catégories ne sont d’abord pas suffisamment comparables, puisqu’elles se trouvent dans des situations essentiellement différentes. L’interprétation de la juridiction a quo repose sur la thèse selon laquelle un accroissement d’impôt est une sanction qui ne fait pas partie de la base imposable et qui, en soi, ne constitue donc pas un élément d’imposition pouvant donner lieu à l’établissement d’une cotisation subsidiaire.
Contrairement à ce qu’affirme la SA « Cositex », la situation dans laquelle seul l’accroissement d’impôt est annulé n’est pas comparable à celle dans laquelle l’annulation de l’imposition entraîne également l’annulation de l’accroissement d’impôt. Lorsqu’elle établit l’imposition, l’administration doit imposer l’accroissement d’impôt légalement dû. Les contribuables décident eux-mêmes de réclamer l’annulation totale de l’imposition, ce qui peut aboutir à l’application de l’article 356 du CIR 1992, ou de ne réclamer que l’annulation de l’accroissement d’impôt.
A.3.3. À tout le moins, il ressort de la jurisprudence citée de la Cour que la distinction établie est justifiée.
En outre, l’exigence selon laquelle la cotisation subsidiaire porte sur les mêmes éléments d’imposition a justement été introduite pour éviter que les droits du contribuable soient restreints de manière disproportionnée.
A.3.4. Selon le Gouvernement flamand, la mesure est également proportionnée, dès lors que le juge peut statuer en pleine juridiction sur la cotisation subsidiaire qui lui est soumise, et notamment sur l’accroissement d’impôt. Au demeurant, l’accroissement d’impôt infligé pour cause de fraude fiscale constitue une sanction administrative de nature pénale au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le juge fiscal peut dès lors réduire la sanction infligée si celle-ci est disproportionnée à l’infraction. Le contribuable peut donc se défendre dans une procédure judiciaire contradictoire, ce qui constitue une garantie suffisante des droits de la défense.
A.3.5. À titre infiniment subsidiaire, le Gouvernement flamand affirme que l’article 356 du CIR 1992 peut être interprété de manière conforme à la Constitution en ce sens que la simple annulation de l’accroissement d’impôt peut effectivement déboucher sur l’établissement d’une cotisation subsidiaire visant à rétablir l’accroissement d’impôt, ou, à tout le moins, que cette disposition comporte dans cette mesure une lacune autoréparatrice.
-B-
B.1. La juridiction a quo demande à la Cour si l’article 356 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992) est compatible avec le principe d’égalité et de
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non-discrimination garanti par les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu’en cas d’annulation totale ou partielle de la cotisation primitive, comme dans le litige au fond, l’administration peut soumettre au juge une cotisation subsidiaire, en ce compris un accroissement d’impôt, alors que cela n’est pas possible lorsque seul l’accroissement d’impôt a été annulé.
B.2. L’article 356, alinéa 1er, du CIR 1992 dispose :
« Lorsqu’une décision du conseiller général de l’administration en charge de l’établissement des impôts sur les revenus ou du fonctionnaire délégué par lui fait l’objet d’un recours en justice, et que le juge prononce la nullité totale ou partielle de l’imposition pour une cause autre que la prescription, la cause reste inscrite au rôle pendant six mois à dater de la décision judiciaire. Pendant ce délai de six mois qui suspend les délais d’opposition, d’appel ou de cassation, l’administration peut soumettre à l’appréciation du juge par voie de conclusions, une cotisation subsidiaire à charge du même redevable et en raison de tout ou partie des mêmes éléments d’imposition que la cotisation primitive ».
B.3. Le Conseil des ministres soutient que la question préjudicielle n’appelle pas de réponse, dès lors qu’elle vise exclusivement à demander à la Cour quelle interprétation il faut donner aux mots « tout ou partie des mêmes éléments d’imposition » contenus dans l’article 356, alinéa 1er, du CIR 1992.
Par ailleurs, la question préjudicielle se baserait sur une interprétation manifestement erronée de la disposition en cause et, pour ce motif également, n’appellerait pas de réponse.
B.4. C’est en règle à la juridiction a quo qu’il appartient d’apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige. Ce n’est que lorsque tel n’est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n’appelle pas de réponse.
Il n’est pas requis que la juridiction a quo opère déjà, lors de l’examen de l’utilité de la réponse à la question préjudicielle pour la solution du litige, un choix décisif en faveur d’une interprétation déterminée de la disposition en cause. Ainsi, la circonstance que la juridiction a quo ne s’est pas approprié l’interprétation prêtée à la disposition en cause dans la question préjudicielle n’implique pas que cette question n’appelle pas de réponse.
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B.5.1. Il appartient en règle à la juridiction a quo d’interpréter les dispositions qu’elle applique, sous réserve d’une lecture manifestement erronée de la disposition en cause.
B.5.2. L’article 356 du CIR 1992 exige que la cotisation subsidiaire soit soumise à l’appréciation du juge en raison de tout ou partie des mêmes éléments d'imposition que la cotisation primitive. Par « mêmes éléments d’imposition », il faut entendre tous les éléments matériels positifs et négatifs qui concourent à la détermination de la base imposable (voy. Cass., 20 janvier 2022, ECLI:BE:CASS:2022:ARR.20220120.1N.3).
Selon la partie appelante dans le litige soumis à la juridiction a quo, l’accroissement d’impôt n’est pas un élément d’imposition, de sorte que l’administration ne pourrait pas soumettre une cotisation subsidiaire à l’appréciation du juge en application de l’article 356 du CIR 1992 lorsque seul l’accroissement d’impôt a été annulé.
C’est dans cette interprétation que la juridiction a quo a posé la question préjudicielle.
B.5.3. Cette interprétation n’est pas manifestement erronée. La Cour examine dès lors l’article 356 du CIR 1992 dans l’interprétation que la juridiction a quo lui a soumise.
B.6.1. Lorsque la cotisation primitive a été annulée uniquement en ce qui concerne l’accroissement d’impôt, aucun accroissement d’impôt ne peut plus, dans l’interprétation soumise à la Cour, être déclaré valable et recouvrable à charge du contribuable par la soumission d’une cotisation subsidiaire visée à l’article 356 du CIR 1992. La différence de traitement en cause entre contribuables résulte dès lors de l’applicabilité ou non à leur situation de la procédure de la cotisation subsidiaire.
B.6.2. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l’application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n’est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de
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traitement qui découle de l’application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.
B.6.3. La Cour doit donc examiner si la possibilité pour l’administration, à la suite de l’annulation totale ou partielle de la cotisation primitive, de soumettre à l’appréciation du juge une cotisation subsidiaire incluant un accroissement d’impôt ne constitue pas une limitation disproportionnée des droits des contribuables concernés.
B.7.1. Comme la Cour l’a jugé par son arrêt n° 18/2019 du 7 février 2019
(ECLI:BE:GHCC:2019:ARR.018), le législateur poursuit un double objectif avec la procédure de la cotisation subsidiaire, en ne permettant plus à l’administration fiscale d’enrôler une nouvelle cotisation lorsque la cotisation primitive a été annulée par une décision judiciaire, mais en lui imposant, dans ce cas, de soumettre une cotisation subsidiaire directement au juge qui a prononcé l’annulation.
Le législateur vise, d’une part, à sauvegarder les intérêts du Trésor et à garantir l’égalité des citoyens devant la loi fiscale, en évitant qu’un contribuable puisse échapper, uniquement en raison d’un vice de procédure survenu lors de la procédure de taxation, à l’impôt légalement dû. En effet, lorsque l’impôt est dû conformément à la loi, l’établissement d’une cotisation constitue, dans le chef de l’administration, une obligation qui permet de garantir l’égalité des citoyens devant la loi fiscale.
Depuis la réforme de la procédure fiscale en 1999, le législateur vise, d’autre part, à accélérer au maximum la procédure fiscale, afin que la cotisation devienne définitive le plus rapidement possible, soit pour, soit contre l’administration.
De tels objectifs sont légitimes.
B.7.2. Comme la Cour l’a jugé par ses arrêts nos 53/2005
(ECLI:BE:GHCC:2005:ARR.053), 82/2011 (ECLI:BE:GHCC:2011:ARR.082) et 18/2019, la procédure de la cotisation subsidiaire prévue par l’article 356 du CIR 1992 ne limite pas de
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manière disproportionnée les droits de contribuables, qui peuvent directement faire valoir leurs griefs contre la cotisation subsidiaire devant la juridiction qui a déjà connaissance de leur situation.
Lorsque le litige est porté devant le juge fiscal, la cotisation primitive a antérieurement fait l’objet d’une réclamation administrative, de sorte que le contribuable a déjà eu l’occasion de faire valoir ses arguments devant le directeur des contributions d’abord, et devant la juridiction saisie ensuite. Cette juridiction a eu connaissance du dossier et des arguments des parties et a annulé la cotisation primitive. Dans un souci d’accélération et de rationalisation de la procédure, il est justifié de prévoir que la même juridiction se prononce aussi rapidement sur la cotisation subsidiaire, sans qu’il soit nécessaire de passer à nouveau par une étape administrative. À cet égard, il revient à l’administration, à l’occasion du débat contradictoire qui a lieu devant le juge à la suite du dépôt des conclusions relatives à la cotisation subsidiaire, de fournir les justifications nécessaires à la validation par le juge de la cotisation subsidiaire, en ce compris l’éventuel accroissement d’impôt. Le contribuable concerné peut ainsi faire valoir ses arguments dans une procédure judiciaire contradictoire.
Par ailleurs, l’établissement d’une cotisation subsidiaire est exclu dans les cas où la violation de la règle légale porte sur le délai de prescription, et la cotisation doit être établie au nom du même contribuable et en raison de tout ou partie des mêmes éléments d’imposition.
Cette dernière restriction garantit que l’administration ne peut pas mettre en avant d’autres éléments d’imposition lorsqu’elle établit une cotisation subsidiaire, ce qui constitue une garantie importante pour le contribuable.
B.7.3. En outre, l’accroissement d’impôt qui peut être infligé en vertu de l’article 444 du CIR 1992 en cas d’absence de déclaration ou de déclaration incomplète ou inexacte a un caractère répressif prédominant et constitue dès lors une sanction de nature pénale au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (voy. les arrêts nos 61/2014, ECLI:BE:GHCC:2014:ARR.061, 7/2019, ECLI:BE:GHCC:2019:ARR.007, et 149/2022, ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.149, pour la même qualification au sens de l’article 4 du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l’homme). À l’égard de l’accroissement d’impôt, le juge peut exercer un contrôle de pleine juridiction au sens de
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l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le juge peut ainsi vérifier si l’accroissement d’impôt est justifié en fait et en droit et s’il respecte l’ensemble des dispositions légales et des principes généraux qui s’imposent à l’administration, parmi lesquels le principe de proportionnalité.
B.8. Dans l’interprétation soumise à la Cour, l’article 356 du CIR 1992 est compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
L’article 356 du Code des impôts sur les revenus 1992 ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 30 janvier 2025.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Luc Lavrysen